Hannah est une boule de nerfs. Il n'y a pas d'autres mots pour expliquer tout ce qu'elle ressent alors qu'elle attend au point de rendez-vous, assise sur une petite table en terrasse d'un café londonien. Chez les moldus. Elle porte un jean et un petit chemisier tout simple, tout ce qu'il faut pour se fondre dans le décors, ses cheveux blonds sont attachés en un chignon serrés et ses lèvres sont rouges de les avoir trop maltraitées avec ses dents. Ils ne devraient plus tarder et son coeur s'est lancé dans un ballet cacophonique et discordant. Si on lui avait dit il y a trois ans de cela qu'il existerait un jour où ils se retrouveraient tous (enfin, sans compter Zach ou Megan, mais elle ne souhaite pas y songer, il est toujours ardu de penser aux absents), Hannah n'y aurait pas cru, ayant fait une croix depuis longtemps sur son groupe d'amis éparpillé. Pourtant, depuis ses conversations avec Ernest puis Susan, Hannah a tout organisé pour que cette rencontre se passe au mieux ; trouver un endroit éloigné du monde sorcier, discret dans une petite rue passante, à l'écart de ceux qui pourraient leur causer du tort. Ils viennent seuls et ne repartiront pas ensemble, mais aujourd'hui, une réunion a lieu. Ce serait presque anodin et touchant, mais rien n'est jamais aussi simple dans leurs vies respectives. Ce n'est pas juste une rencontre d'anciens élèves qui cherchent à rattraper le temps perdu autour d'un café, ou d'amis qui profitent d'une pause hebdomadaire bien méritée pour se raconter les derniers ragots de leurs vies routinières. Tout d'abord, parce que leur quotidien est tout sauf banal, mais surtout qu'ils n'ont d'amis que le nom et les souvenirs vivaces et flous d' un passé englouti par la guerre et la peur.

She's scared, and happy, and scared again.
Steps after steps, she's trying to make lemonade with the lemons life gave her. 

Hannah voudrait tant être sûre d'elle et confiante, pouvoir se lever à leur approche sans trembler, les serrer dans ses bras sans hésiter. Et si avec Ernie, les regrets sont moindres et le pardon a été depuis longtemps prononcé, son lien avec Susan reste aussi tendu qu'un fil prêt à rompre au premier coup de vent. Elle n'a aucune idée de comment se déroulera cette rencontre, est principalement présente pour se faire pont entre eux d'eux. Pour se faire, la médicomage a prévenu Susan que leur ami avait beaucoup souffert ces derniers temps, en laissant les détails à la discrétion du psychomage, et a raconté à Ernest que Susan n'était pas la même qu'auparavant dans un flot de phrases et de pauses où se mêlaient ses regrets et tout un tas d'émotions confuses : il n'a sans doute pas tout compris.

Hannah a l'impression de ne faire qu'une chose ces derniers temps : attendre. Attendre un pardon qui ne viendra peut-être jamais, attendre de trouver la force de quitter Zach, attendre que Bash s'ouvre enfin à elle. Attendre que quelque chose bouge, que le monde change, qu'ils puissent être heureux, comme ils le méritent. Elle n'a jamais été aussi active au sein de l'Ordre que depuis ces derniers mois et a pourtant l'impression de n'être qu'attente. Elle est donc une boule de nerfs, une pile électrique dirait sa mère, et doit prendre sur elle pour rester droite, le visage détendu, et la magie qui coule dans son corps bien éteinte et camouflée. Aujourd'hui, tout doit se passer comme elle l'a prévu. "Hey. You're here." Dit elle simplement en se levant. Un sourire sur les lèvres. Elle souffle un peu de ne plus être seule avec ses pensées. L'attente s'estompe pour un temps.

Ernest était une boule de nerfs. Le jeune homme, déjà tendu en temps normal avait l’impression qu’il allait exploser d’un instant à l’autre. Il allait reprendre contact avec l’Ordre, et pas uniquement l’Ordre que représentait Hannah, dans son appartement avec un peu de thé. Non, un contact avec Susan, avec une rebelle, quelqu’un de recherché par la société… Merlin, il était fou.
Que pensait Susan de lui ? Qu’imaginait-elle sur son départ ? Croyait-elle qu’il les avait quitté pour pouvoir se marier et vivre une vie de luxe ? Avait-elle conscience qu’il avait été forcé ? Par contre sa vie, mais forcé tout de même ? Lui en voulait-elle ? Que disait Justin ? Qu’avait dit Megan ? Le détestait-on ? Allait-on le tester, l’insulter, lui prendre quelque chose pour ces années loin d’eux ?
Seul, Ernest ne serait jamais revenu vers l’Ordre. Pas qu’il les pense indigne de lui mais bien l’inverse : après avoir déserté, méritait-il seulement le soutien de l’organisation ? Non, clairement, la réponse était non. Il était trop risqué aujourd’hui, pour lui, de refaire serment : son père pourrait trop facilement remonter jusqu’au cœur de l’organisation à travers de lui. Hors de question. Et puis, qu’apporterait-il ? Lui avec ses petites runes et son petit projet ridicule de rendre son cerveau à son maître ?
Cela avait été Hannah et Hannah seulement qui avait réussi à le convaincre. D’abord ça avait juste été de lui dire que l’Ordre pourrait l’aider : non, non clairement il n’était pas méritant, il ne pouvait pas prendre les ressources de l’Ordre, il était… oui, il était capable, parfaitement capable de se débrouiller seul. Puis la proposition s’était retournée et Hannah lui avait exposé que, peut-être, d’autres pourraient avoir besoin de lui. De ses recherches. L’idée, d’abord absurde, commença doucement à faire son chemin dans sa petite tête trop prompte à vouloir être apprécié et utile. Il pensa à Sylas, qui avait visiblement fuit le gouvernement, qu’il avait peut-être aidé, qu’il pourrait même aider davantage s’il…
Il avait accepté.

