TW: explicit content

Il n’a pas emporté grand chose avec lui, suffisamment pour tenir un moment, mais pas assez pour avoir à enchanter son sac pour en agrandir le volume. Sa baguette, quelques vêtements et chaussures de rechange, deux-trois photos, sa batte, le souaffle qu’il a volé à Hogwarts, sa trousse de toilette, et sa collection de cartes de Quidditch. Pour le reste, on lui a dit qu’il y aurait tout sur place, qu’il n’avait de toute façon à s'embarrasser que du strict nécessaire. Alors c’est ce que Noam a fait. Tout laisser derrière lui et balancer dans un sac à dos ce qui compte vraiment. Et quand il s’est rendu compte que tout y tenait parfaitement, jamais il n’a autant été certain de sa décision. Il ne laissait vraiment pas grand chose de valeur derrière.
Si le jeune homme aurait vraiment aimé mettre au placard ses relations aussi simplement qu’il a pu abandonner l’intégralité de ses affaires chez son père, c’est, évidemment et malheureusement, loin d’être le cas. Le mois de juillet a tout bonnement été un enfer pour celui qui ne vit qu’à travers les liens forts qu’il a tissé ces dernières années, passant le plus de temps possible aux côtés de Mona et Hauata, la boule au ventre et le regard déjà nostalgique. Si on avait posé la question à Alden, il aurait probablement dit que son rejeton n’a pas la tête assez dure pour se défaire de son confort et de ses amitiés, et il fut un temps où Noam aurait pu croire ce mensonge. Plus maintenant.

Quand Noam il a franchi le seuil des Herrera il y a une semaine sous le regard surpris d’Evie, il n’a rien trouvé de mieux à dire pour justifier sa visite surprise que
“Yeah, sorry Mrs. Herrera, things aren’t great at home, ya know how it is. ‘Thought I could hang out here a few days early, hope that’s alright.” Parce que blâmer sa relation avec son père est toujours un bon moyen de débarquer à l’improviste en plein été dans sa famille de substitution sans trop se faire questionner. “Of course it is, silly. Well, don’t just stand there, go put your bag in Ethan’s room and tell everybody to come downstairs, will you ? Dinner's ready.” Jamais, après des années à fréquenter les Herrera, on ne l’a fait se sentir comme une pièce rapportée. Noam a toujours été accueilli à bras ouverts, parfois à la limite d’être considéré comme le cinquième membre de la fratrie - du moins, c’est bien comme ça qu’il veut voir les choses. Et pour cause, il a presque passé plus de chez eux l’été que chez son propre père depuis le début de sa scolarité à Hogwarts, s’y sentant même bien plus à l’aise que dans l’appartement londonien qu’ils partagent. La famille rayonne de cette affection qu’ils se vouent tous, toujours animée par des éclats de rire et des chamailleries, des débats et vives discussions autour d’un bon repas. Autant de scènes qui ont su conquérir Noam dès le premier jour. Squatter chez les Herrera, ça a un peu été l’un de ses échappatoires pendant toutes ces années à souffrir des jugements de son paternel, un refuge qui lui a toujours ouvert la porte avec chaleur et générosité, lui donnant une place qu’il n’aurait osé imaginer plus jeune. Alors, forcément, cette dernière semaine à vivre à leur côté a une bien drôle de saveur.

“What do you mean you haven’t fucked her yet ?” Noam laisse éclater un rire bruyant qui vient résonner contre les murs de la piscine intérieure. Car passer l’été chez Ethan rime toujours avec vacances au bord de la piscine surplombée d’un ciel enchanté toujours ensoleillé, ou, comme ce soir, étoilé. Plongé dans l’eau jusqu’au torse, accoudé contre les rebords en pierre, il tire sur la cigarette qu’il vient doucement tapoter au dessus du cendrier. “Come on mate ! If you’re still a virgin by the end of Hogwarts, there’s nothing I can do for you.” Sa main vient chercher hasardeusement le verre de firewhisky - discrètement emprunté plus tôt dans la soirée dans l’impressionnante collection de Jacinto, pas comme s’il allait remarquer qu’il manque une bouteille - qu’il porte à ses lèvres, faisant disparaître un instant l’inlassable sourire qui les habite dès qu’il est avec Ethan pour prendre une bonne rasade d’alcool, qui lui brûle la trachée en faisant son chemin jusqu’à son estomac. “Wow, that sure is something else than butterbeer, innit ?” L’idiot se marre en essuyant sa bouche, pour finalement lever son verre vers son ami de toujours, l’invitant à trinquer. Il le regarde un instant avant d’ouvrir la bouche, comme pour imprimer son visage dans sa mémoire, comme pour profiter de cette dernière soirée aux côtés de celui dont il partage le quotidien depuis six ans, comme pour il ne sait trop quoi exactement. “To your endless virginity, bro !”

