Le grand jour était arrivé. Départ pour la nouvelle mission. Ambassade à l’étranger. Avec Selena… Besoin de reconnaître le terrain, bien sûr. De faire en sorte que lorsque le plénipotentiaire et son équipe diplomatique arriveront, il sera possible d’assurer leur sécurité dans les meilleures conditions. Après tout, si la « guerre » était officiellement terminée, la presse et les voyageurs continuaient de disperser des rumeurs de troubles et il n’était pas aisé de s’y retrouver entre le vrai et le faux, surtout biaisé par les communiqués officiels d’un gouvernement arrivé au pouvoir sans passer par les urnes ou tout autre possédé non-violent. Qu’importe les circonstances ; je brûlais de changer d’air. Le fait que tout ceci se déroule avec Selena corsait l’affaire… Mais bref, quoiqu’il en soit, nous devions montrer patte blanche. Difficile d’imaginer un pays autoritaire laisser entrer en son sein des agents de l’étranger sans raison ni surveillance ; si à deux, bien connus et déclarés nous n’étions pas une menace en terme de renseignements, l’élémentaire précaution visait tout de même à maîtriser les allées et venues sur le territoire…


Alors, on commence par se présenter officiellement au ministère, comme le binôme responsable de la protection de l’ambassadeur de France, arrivés quelques jours en avance pour trouver logement et commodités nécessaires à ce que l’homme et ses adjoints puissent pratique leur office. On nous fait attendre séparément, sans doute pour la pression… Mais rien d’anormal. Je suis détendu. J’ai déjà infiltré un réseau de mages noirs, en France, et l’expérience s’était avérée aussi glauque que barrée, m’amenant aux portes de la folie à cause de mon empathie naturelle. Difficile de vivre en se sentant écartelé entre son devoir et ses loyautés. J’attends patiemment. La mission ici n’est pas la même, je ne suis qu’une sécurité et en aucun cas je ne suis sensé intervenir dans la politique du pays. On finit par me faire rentrer, et je remercie la secrétaire d’un signe de tête, d’un sourire, et d’un « thank you » jovial avec un accent à couper au couteau. L’homme qui m’accueille est grand, l’air raide, rigide. Cheveux poivre et sel. La tronche d’un type qui n’est pas arrivé à sa place par hasard. Je salue l’homme d’un signe de tête, je suis moins jovial, mais je reste souriant, avenant. Tout ceci n’est qu’une formalité en théorie, mais je sens déjà poindre l’impératif du devoir et de la méfiance. Potentiellement je joue gros sur cette première entrée en matière. Je m’assieds donc, bien sagement, et reste le dos bien droit. L’homme commence par une sorte de boutade, et je souris sans me laisser démonter.


| Monsieur le directeur… Je vous remercie. Vous pouvez m’appeler comme vous le souhaitez. Drôle de tradition, n’est-ce pas ? Mais les trois me vont, ils étaient portés avant moi par des personnes estimables. |


L’homme se fait très ouvert, sympathique presque, et détaille ce qui n’est que ce qu’on pourrait déduire comme un « fait de procédure ». J’acquiesce d’un signe de tête.


| Il n’y a pas de mal, directeur Travers. J’imagine que nous aurions exactement les mêmes précautions dans le cas inverse. |


La secrétaire revient avec du café, aussitôt servi par le directeur d’un coup de baguette. Je le remercie d’un signe de tête et d’une brève politesse avant de soutenir son regard.


| Diplomatiquement parlant, aucun rôle, mais je suis ici pour assurer la sécurité de l’ambassadeur. A ce titre, et comme dans tous les pays où nous avons une présence diplomatique, l’ambassadeur a requis un binôme pour assurer sécurité des locaux, des échanges, et des personnels. Mon rôle se borne à être son ombre. Nous sommes arrivés, ma collègue et moi, avec un temps d’avance pour pouvoir trouver un logement pour l’ambassadeur et ses deux aides qui réponde à sa demande en termes de tranquillité et de sécurité, mais aussi de prestige. Nous vous communiquerons l’adresse aussitôt que l’endroit sera trouvé, bien entendu. |


De toute façon, ils seraient sans nul doute capables de la trouver tout seul, mais nous n’étions pas ici pour faire monter la pression entre nos pays.

