Il y a des jours avec et des jours sans, mais les deuxièmes semblent plus fréquents que les premiers ces derniers temps. Parfois, Hannah aimerait s’enfoncer sous ses couettes et juste fermer les yeux et ne plus penser, et ne plus rien sentir. Juste dormir. Mais ce ne sera pas pour maintenant car on tambourine à sa porte, un frisson parcourt son échine, Bash, première pensée qui s’infiltre insidieusement dans son esprit. Elle est en train de courir jusqu’à la porte quand elle entend une voix qu’elle reconnaît même si elle ne l'entend plus autant qu'avant. Elle se presse encore plus alors, l'inquiétude doublée, le sang palpitant dans ses tempes.

Hannah ne jure pas. Jamais. Les mots crus et vulgaires ne font pas partie de son vocabulaire. Elle rougit devant les blagues salaces, et détourne le regard quand des gens s’embrassent sous ses yeux. On l’a souvent dit prude à cause de cela. Mais quand elle ouvre la porte d’un coup en entendant la voix saccadée de son ami et qu’elle voit Jarod, du sang dégoulinant de son visage tuméfié, du carmin séché sur son habit et jusque sur ses chaussures, qu’elle le voit appuyé contre le mur sur le point de tomber, elle s’élance à ses côtés pour le prendre doucement contre elle et ne peut que murmurer. “Fuck.” Un bruit instinctif qui vient de son coeur et de ses tripes tandis qu’elle se dépêche de l’emmener à l’intérieur en espérant que personne ne les a vus, que personne ne les suivra. La porte claque derrière elle, mais Hannah n’y prête pas attention, rien n’existe en cet instant que le jeune homme en bien mauvais état qu’elle dépose délicatement sur son canapé. Elle ne pose d’abord aucune question, une ligne d’inquiétude sur son front et ses lèvres tirées en un trait de concentration alors qu’elle s’active dans la pièce, récupère sa baguette, et d’un accio pressé apporte jusqu’à elle mélange de potions magiques et onguents moldus - car si c’est interdit, la médicomage est persuadée que la combinaison des deux reste le plus efficace des remèdes. La jeune femme récupère une serviette qu’elle humidifie d’un geste de sa baguette avant de la passer lentement sur le visage de l’allongé, nettoyer le visage pour mieux voir les dégâts. “Je suis là Jarod, Shh.” Qu’elle s’empresse de dire sans s’arrêter, d’une voix qu’elle veut douce malgré la panique qui attend pernicieusement de prendre le dessus. Mais tant qu’elle le soigne, elle gardera le contrôle. Sa main glisse sur le visage et y observe les marques violacées laissées certainement par des coups de poings, et le nez qui semble bien touché. Son regard soucieux passe du haut de son visage puis se fixe sur le mouvement de sa respiration entrecoupée comme gênée et son cerveau s’emballe, si une côte est touchée c’est cela qu’elle doit soigner en premier, il pourrait être en danger, si la côte s’enfonce dans les poumons ou… Hannah secoue la tête pour oublier que c’est son ami qui est blessé sur son canapé, pour enfouir la peur terrible de le perdre si elle ne fait pas ce qu’il faut. “Tu as pris des coups ailleurs ?” Ses mains s’avancent, professionnelles, sur son t-shirt, “Je peux ?” demande-t-elle tout de même, alors qu’elle est déjà en train de lui soulever l’habit pour constater les dégâts. Elle ne pense même pas à ce qui lui est arrivé ou seulement dans un coin de sa tête, d’abord le soigner et ensuite viendra le reste.

Elle a laissé échapper un juron devant son ami, elle qui d’ordinaire se contient même dans les situations les plus stressantes n’a pas su comment réagir autrement devant le tableau de Jarod ensanglanté sur le pas de sa porte. Une part d’elle est touchée qu’il soit venu jusqu’à elle, qu’il ai déposé sa confiance en elle, mais cette part est rapidement dépassée par la peur qui la prend aux tripes et la pousse à agir sans réfléchir, le porter jusqu’à son canapé en levant gentiment les yeux au ciel quand son ami dit avoir entendu son léger dérapage de langage.