Une énième fois, il vérifia le dossier qu’il serrait contre son cœur. Il l’avait mis dans la petite valise de travail moldue qu’il avait récupéré avec le reste de son équipement, et avait mis à l’intérieur le paquet de parchemins soigneusement lié et codé. En runes, bien entendu. Certainement, ils avaient quelqu’un là-bas qui pourraient retraduire cela avec la clef qu’il transmettrait à l’oral à Susan, en espérant que cela suffirait à protéger son cul si les choses tournaient mal.
Ernest n’était pas l’homme le plus à l’aise avec le monde moldu. C’était bien peu de choses de le dire. Le concept de bouton, de mécanique, d’électricité, tout cela était perdu pour lui. Déjà perturbé par la mode sorcière il n’avait clairement pas conscience de ce qui passait de l’autre côté. Grâce à des recherches (déjà bien risquées) il avait fini par trouver les costumes que mettaient les hommes d’affaire de ce monde, quelque chose de noir et blanc, très serré, qui accentuait sa stature trop longue et fine. Il ressemblait à un épouvantail mais il avait l’habitude. Par-dessus de grosses lunettes, un coup de baguette pour se rendre blond et, cruelle vanité, réduire l’envergure de ses oreilles pour quelques heures. La canne, aussi, eut le droit à un petit sortilège pour rendre transparentes les nombreuses runes gravées dessus pour qu’il conserve son équilibre.
Équilibre qu’il manqua de perdre en transplanant dans un coin de Londres assez éloigné du café de rendez-vous. La voix de son médicomage retentit dans  sa tête, le grondant de se faire ainsi du mal, comme s’il avait le choix. Après quelques vertiges et haut-le-cœur il finit par reprendre ses esprits (il sortait déjà de deux voyages en cheminée pour brouiller encore plus les pistes) (prudence inutile diraient certains mais sans cela il ne dormirait plus jamais de sa vie). Puis ce fut la marche. Longue et douloureuse pour ses jambes tremblantes mais nécessaire pour définitivement s’éloigner de la trace magique de son voyage et vérifier qu’il n’était vraiment pas suivi.

Arrivé sur place, il crut qu’il ne reconnaîtrait jamais Hannah, que c’était mort, qu’il était en retard, foutu, ruiné, on allait lui tomber dessus, l’enfermer, le torturer, lui vider le cerveau et il rejoindrait Monsieur Harris pour nettoyer des vitres qui ne menaient sur rien.
C’est Hannah qui le voit en premier quand, quasiment aveugle d’angoisse, il passe à côté d’elle sans la remarquer.
— Oh ! s’écria-t-il, surpris, un peu trop fort avant de vite baisser la voix en s’asseyant avec elle. Je ne t’avais pas vue… Un peu tendu… Et stressé… Et… Il s’arrêta avant de s’enfoncer davantage dans les marasmes de ses angoisses.
Douloureusement, il se retint de regarder tout autour d’eux afin de guetter Susan et de la voir arriver de loin. Son cœur bat à cent à l’heure. Il va crever, là, tout de suite, avant d’avoir pu faire quoi que ce soit pour aider qui que ce soit, il va mourir, c’est certain, il ne va jamais, jamais quitter ce café en vie il va…
— Tout va bien se passer, j’en suis persuadé, déclara-t-il de sa voix sa plus sûre, avant de poser sa valise sur ses genoux, accroché à elle plus fermement qu’à sa baguette, et de remonter bien haut les larges lunettes qui coupaient son visage et, il espérait, le rendait moins reconnaissable.

