26 avril 2007 Benjamin n’a pas beaucoup dormi ces derniers jours. Et pour cause : le Magic Is Legendary Festival bat son plein en plein coeur du Londres sorcier. De l’extérieur, on pourrait croire que le festival a été préparé pendant des mois, on pourrait croire que tout a été millimétré avec attention pendant des semaines pour que tout se déroule le mieux possible. Et pourtant. Cela ne fait qu’un mois et demi que Benjamin a été convoqué par une assemblée composée des chefs de plusieurs départements du ministère, qui lui ont fait part de l’envie de créer un événement à grande échelle pour réunir la population sorcière autour de ce qu’elle fait de mieux : la magie.
À partir de là, le sommeil a été un concept nébuleux. Entre les brainstormings, la situation familiale compliquée à la maison et les autres responsabilités à assurer… Il a fallu être de toutes les discussions et toujours se montrer le plus éveillé possible. L’idée du festival a germé assez rapidement - heureusement pour lui - et il ont pu se mettre rapidement sur les aspects logistiques et publicitaires de l’événement. C’était un sacré challenge, cette mission donnée par le gouvernement. Benjamin sait que depuis la mort d’Aloysius, on le teste plus que jamais - il n’est pas sans savoir que beaucoup pensaient que c’était son oncle qui tenait réellement les rênes de l’entreprise familiale. Plus que jamais, Benjamin doit prouver que son père ne l’a pas nommé CEO de l’entreprise pour rien. Auprès de ses équipes, tout va bien : la majorité des employés de l’entreprise ont commencé à souffler quand il a pris le poste de président, et ceux qui étouffaient encore ont retrouvé la surface en janvier, quand Aloysius les a quittés. Ben sait qu’il est apprécié de ses employés, et c’est là sa plus grande force : ils lui font confiance, alors ils sont impliqués. Sans eux, le festival n’aurait jamais été aussi prêt en si peu de temps.

Benjamin est fatigué. Il répond à mille questions à la minute, doit donner des validations à droite à gauche, tout en participant à diverses conférences et interviews toute la journée… Chaque soir, quand il rentre pour les quelques heures de sommeil qu’il a réussi à grapiller, il voit ses cernes s’étendre et s’assombrir.
Mais heureusement, la magie fait des miracles (décidément, ce festival le prouve dans tous les sens) et alors qu’il voit son reflet dans le miroir après avoir été pris en charge par des maquilleurs de Rosier Lights, il a presque l’impression de sortir d’une nuit de quinze heures. Tant mieux. Il n’a pas envie d’apparaître dans les pages de la Gazette avec un air malade. Over here, mister Rosier. Benjamin se lève en direction de la salle réservée aux photos, juste à côté, où il doit se prêter à un nouveau photoshoot, cette fois pour un dossier sur les jeunes chefs d’entreprises du monde sorcier. Il n’est pas particulièrement friand de ce genre d’exercices, mais ça fait partie du job, alors il le fait, comme d’habitude. Quand il arrive, on lui fait signe de rejoindre un… énorme fauteuil au beau milieu de la pièce. Il soupire. Il a vu ce setting des milliers de fois. Mais bon, il paraît que ça fait sérieux.
Il s’apprête à s’installer quand soudain, Ezekiel Zabini passe la porte de la salle photo lui aussi. Benjamin hausse les sourcils. Zeke! Benjamin l’accueille à bras ouverte, littéralement. The most brilliant man of our generation! dit-il avec un petit sourire moqueur, reprenant le titre d’un article qui est paru à son sujet la veille, suite à sa conférence sur l’iKrys. What are you-- Il voit que Zeke est accompagné d’une partie de sa team, dont la jeune Abernathy, que Benjamin connaît bien pour la voir faire mille allers-retours dans leur bureau commun du ministère. Wait, are we doing this together? Il tourne la tête vers l’une de ses propres assistantes qui acquiesce. Fantastic! Zeke approche et Benjamin lui serre chaleureusement la main. Plus bas, il ajoute Thank you for saving me. I hate to do these things alone. Il se redresse et retrouve son sourire.

