La séance avait été levée et ce fut avec peu d’empressement que Myrthild rangeait ses dossiers. Certains, plus rapides, se précipitaient hors de la salle d’audience, pour aller régler d’autres affaires variées. Myrthild, elle, entendit la voix de Blackeye qui la retenait et attendit que la haute-juge la rejoigne avant de quitter la salle en demi-amphithéâtre. L’étoile montante du Magenmagot avait envie de revenir sur des détails avec sa collaboratrice et Myrthild avait pour principe de tendre une oreille attentive dès lors que sa précieuse alliée au Ministère avait besoin de verser du sel. Pour autant, la discussion ne dura pas longtemps, Blackeye bientôt interrompue par un autre haut-juge qui venait lui rappeler une réunion avec Roy Flint lui-même.

Désormais seule, Myrthild décida de rejoindre le gros des employés du Magenmagot qui s’étaient rués en partie dans la salle de pause, pour une boisson chaude bien méritée. Elle-même comptait prendre un thé, histoire de justifier un peu le temps qu’elle comptait passer dans la cafétéria : elle usait de ce temps de répit pour prêter l’oreille aux ragots et aux rumeurs qui y coulaient, parfois sous son apparence, parfois sous celle d’un autre. Ça donnait aussi un peu la température de la Justice Magique, et vu comme l’étau se resserrait autour d’elle, il valait mieux être assez prudente et attentive en ce moment. Toute à ses réflexions personnelles, se concentrant pour rester focalisée sur autre chose et appliquant les rudiments de base qu’elle avait pu trouver dans des livres de sa bibliothèque sur l’occlumantie, elle croisa le regard d’Edmund Grant sans vraiment le voir, jusqu’à ce qu’il en renverse sa tasse de thé au sol et en partie sur le pied droit de Myrthild, dont le dos était découvert par l’escarpin qu’elle portait aujourd’hui. Passée la sensation de brûlure, elle fut forcée de revenir à elle, devant un gratte-papier administratif insignifiant mais qu’elle connaissait de nom depuis longtemps. Elle le dévisagea, furieuse, choquée aussi d’avoir été attaquée (même si elle concevait bien qu’il devait s’agir d’une maladresse), tandis qu’il semblait vouloir rattraper la gaffe. « Pardon Madame. Je suis si maladroit… », bredouilla-t-il tandis qu’il faisait s’évaporer la tâche qui maculait le sol. « Vous auriez pu faire attention, Grant. », dit-elle sèchement, en le fixant d’un air qui augurait qu’elle aurait pu très bien lui lancer un Doloris, rien que pour la forme. Mais on était au Ministère, et même un Mangemort aurait su réfréner l’éclair rouge de douleur sur un collègue. Ils étaient civilisés, même dans la société instaurée par le Seigneur des Ténèbres.

Elle allait passer son chemin, ne pas s’attarder, mais un détail la projeta dans des réminiscences qui avaient plus de dix ans, d’une manie propre à une jeune métamorphomage qu’il avait fallu remettre dans le droit chemin. Le geste était précis, appliqué, et permettait à l’adolescente à l’époque de se ronger les ongles tout en les faisant repousser en même temps.
Grant faisait ça à l’instant.
Or, Grant n’avait en aucun cas de pareilles capacités, ou bien il ne serait pas resté gratte-papiers bien longtemps.
Conclusion, Grant n’était pas Grant.

Si Myrthild n’avait pas renoué contact avec Kingsley et n’avait rien eu à faire avec la Résistance, si elle avait encore cru au bien-fondé de pareil régime et qu’elle avait compris qu’entourloupe il y avait, elle aurait sans doute dégainé sa baguette, pétrifié Grant et l’aurait trainé dans le bureau de son frère, en lui offrant une prise de choix d’une fugitive.
Mais Myrthild n’était plus si sûre que ça de la légitimité du régime et d’une société dirigée par les fidèles de Vous-Savez-Qui, pas plus qu’elle ne voulait vraiment aider Marlon à pincer des résistants notoires. En prime, vu qu’elle avait perdu la métamorphomage de vue et qu’elle n’avait pas vraiment cherché à se tenir au courant, considérant que le dossier était plus ou moins clos, elle ne savait pas forcément si Seonag Maxwell était bel et bien dans le camp opposé.