Susan était une boule de nerfs. Un rendez-vous avec Ernie, quelle idée ! Hannah avait insisté, et malgré les années, malgré la rancœur, elle n'avait pas su lui dire non. Evidemment, cette rencontre doit rester secrète, pour le moment. Le sorcier n'est pas dans la meilleure des positions au sein de l'Ordre, loin de là. Il a déserté, et même si cela fait des années, on n'oublie jamais ceux qui s'en vont. Certains finissent par revenir, comme Seamus ou Parvati, mais ils sont rares. Ernest, lui, n'est pas revenu. Et Susan est restée définitivement seule avec Justin, unique survivant de leur petit gang à Poudlard. Presque dix ans plus tard, tout a bien changé.
Susan a prévenu Alexis, qu'elle allait rencontrer quelqu'un, sans lui dire plus. La serdaigle se doutait bien, qu'il s'agissait de Hannah. Elle ignorait juste, qu'il y aurait une troisième personne à se joindre à la petite réunion. Elle déteste lui mentir, mais là, elle n'avait pas trop eu le choix, que de lui omettre un petit détail. Pour cette rencontre, elle avait usé d'un sort pour se teindre les cheveux en roux, comme à l'époque. C'est presque de mauvais goût, mais elle ne veut prendre aucun risque, et porter un énorme sweat au mois de mai paraîtrait un peu étrange aux yeux de moldus. Elle doit donc paraître la plus humaine possible. Elle s'est habillée de façon plutôt classique, un jean, un tee-shirt rentré dedans, une paire de baskets, et une queue de cheval (rousse désormais). On ne voit quasiment pas ses blessures de guerre, comme elle les appelle. Elle s'est habituée aux ecchymoses sur son corps. Après s'être préparée, elle reste assise sur son lit pendant une bonne dizaine de minutes. Le regard dans le vide, mais l'esprit un peu trop encombré. Elle pense, au fond d'elle, que cela n'est pas un guet-apens. Elle le veut vraiment, elle y croit. Hannah ne lui ferait pas ça, Ernie non plus. Mais, elle ne peut pas s'empêcher de penser, et si ? Et si, son instinct la trahissait cette fois. Et si, le temps passé à Londres les avait influencés du mauvais côté. Et si, tout ça n'était pas une ruse pour faire tomber l'Ordre. Susan prend une grande inspiration. Tout va bien se passer.

Elle transplane dans les alentours du café, suffisamment à l'abris pour qu'aucun moldu ne la voit. Susan prend l'air le plus détaché possible, elle ne veut pas qu'on la trouve bizarre. Elle essaye aussi de mettre à l'abris ses pensées, autant qu'elle le peut, on ne sait jamais. Un faux sourire sur les lèvres, elle marche jusqu'au lieu convenu. Elle s'arrête brusquement, lorsqu'elle les repère au loin, assis à une table en terrasse. Des souvenirs de leurs aventures ensemble remontent à la surface. Elle inspire puis expire, avant de se diriger vers la table. Susan est en retard, ça n'est pas dans ses habitudes, mais la nature de ce rendez-vous est particulière. Et elle a hésité à venir. ─ Hi. Elle fait un bref geste de la main, avant de tirer une chaise pour s'y asseoir. Elle fixe un peu Ernie, qui ne ressemble pas vraiment à ce qu'il était. Elle se demande bien, s'il a fait ça juste pour aujourd'hui ou si cela fait longtemps. Peu importe.  Susan ne sait pas quoi dire, alors elle se contente d'interpeller la serveuse. La jeune femme arrive à leur hauteur. ─ One lemonade for me, please. Elle gratte sur un morceau de papier, se tournant vers les deux autres, pour prendre leur commande. Elle s'en va ensuite, pour aller chercher les boissons. Et ils se retrouvent seuls. ─ So, here we are.

La boule glisse le long de sa gorge pour s'installer dans le bas de son ventre indéfiniment. Même lorsque Ernie la rejoint enfin, son inquiétude ne disparaît pas. Alors qu'Hannah était plutôt confiante - toute propension gardée -  avant l'arrivée d'Ernest, là voilà maintenant qui est prise d'un doute profond, et si Susan ne venait finalement pas, et si elle venait accompagnée et que tout cela n'était qu'un piège pour capturer Ernest. Si elle a une certaine confiance en son ancienne amie, elle ne connaît pas les autres membres de l'Ordre et ne sait pas bien ce qu'ils font, ce qu'ils pensent, ce qu'ils sont. Elle hoche de la tête à ses paroles rassurantes, sans réellement les entendre et pose une main discrète sur son épaule. Hannah sourit, mais ses jambes sont agitées d'un léger tremblement nerveux, ses doigts font des allers-retours sur ses cuisses, et ses dents mordillent l'intérieur de ses joues. Pourquoi a-t-elle proposé cette rencontre déjà ? Hannah n'est plus certaine. A ses côtés, son ami semble aussi stressé qu'elle de ces retrouvailles au goût de sel. Ils se tiennent droit comme des I tous les deux, presque immobiles, ils ne sont pas très discrets, mais ce n'est pas comme si les autres habitués et clients faisaient attention à eux, ils ne sont que des ombres qui passent et disparaîtront sans laisser de trace de leur passage. Le temps s'étire un peu plus, lui laisse tout le loisir de s'enfoncer dans ses réminiscences. Tartiner du miel sur le sel, c'est plus facile de repenser à ce qui était qu'à ce qui est.

Des brides de souvenirs fugaces d'une époque révolue où tout était plus beau, où tout était plus simple. Des enfants qui révisaient côte à côte pour le prochain examen, des rires partagés dans la salle commune réconfortante, des chuchotements dans les chambres. Susie, Ernie, Justin, Zach, Meg, Hannah. Des prénoms porteurs d'une relation éclatée. Elle sourit intérieurement avec amertume, ces amitiés gâchées par des choix qu'ils étaient encore trop jeunes pour faire, des choix qui les ont séparés en deux camps. Ceux qui se sont battus, ceux qui sont restés. Ceux qui sont partis.