toute professionnelle, si ce n’est pour le discret tremblement de ses mains, la médicomage fait glisser un linge humide sur son visage en répétant des paroles réconfortantes qu’elle désire apaisantes, et quand il parle, elle l’arrête. “Tu as bien fait de venir ici Jarod. Et ne dis pas de sotises pour le canapé, ce n’est rien qu’un petit sort ne saura nettoyer.” Un clin d'oeil pour appuyer ces propos. Et puis, elle se concentre sur les blessures, le nez définitivement cassé, les hématomes qui se forment déjà sur sa peau jusqu’à lui donner une teinte violacée, et sur cette respiration saccadée qui l’inquiète plus que tout le reste. Jarod la remercie et un sourire tremblotant habille les traits de la Poufsouffle, elle répond machinalement, ne se rendant pas même compte de l’acharnement de ses dents sur sa lèvre inférieure. Leur monde ne tourne pas rond, dans quel univers est-il normal pour un blessé de se rendre en pleine nuit chez une amie parce qu’il ne peut recevoir les soins adéquats à l’hôpital, dans quel pays est-il normal de vivre tous les jours avec la peur de voir ses êtres chers disparaître en un claquement de doigts, en un geste de baguette, et de se dire que l’on vit peut-être les derniers instants de sa misérable existence. Le leur, apparemment.

Ses mains soulèvent le t-shirt, glissent le long de ses côtes, et la grimace de douleur sur le visage de Jarod est la seule indication dont elle a besoin pour déterminer la gravité de la situation alors que ses doigts ne sont que des murmures sur la peau meurtrie. Hannah retire ses mains pour ne pas lui procurer plus de douleur que nécessaire avant de fermer les yeux un instant. Réfléchir à la meilleure manière de procéder, les sorts et les potions appris depuis toutes ces années. Il ne doit pas se passer plus de quelques secondes avant que la voix de Jarod ne la sorte de sa réflexion, mais chaque grain de temps compte dans ce genre de situation. “Tu as une côte cassée, heureusement cela n’a pas touché tes poumons, sinon tu ne parlerais pas autant.” Ajoute-t-elle sur un ton de faux sermont. “Mais c’est ton si joli visage qui a pris le plus. Quelqu’un était jaloux ?” La Abbott cherche au maximum à détendre l’atmosphère, pour lui mais pour elle aussi. Elle prend une petite inspiration avant de continuer. “Je vais commencer par ton nez pour arrêter le saignement, mais il ne faut surtout pas que tu bouges d’accord.” Et sans attendre, parce qu’il n’y a pas de temps pour les hésitations quand une vie est en jeu, la médicomage pointe sa baguette vers le visage de son ami et prononce le sort adéquat. “Episkey.” Elle sent le picotement magique la quitter avant d’entendre le bruit du nez qui se repositionne correctement et un soupir de soulagement la quitte pour se répandre au coeur de la nuit noire et douloureuse. Sans rater un battement, elle glisse le torchon humide sur le visage et attrape la main de Jarod pour la positionner dessus. “Bravo, tu es courageux, maintenant je vais passer aux côtes et ensuite…” Ensuite on verra, parce que si elle tente de ne pas le montrer, Hannah n’est pas bien confiante, ne l’a jamais été et ne le sera peut-être jamais surtout quand il s’agit de la santé d’un de ses proches. Ses boucles blondes retombent autour de son visage alors qu’elle secoue sa tête avant de répéter le même sortilège sur le torse de son patient improvisé. Et espère de tout son coeur ne rien aggraver. Fingers crossed….

Quand elle a choisi de devenir médicomage - une évidence, une vocation même - Hannah ne s'attendait certainement pas à devoir soigner un jour un ami dans le plus grand des secrets sur son minable canapé. Mais elle ne s'attendait pas non plus à retrouver un Terry transformé en loup-garou, à grandir sans une mère, à mûrir sans Susan à ses côtés, à regarder impuissante son petit-frère se tuer à petit feu ; et encore moins à devoir un jour trahir son pays pour la Résistance. Et pourtant, tout cela est bel et bien réel, c'est sa vie maintenant. Elle doit l'accepter, depuis qu'elle s'est éveillée de ce long sommeil empli de déni, Hannah ne peut plus fermer les yeux. Elle avance comme elle peut, en tatonnant, et prend la vie comme elle vient. Cette vie, c'est la sienne il faut croire. Les secrets, fouiner, mentir, supporter. Tant que c'est pour la bonne cause.

Hannah n'hésite pas une seconde à faire entrer son ami chez elle, à l'installer sur son canapé, à l'examiner et à le soigner. Quand le craquement du nez qui se replace se fait entendre, Jarod pousse un juron et Hannah le reprend, une taquinerie qui se lit dans la malice de son regard rougi par l'inquiétude transparente et contenue de la sorcière. "Langage!" en dirigeant sa baguette vers les côtes, la médicomage est néanmoins prise d'une hésitation, ce n'est qu'en sentant la main froide de son ami sur son poignet, en entendant ses mots réconfortants qu'elle prend le courage nécessaire pour lancer le sort. La magie se répand dans l'air entre eux deux et s'insinue jusqu'aux côtes brisées. Un autre bruit, une autre douleur. Hannah peut respirer un peu mieux, Jarod est tiré d'affaire, au moins pour cette fois. Ses mains se posent rapidement sur son torse avec le linge humide pour éloigner un peu la souffrance qu'il doit ressentir. Elle se laisse un petit temps avant de lui répondre, pas certaine de pouvoir contrôler les tremblements dans sa voix, et il n'a pas besoin d'une sorcière sans confiance en cet instant, il a besoin d'un pilier, d'un soutien, d'une amie.