Aussi, plutôt que de réagir d’une façon ou d’une autre, sa mine se composa presqu’immédiatement après cette remontée mémorielle et elle poursuivit tout aussi sèchement qu’avant : « Tenez, vous tombez bien cela dit. Un peu de travail en plus ne sera pas de trop pour quelqu’un comme vous, non ? À rester chez vous tout ce temps, vous devez bien vous ennuyer… Suivez-moi. » ordonna-t-elle alors à Edmund, avant de s’adresser à une de ses collègues : « Apportez-moi un thé noir avec citron dans mon bureau, voulez-vous ? » Et sans plus attendre de réponse de la part de la seconde que du premier, elle quitte la cafétéria et guide Edmund -qui a intérêt à la suivre- jusqu’à son bureau, étroit mais plus frais que la salle de pause où la tension était montée assez vite. Tout en avançant, elle commente à l’adresse d’Edmund, comme si elle ne l’avait pas reconnue : « Rappelez-moi, quels sont les jours où vous êtes présent au Ministère ? J’aurais besoin des résumés pour les dossiers que je vais vous confier d’ici mardi. »

Ils étaient arrivés à la hauteur de son bureau lorsqu’elle avait relancé la discussion avec « Grant ». Le plan de Myrthild était assez simple : réussir à entraîner l’usurpateur dans son bureau sans que ce soit suspect, donner le change à cette anonyme à qui elle avait donné l’ordre de lui apporter un thé, et confronter ensuite cette métamorphomage qui s’était trahie sans s’en douter.  « Euh… lundi matin, mardi la journée et jeudi après-midi. M’dame. » Elle hocha la tête et lui désigna le couloir pour rejoindre son bureau. « Mais vous n’avez pas de… euh secrétaire m’dame Travers ? Enfin, je m’occupe surtout de tout ce qui arrivera dans les mains de M. Flint, le Directeur. - La secrétaire du Magenmagot est déjà surchargée. Et le Directeur comprendra sans aucun doute. », répond-elle laconiquement. Il ne manquait plus qu’une secrétaire à Myrthild, une fouineuse qui aurait la possibilité de regarder ses dossiers, qui connaîtrait son emploi du temps et pourrait potentiellement en renseigner certains sur son orientation politique. Plutôt mourir que d’avoir une sangsue pareille aux talons. S’arrêtant devant sa porte, elle ouvrit la porte et lui fit signe d’entrer dans le bureau, tandis que « Grant » se lamentait sur la fin de sa pause.

Un ordre, sec, qui sort de sa bouche : « Asseyez-vous. »
Et de contourner son bureau sur lequel s’entassent des liasses de parchemins et des dossiers colorés. D’un coup de baguette, elle fait sortir trois dossiers épais du tas et les fait léviter devant Grant avec un malin plaisir. C’est à ce moment-là que la sorcière mandatée pour gérer le thé de Mrs. Travers toque à la porte, pose la tasse sur le coin indiqué par une Myrthild apparemment agacée et lance un regard compatissant à Grant avant d’être congédiée, sur un «  Foutez le camp, il faut que j’explique certains points à Monsieur Grant. »

La porte claque derrière l’intruse et le regard vert de Myrthild revient sur Grant. Quelques secondes s’écoulent avant que les dossiers ne retombent lourdement sur le bureau. Elle le détaille de ses billes vertes, et finit par glisser doucement : « Bon. J’imagine que tu n’as pas besoin d’un sermon quant à la gravité de ce que tu fais... » Et de lever la main, de la tourner de manière à en montrer le dos et à faire pousser de façon démesurée et exagérée l’ongle de l’index et du majeur. Un soupir plus tard, Myrthild laisse sa main retomber, avant de la passer dans ses cheveux sombres : « Et je suppose que tu n’es pas là pour l’amour du travail administratif. Rassure-toi, ces dossiers n’ont rien d’une contrainte, ce sera plutôt une justification vaseuse. Deux questions pour toi : est-ce que ça ne fait pas vingt ans que je te répète la même chose quant à tes putains d’ongle ? C’est bien la peine d’être ce que tu es si c’est pour être trahie par des détails aussi bêtes ! Et deuxio, qu’est-ce que tu fiches ici ? »