L'apparition de Susan interrompt ses pensées stériles mais bienvenues, Hannah relève la tête, un sourire quelque peu crispé sur les traits, "Hi." La serveuse arrive, Susan commande une lemonade, Hannah un expresso, et quand leur commande revient, la médicomage attrape rapidement la tasse pour laisser la chaleur s'insinuer dans ses mains et dans l'ensemble de son corps. Un peu de courage serré pour ses nerfs à fleur de peau. "Merci d'être venue." Stupid, elle pourrait se pincer, merci d'être venue, ce n'est pas un entretien d'embauche, qui dit ce genre de choses ? Mais Hannah est à court de mots, même la dernière conversation avec Susan n'a pas suffi à taire l'inconfort qu'elle ressent dès qu'elle est en présence de son ancienne meilleure amie. Si certains mots ont été mis sur la table, il subsiste tout une floppée de non-dits et une gêne dont elle ne peut définir entièrement la provenance. Ce n'est pas seulement lié à cette trahison d'il y à dix ans, de cela elle en est persuadée maintenant. "I don't really know where to start..." Son visage se tourne vers Ernie, lui demande de lui venir en aide, même si à la vue de sa posture tendue, il ne doit pas en mener plus large qu'elle. Hufflepuff reunion 0, Regrets 10...

Ernest eut à peine le temps de se détendre et de se poser (autant que faire se peut lorsqu’on est une boule de nerfs accrochée à sa mallette comme à sa vie) avant l’arrivée de Susan. Il la reconnaît vite, et facilement, même si les vêtements moldus lui allaient étrangement. Enfin, plus, elle semblait à l’aise dans ces vêtements, ce qui lui paraissait absurde quand lui-même avait l’impression d’avoir sa prison personnelle dans ce costume sérieux d’adulte moldu. Et voilà, elle était là. Il était assis avec une résistante. Quelqu’un de recherché par le gouvernement. Un bref instant il se dit que s’il la dénonçait, son père serait fier de lui, sa femme serait peut-être appréciative, il aurait moins peur de se faire coffrer… Une pensée brusque qu’il supprime aussitôt alors qu’elle commande si facilement une limonade. Lui-même demande un thé, noir, sans sucre, peu importe, il n’est pas sûr d’être capable de le boire ou de le payer. Il espère que Hannah et Susan savent faire ce genre de choses.
Un instant, il est de retour à Hogwarts, empêtré dans un quelconque questionnement existentiel sur comment aborder un certain sujet avec une certaine personne et ces deux amies soupirent profondément, lui disent de se détendre, lui expliquent quoi faire, et il se retrouve bien con mais heureux d’avoir des amies aussi patientes avec lui.
Pas sûr que Susan lui expliquera gentiment le système monétaire moldu aujourd’hui.

Ernest n’eut pas conscience que, à l’arrivée de leur boisson, lui et Hannah eurent le même mouvement vers leur tasse. Il n’avait pas remarqué qu’elle ne contenait que de l’eau chaude et que, visiblement, les moldus mettaient leur thé dans des sachets. Il ne le remarqua pas, ne se posa pas la question, il se réchauffait juste les mains en espérant se détendre alors qu’il attendait que l’une des deux ne lance la conversation.
C’était toujours Susan et Hannah qui géraient la discussion. Fut un temps il pouvait même être bien difficile d’en placer une entre elles deux, et Ernest s’était attendu à l’une de ces situations gênantes où il était étrangement la cinquième roue du carrosse. Mais le sort était ironique et, à la place, il se retrouva être dans la situation gênante d’être celui qui, visiblement, devait parler. C’est ce qu’il comprit, en tout cas, au regard que lui lança Hannah en avouant ne pas savoir pas quoi commencer.
On était bien.
Heureusement, Ernie avait une dizaine de phrases toutes prêtes qu’il s’était entrainé à dire dans son bureau. Alors sans préambule, sans introduction, il n’avait même pas souvenir d’avoir dit bonjour à Susan, il se lança :
— Et bien, de mon point de vue la situation est relativement simple. J’ai depuis quelques mois commencé des recherches pour tenter de ramener les capacités mentales et les souvenirs de personnes… capturées et, avec Hannah, non avons songé que ces recherches pourraient être bénéfiques à ton… organisation et que je pourrais donc vous les transmettre pour faire progresser vos propres… tentatives.
Les hésitations n’étaient pas véritablement des doutes, puisque la phrase avait été apprise par cœur, mais des pauses presque calculées pour qu’il puisse faire comprendre ce qu’il voulait entendre par ces litotes pourtant bien sévères. Et puis, aussi, parce que plus ses phrases s’étalaient, mieux il regardait Susan, et plus il se disait qu’il avait sauté au milieu du chaudron un peu trop vite.
Et peut-être qu’il aurait dû présenter ses excuses, avant toute chose.
Son seul espoir était que Susan hoche la tête, confirme, prenne la mallette, puis se lève pour partir. Elle ne lui demanderait pas d’excuses, ne lui proposerait pas de pardon, ne lui transmettrait pas de nouvelles de Justin. Elle n’avait rien à faire avec lui, rien à lui transmettre et lui, lui serait bien culotté pour faire le premier pas pour demander cela, en tout cas ?
Oh Merlin, qu’il était maladroit avec ces choses-là.