La discussion s’engageait, relevée, et intelligente. Il était question d’une sorte de poker menteur ; il fallait dire la vérité mais néanmoins dissimuler quelques informations. Ne pas trop en dire. Mais ne pas en garder de trop de côté, sous peine de devenir suspect. Les agents de cette police magique britannique étaient réputés pour leur zèle dans notre pays, et pour avoir un peu voyagé pour le boulot ou pour le plaisir, je savais que ceux qui étaient arrivés au pouvoir par une révolution étaient rarement des enfants de cœur… Que leurs intentions aient été louables ou non au départ n’entrait pas vraiment en ligne de compte, somme toute. Ils avaient renversé un gouvernement, et combattu les forces qui s’étaient par la suite assemblées face à eux. Ils ne prendraient donc pas de risques avec un étranger quel qu’ils soient et pour avoir eu des amis, ou plutôt des relations professionnelles en Angleterre avant le coup d’état, je savais qu’être auror ne les impressionnerait pas.


Pour ce que j’en savais, des collègues anglais, le type en face de moi en avait peut être passé à la moulinette…


Tout était vite devenu obscur, là bas. Difficile d’avoir des infos et jamais de première main. Les anciens collègues avaient été trop occupés avant de disparaître, ou de changer de camp. Bref, en tout cas, plus d’infos, plus rien. L’homme sourit avec politesse quand j’échange sur mon nom, et me dit qu’il m’appellera Philippe. Il ne semble pas gêné que je continue de mon côté à l’appeler par son titre et son nom de famille. Il doit donc me tester, d’en savoir plus sur moi, ou bien les deux en même temps.


| Non c’est vrai. Mais je ne pensais pas que c’était aussi le cas chez les britanniques ; je pensais qu’ils n’avaient qu’un second prénom. J’aurais sans doute venir plus souvent en vacances… Mais heureusement, ma présence ici permettra de me cultiver un peu, à côté du travail. |


Sourire poli à mon tour, alors que j’évitais toujours de boire ce que l’on m’avait proposé. Je me disais que j’aurais sans doute pu prendre mon pied à interroger un type issu de ces « mangemorts » si j’avais été à la maison. Mais ce n’était pas le cas, et maintenant je devais bien me démerder avec la situation. L’homme ne fait pas trop de difficultés et me laisse entendre que mes réponses l’aidaient à y voir plus clair, mais je n’étais pas naïf ; je ne serais pas capable de m’en tirer à si bon compte. Je souris quand le type aux cheveux poivre et sel cherche à me coincer.


| Oh, nous prendrons toute l’aide possible, oui, mais je crains que Monsieur l’Ambassadeur ne souhaite être proche du Ministère… Nous en rediscuterons avec lui, quand il aura vu nos premières propositions. |


C’était nous qui déciderions, et personne d’autre. Pas pour faire de la sédition, l’objectif de l’ambassade était de renoeur le dialogue, a minima, et des liens si c’était possible. Mais il devrait y avoir confiance réciproque ; il serait donc contre productif de se plier aux exigences d’une des deux parties, mais d’essayer de trouver le bon compromis entre toutes. Je haussais les épaules dans un geste de terrain, bien peu classieux, quand Travers voulait flairer la promotion.


| Pas vraiment, en réalité. La promotion aurait été pour moi de diriger une équipe. Le travail ici est prestigieux mais je ne devrais pas avoir grand-chose à faire, on dit votre pays déjà très sécurisé… Ce ne sera peut être que l’affaire de quelques semaines, ou de quelques mois, avant de repartir aux affaires courantes. Je pense qu’on m’a attribué ce poste car je sortais de convalescence, blessure de terrain… Et qu’on ne voulait pas me jeter dans la bagarre trop vite. L’angleterre devrait être plus tranquille, surtout si je ne dois protéger qu’une personne et ses employés. |


Moi aussi, je le testais. A charge de revanche… Je prends un peu plus de temps, plus méfiant quand il évoque Selena. Mais je reprends avec un mince sourire.