Malgré une tentative de la part de la métamorphomage de donner le change, Myrthild ne modifia pas son expression faciale, dévisageant les traits de Grant sans sembler douter soudainement de ses accusations. Elle ne cilla pas non plus quand Maxwell la mit en joue de sa baguette, observant l’objet avec presque circonspection et fatigue. La démasquée gardait les traits de Grant, ainsi que la voix, et il fallait reconnaître que Myrthild en concevait une certaine fierté, et ce malgré la violence de son interlocutrice.  « Et toi ? Qu’est-ce que tu fous ? Pourquoi t’as pas déjà appelé la cavalerie ? » Un roulement d’yeux vers le plafond plus tard, Mrs Travers grommelait un « Baisse ta baguette... » qui n’eut pas vraiment d’effet autre que de voir Maxwell bondir de sa chaise et enchaîner « Ou je dois m’attendre à ce qu’on me saute dessus déjà ? - Maxwell... », soupira Myrthild en s’appuyant contre le dossier de son fauteuil, dardant de ses prunelles émeraude le visage inchangé de l’usurpatrice. Sa propre baguette était toujours posée sur son bureau, et elle pouvait la reprendre avec facilité. Pour autant, elle préféra tracer de ses doigts un enchaînement de quelques runes visant à sécuriser leur échange contre des oreilles indiscrètes.

« Je ne t’ai pas trahie. » dit-elle calmement ensuite, en nouant ses longs doigts fins entre eux, et en posant ses mains sur son giron. « Tu n’as aucune raison de me croire mais j’ai choisi de ne pas te démasquer en pleine salle de pause. » D’un geste leste, elle reprend sa baguette pour la glisser dans l’étui à sa taille et se renfoncer dans son siège. « Baisse ta baguette, ça devient ridicule... » la gourmanda-t-elle comme on le ferait face à un enfant qui persiste à faire un caprice. Certes, Maxwell n’était plus l’adolescente caractérielle qu’il avait fallu guider dans l’apprentissage de son don, de façon ponctuelle et souvent de loin, mais Myrthild considérait l’attitude défiante qu’elle lui opposait immédiatement était absurde. « Si je t’avais voulu du mal, tu serais déjà pieds et poings liés, et apparence révélée. Je le sais, et tu le sais très bien. » Certes, elle comprenait qu’elle ait un doute et soit méfiante : elle-même l’était en temps normal, mais elle était désormais convaincue que Maxwell n’avait rien d’une espionne pour le Seigneur des Ténèbres. Mieux encore, pour être autant sur les gardes, il y avait de grandes chances qu’elle soit acquise à la cause de l’Ordre, voire qu’elle soit là pour leur compte.

« Beau travail, d’ailleurs. », ajouta Myrthild en opinant du chef. « Je me souviens encore de la fois où la face de Lance avait brutalement changé d’apparence, quand je t’avais confrontée. » Si le souvenir évoqué était effectivement remonté dans sa mémoire, elle ne quitta toutefois pas des yeux la face d’Edmund Grant, qui n’avait plus rien des expressions soumises et penaudes que Maxwell contrefaisait à merveille. « Non, franchement, sans tes ongles, j’aurais pu m’y laisser prendre. » Un instant, une ombre de sourire étira presque ses lèvres. Pour enfin, recommencer à l’interroger, pour comprendre mieux la présence de la téméraire furie : « Depuis combien de temps as-tu pris sa place ? » Quelque chose lui disait que le remplacement devait être permanent, puisqu’elle doutait fortement que la résistante prenne le risque de se retrouver face à face avec son prête-nom. Quelque part, dans ses yeux, crépitait une lueur où se mêlaient fierté et intérêt, couplés à la curiosité réelle d’une femme retrouvant quelqu’un dont elle avait suivi le dossier pendant un long moment.