Cette rencontre prend exactement la tournure, qu'elle avait imaginée. Pas plus à l'aise que ses comparses, elle a du mal à trouver une position (sur sa chaise), qui lui convienne. Elle croise ses jambes, puis les décroise, joint ses mains, les pose sur ses genoux, les repose sur les accoudoirs. On pouvait clairement ressentir sa gêne et son malaise. Heureusement, les boissons arrivent rapidement, et elle peut siroter sa limonade, sans avoir à dire quoique ce soit. La paille entre ses lèvres, Susan attend qu'ils enchaînent avec quelque chose. Après tout, ce sont eux, qui ont demandé ce rendez-vous. Elle a beaucoup à perdre, en venant ici, aussi exposée. Elle est toujours une rebelle recherchée activement par le gouvernement, et ça n'est pas sa pseudo couleur rousse, qui va la protéger de quoi que ce soit. Son regard se pose sur Hannah, puis sur Ernie. Jamais, il y a dix ou douze ans, elle n'aurait imaginé une telle réunion. Elle n'aurait, de toute évidence, jamais pu imaginer, que sa vie prendrait cette tournure et qu'elle serait séparée de ses amis de toujours.  Susan aimerait, plus que tout, les prendre dans ses bras, comme avant, mais elle n'y arriverait pas. Les années passées auprès de l'Ordre l'ont endurcie, mais l'ont aussi rendue méfiante et rancunière. Elle n'a pas le temps pour essayer de recoller les morceaux, alors qu'ils ont tant à faire. Yet she is there. Elle ne peut nier, que Ernie lui a aussi manquée. Elle est contente de le voir en à peu près bonne santé, même si elle sait évidemment, que les traumatismes ne se voient pas de l'extérieur.
C'est Hannah, qui prend la parole en premier. Elle ne dit pas grand chose. Pourtant, c'est elle, qui a initié cette rencontre. Elle devrait donc avoir beaucoup à dire, mais elle reste presque sans voix. Personne ne sait jamais par où commencer, mais il faut bien trouver. Ils ne vont pas rester là, à siroter leurs boissons respectives sans dire un mot, avant de s'en aller chacun de leur côté. Si Susan avait envie d'un thé, elle serait allée voir Alexis. Ils ne sont pas là pour papoter autour d'une tasse ou d'un verre.

Fort heureusement, et à son plus grand étonnement, Ernie prend le relais, et un flot de paroles sort de sa bouche. Susan essaye de suivre. Elle pense avoir compris, mais la psychologie, ça n'a jamais vraiment été son domaine de prédilection. Elle note, à quel point, il est précautionneux des termes, qu'il utilise. ─ I see. Susan se redresse contre le dossier de sa chaise, et s'accoude à la petite table. ─ As I said to Hannah, your research is certainly very useful, but I still don't know how we could put it to good use. Elle avait des doutes sur la fiabilité de cette idée. Si un sorcier brainwashé retrouve sa pleine conscience, qu'est ce qui va leur garantir, qu'il sera bel et bien, qui il était avant. Rien ne certifie, qu'il sera de nouveau de leur côté, et si, on ne peut pas être certains de vraiment récupérer un membre, alors cela ne sert à rien. ─ I cannot yet confirm anything for my organisation. However, I do know someone in London who could use your services. His name is Sylas. Elle repense à Alexis, et à cette soirée d'Halloween. Sylas a forcément été brainwashé lui aussi. S'il y a un maigre espoir, autant le saisir. ─ That's all I know, but I'll give you more details later.
Elle boit un peu de limonade, pour sa gorge, qui devenait un peu sèche. L'anxiété n'aide en rien. ─ What I would like to know at the moment is how you intend to proceed. Do you need anything in particular to move forward? Elle se tourne vers Hannah. ─ This also applies to you. If you need something, which we have, I can manage to get it for you. Si elle peut se rendre un peu utile, autant qu'elle le fasse. Elle ne fait peut-être pas partie du Conseil, mais elle a tout de même cinq cercles sur son bras.

Way to go Hannah..... C'est elle qui est à l'origine de cette rencontre après tout. Ernie n'aurait pas pensé à l'Ordre si elle ne lui avait pas ouvert cette porte et Susan ne serait pas venue sans sa présence. Cela aurait donc dû être à elle de lancer le sujet, d'ouvrir la voie, de montrer le chemin. Rassurer Ernie tout en mettant en confiance Susan. Mais non, il a fallu qu'elle se fige, qu'elle perde ses mots, qu'elle perde tout simplement contenance et se retrouve bien trop silencieuse. Laissant à son pauvre ami la lourde tache de lancer la danse et de guider la conversation. Reprenant un peu de contenance après cette petite giffle mentale qu'elle s'inflige en silence, Hannah écoute avec attention ce qui est dit et ce qui ne l'est pas. Ernest est clair et précis, efficace ; Susan expose ses doutes et ses questionnements, all business-like (mais c'est pour cela qu'ils se rencontrent aujourd"hui et Hannah doit arrêter d'espérer autre chose). Ils sont tout trois très fidèles à eux-même, Susan restant celle qui a le plus changé depuis toutes ces années. Evidemment.

