hiver 1944 ; de ton père, tu ne conserves que le vague souvenir d’un moldu revenu de la guerre avec une patte arrière en moins, vissé à son fauteuil, comme si ça pouvait tenir éloigné les souvenirs traumatisants des combats. D’ailleurs, c’était peut-être même pas lui ton père, parce que rien n’est moins certain qu’il ait eu une permission il y a neuf mois de ça. Ta mère, c’était un peu (même carrément) la sorcière du coin. Recluse dans une bicoque, terrée à la campagne, à filer des herbes et des potions aux moldus pour pas qu’ils la brûlent. Tu avais une ribambelle de frères et sœurs, t’as mis un temps à comprendre comment vous pouviez continuer à en avoir, si papa ne bougeait plus de son fauteuil, ou même après que papa soit mis en terre.

printemps 1952 ; tu vas avoir huit ans. Un soir, le chien s’enfuit, vous partez à sa recherche, en vain. A la nuit tombée, tu y retournes, profitant de la clarté de la pleine lune pour continuer tes recherches, malgré les interdictions de ta mère. C’est là, dans le bois d’à côté, que tu t’es fait attaquer par un loup. C’est un voisin qui t’a retrouvé et soigné. Depuis, tu t’es plusieurs fois demandé si ta mère en aurait fait de même, si ça avait été elle qui t’avait trouvé. On te ramène à elle. Les premiers mois sont de la totale improvisation ; quand on sent que la lune approche, elle t’enferme dans la cabane au fond du jardin qui sert de toilettes. Tu en ressors toujours dans un état répugnant, à force de creuser.
Et puis, quelques pleines lunes plus tard, alors que les voisins se plaignaient du raffut, elle t’a balancé dans leur poulailler. Le résultat a été sans appel, et ils n’ont jamais su d’où ça venait, mais en tout cas, ils ont su que ça leur avait pris un peu trop de poulets. De fait, par la suite, quelques jours avant la pleine lune, ta mère te larguait à des endroits stratégiques pour foutre le boxon chez les éleveurs du coin. Elle veillait à ce que les balles de leur fusil ne te fassent jamais suffisamment mal pour que tu ne retournes pas à la charge. Puis, elle se pointait comme une fleur, en se vendant comme la solution à leur problème de grosse vermine vorace. Elle n’avait plus qu’à t’asperger de potion tue-loup et à faire semblant de te chasser.
L’entreprise a été fructueuse, pour un temps ; vous pouviez partir des semaines sur les routes pour vous foutre en planque dans les bourgs environnants, laissant le reste de la famille tenir la boutique.

été 1959 ; t’as presque quinze ans, et ça fait sept ans que ça dure, cet enfer. A la base, tu n’en étais pas fan, de toute façon, parce que ça t’a éloigné de tes frères et sœurs qui ne te voyaient qu’en coups de vent, et qui t’en voulaient de réquisitionner maman pour toi tout seul. Parfois, c’était l’un de tes aînés qui te promenait alentours, mais la plupart du temps, c’était ta mère qui dirigeait le business d’une main de fer. A force, tu n’en pouvais plus, tu voulais que ça s’arrête et tu la détestais toujours un peu plus. Ta haine pour elle a tellement gonflé dans ton petit cœur qu’une nuit, ce qui devait arriver arriva. C’est que tu étais désormais un peu plus costaud, et la situation dégénérant, tu as tué ta mère, alors qu’elle faisait -plus si- semblant que ça de t’empêcher de saccager un presbytère. C’était la première fois que le loup réalisait ce que tu désirais au plus profond de toi.

mai 1960 ; tu n’es jamais revenu à la maison. Enfin si, une fois, mais ils ne t’ont pas vu. A la place, tu as erré dans les campagnes, habitué désormais à la vie à la dure. Les soirs de pleine lune, tout y passait, les moutons, les bergers, les remises, tout, sauf une fois, un petit marmot sur lequel tu t’es arrêté à temps de te faire les crocs, la créature en toi sans doute muée par un instinct de transmission. Comme tu l’as trouvé dans une bergerie, tu l’as appelé Chip (« sheep » mal prononcé). Il avait quatre ans, et tu lui as mordu le bras droit.

mai 1961 ; pour le premier anniversaire lupin de Chip, tu as décidé de lui offrir un tour en bateau et une grande sœur : Fish, la gamine d’un gardien de phare. Elle avait douze ans à l’époque. Chip avait jeté son dévolu sur elle, un jour de marché. Tu l’as mordue à la cheville droite.