| C’est bien Selena, oui. Je la connais depuis l’école, et même un peu avant. Nous n’étions pas dans la même classe, mais de la même promotion, et j’ai été plus tard son binôme au bureau des aurors français. Nous nous connaissons depuis longtemps, les huiles ont pensé qu’il valait mieux n’envoyer que deux protecteurs aguerris qui se connaissent plutôt que toute une équipe ; notre travail n’est pas d’investiguer, nous n’avions pas besoin de tant de moyens. |

an unpleasant encounter

@philippe raulne

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(3 mars 2007) En dépit des réponses innocentes formulées par Raulne, tu avais la drôle de sensation que quelque chose n’allait pas. Le Français était parfaitement courtois, trop peut-être. Après tout, ne disait-on pas « trop poli pour être honnête » ? C’est exactement le sentiment que tu commençais à ressentir pour ton vis-à-vis au fur et à mesure que la conversation se poursuivait. Alors que vous n’en étiez encore qu’à échanger des boutades sur les pratiques culturelles de vos pays respectifs quant aux deuxièmes prénoms, tu sortis délicatement ta baguette de la poche intérieure de ta veste et vins en pointer l’extrémité sur une plume que tu ensorcelas. Tu avais encore suffisamment bonne mémoire pour te dispenser de prendre des notes lors d’un bref entretien de courtoisie. Néanmoins, par cet acte symbolique, tu avais bien l’intention de rendre Raulne un peu plus nerveux qu’à son arrivée. Reprenant la parole comme si de rien n’était, tu démontras que tu n’avais pas perdu le fil de la conversation pour autant. « Si vous cherchez véritablement à améliorer vos connaissances de la culture britannique, vous allez être ravi d’apprendre qu’un grand événement organisé par le ministère aura lieu le mois prochain. Le « Magic is Legendary Festival » sera pour vous l’occasion de vous familiariser avec les arts et la culture de notre beau pays. J’espère que nous nous y croiserons, je vous ferai envoyer une invitation personnelle. » Ton sourire mielleux disparut cependant bien vite. La réponse que Raulne formula à propos du logement de l’ambassadeur te déplut quelque peu. D’un geste de la main, tu intimas à ta baguette de prendre des notes. Tu restas un moment silencieux, te contentant d’observer ton invité. « Je comprends parfaitement que l’ambassadeur souhaite une coupure nette entre son lieu de travail et sa vie privée. Par mesure de précaution, nous vous demanderons simplement de nous communiquer l’adresse exacte lorsque vous la connaîtrez. » Ton visage fermé était en parfaite contradiction avec la bienveillance feinte de tes paroles. Plus le temps passait, plus la conversation semblait prendre une tournure que tu n’appréciais pas beaucoup. Raulne commençait à prendre un peu trop ses aises et tu n’aimais pas particulièrement ses insinuations quant à la sécurité qui régnait au Royaume-Uni. Un sorcier lambda n’aurait peut-être pas cru à mal, mais toi, tu étais persuadé qu’il s’agissait là d’attaques verbales bien déguisées. Certes, il y avait eu quelques failles dans la sécurité du pays ces derniers temps, mais tu n’avais nullement besoin d’un auror pour te rappeler que la Values Brigade faisait mal son travail. « Ravi de voir que la réputation de notre pays nous précède. Comme vous le soulignez, dès lors que l’on n’a rien à se reprocher, le Royaume-Uni est un endroit très sûr. J’ai donc bon espoir que l’on ne vous inflige pas de seconde blessure de terrain. Mais que vous est-il donc arrivé ? » Les détails de cette mésaventure seraient probablement soumis au secret professionnel, mais qu’importe, tu étais curieux de voir comment Raulne allait s’y prendre pour éluder ta question. « Je suppose que le gouvernement français a eu raison de n’envoyer que vous et mademoiselle de Sainte-Croix. Je n’ai entendu que du bien à son sujet. » Oui, on la disait être une auror brillante. Mais à tes yeux, un bon auror était un auror mort.

CODAGE PAR AMATIS

Spoiler:

J’essayais de tenir mon rôle. Mon directeur de bureau croyait en moi, tout comme mon ancien chef d’équipe. Selena, bien sûr, comptait sur moi elle aussi. Je ne pouvais pas faire avorter ma mission aussi vite, ce serait une erreur de débutant et assez incroyable pour me faire remiser dans un placard à balais pendant un moment. Ce n’était pas forcément une mission réellement dangereuse pour ce que j’en savais, mais c’était une mission d’intelligence, de prestige. Là où j’enfonçais auparavant des portes à coups d’épaule et de maléfices, il fallait de la mesure pour réussir ici, j’en étais persuadé. Et j’avais bien écouté les briefings aussi. L’homme en face de moi peut invalider -ou non- tous ces jolis plans préparés par mon gouvernement. Sa marge de manœuvre était toutefois contrainte par les bonnes dispositions que son propre gouvernement prétendait avoir pour le mien. Difficile d’aller plus loin pour l’instant dans mes réflexions sur tout ce qu’il se passait. L’homme prit magiquement des notes.


