SOUTH KOREA, 2007 Simon n'aurait jamais pensé se retrouver à un mariage en Corée du Sud, encore moins au mariage de Caesar Rosier. Il n'était pas novice en matière de mariages, les Wens étaient une famille assez étendue pour que les mariages ne soient pas rares. Il comprenait aussi le fait de se marier dans son pays d'origine, là où l'on était sûr d'avoir le plus d'invités possible, et où les choses étaient familières, où tout semblait s'emboiter dans le plus parfait des montages. Simon n'était pas supposé venir, pas du tout. Il n'était pas proche de Caesar, ni des Rosiers en réalité, mis à part Ben qui était un ami. Il ne connaissait pas vraiment les autres, ne leur avait parlé que par politesse lorsque ça avait été nécessaire, et avait même eu beaucoup de mal à se rappeler de combien il y en avait exactement. Il n'avait donc rien à faire là, rien du tout. Et pourtant c'était bien les rues de Séoul qu'il était en train de fouler, aux côtés de Celyn Rosier.

Tout s'était mis en route deux jours avant. Simon était allé rendre visite à Ben, comme il le faisait assez régulièrement. Ben et lui étaient amis depuis l'école. Il avait été un des seuls Serpentard qu'il avait pu supporter et avec qui il avait pu être vraiment honnête à l'époque. Ils s'étaient entendus sur leur inconfort partagé du fait d'être dans la maison du serpent, là où la plupart de leurs camarades semblaient si différents d'eux ; Ben avait été témoin de son histoire secrète avec Ethan, qui avait été aussi intense que désastreuse, c'était lui qui avait épongé ses larmes et sa frustration quand Sohan n'avait pas pu être là pour le faire. Et ils étaient restés proches, même après, lorsque tous deux s'étaient orientés dans des carrières bien différentes. Il était resté, avec Sohan, la seule personne qu'il côtoyait encore réellement. Ce n'était donc pas rare qu'il vienne lui rendre visite, d'autant plus que Simon savait qu'il allait s'absenter plusieurs jours pour le mariage de son cousin. Il ne s'était pas attendu à ce que Celyn débarque également chez son ami. Simon ne connaissait pas bien Celyn, ils s'étaient parlés par la force des choses à l'école, pas assez pour se connaitre et devenir proche, et Celyn l'avait embrassé un jour, au détour d'un couloir, sans raison et sans justification. Simon n'avait jamais vraiment compris ce qu'il s'était passé ce jour-là, mais il n'avait rien dit, ni à Celyn ni à qui que ce soit d'autre ; même pas Ethan, qui n'aurait pas apprécié la nouvelle de toute façon. Celyn n'avait pas essayé de se rapprocher de lui après, c'était comme s'il avait oublié que ce baiser s'était même produit. Simon, lui, n'avait pas oublié. Il y repensait parfois et se sentait rougir comme il l'avait fait à l'époque. Il ne savait pas trop pourquoi et n'était pas certain de vouloir le savoir.

Ils s'étaient revus chez Ben, pour la première fois depuis des mois, des années sans doute. Et contre toute attente, Celyn l'avait regardé étrangement, avait murmuré quelque chose dans sa barbe et lui avait demandé d'être son date au mariage de son frère. Simon n'avait pas compris, mais visiblement ne pas comprendre Celyn Rosier était un leitmotiv de son existence. Tout s'était passé très, trop vite. Simon ne se souvenait même plus vraiment de comment il était venu à accepter, la seule chose dont il se souvenait était des explications rapides de Celyn, qui lui avait dit qu'il ne pouvait pas ne pas venir accompagné, que ses parents ne l'accepteraient pas. Il semblait fatigué et les mots avaient quitté la bouche de Simon avant qu'il ne réalise l'entièreté de leur implication. Après cela, ils s'étaient mis en quête d'un costume d'un standing assez satisfaisant pour les Rosiers (Simon avait des costumes et son poste de kinémage lui permettait d'en acheter de qualité correcte, mais il ne voyait pas l'intérêt de dépenser un salaire entier dans un costume). Ils s'étaient mis d'accord sur leur histoire, rien de très complexe, ils s'étaient retrouvés un peu par hasard environ un an auparavant et avaient commencé à parler, et pour une raison inexplicable (l'amour sans doute) leurs visions de l'autre avait changée et ce qui n'avait pas semblé possible avant était soudain devenu une évidence. Simon lui avait demandé sa date de naissance (le trois janvier), combien de frères et soeur il avait (cinq) et quelques autres détails qu'il jugeait importants. Mais tout était encore assez flou, encore à ce moment, alors qu'ils étaient à Séoul et s'apprêtaient à rejoindre la maison familiale dans le Jeollado après avoir réglé quelques dernier détails pour la cérémonie du lendemain.