TW: explicit content

“What do you mean you haven’t fucked her yet?” Le rire de Noam résonna désagréablement contre les tympans d'Ethan. Il sentit ses joues se colorer sous l'embarras double : celui d'être moqué par son meilleur ami, d'abord, et d'être encore vierge à dix-sept ans passés, ensuite. "It's not that simple alright! And don't say fuck when you're talking about her, she's my girlfriend for fuck's sake." Et l'amour de sa vie, ajouta-t-il intérieurement tandis qu'il se détournait adroitement pour cacher sa honte tout en reprenant son verre de Firewhisky. Il n'allait pas s'afficher un peu plus devant le regard goguenard de celui censé le soutenir en toute occasion (une confiance visiblement mal placée en six ans d'amitié) ; le souvenir cuisant des quelques tentatives avec Araminta lui revenait en pleine figure, et Ethan aurait souhaité en cet instant disparaître au fond de la piscine familiale. Ce n'était pas comme s'ils n'avaient pas essayé – oh non ; le fond du problème ne résidait pas dans un improbable manque d'envie, mais dans un souci autrement plus concret... Et terriblement imposant. Araminta, devant la taille de ce problème, avait étouffé un hoquet de surprise, avant d'annuler l'opération. Dans un monde d'adolescents idiots où faire l'amour équivalait à s'emboîter, c'était un échec terriblement cuisant – en particulier lorsque l'on avait les hormones en feu, et un imbécile de meilleur ami prompt à vous rappeler ledit échec, encore, et encore, avec un entrain inlassable. “Come on mate ! If you’re still a virgin by the end of Hogwarts, there’s nothing I can do for you.” ”Fucking stop it already”, ronchonna-t-il avec sa tête des mauvais jours, le regard planté droit devant lui. How would you know if you're not here anyway. Devant la perspective de son absence, et ainsi de leur séparation imminente, Ethan tourna la tête vers Noam, qui embrayait déjà sur le goût inénarrable du whisky de ses parents comme si le monde n'était, pour lui, qu'une vaste plaisanterie. ”It's actually kind of your fault if I am still a virgin. I would still be with her, and probably a real man by now, if you hadn't cockblocked me with your bloody owl.” La chouette avait toqué à la fenêtre de chez les McFife, avec à la patte une lettre annonçant l'arrivée de Noam pour le lendemain. Ethan n'avait pas cherché plus loin, et écourté son séjour de moitié chez Araminta – l'ambiance, de toute façon, avait été bien morose pour des vacances d'été chez sa petite copine. La mort de Dumbledore pesait durement sur les esprits, et en dépit de la légèreté qu'ils, tous redoutaient les changements annoncés pour la rentrée prochaine. « Mes parents veulent pas que je retourne à l'école », lui avait confié Araminta, un soir. Le cœur d'Ethan avait chaviré : qu'allait-il devenir, sans Noam et sans elle ? Il était terrifié à l'idée de se retrouver seul, dans les couloirs d'un Poudlard qu'il ne reconnaîtrait plus. Apprendre que Noam partait, quelques mois plus tôt, avait déjà été un affreux coup dur – savoir qu'il n'aurait plus personne lui donnait envie de ne plus sortir de son lit pour le reste de son existence.

