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 (MARIA) Hellfire

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MessageSujet: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyJeu 3 Sep - 19:06
an de Grâce 1482
hiver en Pays d’Artois
Infernale, bacchanale
L'enfer noircit ma chair
Du péché, de désir
Le ciel doit me punir


Disclaimer : Nous ne sommes ni historiens ni spécialistes de cette période historique, et si nous faisons de notre mieux pour respecter la période, désolés d'avance pour les erreurs que nous feront.



Grisou n’avait pas été prévu pour être un âne de course. De fait, le pauvre baudet n’avait que très peu servi de monture et se sentait certainement bien déboussolé d’avoir ainsi sur son dos sa maîtresse, qui criait et le cravachait, d’une voix plus effrayée qu’autoritaire. La brave bête trimait et poussait sur la route de campagne qui les éloignait du village où ils avaient élu domicile quelques deux ans auparavant.
Sa maîtresse, que tout le monde appelait Gloire sans lui connaître d’autre nom, ne restait jamais bien longtemps en un seul endroit. Elle arrivait toujours un petit peu à l’aventure, à pied, Grisou derrière elle chargé de toutes ses affaires, et s’installait dans un coin de rue jusqu’à trouver une bicoque. Elle faisait tout et rien à la fois, la jolie Gloire : des soins, des onguents, des philtres contre la toux mais aussi parfois pour l’amour, alternait entre les injonctions presque médicales et les déclarations fiévreuses sur l’avenir de ceux qui venaient la visiter. Gloire semblait tout faire, en secret, dans l’ombre. La majorité des habitants du village s’en satisfaisaient bien : c’était une herboriste, disait-on, une sage-femme, une fille de médecin, ou parfois plus honnêtement la traitait-on de sorcière. De femme de peu de vertu aussi, et presque plus encore de savoir qu’elle refusait tous les hommes qui pouvaient vouloir goûter à sa peau sombre. Étrange, la Gloire, et si on critiquait son absence le dimanche matin on était tout aussi bien content de ne pas l’y voir.
Dans cette vie étrange qu’elle menait, ses livres et son âne étaient ses biens le plus précieux : les premiers étaient hérités d’une période plus lumineuse auprès de sa communauté de naissance et le second un présent d’une famille, quelques villages auparavant, pour l’avoir remercié d’avoir sauvé de la mort leur unique fils. La sorcière avait alors agité ses doigts quand les parents avaient eu le dos tourné, murmurant des incantations qu’elle espérait qu’on prendrait pour des prières, et avait espéré que le miracle ne serait pas trop gros. Elle qui avait craint le bûcher avait reçu Grisou.

La fin n’arrivait jamais bien tard : d’une manière plus ou moins discrète, Gloire tirait toujours sa révérence. Les ennuis arrivaient de façon diverse et variée : un prêtre particulièrement remonté, un jeune homme très entreprenant, une jeune bourgeoise qui perçait un peu trop de ses secrets, un accident de potions, une population trop xénophobe, et bien entendu, toutes les catastrophes qui pouvaient tomber sur un petit village.
Cela pouvait être la mauvaise moisson, une grosse tempête, une infestation de rats chez le maire mais aussi, très fréquemment, une maladie qui venait frapper plus de six personnes au sein de la communauté. Ces désastres ne frappaient jamais directement Gloire : elle n’était ni fermière, ni menacée par la météo ou maire, et les maladies des non-magiques ne l’atteignait pas. Et pourtant, elle partait toujours quand telles choses arrivaient, de façon plus ou moins discrète.
Cette fois-ci cela avait été la maladie, et ce n’était pas venu de façon bien discrète mais avec des cris à la porte. On appelait, on hurlait à la sorcière, la fille de Satan, celle qui était touchée par le mal et les enfers. La maison (plus proche de la bicoque) avait commencé à prendre feu alors qu’elle rassemblait en urgence ses chers livres, plus précieux que tous les ingrédients qu’elle pourrait jamais amasser en une vie. Malheureusement pour elle on l’avait surprise, à l’arrière, monter sur son âne et le lancer au plus vite sur le chemin. D’une explosion de ses mains elle les avait fait physiquement reculer avant de faire redoubler leurs ardeurs.
En cet instant ils filaient comme le vent, ou plutôt comme un âne pouvait filer avec une cavalière et son sac de livres sur le dos. Derrière eux on courait et hurlait, on pouvait commencer à entendre hennir des chevaux au loin, harnachés par les plus déterminés. On chasserait la sorcière.
Gloire s’était rarement retrouvée en situation si périlleuse, l’idée d’utiliser de nouveau de la magie pour les chasser l’effrayait : elle ne souhaitait tuer personne et elle était malheureusement trop autodidacte pour avoir appris des sorts assez compliqués pour cela. Et puis l’histoire tournerait et il serait encore plus difficile de trouver refuge. Parfois, elle n’en pouvait plus de fuir et considérait de retourner à sa famille, quitte à renoncer à tout ce qu’elle était et tout ce qu’elle aimait d’elle-même.
Heureusement pour elle il y avait une abbaye sur le chemin à l’est du village, où résidaient des sœurs cisterciennes qui n’auraient d’autre choix que de l’accueillir, n’est-ce pas ? Essoufflée et presque inconsciente de peur et de froid (elle n’avait pas eu le temps de saisir un manteau) elle filait vers ce mince espoir avec toute la ferveur de la condamnée.
Elle avait à peine quelques instants d’avance en arrivant au porche et sauta plus qu’elle ne tomba au bas de son âne pour se précipiter à la porte et y tambouriner, faisant frapper de toutes ses forces l’anneau lui garantissant protection, criant comme elle le pouvait :
DROIT D’ASILE ! ASILE PAR PITIÉ, SAUVEZ-MOI ! ASILE !
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyLun 14 Sep - 13:31
an de Grâce 1482
hiver en Pays d’Artois
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L'enfer noircit ma chair
Du péché, de désir
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Disclaimer : Nous ne sommes ni historiens ni spécialistes de cette période historique, et si nous faisons de notre mieux pour respecter la période, désolés d'avance pour les erreurs que nous feront.