Il se cache, dans chaque poignée de main, chaque small talk, chaque rencontre potentiellement intéressante, chaque conférence où il peut entendre sa propre voix pendant une heure, une satisfaction singulière qui fait gonfler l’égo d’Ezekiel. Et quand bien même cela se trouve être particulièrement plaisant, il s’en serait bien passé - il tire une satisfaction autrement plus saisissante en débauchant des nouvelles opportunités, en négociant des contrats juteux, en y apposant sa signature dans un sourire ; bref, en se jetant dans son travail.
Le MILF lui a déjà fait - et lui fait - perdre un temps considérable, qu’il pourrait consacrer à des tâches nettement plus importantes et intéressantes. Un mois et demi à suivre les préparatifs avec attention, et désormais, plus d’une semaine qu’Ezekiel se retrouve à se pavaner entre les tentes et domes dressés à l’occasion, pour exhiber le visage souriant de la BCBC que tout le monde connaît. Le seul avantage qu’il tire à zigzaguer d’exposition en exposition, de masterclass en masterclass, d’inconnu en inconnu, est ce lèche-vitrine constant, où il peut lorgner sur ses futures acquisitions.

”It was a pleasure. It’s safe to say you’ll get a call from my team in the coming weeks”, promet-il en serrant la main du jeune entrepreneur extatique, qui lui a déballé, les yeux brillants, un speech bien rodé sur la stimagie qu’il cherche à développer et à étendre sur le marché britannique. Indéniablement, Ezekiel apprécie les hommes passionnés - et, par dessus tout, il aime faire enfler son portfolio - et il se voit déjà ajouter celui-là à sa collection de businessmen profitables.
”What’s next? − The Daily Prophet’s photoshoot.” Ezekiel lève un sourcil à l’intention de Jordan, qui suit sa déambulation au coeur du festival, boule cristal constamment à la main pour gérer les appels urgents et lui rappeler, comme d’habitude, son agenda réglé à la minute. Instinctivement, il jette un oeil à sa montre en serrant les dents - il donnerait tout pour passer ne serait-ce qu’une heure dans son bureau, à se faire updater par les directeurs de départements de la BCBC sur l’avancée des projets en cours ; la vie ne s’arrête pas pour tout le monde, pendant ces festivités. Difficile de reporter une séance photo pour le magazine sorcier dont il fait fréquemment la couverture cependant, une autre facette de son travail à laquelle il est dans l’obligation de se plier ”Make sure we’ll be back to the office by 8:30pm. − As always, sir”, soupire Jordan, probablement exaspérée d’entendre cette phrase une dizaine de fois par jour depuis le début du MILF - si Ezekiel ne dort pas depuis plus d’une semaine pour abattre le travail qui l’attend à la BCBC, son assistante non plus. That’s just how it is.