Procédure de routine ; je suis un habitué des procès-verbaux et des auditions. Je stresse infiniment plus quand on me passe au crible pour d’autres raisons que pour celles-là mais l’homme en face de moi n’était pas né de la dernière pluie et il me semblait assez certain qu’il n’allait pas manquer de me toaster juste ce qu’il fallait. L’homme m’invite, se fait plus encore que courtois, presque galant. De très bonne éducation. Magic is legendary ? Quelle drôle d’initiative. Je me demandais bien en quoi cela consistait… Que cela me plaise ou non, peu d’incidence la question de mes préférences ne se posait pas ; il ne s’agissait que de mieux comprendre l’endroit. En mesurer les potentialités et les dangers. Ce qu’il conviendrait d’en déduire politiquement ne me regardait pas plus que cela.


Je note quand même le « véritablement ».


| Je ne manquerais pas de m’y rendre, monsieur le directeur. Et je suis très honoré de votre invitation. Je suis sûr que ma binôme le sera plus encore. |


Et pour cause, avec ses manies de baronne, des invitations… Même s’il n’avait pas été question d’elle, je mettais les pieds dans le plat. Elle verrait ça comme une façon sans doute de s’assurer d’éviter mes débordements tout en garantissant un autre regard sur ce qu’il s’y déroulerait. Notez que je n’interrogeais pas mon vis-à-vis sur le dit festival, ça aurait sans doute pu paraître trop impoli et je n’étais que toléré au nom de la mission diplomatique dans ce pays, guère plus. L’homme se rembrunit à propos du logement mais il ne pouvait sans doute pas refuser notre démarche puisqu’elle ne visait ni au défi ni à quelque mâle attention…


| Bien sûr, ne vous inquiétez pas pour cela ; je pense que le bail sera la première pièce que vous fournira en mains propres notre ambassadeur… Ce serait la moindre des choses ; nous avons bien conscience d’être dans votre pays en tant qu’invités, et pas en tant que simples locataires. |


Ton simple ; tout va de soi dans ce que je dis. Nous ne serons peut être pas amis avec les godons, mais nous n’avions pas fait l’effort de venir jusque chez eux avec une délégation pour venir les défier volontairement à chaque occasion. Je notais toutefois que même si c’était son métier, l’homme était tâtillon. Difficile dans ces conditions de faire autrement qu’en marchant sur des œufs avec précaution. La question me prend en défaut mais elle est de bonne guerre avec ce que je venais de dire. J’encaisse donc, avec un hochement de tête et ne me départis pas d’un sourire poli, courtois, mais rien de plus.


| Oh, une confrontation avec des cultistes et une attaque à la Magie Noire qui a bien failli avoir ma peau et celle de toute mon équipe. Heureusement l’expérience est plus forte que la fourberie, et j’ai eu la chance de pouvoir compter sur la qualité de mes coéquipiers et celle des services de secours. Mais vous avez entendu parler de Selena, dites-vous ? Cela ne m’étonne pas. Elle est célèbre, chez nous, c’est une auror de grande qualité. Elle est loin de n’être qu’un atout charme pour la suite de l’ambassadeur. |