”Arsehole.” Bon joueur, Ethan vint trinquer contre le verre de Noam. Il prit une gorgée de sa boisson d'un air buté – en oubliant qu'il s'agissait là de Firewhisky et non pas de l'un des cocktails sorciers qu'ils se faisaient en douce, quand ses parents étaient en ville. ”Fuck it”, parvint-il à cracher après avoir toussé tout ce qu'il savait durant quelques secondes. C'était fort, cette connerie. ”You know what?” Les joues rouges et la gorge en feu, rendant sa voix rauque, il dirigea un index déterminé vers le torse de Noam, rivant son regard dans celui de ce dernier. ”Soon enough I'll become the best ride in the whole country, I'll even be cock-famous in wherever secret place you're going to, and you'll come back to beg me to teach you all the tricks.” Ses yeux se plissèrent devant cette perspective d'avenir radieuse – et un léger sourire vint étirer ses lèvres, en imaginant que Noam lui reviendrait un jour.

TW: explicit content

"And don't say fuck when you're talking about her, she's my girlfriend for fuck's sake." Le sourire de Noam s’étend un peu plus quand il porte la cigarette à ses lèvres, s’avouant vaincu d’un ton ironique. "Right, make love to her, or whatever you call it." Il y a quelque chose dans la présence d’Ethan qui a toujours su apaiser le tourbillon dans lequel Noam semble constamment se perdre. Ce serait un euphémisme que d’affirmer que le Serpentard lui a apporté de solides repères pendant les six dernières années. Que celui souvent considéré comme le bouffon de sa promo se sent être une meilleur personne à ses côtés. L’improbable amitié l’a sauvé de la spirale dans laquelle il aurait pu s’enfoncer plus jeune, et il ne sait pas bien comment il aurait survécu à sa scolarité sans l’éternel soutien d’Ethan. Et imaginer un seul instant ne pas avoir la possibilité de se retourner vers la tête blonde après toutes ses blagues en classe, après toutes ses altercations avec Alden dans les couloirs de l’école, après avoir chopé une des élèves de Beauxbatons, après avoir simplement passé une journée merdique, lui donne le tourni. Rien que l’idée de vivre loin de son ami lui assèche la gorge, lui assène un violent coup dans les tripes. Putain.

"It's actually kind of your fault if I am still a virgin. I would still be with her, and probably a real man by now, if you hadn't cockblocked me with your bloody owl." Sur ce coup, Noam ne peut que lui donner raison. Il avait originellement prévu de se rendre chez les Herrera au mois d’Août, pour venir faire ses aurevoirs - et non adieux, il ne peut s’y résoudre - convenablement avant de rejoindre l’une des planques indiquées par l’Ordre pour de bon. Alors, quand il a reçu un message urgent de ses anciens camarades de l’Armée de Dumbledore, s’inquiétant des agissements de plus en plus douteux des mages noirs, il n’a pas hésité une seule seconde à avancer son départ. S’il était vraiment certain de sa décision, il n’aurait servi à rien de repousser l’inévitable - du moins, c’est comme ça qu’il l’a perçu sur le moment, comme un sparadrap à arracher sèchement pour ne pas souffrir davantage. C’est qu’il se connaît bien mal, à croire que tout laisser derrière lui plus tôt que prévu ne le rongerait pas terriblement. "We both know I’m not the only reason your cock got blocked, mate. Besides, just admit it : a week with your old pal is worth all the shagging in the world." Et il lui offre un de ces sourires entendus dont il a le secret, qu’il sait revêtir dès qu’il essaye de faire passer le mieux possible l’une de ses boutades.

Noam vient engloutir une nouvelle gorgée de Firewhisky après avoir trinqué avec Ethan, et manque de s’étouffer, en choeur avec son ami, alors que l’alcool vient leur irriter la gorge. Jacinto s’y connait définitivement en la matière - comme si eux, du haut de leur dix-sept ans, avaient la moindre idée de la qualité de la liqueur qu’ils descendent comme s’il s’agissait d’un vulgaire pinard. Il est encore secoué d’une légère toux lorsqu’il écrase son mégot dans le cendrier, et qu’il voit le doigt d’Ethan s’approcher de lui, sérieux et déterminé. "Soon enough I'll become the best ride in the whole country, I'll even be cock-famous in wherever secret place you're going to, and you'll come back to beg me to teach you all the tricks." Et Noam n’arrive pas vraiment à rire, simplement à laisser flotter un sourire rêver sur ses lèvres en regardant son meilleur ami s’imaginer un tel futur. Un futur où ils auraient encore tout le loisir de partager leur quotidien. De grandir à côté. De se forger ensemble.