"Anything important I should know?" Il lança à Celyn qui marchait à ses côtés. Il aurait aimé au moins pouvoir voir Celyn seul avant de devoir prendre part au diner familial mais il n'était pas certain d'en avoir l'occasion, et si sa question était vague, il espérait qu'elle puisse lui permettre de ne pas passer pour un idiot devant les nombreux Rosiers qui l'attendaient. La semaine allait être longue.

Depuis deux jours, Celyn oscillait dans une profonde incertitude. Un instant son idée lui apparaissait formidable de simplicité, la solution parfaite à cet épineux problème de mariage (et de procréation), une prise de position ferme, explicite, flirtant avec le scandale, affichée au-devant de la famille de sa mère. Puis l'instant suivant, elle lui semblait être le résultat d'une impulsion stupide, irréfléchie, une bouffée d'irrationalité brusque qui ne lui ressemblait pas, face à l'angoisse croissante de devoir affronter l'insistance de ses parents. Your younger brother is getting married, and your two younger sisters are engaged. Basil ne faisait plus partie de la conversation, depuis qu'il leur avait présenté Romilda, sa petite amie sang-mêlée (on ne voulait probablement pas adouber cette union en l'utilisant comme argument dans ces circonstances). Il n'en restait que sur une fratrie de six, Celyn restait le seul Rosier majeur et célibataire – et en tant qu'aîné et exemple, il ne pouvait que sentir les regards lourds de sous-entendu de ses deux parents.

Maintenant que Caesar se mariait, il devait agir – vite, et bien. Quand bien même il n'était pas certain que présenter Simon Wen, qu'il connaissait décidément bien peu, à sa famille sidérée réponde à la définition de bien. On aurait pu continuer à le coincer dans des dîners avec des Sang-Pures coréennes, et on parlerait sans doute longtemps de cette extravagance à l'anglaise, chez les Hwang et les Yeun, mais Celyn avait la chance d'avoir des parents respectueux de ses inclinaisons ; s'il leur amenait un homme, il achèverait de confirmer ce dont Aloysius et Jae-Hwa se doutaient depuis déjà de longues années.

"Anything important I should know?" Celyn, nerveux, avait voulu voir dans le détail leur relation fictive autant que possible – rien, dans ce jeu où se décidait son avenir, ne devait être laissé au hasard. "Yes yes, I've written down the extra information you will want to know when we're in." Sans ralentir son allure pressée, Celyn produisit un rouleau de parchemin de taille modeste, qu'il tendit à Simon avec un coup d'oeil. "No need to learn all of this", ajouta-t-il, comme pour prévenir la longueur parfaitement surréaliste du papier, lorsqu'il se déroulait. "My mother and my uncle are the ones you need to convince. Oh, and you should be wary around Ha-yun aswell, she's got a nose for these things, and she won't refrain from asking you personal questions about us, trust me." Il pouvait voir sa sœur, seize ans tout juste, se planter à côté de Simon et faire ce qu'elle savait le mieux faire : étourdir les gens de son énergie solaire, jusqu'à leur tirer les vers du nez sans effort. "I already got Ben and Basil in the confidence. And, oh, yes..." Ils arrivaient devant Namdaemun ; l'imposante porte de bois et de pierre, plantée au milieu d'un carrefour de circulation moldu, les surplombait de toute sa hauteur. Celyn stoppa leur marche, et l'attira légèrement sur le côté. "I haven't got the time to properly prep you for meeting the family. They're quite... Traditional." Il eut une sorte de grimace, face à cet écart culturel – si Celyn avait été élevé dans les traditions coréennes distillées par Jae-Hwa, son éducation britannique se faisait immanquablement sentir, au-devant des Hwang. En dépit des codes qu'il connaissait désormais, l'inconfort y était tel qu'il en oubliait ce qui se trouvait, côté Rosier ; un grand-père aristocrate, tenant à leurs vieilles habitudes, qui aurait été tout aussi surpris, si ce n'était plus, que les Hwang de voir son petit-fils au bras d'un Simon Wen. "You'll hear a lot of nice things, but a lot of honest things too. I assume you're already familiar with such honest brutality." Il engloba d'un regard la tenue de Simon, simple, élégante, revenant à sa mine à peine effleurée par la fatigue du voyage. Pour sûr, il entendrait par le biais du sortilège de traduction qu'il était beau (à répétition) – mais également qu'il n'était pas très grand, en dépit de sa bonne posture, que son visage n'était pas aussi petit qu'on l'aurait espéré, un long inventaire de ses qualités et de ses défauts fait directement au nez du concerné, sur le ton de la conversation.