En lui répondant, Hannah récupère une crème moldue dont les effets vont permettre à ses multiples bleus de s'estomper plus rapidement. Ses doigts glissent sur son torse, puis sur son visage dans un ballet délicat. "Comme neuf je ne sais pas, mais tu t'en sortiras. Ta médicomage te préconise cependant beaucoup de repos et prends cette crème, il faudra que tu en mettes tous les matins et tous les soirs sur les bleus." Après lui avoir tendu le petit pot, Hannah se relève et tente de détendre les muscles de ses épaules en portant une forte pression près de sa nuque, ce n'est certainement pas pratique. "Tu restes dormir ici. Et ce n'est pas une question, mais un ordre. N'essaie même pas de négocier ou de dire que tu ne veux pas t'imposer." Elle le connaît bien, même s'ils ne se voient plus autant qu'autrefois. Jarod serait capable de disparaître dans la nuit d'encre sans demander son reste et se mettre en danger alors qu'il est encore affaibli.

Au bout d'un moment, Hannah se dirige vers sa cuisine et leur prépare une tisane à base de feuilles qui les aideront à dormir. il a besoin de repos, et elle aussi d'ailleurs. En revenant dans le salon, un plateau avec le thé dans une main et l'autre qui masse encore son épaule, elle s'asseoit sur le fauteuil en face du canapé, une question la taraude, elle n'ose pas demander de peur de se montrer trop intrusive. "Tout va bien ? Je sais que tu ne peux sans doute pas me dire ce qu'il s'est passé, mais. Es-tu en danger Jarod ? Est-ce que je peux faire quelque chose ?" Soigner ses blessures est une chose, mais au fond d'elle, Hannah a la nette impression que cela est loin d'être suffisant, qu'elle lui doit tellement plus. Sans lui, elle n'aurait peut-être pas eu le coup de fouet nécessaire pour rejoindre l'Ordre, sans lui, elle ne se trouverait peut-être pas là où elle est aujourd'hui. En outre, Jarod est son ami, Hannah s'en voudrait terriblement s'il repartait le lendemain matin sans qu'elle n'ai pu lui apporter toute l'aide dont elle est capable.

Hannah ne se détend qu’au moment où elle entend le craquement distinctif des os qui se replacent sous la peau. Elle sent que son ami se retient de crier et même de bouger et elle l’admire beaucoup pour cela. A sa place, la médicomage est certaine que cela fait longtemps qu’elle serait tombée dans les pommes, mais jusqu’à maintenant elle a toujours réussi à éviter de se retrouver à l’hôpital (comme quoi les cordonniers ne sont pas toujours les plus mal chaussés) et elle espère que cela ne changera pas de sitôt. Elle détesterait être enfermée entre quatre murs dans un lit asceptisé avec la certitude de ne pas être dans les priorités de l’hôpital à cause de son sang et de leur politique arriérée. Jarod la complimente sur ses talents comme à chaque fois, et comme à chaque fois Hannah ne le croit qu’à moitié, “Et la plus sexy.” Là, elle ne le croit pas du tout mais rougit de plus belle sous son regard. “tu vas me faire rougir.” Ajoute-t-elle en rigolant mais tout de même un peu mal à l’aise peu habituée à ce genre de remarques - ce n’est pas qu’elle passe inaperçue mais Hannah n’a pas réellement le temps de sortir, et puis ayant été en couple avec la même personne pendant tant d’années, on finit par en oublier de se complimenter.

En se levant, elle se détourne de lui pour ne pas qu’il aperçoive la coloration de ses pommettes et en profite pour se diriger vers la cuisine leur chercher une bonne tisane aux propriétés apaisantes qui aide à dormir autant qu’elle éloigne les douleurs. Ils en ont bien besoin tous les deux au regard de la tension qui lui pince les épaules et que Jarod ne manque pas de commenter d’ailleurs quand elle revient avec le breuvage fumant. “Toujours aussi observateur mon cher. Ce n’est rien, je dors mal en ce moment, et je pense à plein de choses, du coup toute la pression se glisse sournoisement sur mes épaules.” quelqu’un pourrait lui dire que c’est ce qui arrive quand on cherche constamment à porter le poids du monde sur soi. Mais peut-elle faire autrement avec tout ceux qui souffrent et se battent en silence ?