Le bras libre du jeune résistant vient s’enrouler autour des épaules d’Ethan, qu’il secoue d’un mouvement excité. "That’s damn right, bro ! And your face will be all over Witch Weekly, with headlines like “Get yourself a Herrera before it’s too late”. Swear to HaShem right now you’ll send over a copy of each and every single nudes you’ll receive, dude." Et il accompagne sa tirade enjouée d’un rire qui vient mourir bien trop vite dans sa gorge. Parce que cette dernière soirée à pouvoir profiter d’Ethan comme si de rien n’était lui écrase la poitrine, malgré tous les efforts qu’il a pu faire cette semaine pour éviter le sujet. Alors, ne relâchant pas la prise de sa main sur son épaule, il glisse innocemment. "Or you could directly come with me, it’d be way easier with the whole nudes thing." Et bientôt, on n’entend plus que le léger clapoti des vagues artificielles. Il a posé la question un milliard de fois ces derniers mois, et il ne sait pas trop pourquoi il cherche à se faire mal en la suggérant à nouveau. Il connaît déjà la réponse. Putain, qu’il est con. "Hand me the bottle, would ya ?" Comme si cette piètre distraction allait fonctionner.

"We both know I’m not the only reason your cock got blocked, mate. Besides, just admit it : a week with your old pal is worth all the shagging in the world." Maybe. Definitely. Ethan ronchonna, le nez dans son verre de whisky encore rempli. "I guess so, I wouldn't know since I haven't been able to shag yet." Sans avoir pu lui-même connaître les joies de ce sexe qu'on lui vendait depuis les premières poussées d'hormones, Ethan savait pourtant que Noam avait raison. Rien ne pourrait remplacer une semaine d'imbécillités en compagnie de son meilleur ami, et s'il l'avait fallu, Ethan aurait choisi de rester puceau pendant encore quelques années (il ne fallait pas pousser au-delà, tout de même) pour profiter encore de leur amitié d'adolescents un peu idiots et naïfs. Les circonstances, néanmoins, les empêchaient dorénavant d'être aussi insouciants qu'Ethan l'aurait souhaité. Il ne comprenait pas. Rien n'était encore officiel – contre quoi Noam allait-il résister, au juste ? La situation pouvait toujours s'améliorer, ou tout du moins évoluer de façon inattendue – tout avait été inattendu jusqu'à présent, est-ce que ça valait vraiment la peine de sacrifier ses études, son équipe de Quidditch et aussi leur amitié pour partir avec les restes de l'AD, il ne savait trop où ? Noam, vraiment, était trop embrigadé dans ses grands idéaux. Et Ethan lui en voulait de partir. Ce faisant, il le laissait tout seul – tout seul, pour leur dernière année à Poudlard !

Ethan se raccrochait à l'alternative, à un après où ils se retrouveraient, quand les choses se seraient arrangées d'elles-mêmes. Il deviendrait le meilleur coup du monde, en plus d'être un journaliste accompli, et Noam pourrait devenir un joueur de Quidditch, ainsi que de décrocher la seconde place au palmarès du sexe. Le sourire mélancolique que lui renvoya Noam lui fit mal. "That’s damn right, bro ! And your face we’ll be all over Witch Weekly, with headlines like “Get yourself a Herrera before it’s too late”. Swear to HaShem right now you’ll send over a copy of each and every single nudes you’ll receive, dude." Pourquoi ne se moquait-il pas ? Pourquoi l'encourageait-il, au lieu de vouloir lui prendre la première place ? Noam n'avait pas le droit d'abandonner la compétition – Noam n'avait qu'à rester avec lui, s'il voulait voir les nudes. Ethan allait lui dire, lorsque Noam le devança : "Or you could directly come with me, it’d be way easier with the whole nudes thing." Sous le choc, Ethan referma immédiatement la bouche. Noam avait essayé plusieurs fois de le convaincre de venir avec lui, allant des simples plaisanteries, comme celle-ci, à de véritables plaidoyers pour sa cause invisible. Ethan avait espéré que cette idée lui passerait, après la mort de Dumbledore, que ce n'était qu'une lubie passagère qu'avait encouragée l'AD ; c'était autre chose de tout abandonner et de partir que de s'entraîner à faire des Patronus dans la salle sur demande.