Myrthild sentait l’incompréhension s’intensifier chez Maxwell, mais elle ne relevait pas pour autant les remarques acides que la Métamorphomage lui lançait. Elle se doutait bien que rien qu’elle ne lui dirait ne la rassurerait. Elle était de l’autre bord, les sangs-purs, les puissants, les oppresseurs. Elle comprenait bien, ainsi, que Maxwell se dérobe à la question qu’elle venait de lui poser, et l’interroge en retour : « depuis quand les gens comme toi veulent pas de mal aux gens comme moi ?. » Sourire pincé chez l’employée du Magenmagot, qui comprenait parfaitement la réserve chez son interlocutrice. Elle avait tant gardé les apparences pendant tant d’années… Non, soyons sincères : elle avait cru à tous ces discours pendant des décennies plutôt, et c’était progressivement qu’elle avait déconstruit certains schémas, sans pour autant vouloir les détruire pour de bon, trop confortable dans sa position. Elle faisait partie de ces privilégiés qui ôtaient tardivement leurs œillères mais hésitaient encore à la marche à suivre, ainsi qu’elle avait pu le dire à Kingsley Shacklebolt. Elle haussa les épaules en guise de réponse, et la laissa poursuivre : « Enfin, tu te doutes bien que ça pue cette histoire. Je peux pas juste balancer mes infos à la sœur du chef de la police magique ! - Et cette méfiance est sans doute ce qui t’a permis de rester en vie tout ce temps., commente-t-elle en hochant la tête. Myrthild savait que tout la désignait comme une alliée du pouvoir en place et, si il n’y avait pas eu quelques discussions, s’il n’y avait pas certains choix, elle le serait sans doute encore, et la discussion serait probablement toute autre.

Elle suivit du regard la baguette de Maxwell, plutôt en position basse, d’un bref coup d’œil, puis revint à la face insipide d’Edmund Grant, qui semblait pris d’un doute ou d’une hésitation quant à la marche à suivre. La Travers restait assise dans son fauteuil, patiente, un rien lasse, mais toutefois patiente.
« Si je te réponds… tu m’expliques ce bordel ? Tu me dis ce qui se passe et pourquoi je suis pas déjà à Azkaban. Parce que moi je suis perdue là ok ? - On peut faire ça., convint-elle, en repensant à la discussion qu’elle avait pu avoir quelques mois plus tôt avec Freya. Et de tendre l’oreille lorsqu’elle lui avoua : « … Ça va faire sept mois… pour Grant.  » Les yeux de Myrthild s’étrécirent à la pause quant au nom de ce visage usurpé. Dévisageant Maxwell qui reprenait son apparence, Myrthild passa une main dans ses cheveux et souffla longuement. Elle reconnaissait les traits de la gamine qu’il avait fallu guider dans le monde sorcier, mais l’enfant était devenue femme, et avait sans doute connu bon nombre d’horreurs. « Bon… sept mois pour Grant, hein ? J’imagine que tu as d’autres visages, mais je ne t’interrogerai par là-dessus : chacun a le droit d’avoir ses secrets. » Et de se lever de son fauteuil, avant de regarder autour d’elle, les quelques photographies sur son bureau montrant sa famille heureuse et soudée. Les mains sur la taille, Myrthild se voûta légèrement puis finit par s’appuyer contre un mur, bras croisés, la face tournée une nouvelle fois vers son hôte surprise :  « Ma famille ne me définit pas. Pas plus que ton sang ne te définit. » C’est tout ce qu’elle trouvait à dire pour expliquer cela. Elle n’avait pas de raison de rentrer dans les détails, le pourquoi du comment elle en était venue à renseigner Kingsley et à basculer dans des idées contraires au régime installé. Elle finit par se rapprocher de son bureau pour ouvrir un tiroir et en sortir un paquet de cigarettes sorcières arborant un centaure bondissant. L’ouvrant, elle en tira une pour la coincer entre ses lèvres, laissa le paquet ouvert si Maxwell veut en prendre une, et alluma le tube de tabac sorcier d’une rune tracée du bout de l’index. Ses doutes s’effilochaient lentement et elle reprit à l’adresse de la métamorphomage : « Mes intérêts sont même plutôt contraires à ceux de mon frère comme ceux de mon mari. Et fort heureusement pour moi, ils ne s’en doutent aucunement. » Et de faire tomber quelques cendres bleutées dans un cendrier tiré de sous une pile de dossiers : « Comme tu le sais bien toi-même, les apparences sont parfois trompeuses… » Elle ne lui en dit pas plus, parce que Maxwell n’avait pas besoin d’en savoir plus, et parce qu’elle ne voulait pas non plus se mettre davantage en danger.