L’abbaye des sœurs cisterciennes était, comme il se doit, isolé de la société, fondé là il y avait quelques deux cents ans les pierres lourdes avaient bien servies aux sœurs de rempart contre le monde ; derrière les grosses portes de bois, les sœurs vivaient leur existence de contemplation et de prières pour racheter dans leur dévouement la faute des hommes. Elles travaillaient dans le jardin de l’abbaye pour se nourrir, troquaient au village quelques-uns de leur produit contre de quoi chauffer la chapelle, et pour le reste subsistait grâce aux dons réguliers du châtelain de la région.
Monseigneur de B— avait commencé ses dons à l’abbaye vingt ans auparavant. Au même moment en somme que lorsqu’il fit cloîtrer sa fille unique dans cette même abbaye dans l’objectif qu’elle prenne le voile et prononce des vœux. La petite Madeleine de B— avait alors dix ans, et était trop jeune encore pour pleinement se dédier au Seigneur, mais le châtelain insista pour que l’abbaye la garde en apprentissage d’abord, avant qu’elle n’entre totalement dans les ordres à l’âge autorisé. Personne dans la région ne comprit vraiment pourquoi ce seigneur insistait pour ainsi retirer du monde son unique enfant, et les rumeurs allaient bon train sur la condition de la petite Madeleine.
Une gamine que personne n’avait jamais trop vu. Elle n’avait apparemment jamais mis les pieds en dehors du domaine de B— et même les domestiques du château ne l’avaient pas tous rencontré. Claquemurée dans sa chambre avant même qu’on ne la cloître dans un couvent, son visage était inconnu de la plupart des quidams. On murmurait qu’elle devait être atteinte d’une violente affliction qui peut-être la défigurait, qu’elle avait été maudite à la naissance et ressemblait à un monstre avec les cornes de Satan. Des personnes moins superstitieuses imaginaient que la petite devait être le fruit d’un adultère de la part de Madame de B— et que c’était pour cela que le mari souhaitait la dissimuler aux yeux du monde. On racontait aussi qu’elle était née pestiférées, avec deux têtes, trois bras…
Certains aventureux voulurent se renseigner auprès de la mère de l’abbaye, qui les renvoya sans mot dire : l’argent de monseigneur de B— gardait la bouche des sœurs bien closes. Et ainsi la petite Madeleine devint apprentie, puis prononça ses vœux et pris le voile quelques années plus tard. Cela faisait maintenant vingt ans qu’elle vivait dans ce lieu, plus grand que la chambre dans laquelle elle avait été confinée toute son enfance, et si les rumeurs sur son compte continuaient de tourner dans la région, elle n’en avait absolument aucune miette d’idée.

Madeleine n’était pas tout à fait malade ni vraiment monstrueuse. Mais elle avait un lourd secret qui la hantait depuis sa naissance. Un secret qui surprit le prêtre qui voulut la baptiser, quelques heures après sa naissance, et qui manqua de faire totalement tomber le nourrisson dans les fonts baptismaux. Ses yeux avaient changé, disait le pauvre homme de Dieu, encore tremblant. Ses yeux étaient passés de bleu à rouge, pendant l’espace de quelques secondes. Le Diable sans doute. Vite, vite, on prononça les bonnes formules et on baptisa l’enfant afin qu’il soit lavé de ses péchés et rejoigne bien vite la grande famille de Dieu. En espérant que cela ne suffise à faire partir le malin.
Malheureusement les jours suivants, puis les semaines, les mois et les années n’allèrent pas dans ce sens. Ces changements continuaient, toujours de plus en plus impressionnants. On tenta de la soigner de plusieurs façons avant de renoncer, et pour ne pas avoir à supporter la vue d’une enfant défaillante et corrompue sans doute par le Diable, on l’envoya au loin, sous un voile qui pouvait dissimuler les changements de couleur de ses longs cheveux.
Après vingt ans de prières, de contemplation et de méditation, Madeleine avait appris à contrôler ces fulgurances diaboliques à ses cheveux, parfois ses yeux mais jamais plus loin. C’était un gros travail, un immense effort parfois douloureux, mais alors elle regardait le Christ en croix et se disait qu’elle achetait ainsi un peu de sa rédemption.

C’était ainsi qu’elle vivait, et ne se laissait jamais le temps de songer à autre chose qu’à Dieu, au travail et à son missel de crainte qu’une trop violente émotion ne vienne briser ses efforts et saccager tout son travail en laissant entrer un peu plus le malin. Dans l’abbaye, les sœurs parlaient entre elles de sa distance et de sa froideur. Son sang de noble sans doute, qui lui faisait lever le menton un peu plus haut qu’elles autres.




tw : xenophobie

Ce jour-là, elle priait avec trois autres sœurs dans la petite chapelle ; les vitraux apportaient une lumière bleutée sur leurs tenues blanches et étouffait leur silence contemplatif. Le froid de l’hiver qui durait dans l’Artois faisait frissonner même les murs de pierre et le bout des doigts des sœurs qui égrainaient leur chapelet, agenouillée sur leur prie-Dieu, tremblaient légèrement. Elles étaient si bien concentrées qu’il leur fallut un moment pour entendre le grand bruit et les cris qui provenaient de la porte. Sœur Marie se releva : « Vous entendez ? » Maintenant qu’elles y prenaient garde il aurait été difficile de ne pas entendre en effet. « Il y a quelqu’un à la porte, » souffla sœur Jeanne qui pourtant ne fit pas un pas pour se diriger vers l’entrée de l’abbaye malgré les mots suppliants que l’on entendait.
Ce fut Madeleine qui, sans un mot, la mâchoire serrée, se leva pour d’un pas vif sous sa robe, passer la porte de la chapelle et longer le petit couloir qui menait à l’entrée. L’endroit était un lieu fermé, pour que les sœurs puissent prier en toute sérénité, mais elles ne tournaient jamais le dos aux mendiants et autres pauvres hères qui vagabondaient sur les routes. La porte était lourde, mais à manipuler la houe dans le jardin Madeleine avait appris à être forte (et, elle ne s’en rendait pas compte, mais ses bras devenaient toujours lors de l’effort légèrement plus large et musclé, avant de reprendre leur forme initiale) et parvint à pousser les battants pour découvrir un bien étrange tableau.
Devant elle, une jeune femme, une étrangère. Un âne, juste derrière. Et de la poussière sur le chemin qui indiquait non loin l’approche de plusieurs personnes.
Madeleine ne pouvait pas saisir tous les tenants et aboutissants de la situation, mais elle en devinait assez bien les grandes lignes. C’est qu’une peste touchait les habitants ces derniers temps, et l’on cherchait bien souvent un bouc-émissaire à ce genre de fléau. Les étrangers, femme qui plus est, étaient les premiers à prendre. Elle ne dit rien d’abord, prit la femme par le bras pour l’entraîner dans son dos, dans l’entrée de l’abbaye, avant de sortir — elle on n’oserait la toucher, pas alors qu’elle était en tenue de sœur, ça porterait malheur — et attrapa l’âne par la bride pour le tirer à sa suite.
Déjà, des hommes arrivaient, et s’arrêtaient devant le pas de l’abbaye sans pour autant descendre de leurs montures. Madeleine qui parfois allait au village avec les autres sœurs pour échanger des biens, reconnut le maréchal-ferrant « Je ne vous conseille pas d’accueillir cette sorcière parmi vous ma sœur. Elle nous a maudit tout le village.Notre abbaye est ouverte à ceux qui veulent y trouver refuge, et Dieu sait reconnaître les siens. » Les cavaliers eurent une expression dubitative, sans toutefois oser reprendre la sœur qui leur tenait tête. C’est que personne n’avait envie de faire violence à des bonnes sœurs, ça pour le coup ça les mettrait bien dans la merde. « Vous devriez repartir, et dire à vos camarades de cesser leur chasse. Nous répondons de cette femme à présent. » La mère de l’abbaye n’allait sans doute pas aimer ça. Le maréchal-ferrant cracha par terre, mais fit faire demi-tour à son cheval et fut rapidement suivi par les autres. Ils s’éloignèrent, et Madeleine n’attendit pas de les voir arrêter la masse qui venaient vers eux pour fermer la porte totalement, le cœur battant.
Elle pouvait sentir, au bout de ses ongles, le scintillement étrange qui lui indiquait que quelque chose, en elle, changeait. Elle tenta de se calmer en regardant plutôt l’étrangère qu’elle venait de faire entrer. Sœur Marie, Jeanne et Thérèse venaient déjà les rejoindre : « Vous l’avez échappé belle ma sœur, et je doute que vous puissiez ressortir de sitôt, ils ont l’air bien décidé à vous traîner à la potence dès qu’ils vous attraperons. » Elle ne souriait pas, ce n’était pas dans ses habitudes, mais demanda à Jeanne d’aller chercher un peu d’eau pour leur invitée. « Vous n’êtes pas d’ici n’est-ce pas ? » En référence à son allure… étrangère.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyMar 15 Sep - 21:20
an de Grâce 1482
hiver en Pays d’Artois
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La porte finit par s’ouvrir et Gloire s’écarta aussitôt, par prudence, le cœur battant. La bonne sœur qui viendrait à ouvrir avec de bonnes intentions pourrait très bien la renvoyer à sa mort à la vue de son visage. Elle se confronta au regard bleu de la femme qui fit irruption, l’air aussi surprise qu’elle. Un instant, elle se sentit clouée, comme attachée au sol par le jugement de celle qui allait décider en un instant de son sort. Pour une fois, les mots restèrent bloqués dans sa gorge malgré sa bouche ouverte, prête à se défendre si on la repoussait.
Elle comprit à peine ce qu’il se passait lorsqu’on la saisit par le bras et, comme une poupée de chiffon, se retrouva presque projetée derrière les portes par la nonne qui n’avait pourtant fait que froncer les sourcils à sa vue. Gloire appela presque pour qu’on amène son âne mais, déjà, l’inconnue ressortait pour prendre la bride de Grisou.
Déjà, les hommes étaient là. Gloire s’écarta aussitôt de l’entrée béante pour se réfugier dans le battant fermé de la grande porte. Le cœur au bord de les lèvres, ses mains qu’elle n’avait pas eu le temps de ganter sur sa bouche, elle écouta sans y croire l’inconnue prendre sa défense. Bien que cela ait été son plan depuis le début Gloire se retrouvait surprise malgré tout d’être accueillie et protégée de la sorte.
L’abbaye répondait d’elle, à présent.
Gloire en tomba presque au sol. Se retint par la force qu’il lui restait et l’impossibilité de se détendre véritablement, jamais, sauf en étant parfaitement seule.