Ethan se rendit compte que jusqu'au dernier soir, jusqu'au dernier instant, il s'était attendu à ce que Noam change d'avis ; et devant la réalisation que cela n'arriverait pas, que Noam partirait bel et bien le lendemain matin, comme prévu, qu'il le quitterait pour de bon, comme prévu, Ethan se sentit parfaitement impuissant – et idiot, et triste, et en colère, et tout un tas d'émotions stupides à la fois. "How can you fucking joke about it?" s'entendit-il répliquer, visiblement blessé par sa remarque, et révolté qu'il lui demande de lui passer, en plus, la bouteille comme si de rien n'était. "Oh that may be so easy for you to just leave everyone and to fuck off the world knows where to fight some evil forces. How heroic." Les mots lui piquaient la gorge, à moins que ce ne fût l'idée de savoir Noam loin de lui – ou de se savoir moins important à ses yeux que le reste. Ethan ne savait plus – et il déglutit difficilement avant de reprendre, sa voix grimpant dans les aigus de façon inquiétante. "Do you know I'll probably all alone when I go back to Hogwarts?" Merde. Ce n'était pas ce qu'il voulait dire. Il sentit son visage s'empourprer. "Minta's parents don't want her to go back. You'll be gone. Of course your bloody cause or whatever that is is surely more important than all that (lui, seul, sans Noam avec qui rire de tout), you couldn't care less anyway." Et il but de nouveau une gorgée de whisky, retenant une toux malvenue en sentant la brûlure de l'alcool dans sa gorge, ainsi qu'une colère triste qui lui piquait un peu les yeux.

Toute l’énergie qu’il se tue à dépenser depuis des mois pour repousser, ou plutôt ignorer, l’inévitable est enfin arrivée à bout de ses réserves. Il n’y a plus rien pour protéger Noam de la déstabilisante réalisation qu’il va devoir, pour de vrai, laisser derrière lui tout ce qu’il a construit naturellement pendant des années. Qu’il va réellement partir loin d’Ethan. La pilule était plus simple à avaler quand ce n’était qu’un plan vague, un peu lointain, qu’il avait tout le loisir d’en plaisanter comme s’il s’agissait d’un avenir qu’il ne le concernait qu’à moitié. Le Noam du présent était aux côtés de son ami, c’est tout ce qui importait, et son départ pour l’Ordre du Phénix serait un problème pour le Noam du futur. S’interdisant de se projeter, si ce n’est en essayant de convaincre son frère de coeur de rejoindre la cause, il s’est donc refusé d’affronter ce qui lui revient désormais en pleine face, dans une douloureuse claque infligée par les mots d’Ethan. "How can you fucking joke about it?" Comment ne pourrait-il pas plaisanter à ce sujet ? Comment pourrait-il accepter de plonger la tête la première dans cette réalité qui le terrifie ? C’est ce qu’il fait de mieux, invalider ce qu’il ressent en étalant d’épaisses et lourdes couches d’humeur sur le tout. Bien plus digeste. Mais certainement pas au goût d’Ethan. "I’m just asking for the bloody bottle, mate, chill out." La main de Noam se décroche enfin de l’épaule de son ami, et vient disparaître dans l’eau sombre et agitée. Lui-même, se détache légèrement du bord pour enfoncer un peu plus dans l’eau, comme si sa remarque déconnectée et le liquide les entourant lui servirait d’une quelconque protection contre la frustration - justifiée ? - du Serpentard. Bien tenté.

"Oh that may be so easy for you to just leave everyone and to fuck off the world knows where to fight some evil forces. How heroic." − That’s… not true? Il aimerait projeter sa voix un peu plus, avoir la force d’interrompre Ethan dans son élan, mais il ne parvient qu’à bafouiller ces quelques mots dans une étourdissante confusion. Il sait que le blond n’approuve pas son départ, le sujet a d’ailleurs réussi à soulever de premières réelles confrontations entre les deux amis d’enfance, qu’il ne comprend pas bien ce qui pousse Noam à tout plaquer pour lutter contre ces evil forces qu’il ne souhaite nommer. Mais comment peut-il dire que c’est un choix simple à faire ? C’est faux, putain de merde. Ça l’empêche de dormir la nuit, ça le ronge de l’intérieur, ça lui donne envie d’exploser en sanglot dès qu’il y pense. D’exploser en sanglot, là, tout de suite, sous les assauts d’Ethan. "Do you know I'll probably be all alone when I go back to Hogwarts? Minta's parents don't want her to go back. You'll be gone. Of course your bloody cause or whatever that is is surely more important than all that, you couldn't care less anyway." You couldn’t care less. L’accusation de son ami le fait s’enfoncer encore un peu plus, à la fois dans l’eau, et à la fois dans un torrent autrement plus violent. Ce fameux torrent, qu’il a soigneusement cherché à éviter, justement pour ne pas se retrouver pris dans les filets de l’incompréhension d’Ethan. Noam n’est pas énervé, il est assomé.