Puis elle reprit, après une nouvelle bouffée de tabac : « Sept mois… Le jeu doit en valoir la chandelle, pour que tu sois aussi assidue… Tu devrais reprendre l’apparence de Grant dès maintenant, on n’est jamais à l’abri d’un intrus ouvrant une porte qui aurait dû rester fermée et il y aurait un problème soudain. » Elle hésitait à l’interroger davantage. Elle voulait savoir qui elle visait, ce que comptait faire Maxwell, mais il y avait un risque de la braquer davantage si elle continuait de l’interroger sur ce qu’elle voulait faire actuellement. « Considère que je ne dirai rien sur ta présence ici. Même si je me demande bien par quel moyen tu as fini par prendre la place de Grant, et que je me doute que ça n’a rien des recommandations qu’on avait pu te faire avec Farrow, je ne vais pas aller crier sur les toits ou dans les couloirs qu’il n’est pas qui il paraît être. Mais c’est dangereux, Maxwell, très dangereux. Est-ce que tu touches à ton but, au moins ? » Considérant la métamorphomage comme une sorte de responsabilité persistante malgré les années écoulées, Myrthild se sentait obligée de la mettre en garde contre les risques qu’elle prenait, en semblant oublier que la môme qu’elle avait face à elle n’était plus une enfant.

La cigarette se consumait entre ses doigts et les voiles s’écartaient pour que Maxwell comprenne la véritable position de Myrthild. Les paroles confuses de la Métamorphomage (« Mais… mais tu… enfin, j’aurais jamais cru… ») confirmaient que la Travers avait réussi là où d’autres auraient pu échouer à montrer patte blanche tout ce temps. Un sourire pincé s’étira pour répondre à pareille affirmation, avant que le sérieux et la prudence reprennent le dessus. « Ça fait du bien de souffler un peu… relou d’avoir sa gueule tout le temps. - Ça me l’a fait, parfois., opina-t-elle brièvement, tandis qu’une pensée bien sombre commençait à faire son chemin lentement dans les méandres de son esprit. Maxwell n’était pas sa fille, elle n’était plus sa responsabilité, et pourtant Myrthild ne pouvait la laisser ressortir sans chercher à en savoir un peu plus, à lui conseiller peut-être une marche à suivre quelconque. Mais avant cela, elle devait savoir si elle en avait bientôt fini avec cette mascarade. La réponse de la née-Moldue lui arracha un soupir, teinté d’admiration pour cette femme qui avait décidé d’agir à visage (dé)couvert, au mépris des risques qu’elle courait à se mettre dans l’antre de l’ennemi. « Je sais que c’est dangereux, mais j’ai pas l’choix. Faut bien que certains fassent le taff sinon ça ne s’arrêtera jamais tout ça. » Myrthild ne dit rien à cet instant, la mine plus sombre, portant la cigarette à ses lèvres. Elle écoutait attentivement, tentait de lire entre les lignes en même temps : « J’sais pas combien de temps encore. J’pensais que ça serait plus court mais… … C’est plus difficile que ce que j’avais prévu. D’être toujours entouré de… ben de Mangemorts. Mais voilà, pas comme si j’avais le choix. Et avant toi, personne m’a grillé. » Petit rire de la part de la membre du Magenmagot, tandis qu’elle soufflait la fumée bleutée. Leurs regards s’ancrèrent tandis que Maxwell poursuivait : « Tu peux peut-être un peu comprendre, si toi aussi tu joues un jeu, ici. » Haussement d’épaules de la part de Myrthild, qui repense un instant à son dernier passage aux Battues et au double-jeu qu’il lui avait fallu mener avec son propre frère. Certes, ils étaient plus proches que jamais, mais c’était cette proximité qui la tiraillait à chaque fois qu’elle se savait œuvrer contre le régime qu’il défendait cœur et âme. « L’environnement et la faune du secteur ne facilitent pas grand chose, effectivement., concéda-t-elle, toujours appuyée contre le mur de son bureau, jetant un coup d’œil sur l’horloge accrochée au dessus de la porte. Il ne fallait pas trop qu’elles tardent à prendre congé, sinon on allait se demander ce qui avait bien pu se passer dans le bureau de Mrs Travers… Pour autant, elle n’était pas encore rassurée, ou satisfaite de l’échange avec Maxwell et n’avait pas le cœur à la renvoyer dans ses faux-semblants.