Elle continue de se masser doucement - tentant d’atteindre des endroits éloignés - en allant s’asseoir sur le fauteuil en face de Jarod et lui pose la question qui la taraude depuis qu’il est entré chez elle. La réponse évasive que son ami lui donne ne fait rien pour apaiser ses craintes à l’idée de ce que son ami peut faire à Knockturn Alley en pleine soirée, rien de bien légal c’est certain. Toutefois, s’il ne veut pas en dire plus sur le sujet Hannah ne le pressera pas. Et ne peut que se mordre la langue pour s’empêcher de déverser un torrent de paroles de mère poule inquiète comme elle a trop tendance à le faire. “hm d’accord. Je me contenterai de cette réponse bien mystérieuse. Mais sache que ma porte est toujours ouverte si jamais tu te retrouvais à nouveau au mauvais endroit, au mauvais moment.” Finit-elle néanmoins par lui dire, les yeux faussement plissés dans un air suspicieux. Avant de lui sourire et de prendre une gorgée de son breuvage. “Fais attention à toi quand même Jarod. Je ne sais pas bien comment je réagirais si un jour tu arrivais quasi-mort devant ma porte d’entrée.” Ses lèvres tremblent rien qu’à l’idée d’une telle possibilité. “Je te sauverais la vie pour te botter les fesses ensuite sans aucun doute.” Ajoute-t-elle après coup pour détendre l’atmosphère et éloigner ces sombres pensées qui ne sont pourtant jamais bien éloignées. On est en guerre, quoi qu’en disent les journaux.    

Maintenant que le plus difficile est passé, que son ami est bel et bien sorti d'affaires, Hannah sent toute la fatigue accumulée depuis des mois - des années même - lui revenir de plein fouet. Ses yeux se ferment d'eux-même et elle sent sa tête s'alourdir alors que tout son corps se réchauffe au contact du breuvage qu'elle tient dans ses mains. Pourtant, la sorcière lutte contre ce sommeil qu'elle accueille d'ordinaire avec soulagement. C'est qu'elle ne le voit presque plus son Jarod, et que toute occasion de rattraper ce temps perdu est accepté jalousement par la blonde. Mais c'est aussi qu'elle a bien conscience que ses petits sorts n'ont peut-être pas tout guéri, et s'il faisait une rechute, une hémorragie interne ou un traumatisme crânien qu'elle aurait raté dans son empressement, et si elle allait se coucher et qu'en se réveillent le matin, Hannah trouve le corps froid de son ami sur son canapé. Not on her watch. Not if she has any say in the matter. Elle a prévu de rester sur ce canapé jusqu'à ce qu'il s'endorme et veiller sur lui toute la nuit. son fauteuil n'est pas si inconfortable et Hannah ne compte plus le nombre de fois où elle s'est endormie dedans, un livre à la main et un plaid sur les genoux.

Elle sent que son ami se bat contre le sommeil - comme elle - mais elle est touchée de voir qu'il n'est pas non plus pressé de rejoindre les bras de Morphée, au contraire il entamme même une discussion sur des sujets autrement plus sympathiques que ce qui lui est arrivé ou les diverses douleurs qui parcèment les épaules de la médicomage. Elle sourit doucement, de ces sourires fatigués mais heureux qu'on a lorsque l'on partage un moment privilégié avec quelqu'un qu'on aime. Ces instants se font rares ces derniers temps et le seront peut-être d'autant plus à mesure qu'Hannah continuera de se battre ; alors elle profite encore plus de tout ce qu'elle peut trouver d'apartée. "Je vais bien. Tu sais, je ne suis pas à plaindre. Je peux faire de ma passion mon métier. J'ai la chance d'avoir un toit sur ma tête, de quoi manger. Parfois, je pense à tout ceux qui ne peuvent pas se le permettre et je me dis que je suis vraiment chanceuse, tu vois ce que je veux dire ? Donc oui, je suis fatiguée, j'ai mal partout le soir et je me mets beaucoup la pression mais .... c'est rien, et si c'est ce que je dois supporter pour faire ce qui est juste et bien, c'est un petit prix à payer tu ne penses pas ?" Un temps passe, puis Hannah rigole avant d'ajouter. "Désolée, tu me demandes si je vais bien et je me lance dans un monologue quasi philosophique ... Toi, comment tu vas ?" Le sommeil peut attendre encore quelques minutes, voire quelques heures. Hannah ne le laissera pas gâcher ce moment, et ne fermera les yeux que lorsque Jarod fera de même