La sœur repassa la porte, accompagnée de l’âne et Gloire s’approcha, légèrement courbée, ployée par la reconnaissance.
Oh ma soeur, merci, merci infiniment pour votre aide, soupira-t-elle en tentant d’attraper sa main pour la lui baiser, dans un geste pieux qu’elle avait pu voir chez d’autres.
Elle se redressa peu après, hochant la tête aux paroles de son hôte, vite rejointe par d’autres. Gloire les regarda arriver, avisa de leur visage inquiet, voire suspicieux. Clairement, on n’avait pas eu le temps de se concerter pour décider de son accueil. La première, celle aux yeux bleus, était celle à qui il fallait, celle qu’il fallait convaincre. Gloire s’accrocha à son regard en espérant que sa magie transparaisse, s’anime d’elle-même et atteigne cette femme sans-magie pour la faire pencher de son côté. Cela l’avait sauvée déjà plusieurs fois quand on avait pris la peine de se poser rien qu’un instant près d’elle avant de la condamner.
Je suis désolée de mon arrivée empressée, de mes cris, je ne savais pas quoi faire… Merci, merci infiniment, je— Je n’ai pas pu prendre d’argent, dans ma fuite mais je vous promets ma reconnaissance… mon dévouement, éternel…
Elle exagérait, ampoulait, se serait presque mise à genoux si elle n’avait pas eu si peur de ne pas être capable de se relever après cela. Elle était prête à dire bien des choses pour qu’on la garde, et à faire bien plus encore pour qu’on ne l’expulse pas mais la question, bien qu’attendue, la laissa un instant silencieuse. Non, en effet, elle n’était pas d’ici. Pas tant d’un pays différent que d’un monde, un véritable plan parallèle dont ces pauvres n’avaient absolument pas conscience. Ah, si elle savaient qu’un jour s’était pleinement et fièrement revendiquée sorcière devant ses paires, on lui érigerait certainement son petit bûcher personnel dans la cour du cloître.
Non, non ma soeur, je ne suis pas d’ici, expliqua-t-elle sans savoir s’il fallait, par-dessus le marché, leur expliquer l’évidence et qu’elle parlait bien le français. Et même un peu de leur patois, avec les années. Clairement moins difficile à apprendre que les runes dont avaient pu l’assommer son père, enfant. Je suis apothicaire itinérante et je viens du Sud de l’Artois.
Il y eut une sœur pour faire une tête amusée, l’air de dire qu’en effet, elle venait du sud. Gloire, elle, se focalisait sur celle qui l’avait amenée ici, et protégée. Elle semblait faire autorité, d’une manière ou d’un autre. Assez sûre d’elle et ferme pour s’ériger entre Gloire et le danger.
Cela lui suffisait.
Je ne demande qu’un abri, un refuge pour la fin de l’hiver, rien de plus ma sœur. Je vous promets n’avoir rien fait à ces pauvres villageois, leurs accusations n’ont aucun fondement, je suis innocente…
Elle ignorait pourquoi elle insistait de la sorte, s’enfonçait dans ces justifications alors même qu’on venait de lui assurer, dehors, être sous leur entière protection. Difficile, peut-être, de croire ceux qui l’avaient si souvent voulue brûlée vive.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyDim 4 Oct - 15:39
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Jeanne était partie à sa demande, remplir une cruche d’eau au puit pour que la pauvre femme puisse un peu boire, et à peine était-elle partie que la rescapée de la colère populaire s’empressait de la remercier, avec des mots vifs, trop rapides pour quelqu’un qui était habitué à la lenteur des prières de l’abbaye et à la contemplation. Elle lui avait même saisi la main, avec une étrange déférence et douceur pour la lui embrasser — Madeleine la retira vite cependant, elle n’était ni cardinal ou même mère supérieure, ce genre de cérémonial n’était pas pour elle et la mettait profondément mal à l’aise. « Ne faites pas de promesses que vous ne pourrez tenir. Vous êtes dans la maison du Seigneur, prenez garde à vos paroles et n’allez pas L’offenser, » prévint-elle avec la froideur qui était la sienne, comme si elle avait aspiré dans ses veines le froid de ces murs. Avant que la nouvelle venue n’acquiesce à sa question : non elle n’était pas d’ici, pas du village, pas même de ce pays selon Madeleine qui n’osa cependant pas faire la remarque à haute voix — le Seigneur leur demandait d’accueillir toutes les âmes perdues et accablées, et ne préconisait pas de filtrer ces mêmes âmes. De fait elle fusilla du regard sa compagne qui se permit une mimique équivoque lorsque la jeune femme mentionna venir du sud de l’Artois.