Ezekiel referme le bouton de son costume en s’inspectant dans le miroir, y découvrant un reflet habituel : tiré à quatre épingle, cheveux et barbe taillés au millimètre près, les traits lisses et reposés. Parfait. Il ramène ses mains à son noeud de cravate pour le réajuster, avant de s’éloigner de la glace pour se rapprocher du set où l’équipe de la Gazette, en place, l’attend pour commencer la séance photo. ”Zeke!” Levant ses yeux de sa montre, les lèvres d’Ezekiel s’étirent naturellement en découvrant le visage de Benjamin tourné vers lui, l’accueillant en ouvrant les bras. "Ben, what a pleasant surprise!" se réjouit-il avec une sincérité non dissimulée. Dans le milieu impitoyable des affaires, Zeke n’aurait jamais cru pouvoir trouver un partenaire avec qui il pourrait agir avec une telle aisance. C’était sans compter sa rencontre avec Benjamin Rosier, avec qui il a immédiatement accroché en arrivant au Royaume Uni - il n’allait tout de même pas ignorer le plus jeune CEO de l’île Européenne. Cinq ans qu’ils font affaire ensemble et Zeke avoue sans mal le respect qu’il lui porte, comme à tous les Rosier - ou presque. ”The most brilliant man of our generation! − That’s me!" Il lui rend son sourire en lui serrant la main, ses doigts se refermant sur son épaule dans un geste amical. ”What are you-- Wait, are we doing this together?” Dans un mouvement miroir à celui de Ben, Zeke se tourne vers sa propre assistante qui hoche la tête ; s’il ne supporte pas l’imprévu, il apprécie au moins la perspective de pouvoir rentabiliser ce photoshoot en pouvant passer quelques dizaines de minutes avec son associé. ”Fantastic! − Isn’t it?" Il étire les lèvres en ouvrant la main pour inviter Ben à se diriger vers le set - un vulgaire fauteuil sur fond blanc, quelle originalité -, lui empoitant le pas avec enthousiasme, porté par celui du Rosier. ”Thank you for saving me. I hate to do these things alone.” Zeke se fend d’un rire en abattant sa main sur l’épaule de Benjamin, avant de s’installer sur l’un des accoudoirs du fauteuil avec une décontraction naturelle. "Saving the day is just what I do, you know me, Ben", glisse-t-il dans un nouveau sourire, ignorant la voix de l’assistante du photographe qui leur est adressée, et qui ne lui parvient même pas aux oreilles. Ils ont bien cinq minutes pour discuter, ce n’est pas comme s’il allait laisser une vulgaire assistante les presser. "I feel it’s the first time we have the opportunity to catch up in a long time. How the festivities have been doing for you? Any time to enjoy your team's outstanding work?" De fait, à part se croiser à quelques occasions, soit par hasard, soit pour régler quelques détails liés à l’organisation du festival, ils n’ont pas eu l’occasion de débriefer sur le déroulé du MILF. Et, comme toujours, Ezekiel compte bien en profiter pour prendre la température auprès de Benjamin.

26 avril 2007 "Saving the day is just what I do, you know me, Ben" Benjamin lâche un petit rire et se permet de rester debout à côté de Zeke, au lieu d'aller jusqu'à l'accoudoir sur lequel on attend probablement qu'il prenne place, en toute symétrie avec son partenaire d'affaires. "I feel it’s the first time we have the opportunity to catch up in a long time. How the festivities have been doing for you? Any time to enjoy your team's outstanding work?" Benjamin hausse les épaules. Ah, you know how it is. Il regarde le set avec un peu de jugement dans l'œil. Signing papiers, shaking hands, meeting people, doing interviews, I haven't really had time to enjoy it. admet-il, se doutant que ça doit être un peu la même chose pour le Zabini. But everything's going well and that's enough for me. dit-il très sincèrement. Bien sûr, il aurait bien aimé pouvoir embarquer Maxine dans le train des horreurs, juste pour voir ses réactions, ou la regarder essayer des robes des collections uniques créées par les meilleurs stylistes sorciers pour l'événement... Mais il n'a pas encore eu le temps, et ne l'aura probablement pas. Tant pis, c'est comme ça. Cela fait des années, que c'est comme ça, et il a déjà utilisé sa carte de repos annuel en partant quelques jours avec sa petite amie à Newcastle, avant le réveil de Celyn qui l'a fait rentrer d'urgence.

What about you? demande-t-il tout de même, curieux. Qui sait, Zeke a peut-être réussi à trouver quelques moments de calme au milieu de la tempête ? Are you ready for the end of the festival? dit-il sans préciser à voix haute ce à quoi il fait référence. Les événements prévus sur la fin du MILF — entre les annonces de la BCBC et la création du cinéma sorcier — concernent principalement Zeke et on garde précieusement les secrets et les détails sur ce qui va être annoncé. Il ne prendrait pas le risque de révéler des choses alors que tous les visages ne lui sont pas familiers et que des journalistes peuvent rôder dans la pièce. I can't wait for all that. This is huge. Benjamin pose une main sur le bras de Zeke pour lui témoigner son soutien et son enthousiasme. If there is anything I can do, you can count on me. But I guess your team already has everything figured out. Zeke n'est pas CEO pour rien : Benjamin n'a aucun doute que tout est déjà prêt, clair, net, précis. Il admire la manière dont il gère tout ce qu'il a sur les épaules, et semble toujours en parfaitement tout contrôler avec calme.