La voix de Grant reprit, répétant une réflexion déjà exprimée plus tôt : « J’aurais jamais cru franchement… Une Travers… » Un sourire en coin de Myrthild, qui revint vers le bureau pour faire tomber les cendres dans le cendrier, avant de relever les yeux vers Maxwell/Grant : « Comme on dit, il n’y a que les trolls qui ne changent pas d’avis, hein. » Et tant mieux, dans un sens, qu’on ne puisse penser que celle qui se faisait un devoir de relever la barre du patronyme paternel pouvait avoir décidé de servir le camp opposé pour ses propres intérêts. Mais Myrthild supposait que l’opinion de Maxwell chuterait brutalement si elle apprenait que c’était d’abord un calcul global qui avait motivé l’employée du Ministère de la Magie à renseigner le camp opposé à celui naturel. « J’me sens moins seule dans ce niveau de merde. » Un hochement de tête, un souffle bleuté, et la cigarette qu’elle fumait est écrasée dans le cendrier, tandis que Myrthild désigne le siège derrière Maxwell de la paume ouverte : « Asseyons-nous deux minutes, veux-tu ? » Et de prendre elle-même place dans son fauteuil épais pour prendre une gorgée de son thé qui avait tiédi. Reposant la tasse dans sa soucoupe, elle s’éclaircit la voix d’un raclement de gorge peu gracieux, et reprit la parole : « Je ne sais pas vraiment de quel type de soutien tu pourrais avoir besoin, et j’ignore si je serai à même de te le fournir… J’imagine que moins de personnes savent ce que tu fais, mieux c’est. » Une nouvelle gorgée de thé, avant qu’elle tende la main pour prendre les dossiers qui étaient retombés sur le tas de papiers administratifs. « Si tu as besoin de me parler, de n’importe quoi, utilise cette excuse de dossiers à me rendre en mains propres. Je n’ai pas de raison de lier une amitié avec Edmund Grant, mais si je l’exploite un peu, les gens ne seront pas surpris. » L’intérêt d’être cette garce froide et distante qu’elle avait été autrefois, mais qui s’était lentement effacée en secret. « Ne te gêne pas pour te plaindre de moi en privé, si Grant a des collègues plus proches que d’autres. » Quittant des yeux la face insipide du gratte-papier, elle revint vers ses propres ongles, et elle commença à s’en arracher un presque machinalement avant de le jeter dans le cendrier. Avisant la cassure qui n’était pas nette, elle récupéra une lime dans son pot à plumes et commença à arrondir l’extrémité de l’ongle raccourci, avant de revenir vers Maxwell, repensant à quelque chose : « J’ai déjà dû te le dire, mais j’espère que tu récupères ton apparence une fois que tu es seule chez toi… ou chez Edmund ? » Nombreux étaient les récits qui retraçaient la légende de tel ou tel métamorphomage incapable de retrouver son apparence d’origine après en avoir trop changé souvent. « Et… » Pouvait-elle poser la question qui lui venait à l’esprit ? Cela ne risquait-il pas d’en faire une complice inconsciente ? Oh… De toute façon, au point où elle en était… Tâtant brièvement sa poche de robe, au niveau de sa hanche droite, elle y sentit la boussole que Kingsley lui avait donnée. Elle s’exerçait tous les jours et l’aiguille tanguait certes encore un peu, mais une fois au Ministère, elle réussissait à être concentrée. Probablement qu’à l’instant présent, la flèche déviait de son axe habituel, mais la situation n’était pas une de celles auxquelles Myrthild s’était préparée. Reprenant une gorgée de son thé -et finissant la tasse- elle s’humecta les lèvres et demanda donc : « Hm… Tu as identifié plusieurs portes de sortie, une fois ton projet réalisé ? »