« Apothicaire, » répéta-t-elle. « Je ne m’étonne pas qu’ils aient pu vous croire coupable. » Les travaux de ce genre, lorsqu’ils étaient fait par une femme, étaient souvent mal vus quand venait une plaie, on avait tendance à voir le mal partout, d’autant plus chez les personnes que l’on ne comprenait pas ou qui manipulait des plantes pour fabriquer quelques potions que l’on assimilait rapidement au poison. « Je ne demande qu’un abri, un refuge pour la fin de l’hiver, rien de plus ma sœur. » Sœur Marie eut une grimace, sans doute qu’elle songeait aux semaines qui les séparaient de la fin de l’hiver et l’abbaye n’avait pas pour vocation de loger tous les hères de la région. Mais avec l’argent de Monsieur de B— elles pouvaient certainement se permettre cela, se dit Madeleine. « Je vous promets d’avoir rien fait à ces pauvres villageois, leurs accusation n’ont aucun fondement, je suis innocente… » Madeleine leva la main, pour la faire taire, au même moment où Jeanne revenait avec de l’eau. Elle lui prit la cruche avant de la tendre à la jeune femme : « Buvez donc un peu, votre course a dû vous assoiffer. » Elle ne tenta pas de sourire pour adoucir sa voix ou rassurer l’étrangère. Pourtant elle rajouta, pour la soulager peut-être d’un poids : « Je vous crois, lorsque vous dites être innocente. » Et que elle la croit était suffisant. Elle en parlerait à la Mère supérieure, qui l’écouterait. On avait davantage tendance à lui porter crédit puisque sa présence entre ces murs était ce qui permettaient aux sœurs de survivre grâce au mécénat du père. « Ces pauvres gens cherchaient seulement un coupable quand parfois la maladie vient de Dieu lui-même. Et je sais que le Seigneur n’aurait pas laisser une femme coupable pénétrer son sanctuaire. » Elle lâche la bride de l’âne qui se trouvait encore à ses côtés, épuisé et les pattes tremblantes, pour passer sa main sur ses longues oreilles : « Et jamais une envoyée du malin ne voyagerait sur la monture du Christ. » Puis d’une voix un peu plus douce : « Il faudrait le conduire dans l’étable, il a bien assez couru pour une journée. » Avant de se tourner de nouveau vers la jeune femme : « Je vous amènerai à notre Mère supérieure, qui décidera pour moi mais vous pouvez être assuré qu’elle ne laissera pas une âme en peine à la porte de notre abbaye. » Avant de renvoyer les autres sœurs à leurs prières d’un geste de la main et de demander, enfin : « Je suis la sœur Madeleine, et vous êtes ? »

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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyDim 11 Oct - 12:13
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Passée la panique de la poursuite, Gloire put mieux appréhender la femme qui l’avait aidée. Qui rejeta sa main et la reprit sur ses paroles hâtives. Gloire n’était pas plus habituées que cela aux bonnes sœurs ou même aux figures religieuses. Sa maigre expérience lui avait laissé à penser qu’ils aimaient le surplus de reconnaissance, la soumission, les belles paroles grandiloquentes. Visiblement non. Gloire n’était pas une femme difficile, elle avait depuis longtemps appris à s’adapter aux caprices des non-magiques afin de pouvoir vivre dans leur monde. Elle était cependant surprise de voir autant de sécheresse d’une femme qui, pourtant, avait bien prouvé sa générosité. Qui la lui prouvait encore en lui amenant de l’eau, que Gloire accepta avec un maigre sourire qui ne trouva pas d’écho.
Il y avait comme une dissonance chez cette femme, à laquelle Gloire prêtait de plus en plus d’attention, oubliant ses consœurs à ses côtés, qui avaient pourtant réagi à ses propos. L’eau, en effet, lui fit du bien, désaltéra sa gorge desséchée, lui ramena un peu de clarté d’esprit et la força, finalement, à respirer plus doucement, plus calmement. Le fait qu’elle puisse être véritablement en sécurité lui rentrait finalement dans le corps. Comme quelque chose qu’elle aurait entendu sans y croire avant que la sœur ne lui répète qu’elle la croyait, quand elle se disait innocente.
Comment pouvait-elle la croire aussi vite, aussi pleinement ?
Était-ce la prétendue voix du Seigneur qui lui parlait pour lui dire de faire confiance à Gloire ? Gloire qui, certes, n’avait rien fait de mal à ces villageois mais qui était très certainement une sorcière, et fière de l’être avec cela.
La suite confirme les suppositions de la prétendue apothicaire : jamais le Seigneur ne l’aurait laissée rentrer, n’est-ce pas ? Elle se retint de rire, mauvaise. Même si Gloire s’était précipitée ici elle ne portait pas dans son cœur cette religion autoritaire et cruelle qui tuait les siens dès qu’ils parvenaient à leur tomber dessus. Et là, d’entendre celle qui l’avait sauvée lui parler avec autant de ferveur de ce petit homme imaginaire qui était censé pointer du doigt le malin et sauver les bonnes gens, c’était assez ironique pour lui donner envie de rire. Enfin, se moquer ouvertement de celle qui lui tendait la main avec tant de sérieux, cela ne se faisait pas.
Votre foi me sauve, ma sœur, répondit-elle simplement et humblement, préférant à présent les formules plus simples mais toutes aussi ferventes.
Elle s’approcha à son tour de Grisou lorsque la sœur commença à le caresser, et l’âne vint vite frotter sa tête contre elle. Elle le rassura d’une voix douce en flattant son cou alors que la sœur continuait son explication. Ah bah tiens, Grisou l’avait sauvée. Ça la fit sourire, doucement, et elle retint un autre rire.
Grisou m’a été offert pour avoir sauvé la vie d’un enfant, précisa-t-elle d’une voix tendre avant de baiser son front, n’hésitant pas à se flatter elle-même pour bien se faire voir de la dame qui l’accueillait.
Grisou qui, visiblement, méritait bien plus la tendresse et l’affection de la sévère femme que la pauvre apothicaire qu’on avait accueilli. Cela convenait cependant à Gloire, qui n’avait pas véritablement besoin qu’on l’adore et qui se souciait juste qu’on la sauve et qu’on la protège un peu avant de filer bientôt.
J’ai donc fait le bon choix, répondit-elle après avoir laissé partir l’âne, en choisissant de chercher refuge chez vous.
En disant cela, elle servit un sourire reconnaissant aux sœurs encore présentes mais vite chassées.