février 1965 ; à force d’attaquer à tout-va, le Ministère finit par te tomber dessus. Pourtant, tu n’es pas plus effrayé que ça ; ils n’ont rien contre toi, les restes villageois étaient déjà tièdes quand ils sont arrivés. Et puis, tu sors de nulle part, tu ne savais même pas qu’il y avait un ministère spécialement pour la magie, convaincu désormais que c’est là qu’on entassait tous les sorciers (c’est que tu n’en as pas croisé beaucoup, dans ta jeunesse). De fait, tu fais ce que tu sais faire le mieux en ces temps de révélation : jouer au con. Et tu réussis à convaincre l’assemblée que tu n’étais qu’un modeste moldu et que « la pilosité sur mon dos est une tare héréditaire, m’sieurs-dames, ma grand-mère et ma mère avaient les mêmes, veuillez ne pas vous moquer, j’vous en prie ! » Il n’y en a qu’un qui ne mord pas à l’hameçon, un certain Lyall Lupin. « Vous êtes sûr que c’est pas plutôt vous, le loup ? » Lui, peut-être pas, mais pour sûr, son gamin, il allait y passer. Aussi, le lendemain, après avoir réussi à t’échapper à l’Oubliator qui devait se charger de retourner ton soi-disant cerveau de moldu, tu as suivi Lyall jusque chez lui pour aller planter les crocs dans la cuisse de son marmot. « Mes amitiés à ton daron, petit ! » (En même temps, avec un nom pareil, tu lui as rendu service) (ce n’était qu’une question de temps.)
Après t’être enfui, ils ont bien été embêtés, au service de régulation « On a son nom ? » « Je crois pas, il a dit qu’il s’appelait John, mais en même temps, il a aussi dit qu’il était moldu… » « ... Je mets quoi alors ? » « Fais voir ce qu’on a pour l’instant ? Romulus, Wolfgang, Okami, Lou… Bah mets Fenrir, tiens, c’est bien, Fenrir ! »

De 1965 à 1981 ; depuis que t’as fait ton cinéma au Ministère, quelques Mangemorts commencent à t’approcher. « On aime beaucoup ce que vous faites, monsieur Fenrir » « C’est pas moi, monsieur Fenrir » « Bah si c’est vous ! Y’a votre photo sous votre nom, là, dans le registre ! » « Ah ! bah si c’est dans le registre, alors… » Pour une fois que ton travail est reconnu, tu rejoins les fidèles du Lord qui te promet un buffet sans fin. Tu en profites pour gonfler les rangs de ta petite famille ; Take (17 ans, nuque), Paperbag et Carmen (8 et 12 ans, flanc et cuisse), Caillou -en français dans le texte- qui ne survivra finalement pas à sa morsure et Ruffina (13 ans et demi, mordue à l’oreille).

octobre 1981 ; après la disparition de Voldemort, tu retournes à tes affaires, semant la zizanie à tout va, jouant à chat avec le service de recensement des hybrides qui n’arrive pas à suivre la multiplication exponentielle de tes enfants : Philby, Loomis, Nadja, Valentine vous rejoignent ; ils ont tous entre dix et dix-huit ans. Vous perdez malgré tout Lloyd, Ruffina et Bucket dans la nature, ou aux mains du Ministère. Entre temps, le Lord refait surface, tu reviens sur le plateau de jeu, comme si de rien était. Il passe son temps à faire la misère à un collégien, et, avec ta ribambelle de marmots, qui es-tu pour juger ?

juin 1996 ; après des années à avoir mordu la poussière, le Lord parvient enfin à faire main basse sur la couenne de Potter. T’as plutôt apprécié la bataille du département des Mystères ; tu n’as jamais tenu le Ministère dans ton coeur, aussi, c’était l’occasion de le saccager un peu gratuitement.
janvier à avril 1997 ; création de la Values Brigade. En échange d’y envoyer quelques-uns de tes petits, tu peux encore faire cavalier seul pour un temps.
août 1997 ; le Lord prend le pouvoir -pas trop tôt ; du coup, c’est le bousier, et, dans les semaines qui suivent, vous devez faire un sacré ménage. Midwest et Lyall II n’y survivent pas, d’ailleurs.
juillet 1998 ; descente au square Grimmaud ; « Franchement, un petit coup de peinture et quelques planches pour boucher le parquet, Take vous fait un truc cosy ! » Ton dernier môme en date, Cave, approuve (et il est bien le seul).