Abandonnant l'examen des cernes légères, Celyn accrocha un instant le regard de Simon. "Thank you for doing this again. I cannot believe I don't have another choice but to resort to such ends..." Rappeler à lui un ancien camarade de Poudlard, pour la simple et bonne raison qu'il se trouvait chez Ben, lorsqu'il était venu trouver son cousin – quelque chose avait frappé Celyn, en le voyant. Restait à savoir s'il s'agissait d'un éclair de génie ou d'une profonde bêtise, soufflé par la présence inattendue de Simon. "If this all goes well, you'll be saving me a lifetime of excruciating marital pain." Il esquissa un sourire fatigué, dénué de joie, et après un coup d'oeil autour d'eux, sortit sa baguette pour leur permettre de franchir la barrière invisible, sous l'arche en pierre de la porte.

Simon écouta religieusement les explications de son ancien camarade, tout en jetant un coup d'oeil discret au parchemin qu'il lui avait tendu. Il ne savait pas dans quoi il s'était engagé mais une chose était sûre, l'air préoccupé de Celyn se transférait à lui également. Il enregistra les informations sans un mot, avec juste des hochements de tête signifiant qu'il comprenait ce que l'homme à ses côtés lui disait. Sa mère, son oncle, Ha-Yun. Les big boss de toute cette affaire qu'il faudrait convaincre. Il appréhendait déjà les questions invasives et n'osait pas imaginer à quel point elles pourraient l'être. "You'll hear a lot of nice things, but a lot of honest things too. I assume you're already familiar with such honest brutality." Celyn n'aurait pas pu lui dire quelque chose de plus rassurant et angoissant à la fois. "I … yeah, of course" il répondit vaguement. Il n'était pas certain que sa propre famille ne puisse s'approcher du niveau des Rosiers, mais il supposait que toutes les familles avaient leur part de brutalité honnête. "Thank you for doing this again. I cannot believe I don't have another choice but to resort to such ends… — If this all goes well, you'll be saving me a lifetime of excruciating marital pain." Ils franchirent la barrière magique alors que Simon esquissait un sourire, "Always a pleasure to be of help" il lui répondit simplement. Simon comprenait l'angoisse que Celyn pouvait ressentir, et il se savait bien chanceux que sa propre famille, malgré leur statut de sang pur, ne soit pas trop concerné par un mariage éventuel, ou du moins pas encore. L'idée même suffisait à faire se resserrer sa gorge cependant, alors il ne pouvait qu'imaginer ce que Celyn vivait.

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Simon avait passé nuit agitée. Il n'avait jamais compris l'obsession des coréens avec le fait de dormir au sol ou presque et n'avait pas apprécié la nouvelle, ni le fait de devoir dormir dans le même lit que son compagnon. Il avait passé la nuit à tourner, puis à rester immobile, ayant peur de déranger Celyn dans son sommeil et essayant d'oublier que seuls quelques centimètres les séparaient. Il s'était réveillé tendu, fatigué, comme s'il avait à peine dormi, les muscles endoloris par la proximité avec le sol et l'oreiller qui avait fait plus de mal que de bien à sa nuque. Le lieu était agréable, cela dit, Celyn et Simon avaient eu assez d'intimité pour pouvoir discuter rapidement du mariage et de ce qu'ils pouvaient et ne pouvaient pas y faire et les environs étaient assez pittoresques pour être charmants.

Ils s'étaient préparés comme tous les matins de mariage, avec angoisse et précipitation. L'atmosphère autour d'eux était tendue, et Simon lui-même appréhendait que quelque chose ne se passe pas bien, qu'il ne puisse pas garder les apparences et que la famille découvre la supercherie. Ce serait catastrophique, et Celyn lui en voudrait surement énormément. Il essaierait de ne pas trop y penser. Il ne pouvait plus reculer, de toute façon, seulement faire de son mieux et espérer que tout se passe comme prévu.

"Do I look okay?" Il finit par lancer vers Celyn qui venait de réapparaitre dans la pièce. Il n'en savait pas tant que ça sur les Rosiers, mais il savait que les apparences seraient essentielles, il avait déjà pu bien le comprendre avec les quelques heures qu'il avait passé en compagnie de la famille la veille. Même si quelque chose clochait avec lui, ou dans leur histoire, il pouvait au moins s'assurer qu'il présentait la meilleure version de lui-même possible, et les vérifications de dernière minute étaient essentielles. Ils allaient partir d'un moment à l'autre, et Simon ne put s'empêcher de soupirer lourdement à cette pensée.