À présent seules, Gloire crut sentir un courant froid glisser entre elles alors que la sœur se présentait. Madeleine, n’est-ce pas ? Elle attrapa le prénom, le répéta à voix basse, doucement, en cherchant dans ces syllabes un quelconque signe magique qui lui permettrait de comprendre mieux la femme devant elle. On parlait beaucoup de la magie des prénoms et même si Gloire ne l’avait jamais maîtrisée elle y croyait bien aussi fort que Madeleine semblait croire en son cher Seigneur.
Qu’elles étaient ridicules, avec leur vie dévouée à un fantôme et leurs règles qui tenaient à qui chevauchait un âne ou un cheval. Enfin, Gloire n’était clairement pas là pour se plaindre et elle répondit simplement :
On m’appelle Gloire, tout simplement.
Pas de baptême et plus de famille dont elle pourrait revendiquer le nom. Elle était seule, Gloire, avec ce prénom qu’elle s’était choisie toute seule.
Pardonnez-moi mon ignorance, soeur Madeleine, mais vous me semblez une voix très importante dans cette abbaye. Qui êtes-vous pour votre Mère supérieur, pour ainsi pouvoir parler en son nom ? J’ignore tout des hiérarchies de vos ordre…
Petite Gloire n’avait certainement pas suivi son catéchisme.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptySam 31 Oct - 19:11
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« Votre foi me sauve, ma sœur, » lui répondit-on à son petit exposé sur pourquoi est-ce qu’elle était persuadée de faire la bonne chose en l’accueillant ainsi — elle haussa un sourcil, une mine habituelle chez elle lorsqu’elle n’était pas en état de prière mais qu’elle se retrouvait parfois à devoir contempler ce qui lui parvenait du monde extérieur et qu’elle peinait à comprendre. Elle chassa la remarque d’un geste sec de la main : « Notre foi, » corrigea-t-elle, mettant ainsi le doigt sur ce qui l’avait dérangé dans la formulation. Madeleine s’attachait tellement au service de Dieu, aux prières, à la méditation, la spiritualité et l’oubli de soi pour survivre et se comprendre qu’elle imaginait difficilement que sa foi n’était pas universellement partagée. Il fallait bien dire que dans une abbaye, elle n’était entourée que de femmes qui comme elle avaient choisi (ou s’étaient retrouvées forcées…) de se dévouer uniquement au Seigneur, à son fils et à la Vierge. Mais elle ne s’appesantit pas davantage là-dessus, la jeune femme avait traversé des minutes éprouvantes, et elle n’irait pas l’accabler, ce n’était pas… chrétien. « Grisou » reprit-elle, lorsqu’on évoquait l’âne « m’a été offert pour avoir sauvé la vie d’un enfant. » Les yeux de Madeleine s’illuminèrent un peu plus — rien à voir avec les changements qui l’agitaient parfois, mais un éclat bien naturel, bien humain qui montrait son enthousiasme à cette information. « Une telle marque de remerciement ne peut que vous porter chance. » C’était bien Sa volonté alors qui l’avait amené ici. De ça, Madeleine commençait à en être certaine. Elle ne croyait pas au hasard, mais était persuadée que la main du Seigneur guidait les pas de ses ouailles, là où ils devaient aller, à travers les périples, les souffrances et les joies qu’Il leur imposait. Et lorsque l’inconnue conclut qu’elle a fait le bon choix, Sœur Madeleine ne peut qu’avoir un petit sourire, discret : bien entendu que c’était le bon choix, aurait-elle pu dire mais elle préféra hocher lourdement la tête, avec toute la gravitas qu’elle avait l’habitude de mettre dans ses gestes pieux.

Elles furent seules finalement, et l’étrangère répondit à sa question, sur son identité. Gloire ? Tout simplement. Ce n’était pas le genre de prénom qu’elle avait l’habitude de rencontrer. Ici on avait davantage l’habitude des Jeanne, Marie, Madeleine, Cécile… des prénoms auxquelles on pouvait rattacher des Saintes à honorer et admirer. Gloire ? Elle se demanda un instant si cette femme était croyante avant de décider que pour le moment ce n’était pas ce qui importait. « Très bien Gloire. » Qui rappelait tout de même les gloria que l’on trouvait par dizaines dans les psaumes et chants qu’elles récitaient entre ces murs. Peut-être bien que ce prénom était plus fort qu’elle ne l’imaginait tout d’abord.
Et avant qu’elle n’ait eu le temps de lui proposer de la suivre pour rejoindre la Mère Supérieure qui était sans doute en train de travailler aux comptes, on lui posa une question. Une question un peu étrange : « … sœur Madeleine, mais vous me semblez une voix très importante dans cette abbaye. Qui êtes-vous pour votre Mère Supérieure, pour ainsi pouvoir parler en son nom ? » Elle plissa un peu les yeux, en se défendant de sentir la moindre accusation dans l’interrogation de Gloire. Qui insistait sur le fait qu’elle était bien ignorante sur comment les choses se déroulaient dans un couvent. Elle ajusta son voile au niveau de ses oreilles, pour être certaine qu’aucune mèche de cheveux ne dépassait du tissu blanc qui dissimulait ses émois aux regards, avant de répondre, d’une voix haute — parce que vraiment, même à force d’habituer sa voix aux murmures de la prière, une fille de châtelaine ne pouvait jamais totalement perdre ses habitudes. « Je ne suis personne de particulier, ici. La Mère Supérieure est celle qui prend les décisions, mais nous devons bien parfois faire des choix par nous-même. Et j’estime qu’il est de mon devoir d’aider les innocents. » Elle pense pouvoir se contenter de cette fausse réponse, qui n’éclairerait en rien la pauvre jeune femme mais se sentit magnanime de préciser, tout de même : « Les Sœurs sont évidemment toutes égales, entre ces murs, mais vous avez raison, l’on m’écoute davantage que d’autres. » Elle fit un geste, vers la grande porte, comme si elle voulait désigner un point au-delà des petites terres de l’abbaye : « Mon père est un seigneur de cette région. Et nous aide à maintenir cette abbaye. L’argent et le sang n’ont pas droit de cité dans les affaires du Seigneur bien entendu, mais nous sommes tous mortels et pécheurs… » Elle baissa la tête, avec humilité. « J’espère que vous me pardonnerez mon ton et mes manières si elles vous ont offensé. »
Puis elle se redressa un peu mieux et l’invita d’un geste à la suivre : « Je vais vous y conduire. Vous expliquerez votre situation, c’est une femme pieuse et juste, ne craignez rien. » Les couloirs de l’abbaye étaient en majorité vides, toutes les sœurs avaient leur travaux à faire ou bien leur prière. Le silence n’était troublé que par leur pas et leur mot. « Je vous retrouverai après, Gloire. Pour vous montrer l’endroit. » Elle dit cela avec une pointe d’excitation — malgré toute sa froideur il y avait quelque chose en elle qui se réjouissait à l’idée de pouvoir faire quelque chose d’un peu différent.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyDim 29 Nov - 17:49
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Avec quelqu’un d’autre, Gloire aurait bien ri alors qu’on lui sort des excuses comme quoi non, bien sûr que non, sœur Madeleine n’était personne. Comme si elle ne transparaissait pas l’autorité. Comme si elle n’était pas, en acte sinon en titre, celle qui semblait faire rouler tout ce petit monde. Mais Gloire n’est pas avec n’importe qui, au contraire, elle est avec celle à qui il faut visiblement plaire en cet endroit et Gloire n’est pas du genre à s’attirer des ennuis pour rien.
Alors elle sourit, et écoute, et hoche de la tête alors qu’on lui sert des discours bien fait sur l’égalité et la sororité qui règne en ses lieux. Jusqu’à ce que l’aveu passe les lèvres pincées derrière le regard sévère. Et alors que l’histoire se déroulait sous les yeux ébahis de Gloire, elle se souvenait effectivement d’histoires de la sorte. D’une noble recluse, qui aurait bien grandi depuis l’enfance, que personne ne connaissait vraiment, qu’on imaginait tantôt monstre défiguré tantôt gente dame en attente d’un baiser. Gloire savaiit à présent que ce n’est rien de tout cela ou peut-être un étrange mélange des deux. Bien qu’elle doute fortement que la personne souhaitait être embrassée par quelqu’un « comme elle » mais la dame se révélait presque aussi sévère qu’un monstre et Gloire ne put qu’approuver sagement à ses propos.
Ça explique beaucoup de choses, en effet, vous n’avez pas l’allure de ceux qui sortent des fermes du coin, commente-t-elle dans un drôle de compliment. Et nulle crainte sur vos manières, croyez-moi vu la manière dont je viens d’être chassée de ma propre maison, vous êtes bien douce en comparaison.
Et elle se permit un peu de rire, de son malheur, de sa peine, de cet énième déracinement qu’elle expérimentait sans avoir rien fait pour le mériter.
Je vous suis, et vous remercie encore de votre hospitalité.