La médicomage écoute ses deux anciens camarades de classe - à défaut d'un mot plus approprié pour décrire ce trio plus qu'improbable - puis décide d'intervenir un peu. De toute façon, elle n'a plus réellement le choix de se cacher derrière son manque de confiance et les mille regrets qui envahissent sa psyché puisque Susan s'adresse directement à elle. "We don't need much much at the moment, except for names and maybe ehm.... To summarize what we have in mind is a combination of potions and Ernie's techniques. With my potions - if I find the right ones - I can help a person to remember certain memories, or maybe make their brains more compliant ... And then Ernie does his session." Simple, presque trop. allait-elle penser qu'ils étaient deux amateurs se lançant dans une aventure bien trop grande pour eux ? Susan n'aurait pas tout à fait tort. "So what we need most, and correct me if I'm wrong Ernie, are names. More than one if that's possible? I know it's risky for you, but we don't have a choice if we want to find a treatment that's working, just one persone woudln't be enough. And ..." Elle reprend une petite gorgée de son café brûlant. "Also, maybe I don't know if you're working on potions and can find us some recipes? I'm looking everywhere but I don't find a lot of thing in the books they give us anymore. You know ..." Comme si quelqu'un quelque part voulait rayer certaines potions de la mémoire publique. Ou alors Hannah deviendrait-elle un peu paranoïaque. Après quoi, Hannah se tait à nouveau, ne sachant trop quoi ajouter, elle a déjà peur d'en avoir trop révélé ou trop demandé. Que Ernie se referme en prenant peur, que Susan refuse d'apporter plus que ce qu'elle a déjà proposé. Et que cette rencontre se termine ainsi, avec une boule de plus dans la gorge et un gâchis infini de temps, de ressources et d'espoir. Son regard passe de l'un à l'autre, incertain de la suite de la conversation. Espérant qu'au moins s'ils doivent s'arrêter là, ils ne partiront pas dans des éclats de voix. Qu'il n'y aura pour une fois pas d'adieu amer mais un au revoir d'espérance.

La rencontre ne se déroulait pas vraiment comme il l’avait imaginée. Enfin, une partie était assez fidèle : lui-même. Il ne s’était pas imaginé bien plus prolixe ou affable que ce qu’il était finalement, son embarras ne surprenait personne, sa difficulté à suivre non plus. Hannah et Susan, cependant, étaient à des éons de ce qu’il avait pu espérer. Certes, il avait senti la gêne lorsqu’Hannah avait évoqué leur lien ténu mais là, il avait l’impression d’assister à une rencontre entre deux collègues qui n’avaient conversé que par lettres avant de se voir de visu.
Rien que le fait que Susan le regarde lui et lui réponde à lui était assez perturbant. Sa façon de dire « toi » à Hannah en se dirigeant vers elle perturbe grandement Ernest qu’il cligne plusieurs des yeux comme s’il cherchait à ajuster une vision défaillante. Ses doigts nerveux pianotaient sur la tasse pleine d’eau chaude, faisaient un petit bruit énervant qu’il finit par arrêter quand Hannah se mit à expliquer leur processus. À la mention de ses sessions, il se sentit rougir, couleur traîtresse qui révélaient combien il ne se sentait pas légitime ni assuré dans son expertise.
Il hocha cependant la tête, approuvant les paroles de Hannah, un soutien un moment silencieux alors qu’elle expliquait sûrement mieux que lui la situation. Ernest aurait assommé de termes techniques et de circonvolutions logiques qui auraient perdu Susan et l’auraient sûrement poussée à quitter purement et simplement la table.
Ernest avait la terrible impression qu’elle allait les quitter d’un moment à l’autre, révélant un trou béant qu’ils n’avaient pas remarqué auparavant. À ne travailler qu’à deux, Hannah et Ernest avaient laissé en suspens le groupe dont ils étaient tirés et dont il ne restait plus rien. Les souvenirs revenaient maintenant assaillir l’ancien préfet et il peinait à se raccrocher à la conversation sérieuse et professionnelle qu’ils tentaient d’avoir.