La discussion s’était tendue presque imperceptiblement, et voilà que les questions continuaient, encore et encore. Le Directeur Travers était un directeur véritablement zélé, au sein de ce ministère de la magie britannique qui n’en finissait pas de démontrer son efficacité… Mais aussi sa méfiance. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure que les choses étaient largement maintenues sous contrôle par le pouvoir en place, qui ne laissait mine de rien que peu de choses au hasard. Cela pouvait dénoter plusieurs choses ; de la spontanéité d’un nouveau pouvoir politique qui entend prouver sa légitimité par sa détermination, ou encore la fidélité quasi-religieuse de ses exécutants. Dans tous les cas ça ne voulait encore rien dire de probant pour notre mission. Elle ne faisait que débuter et si les premières impressions comptaient parfois pour beaucoup, il ne fallait pas que je me formalise aussi vite pour aussi peu. Je ne peux que sourire au compliment que fait le directeur de service envers ma partenaire, nullement touché par une quelconque jalousie ; il suffisait de voir ma gueule pour se décider à ce qu’à peu près n’importe qui soit plus charmant que moi, alors forcément, quelqu’un comme Selena… Mais je me demandais tout de même s’il n’y avait pas un peu d’ironie, de sarcasme, derrière ses propos. Mais je préférais laisser filer et me contenter de mon attitude joviale mais polie.


| En effet, certaines enquêtes se terminent bien plus rapidement sitôt qu’il est question de Selena, de son doigté et de ses bonnes manières, voire de ses sourires… Ils mettent en confiance, voyez vous ? Quand ma propre mine plutôt patibulaire n’inspire pas toujours les mêmes sentiments. |


Autant vous dire que j’en avais chié pour sortir tout ça en anglais, l’accent s’était sans doute fait des plus déplorables sur les mots les plus compliqués à prononcer, mais ce n’était pas très grave en soi. L’homme m’explique en tout cas son point de vue sur l’arrivée de la délégation française, et il a fondamentalement raison. Dans un contexte politique et diplomatique aussi tendu il n’était que normal que nous soyons considérés comme des invités de marque et que notre délégation soit surveillée « au cas où » selon la formule consacrée. Je fis la moue lorsque l’homme explique que bien entendu la sécurité était de mise pour le moment.


| Ceci, monsieur le directeur, est l’assurance prise par mon gouvernement en nous envoyant De Sainte Croix et moi-même ; que l’ambassadeur et ses collaborateurs ne courent aucun danger. Mais je vous remercie de votre intérêt pour cette question. Soyez assuré que monsieur l’ambassadeur en sera évidemment informé. |


Histoire de pouvoir entamer la série de ronds de jambes comme il se devait, avec de quoi dire et de quoi faire. Donner de quoi offrir des politesses et des platitudes, rendez-vous obligés de tous les sorciers qui devaient adopter profil bas pour se faire accepter. Le genre de comportement de personnes importantes, et pas forcément le genre auquel j’étais moi-même habitué. Mon tour de tester un peu mon vis-à-vis, tout en doutant d’être bien dans le ton qui serait suffisant pour faire passer un message, sans être trop outrancier. Définir les aurors comme la norme et la magie noire comme la bête à chasser n’était sans doute pas très malin, mais je n’avais pas toujours avancé mes pions en parfaite maîtrise… C’était plutôt Selena, ça. Enfin, quand elle ne s’agaçait pas encore plus vite que moi, évidemment. Là en tout cas j’en étais sûr, j’avais touché quelque chose, même si son attitude restait digne et son ton très calme.


| C’est certain, encore que les égratignures vous marquent un homme comme votre serviteur ; je n’ai jamais été beau garçon, mais mes espoirs de le devenir en vieillissant sont cruellement trahis… |


Ton un rien badin, pour redescendre en pression. Puis, je le laissais dérouler le fil de sa conversation, et le voilà qui venait me tancer à son tour, sur les français et les traits qu’on leur prêtait de ce côté ci de la Manche. Je serais de bien mauvaise grâce de venir l’alpaguer là-dessus sachant que j’en avais sans doute pire à son sujet, en tant que britannique. Mais là pour le coup je n’étais pas assez stupide pour en dire beaucoup plus. Je le laisse venir, donc, me retenant de le questionner sur sa propre famille ou de parler de Selena.


| Non en effet, pas de femme, pas d’enfant. Pas le temps, vous avez raison. On est susceptible d’être appelés jour et nuit, alors les dames ont du mal à apprécier que leur compagnon se tire à n’importe quelle heure et ne revienne que n’importe quel jour de la semaine qui suit, ou encore celle d’après… On ne maîtrise aucune urgence. Et j’ai aussi deux parents un peu âgés, si votre dossier ne le dis pas. Je passe mes jours de repos chez eux, pour les aider dans leur travail et la vie courante. |


Allez, c’était parti pour la noyade par le détail…