Une semaine plus tard
Gloire dut vite se rendre à l’évidence que la vie au cloître n’était pas si désagréable que ce qu’elle avait pu imaginer. On ne la forçait pas à se flageller et en tant que laïque elle n’avait pas autant de charges religieuses et de longues prières à marmonner un peu au hasard de ne pas bien les connaître. Les sœurs, pour la plupart, étaient assez effrayées d’elle, malgré ses sourires et sa gentillesse : l’étrangère était différente, on pouvait le sentir. Par son visage, par ses manières, par les rumeurs qui remontaient du village à son sujet.
On la disait sorcière.
On avait bien raison.
Et si Gloire regrettait un petit peu la compagnie et la liberté de sa vie au village, elle profitait bien de cette solitude nouvelle. On mangeait bien, de façon saine, il n’y avait pas beaucoup de bruit, c’était peu de le dire, et si ce n’était pas l’endroit où Gloire s’épanouirait c’était le lieu idéal pour se ressourcer et se reposer. On lui avait trouvé une chambre un peu isolée, de nouveaux vêtements plus adaptés à la vie dans ce lieu pieux et elle se retrouvait une toute nouvelle modestie en ces murs blancs.
Elle avait bien vite vanté son don avec les plantes et on avait tôt fait de l’envoyer s’occuper du potager et des plantes médicinales qu’on conservait et préparait sur place. Cela convenait parfaitement à Gloire qui était toujours plus à son aise à l’extérieur et proche de la nature. Elle apprécia vite l’ordre et la richesse des jardins de l’abbaye et complimenta plusieurs fois Sœur Madeleine en la matière.

La Sœur Madeleine était la seule à venir voir Gloire, à lui demander comment elle se portait, à lui présenter encore quelques détails de la vie de l’abbaye ou à lui rapporter quelle règle elle avait pu enfreindre. Après ces remarques, cependant, elle restait parfois, regardait Gloire travaillait aux jardins et, après un moment de silence que Gloire ne savait pas combler, disparaissait comme par magie dans les profondeurs du monde sur lequel elle semblait régner.
Il était dur de nier l’intérêt que Gloire portait à cette femme énigmatique, sérieuse mais attentionnée, qui semblait traiter la nouvelle arrivée avec une particularité que Gloire n’était pas sans remarquer. Elle était différente, se disait-elle souvent, en la fixant plus ou moins à son insu, avant qu’on ne lui fasse une remarque. Il y avait quelque chose qui la différenciait des autres sans-magie et Gloire se sentait de plus en plus attentive à tout ce qui pouvait concerner celle qui l’avait sauvée avec tant de poigne et de feu.
Elle se prenait même à rêver rester un peu plus longtemps que prévu, profiter de la protection des sœurs jusqu’à ce que le printemps soit parfaitement installé. Et pour les convaincre de la garder, pour montrer sa bonne volonté, Gloire n’hésitait plus à utiliser sa magie sur les plantes dont elle s’occupait. Il lui suffisait d’installer une rapide et sommaire barrière anti-sans-magie autour du potager où elle travaillait puis de laisser ses doigts danser autour des plantes qu’elle avait proposé de planter et qui avaient des propriétés magiques que les sœurs ne semblait pas imaginer.
Profitant d’être certaine de sa solitude, Gloire laissait tomber le voile qu’on la forçait à porter ici, libérant ses cheveux qu’elle n’aimait pas étriquer de la sorte et, sourire aux lèvres, chantonnait les sortilèges appris par sa mère pour favoriser la pousse et la robustesse des jardins.
Elle était en plein dans cette activité lorsqu’elle surprit un bruit, sûrement causé par un oiseau. Relevant des yeux curieux et encore calmes, Gloire sentit son sang se glacer en voyant devant elle non pas un volatile mais la Sœur Madeleine elle-même.
Elle se retrouva aussitôt dressée sur ses pieds, en alerte, sans même savoir comment commencer à justifier la lumière qui émanait de ses doigts à peine quelques secondes auparavant.
Soeur Madeleine ! Vous me surprenez, je… Je ne vous ai pas entendue arriver…
Et surtout, comment avait-elle pu passer la barrière ? Depuis combien de temps Gloire travaillait-elle pour qu’elle se soit déjà délitée ?
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyDim 20 Déc - 18:46
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On décida de garder la jeune femme malgré les menaces partielles qu’avait pu faire l’homme à Sœur Madeleine lorsqu’elle s’était permise de faire entrer l’étrangère dans l’abbaye. La Mère Supérieure estima, tout comme Madeleine, que c’était leur rôle d’aider les âmes en détresse, peu importait finalement d’où elles venaient. Les accusations qui portaient sur la tête de la nouvelle arrivante n’avaient pas beaucoup de force non plus — la Mère Supérieure avait exprimé son agacement devant les idées de sorcellerie, en précisant qu’une sorcière investie des pouvoirs du Malin ne se ferait certainement pas avoir par une foule de paysans effrayés. À partir de là, la question était réglée ; on donna un habit de cloître plusieurs fois reprisé à la demoiselle, Madeleine lui montra comment correctement mettre et fixer son voile, lui indiqua également les heures de vie dans l’abbaye. Le lever, la prière, le repas, la prière, le travail, la prière, de nouveau le travail, la prière, le repas, la prière, le travail, la prière et le coucher. Évidemment Gloire n’était pas religieuse, et toutes ces choses n’étaient pas attendues d’elle, mais leur respect et sa présence durant les offices les plus importants étaient néanmoins requis. Comme remerciement pour le gîte et la protection qu’on lui offrait. Elle avait également proposé d’aider dans les jardins, ce qui avait été rapidement accepté — on avait toujours besoin de plus de mains là-dedans et elle paraissait avoir une affinité avec les plantes ce qui réjouissait Sœur Anne qui se piquait de médecine.
Madeleine gardait un œil sur elle, venait la voir régulièrement s’assurer qu’elle se portait bien. Elles ne se parlaient pas tant que ça, souvent la conversation s’arrêtait et Madeleine repartait à ses propres tâches ; l’abbaye n’était pas un lieu propice aux bavardages et Madeleine avait grandi dans la solitude, peu habituée aux longues discussions et aux politesses vide de sens. Malgré cela elle trouvait une sorte d’apaisement à regarder leur invitée marcher dans les couloirs froid de leur demeure, à la voir rester silencieuse durant les offices. Jeanne lui fit remarquer, une fois, que l’étrangère était parfois étrange. Rien qu’elle ne puisse définir véritablement, ajouta-t-elle devant la figure sévère de Madeleine, mais c’était une sensation qu’elle éprouvait lorsqu’elle était proche de Gloire. Madelaine chassa ces idées d’un mouvement de la main — de ce qu’elle avait pu voir Gloire n’était pas affligée du mal qui la rongeait elle, et qui était à ses yeux l’unique façon qu’avait le mal de se montrer. Sans se douter qu’elle allait bientôt découvrir tout un pan du monde qui lui était resté dissimulé depuis sa naissance.