mars 2000 ; début du recensement mensuel. Après toutes ces années à obéir à la baguette du Lord, tu te disais que ta meute serait épargné. Mais que dalle. Après avoir refusé une fois de trop, le Lord voit rouge et te colle à la Values Brigade à laquelle tu avais échappé jusque là. Il te colle dans les pattes d’un petit jeune tout fringant, que t’as plutôt pas intérêt à mordre, si tu veux que tes mômes voient le jour se lever. « Du coup, je vous enregistre à quel nom ? Vous voulez reprendre John Atticus ? » « Nan, laisse Fenrir Greyback, ils vont me refouler à l’entrée si je change maintenant… »
février 2001 ; « Bah alors, il est passé où Lucius ? » « Je ne vois pas de qui tu parles... » Tu commences à te dire que, si même les Mangemorts de la vieille sont pas à l’abri d’une mise au ban, tu peux t’attendre à tout moment à te faire dégager du tableau (déjà que tu n’y figurais pas au premier rang). C’est qu’il devient de plus en plus difficile de bien faire son job. Tu en veux pour preuve que, la fois où tu as bouffé le bras de Javier, on ne t’a même pas laissé finir le travail. Parce que tu comptais pas en faire un loup-garou, à la base (« Un ancien Auror ? Pas de ça à la maison ! »), mais t’avais encore son index coincé entre deux molaires qu’on te l’a retiré, sous prétexte qu’il était une potentielle mine d’informations sur la Résistance. « Et vous savez c’est quoi le pire, dans tout ça ? Ils me l’ont même pas rendu ! Quel gâchis ! J’avais tellement de blagues à lui faire sur son bras ; pour sûr, j’allais pas y aller de main morte ! » « Oh Merlin… »

De 2001 à 2005 ; un an après ton inscription à la Brigade, tu parviens à te débarrasser de ton premier handler, Boris Bagshot, sans avoir à l’envoyer par le fond. Mais ce n’est pas pour autant qu’on accepte de t’épargner une ribambelle de baby-sitters. Avec un handler constamment sur le dos, il t’est plus difficile de récupérer d’autres enfants. En 2002, vous accueillez quand même le petit Lucius (oui, en hommage à Lucius Malfoy) (tu es persuadé qu’il est mort) (même si tu continues de le croiser).
L’année suivante, vous déboulez à Wolverhampton. « Vous êtes sûrs qu’on peut pas s’y installer ? » Quelques mois plus tard, Valentine part faire sa vie ailleurs, Shoebox meurt des suites de blessures, Burrow et Lydia vous rejoignent. En janvier 2005, le Lord se tape la honte en direct, pendant son discours des voeux ; t’étais en régie, à piquer dans le buffet, tu as assisté à tout en première ligne, c’était pas beau à voir.

avril 2006 ; le Lord décide d’exhiber enfin le petit Potter ; bien entendu, la Résistance rapplique « J’vous l’avais dit ; on tend la carotte pour se faire battre ! »
juillet 2006 ; attaque du vampire (« C’était pas toi, Baruch ? T’es sûr ? Tu me le dirais, si c’était toi ? »), création de l’ASAP et début du port du tatouage sur la joue. « Bah pour le coup, le mien, on le voit pas trop, c’est un peu ton sur ton, c’est pas pratique... » Mais au fond de toi, tu l’as mauvaise, une fois encore. Le Lord a pas l’air de vouloir te faire une fleur pour toutes ces années de bons et loyaux services (et surtout de sale boulot).
octobre 2006 ; attaque d’une usine de fringues par un groupe d’hybrides. Puis la petite sauterie de Hallowe’en qui dégénère alors que tu y faisais le pied de grue, et les gamins de la Damocles qui sont libérés. Ça chauffe. « Ça, c’est parce que j’étais pas là, ça »
janvier 2007 ; massacre des Rosier. « Un vrai travail d’orfèvre. » Les petites blagues s’arrêtent là ; à cause du couvre-feu imposé, Burrow a été arrêtée et Nadja a été exécutée sans sommation. T’as rien dit pour la Brigade, pour le tatouage dégueu’, ni pour les années d’humiliation au milieu des Mangemorts, mais là, ça dépasse les bornes.
fin mars 2007 ; tu butes ton handler pour rejoindre les NSFW. Personne dans ta meute ne semble au courant.