Finalement, il lâcha, pour ramener l’attention vers lui :
— Je connais déjà Sylas. Enfin, je l’ai rencontré après son… sa… Hm. Il est normalement en possession d’un objet runique que je lui ai cédé, pour calmer ses crises et aider à penser sans imploser. Si tu peux le contacter, il pourra te confirmer, ou non, l’utilité de ce que nous faisons.
Il eut, à cela, un sourire triste au souvenir de leurs étranges retrouvailles. Une époque floue et lointaine où Ernest avait encore un fils, disparu mais vivant, et où il avait cédé le grelot de son enfant à un homme qu’il ne reconnaissait plus qu’à peine. Il espérait juste que Sylas n’avait ni perdu ni cassé l’objet, qu’il lui avait utile et qu’Ernest ne s’était pas arraché une partie du cœur pour rien.
— J’ai moi-même assemble un certain nombre de données. Elles sont là, précisa-t-il en prenant la malette sur ses genoux pour la laisser sur le siège vide entre Susan et lui. Je les ai crypté mais je suppose que vous avez des personnes compétentes en rune ? Dis-leur que j’ai utilisé un glyphe de Thumannaz, ils sauront faire la transcription.
S’ils n’étaient pas des incompétents, bien entendu. Ses notes étaient normalement illisibles pour celui qui ne savait pas quoi utiliser pour faire la transcription en retour. C’était un travail peut-être un peu long, mais qui pouvait être automatisé par un sortilège et il n’avait, de toute manière, pas écrit de roman. Il n’avait pas assez de réussites dont se vanter pour cela.
— Utilise cela pour t’assurer de notre sérieux mais…
Il s’éclaircit un peu la gorge, regarde Hannah, se demanda s’il n’allait pas regarder cette phrase mais, vraiment, la situation lui paraissait vraiment absurde.
— Je voulais aussi te dire, enfin, profiter de notre rencontre pour exprimer… La phrase lui semblait absurde, décalée, étrange par rapport à la situation réelle de leur discussion. Enfin, je voulais te remercier, d’avoir accepté de venir. Je sais que je ne suis pas la personne la plus fiable et que… enfin, tu avais de nombreuses raisons de douter de moi.
Après avoir rougit, il blanchit en prononçant ces mots, craignant que le guet-apens tant attendu ne surgisse brusquement à ces mots, comme si on attendait que ses remerciements pour le capturer.
— J’espère que ce que je t’ai dit te permettra de… comprendre, à quel point je suis sérieux.
Il n’en était pas encore à pouvoir lui dire qu’il était désolé, qu’elle lui manquait et qu’il n’avait pas eu le choix. Il ne pensait pas pouvoir dire quelque chose, là, en lequel elle pourrait avoir confiance. Il préférait plutôt lui transmettre par son travail, par son investissement. Retrouver un peu de sa confiance, rien qu’un peu avant de pouvoir tenter de recréer un lien.

Cette rencontre n'avait rien d'officiel. Le Conseil ne lui avait jamais demandée d'organiser un telle chose. Heureusement pour elle, c'était Hannah l'investigatrice de tout ça. C'était peut-être insensé, de risquer tellement pour cette simple rencontre. Elle le sait, mais une part d'elle ne pouvait pas s'empêcher de mourir d'envie de les revoir. Une part bien enfouie, mais tout de même présente. Leur amitié lui manque. Tout, ce qu'elle avait à Poudlard lui manque. La vie de fugitif est difficile. Elle ne regrette rien. Cela n'a aucun intérêt d'avoir des regrets. Si, elle devait recommencer, elle ferait exactement la même chose. En revanche, elle espère que Hannah et Ernie, eux, ne referaient pas les mêmes erreurs. Susan comprend bien la peur, qui les a animés. Par contre, elle ne comprend pas leur manque de confiance envers elle ou l'Ordre. Même, s'ils finissent par se décider, des années après, leur aide a un goût amer, malgré elle. Susan sait bien, qu'elle devrait être moins butée, mais c'est physiquement impossible. Même, quand elle essaye d'être plus souple, c'est comme si son corps entier la retenait. Elle tente, quand même, d'être moins dure dans ses propos, et d'avoir un ton plus amical, mais c'est compliqué. Ils étaient sa famille, fut un temps, son unique famille. La plaie de leur trahison est encore vive.
Chacun expose ses envies, ce qu'il peut proposer. C'est Hannah, qui prend la parole la première, après son intervention. Susan se tourne légèrement vers elle. Les mains autour de son verre, elle écoute soigneusement, comment ils comptent s'y prendre. Dit comme ça, tout paraît facile, presque trop. Si c'était aussi simple que ça, pourquoi l'Ordre n'y a pas pensé avant ? Ils ont des gens bien plus compétents, qu'eux trois réunis. Quand Hannah évoque des noms, elle grimace automatiquement. Elle ne leur fait pas suffisamment confiance pour ça, et elle pourrait se faire rétrograder, si elle leur donnait des noms de membres de l'Ordre vivant dans la société sorcière. Susan sait, dans le fond, qu'ils sont vraiment investis dans la cause, mais, elle ne peut pas garantir, qu'ils ne la trahiront pas une seconde fois. Sa confiance est extrêmement fragile, et sa paranoïa bien présente. En revanche, des ingrédients, des formules, ça elle devrait pouvoir mettre la main dessus, normalement.