Elle avait passé un peu de temps à soigner Grisou qui se remettait très bien de sa course effrénée après une semaine de repos. Madeleine s’était toujours senti à l’aise avec les animaux calmes et doux comme les ânes qui la regardaient avec de grands yeux humides et qui ne cillaient pas lorsque parfois elle se sentait perdre le contrôle et qu’un éclat de couleur venait dénaturer ses yeux. Les bêtes étaient bien moins faciles à effrayer que les humains. Après cela elle était sortie dans les jardins, prête à retrouver peut-être la silhouette de la maîtresse de Grisou qui s’activaient souvent avec les plants encore pris dans le froid. Et en effet ce fut là qu’elle la trouva, elle s’en approcha doucement, toujours de son pas discret et posé, calqué sur celui de toutes les Sœurs de cette abbaye. Gloire avait retiré son voile, alors que celui de Madeleine était parfaitement fixé, jamais elle ne pourrait se permettre, elle, ce genre de liberté alors que sa chevelure trahissait tant de choses sur sa nature corrompue. L’habit la protégeait de ce regard-là, et c’était une délivrance pour elle que de pouvoir vivre en parvenant à se cacher avec tant de facilité. Incapable encore de penser qu’il pourrait être encore mieux de simplement vivre sans avoir à se cacher.
Gloire était pris dans son travail, mais un travail étrange ; elle paraissait chanter et agitait ses doigts sans tenir aucun outil. Une énergie envahissait l’espace qui les entourait, remplissait l’air jusque dans les poumons de Madeleine qui sentit quelque chose venir picoter le bout de ses doigts. Surprise, elle fit un pas de côté et bouscula une petite pierre qui fit se redresser l’étrangère. « Sœur Madeleine ! Vous me surprenez, je… » De toute évidence elle ne s’était pas attendue à ce que quelqu’un la dérange pendant ses… chants. Madeleine ne voulait pas tirer de conclusion hâtive mais l’ambiance, et ce qu’elle ressentait alors dans ses tripes étaient bien trop familier pour qu’elle n’aille pas imaginer qu’il y avait quelque chose de très louche là-dessous. Quelque chose de mauvais, dirait-elle-même. Sinon pourquoi Gloire serait-elle aussi troublée de la voir, qui plus est ? « Je ne vous ai pas entendue arriver…Les Sœurs savent se faire discrète. Mais vous ne l’êtes pas beaucoup en revanche, Gloire, » répondit-elle directement. Les yeux un instant perdu dans la chevelure noire qui encadrait le visage de Gloire, avant de se tirer de sa contemplation. « Qu’étiez-vous en train de faire ? Je ne pense pas que Sœur Anne vous ai demandé de réciter des propos païens entre nos murs, n’est-ce pas ? » Et si sa voix restait le plus neutre qu’il était possible, ses mains tremblaient. Avait-elle gâché toutes ces années de travail sur elle-même, de prière et de repentance en accueillant une créature damnée dans la maison de Dieu ? « Je vous faisais confiance, mais peut-être que ces hommes avaient raison. » Et ce n’était pas souvent qu’elle pouvait sortir une telle phrase, vies passées et futures incluses.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyDim 31 Jan - 19:17
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Le cœur de Gloire battait la chamade à l’idée de ce qui pourrait se passer si la sœur Madeleine avait effectivement tout vu. Non, non, même si elle voyait, que pourrait-elle comprendre ? Déjà, Gloire appliquait son plus beau sourire innocent sur son visage, ses grands yeux innocents, l’air de ne pas comprendre ce qu’il peut bien se passer.
Pas discrète, ma soeur ? Je suis désolée, je ne pensais pas tant vous gêner, se défend-elle avec un petit rire alors que les accusations continuaient de pleuvoir.
Le regard sur ses cheveux ne passa pas inaperçu, et Gloire qui pourtant n’était pas étouffée par la honte se sentit gênée de ce regard-là. Se redressant, elle manipule son bonnet pour le remettre sur sa tête et y enfouir de nouveau sa chevelure alors qu’on la questionnait. C’était le mot.
C’était une chanson, ma soeur, rien qu’une chanson de mon enfance, issue de… là d’où je viens.
Ce n’était même pas un mensonge, elle-même pensait au monde magiques et la sœur pourrait s’imaginer des territoires barbares à des milliers de lieux de là. Gloire préférait encore qu’elle s’imagine ce genre de choses plutôt qu’elle se doute de ce qui-
Ce qui-
Le sourire de Gloire se figea brusquement, comme bloqué sur son visage, alors qu’elle fixait le visage de celle qui l’accusait de ce qu’elle avait si fièrement démenti à son arrivée.
Je vous prie de m’excuser, ma soeur, mais de quoi parlez-vous ? En quoi pouvaient-ils avoir raison ?
En jouant ainsi les innocentes elle s’essuyait ses mains terreuses sur son tablier, l’air de ne vraiment pas comprendre. Malheureusement la colère montait un peu, l’indignation aussi. Un peu honteuse peut-être mais tout cela venait de cette femme, cette femme qu’elle avait cru de son côté, qu’elle s’était imaginée reliée à elle d’une manière étrange, et qui maintenant…
Pensez-vous que j’ai quelque chose à voir avec la maladie qui emporte tous ces enfants ? Que j’irai, quoi, les ensorceler pour les regarder mourir ? Moi aussi je vous faisais confiance ma sœur, je croyais que vous compreniez comme moi que ces hommes-là accusent tous ceux qu’il peuvent. Toutes celles qu’ils aiment le moins, qui sont les plus étranges, les plus étrangères pour les accuser de tout ce qu’ils ont pu-
Elle s’interrompit, emportée dans une colère qui la dépassait et la surprenait elle-même. Elle prit alors de profondes inspirations, cherchant en elle ce contrôle qui l’avait gardée en vie tout ce temps.
Pourquoi fallait-il que ce soit devant elle qu’elle dérape ?
Elle sortit de la terre pour rejoindre le petit chemin où se situait la sœur Madelaine, se rapprochant d’elle, au passage, testant en quelques gestes dans son dos la barrière qu’elle avait installé autour de son jardin.
Toujours présente.