Ernie prend ensuite la parole, et elle s'incline dans sa direction à présent. Il connaît Sylas. Une information, qu'elle va évidemment répéter à Alexis. Il a un oeil sur lui, et cela lui suffit pour le moment. Mais, in fine, elle fera tout pour qu'il fasse, lui aussi, parti de ce programme de.. de quoi d'ailleurs ? Cela n'a pas vraiment de nom encore. ─ Unfortunately I can't really give you any names. I have no authorization to do so. Maybe, later on, I could. I can't take that risk right now. Elle pourrait leur donner un faux nom, et ainsi confirmer leur allégeance, mais elle ne le fera pas. ─ On the other hand, I can find recipes or things like that. I will contact you later when I have it in my possession. But you have to tell me what you need. Make me a list. Elle boit une gorgée de sa limonade, et les bulles lui piquent la gorge, alors qu'elle était devenue extrêmement sèche. Une brève grimace se forme sur son visage. ─ Thank you for looking after Sylas. He is very important for a friend. Now I am sure he has been brainwashed. Elle jette un regard sur l'attaché case de Ernie. Cette chose a l'air de contenir des données importantes. Elle devra la donner rapidement à quelqu'un de plus important. ─ Yes of course, we have people who can read runes. I'll tell them. Thank you. I will get back to you if the organisation is interested. Si cela ne tenait qu'à elle, évidemment, qu'elle s'engouffrerait dans cette idée. Même, si cela ne va pas forcément les aider face à Voldemort, il est primordial de ne pas laisser des membres de côté.  
La réunion touche à sa fin. Il ne lui reste plus qu'à prendre la mallette de Ernie. Celle-ci est sur le siège vide, et Susan finit par prendre la anse, afin de la poser sur ses propres genoux. Les moldus doivent peut-être penser, qu'ils font un échange de drogues. Si seulement ils savaient. Ernest reprend la parole. Elle déglutit. Pas vraiment à l'aise avec ces remerciements, elle fait bouger son pied instinctivement. ─ Well, I had a lot of doubts, it's true. C'est peu dire. ─ But I'm glad I saw you.

Dans cet échange, il n’y a pas que des professionnels qui tentent de vendre un projet ou des résistants qui cherchent à sauver des gens, il y aussi trois amis qui se sont perdus, à des moments bien différents mais pour des raisons similaires. Des choix - qui n’en avaient pas le goût - ont été faits, des décisions prises qui ont coupé les liens de ces amitiés que l’on pense inaltérable quand on n’a pas quinze ans. Hannah en a vingt-sept aujourd’hui et c’est tout autant d’innocence et de naïveté en moins. Elle garde cependant l’espoir au fond d’elle-même que rien n’est jamais gravé dans le marbre, que si les gens changent et se perdent de vue ils peuvent tout aussi bien se retrouver. Comme Ernie et elle, comme Susan et elle aussi (il semblerait qu’elles en prennent la voie) et s’il manque à l’appel un bon nombre de leurs amis d’antan, il y a dans cette réunion, une odeur de peut-être et de pourquoi pas qui n’est pas sans lui renvoyer à sa dernière conversation avec Susan.

Ils s’écoutent et communiquent, c’est déjà un premier pas, et quand Ernie prend la suite, Hannah est soulagée de pouvoir compter sur lui. Et quand il remercie Susan de leur accorder cette chance, et que l’intéressée finit par dire être contente, Hannah respire un peu mieux. La boule de nerf coincée dans son ventre s’évapore. Rien n’est vraiment réparé, rien n’est non plus pardonné. Mais au moins leur a-t-elle fait assez confiance pour être venue, et encore un peu pour être restée. Susan lui a fait confiance à elle. Cette idée fait naître une petite émotion joyeuse au milieu de  l'amertume perpetuelle qui l'accompagne à chaque pas, dans chaque direction qu'elle prend, pour chaque objectif qu'elle entreprend. Alors, quand leur ancienne camarade de classe leur dit ne pas pouvoir leur offrir de nom pour le moment, Hannah n'essaie pas d'insister. "Of course, we understand. It's too early for that. I'll make you that list." Elle sourit, reprend une dernière gorgée de sa boisson chaude (plutôt tiède maintenant)  et écoute la suite avec attention, elle respire doucement avec une aise dont elle n'a plus l'habitude. Pour la première fois, la sorcière n'a pas l'impression de marcher sur des oeufs, de faire attention au moindre mot par peur du retour qu'elle pourrait recevoir en pleine face. "We'll wait for any news then, and if everything goes according to plan, we'll be able to give you new informations in a month or two, don't you think?" Demande-t-elle à Ernie, ne souhaitant pas non plus s'avancer de trop, de peur de les décevoir s'ils n'avancent pas aussi rapidement que prévu.

Et alors qu'ils semblent s'être tout dits, que la rencontre touche à sa fin - si tôt, si vite - Susan reprend la parole, Hannah en est comme estomaquée, c'est qu'elle n'a plus l'habitude d'entendre Susan prononcer de telles paroles, plus depuis Poudlard. Elle pourrait lui en vouloir de n'avoir pas reçu un traitement aussi chaleureux de la part de la blonde quand elles se sont retrouvées pour la première fois, et si Hannah ressent une très légère pointe d'envie, il y a d'abord et surtout son sourire qui s'élargit en direction d'Ernie, parce qu'elle sait plus que quiconque à quel point il avait peur en venant ici ; tout ce que cela lui a demandé en effort et en préparation pour accepter de se déplacer alors qu'il tremblait de se faire capturer. Donc, une telle remarque doit forcément le rassurer à défaut de lui faire de bien, ou peut-être qu'elle projette. Ernest et Hannah n'ont pas la même façon de voir le monde et d'aborder les relations humaines, mais sur ce point au moins, ils doivent se retrouver, du moins elle espère qu'il verra l'importance de ce moment, de ces quelques mots. Et si tel n'est pas le cas, et bien il y aura toujours demain pour le lui en parler et le rassurer.