Quelque chose ne collait pas. Le cœur battant plus fort à chaque minute qui passait, Gloire se retrouvait face à un fait dont elle peinait à prendre conscience. Abasourdie, elle dévisagea le visage de la sœur si énigmatique qu’elle avait toujours trouvée… particulière. Une de ces enfants de famille sorcière qui ne développaient pas de don et qu’on plaçait où on pouvait ? Au contraire, une fille d’une enfant sans-magie qui n’a même pas conscience de ce qu’elle ?
Ou une coïncidence, une simple coïncidence…
Qu’avez-vous véritablement vu, soeur Madeleine ? demanda-t-elle brusquement, coupant court à ses réponses.
Au pire, elle lui effacerait la mémoire. Ce serait dommage mais enfin, ce ne serait pas la première fois.
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MessageSujet: Re: (MARIA) Hellfire   (MARIA) Hellfire EmptyVen 19 Fév - 15:27
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Madeleine n’était pas une habituée du conflit extérieur — cloîtrée et destinée à la prière, elle n’avait pas beaucoup à reprocher à ses sœurs, et encore moins l’audace de s’en prendre au Seigneur dont elle loue la générosité et la grandeur au travers des micelles et des chants de messes. Le conflit intérieur, en revanche, lui était extrêmement familier ; c’était une lutte de tous les instants, lorsqu’elle sentait ses sens l’amener trop loin, au-delà d’une limite qui la terrifiait par son tabou et l’inconnu qu’elle représentait. Il fallait s’accrocher, résister ; résister avec bien plus de force et de foi que les autres bénédictines qui ignoraient tout du mal qui pouvait ronger la jeune Madeleine. Dans le silence du cloître, les yeux levées vers la croix dénudée qui ponctuait leur chapelle, elle continuait son combat en songeant que plus la tentation était forte, plus sa résistance était sainte. Et cette idée de ne pas être condamnée mais de pouvoir accéder à la Grâce à la force seule de sa volonté la faisait avancer.
Madeleine n’était pas novice en bataille — ce fut sans doute pour cela que sa réaction face à Gloire fut aussi instinctive et viscérale. Jusqu’à surprendre vraiment la jeune femme qui tentait de sourire, de la regarder d’un air que Grisou n’aurait pas renié tant il semblait naïf. Qui avec beaucoup de tournures lui assura qu’il n’y avait rien à voir, qu’elle devait se tromper. Qu’il ne s’agissait que d’une chanson… Et Madeleine ne parvenait pas à expliquer précisément ce qu’elle ressentait et qui lui faisait comprendre qu’il y avait bien plus que cela. Qu’elle n’avait pas simplement vu, avec ses yeux d’humaines, quelque chose mais qu’elle avait vu, vraiment, senti une force qui n’était pas de ce monde. C’était un frisson qui remontait de son dos jusqu’à sa nuque, qui lui rappelait les moments où elle pouvait sentir les griffes d’un pouvoir intérieur jaillir du fond de son cœur pour s’emparer de son corps, qui la prenait et la serrait comme une étreinte familière dont elle ne pouvait se débarrasser.
Elle en perdait le souffle, pourtant toujours droite et rigide alors que Gloire plaidait sa cause avec une fougue qui laisserait croire qu’elle se trouvait devant un juge plutôt que devant une simple Sœur. « Pensez-vous que l’ai quelque chose à voir avec la maladie qui emporte tous ces enfants ? Que j’irai, quoi, les ensorceler pour les regarder mourir ? » Là n’était pas la question, avait-elle envie de répondre. Ce n’était pas une question de ce qu’elle avait fait, mais plutôt une histoire de ce qu’elle faisait maintenant. Et même si elle avait raison, même si Madeleine savait bien que c’était toujours celles qui étaient seules, étranges, marginales qui se faisaient accuser les premières elle ne pouvait pas ignorer que Gloire était vraisemblablement plus marginale encore que ce qu’elle avait pu imaginer.
Elle ne trouva pas de mot à répondre cependant, le corps tétanisé encore de la sensation qui continuait de parcourir sa peau, qui se glissait dans ses veines et qu’elle ne parvenait pas à chasser d’une pensée ou d’une respiration. Elle ne put même pas faire un pas en arrière ou de côté quand Gloire se rapprocha d’elle, même si ce brusque rapprochement ne faisait qu’accentuer la sensation étrange qui la secouait. « Qu’avez-vous véritablement vu, sœur Madeleine ? » l’interroge-t-on soudain, sans aucune manière. Elle écarquilla les yeux, une expression à la fois outré et hautaine qu’elle tirait sans nul doute de sa naissance aristocratique immédiatement visible sur ses traits. « Ce n’est pas moi qui dois être interroger ici, Gloire, » répondit-elle cependant, toujours sur le même ton qui lui permettait de garder le cap et de se maintenir à flot malgré la crainte, l’incompréhension et cette sensation qui l’envahissait toujours un peu plus, prête à la noyer. « Mais bien vous. »
Elle trouva malgré tout la force de faire un pas en avant, vers Gloire et vers ce qu’elle dégageait d’interdit, en même temps sa main allait chercher dans la poche de sa tenue les perles de bois de son chapelet pour y trouver un peu de courage. « Je ne saurais dire ce que j’ai vu, ni ce que j’ai ressenti. Mais je sais que ce n’est pas quelque chose de ce monde. » Et quand elle parlait de ce monde, elle parlait du monde terrestre, habité par les hommes et femmes, elle savait qu’il existait un autre Royaume domaine de Dieu et un autre, domaine de celui qui tentait de tromper les hommes pour les amener dans le Mal. « Et je le sens encore. Autour de vous. Et… » À tel point que ça la prenait à la gorge pour étouffer ses mots. Que ça l’étranglait. Elle se trompait cependant de réceptacle. Ce n’était pas de Gloire que provenait cette sensation qui l’enveloppait, mais d’elle-même. Qui l’enveloppait au point de la recouvrir sans qu’elle ne puisse plus lutter. Sa main libre, qui ne tenait pas son chapelet, se crispa sur son ventre pour tenter de contrôler la sensation qui s’emparait de son corps mais en vain. Sous son voile, invisibles, ses cheveux se teignait du même pourpres qui tapissait l’Enfer dans son imaginaire. Ses iris prirent également cette couleur qui commençait à s’étendre à sa peau, ses lèvres puis un peu plus autour.
Madeleine crut alors qu’elle allait mourir et que Gloire était le Diable qui était venue enfin la chercher.
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