"Is that really what you think, bro?" Il baisse les yeux vers la surface dansante de l’eau, pour regarder un instant son reflet agité, nettement plus simple à affronter que celui de son ami. Parce que plonger ses pupilles dans celles d’Ethan, cela reviendrait à se heurter à la véracité de ce qu’il avance - au moins en partie. Il a fait le choix de l’abandonner. "I’m sorry-" De quoi, exactement ? De suivre ce qu’il considère être la meilleure solution ? De refuser de remettre les pieds dans l’établissement tombé entre les mains du gouvernement ? De ne pas nier que le danger grandit pour le monde sorcier, qu’il ne sont pas en sécurité, et qu’il a envie d'agir ? "I’m sorry you believe such bullshits. I fucking care, that’s like-" A nouveau, il cherche ses mots, et les trouve en relevant enfin les yeux vers Ethan. "-killing me, man. That’s the roughest shit ever to know I’m leaving you behind, especially to know you’ll be all by yourself. That’s alright if you’re pissed, I get it, but fuck off if you think that’s easy." Il se passe une main humide sur le visage, venant masser ses paupières quelques secondes, peut-être pour retenir les larmes qui commencent dangereusement à lui monter aux yeux. "I’m terrified, bro. And you won’t even be here to cheer me up and-" Sa voix finit par s’étrangler dans sa gorge, merde. Merde merde merde merde. Qu’est-ce qu’il va devenir sans Ethan ? Il ne parvient plus à aligner ses pensées, à en tirer quoi que ce soit de cohérent. Tout ce qui l’habite, c’est cette peur de l’inconnu, et la désagréable envie de chialer. "-and you’ve always been here." Mais, demain, pour la première fois, ils seront seuls.

Son cœur battait violemment à ses tempes, un boucan assourdissant dans le silence qui venait de retomber brusquement. Pas de rire idiot, pas de tape amicale sur son épaule, pas de bro pour casser cette pause, qui paraissait à Ethan d'autant plus lourde qu'elle suivait un débordement imprévu, les vannes de sa frustration et de sa peine enfin ouvertes après de longs jours – non, de longues semaines, depuis qu'il savait que Noam partirait – à y mariner sans rien en dire, plus depuis leur vive discussion où les deux amis avaient campé sur leurs positions. L'un partait, et l'autre ne le suivrait pas ; la déchirure de leurs deux destins entremêlés depuis l'enfance avait créé dans le torse du Serpentard une profonde blessure que l'échéance du départ avait creusée, jour après jour, jusqu'à cet instant.

"Is that really what you think, bro?" La gorge d'Ethan se serra un peu plus, tandis qu'il considérait le fond de son verre de whisky qu'il venait de vider, les sourcils froncés en une expression butée – la brûlure de l'alcool une torture, ravageant son œsophage et ses joues enflammées d'une colère brusque. Son entêtement prenait dans la rancœur des proportions incontrôlables ; devant le ton sonné de Noam, il pinça les lèvres, comme scellées en dépit de cet écho lointain de leur amitié à toute épreuve – du moins l'avait-il cru jusqu'à ce que son meilleur ami  l'abandonne.
Oui, c'était ce qu'il croyait : Noam, en partant pour de bon, lui fournissait la preuve qu'il s'agissait d'un abandon volontaire, le véritable cœur de ce problème épineux s'enfonçant au fil des jours dans le pied d'Ethan. "I’m sorry-" Le cœur d'Ethan se souleva sous une vague d'émotion, à ces excuses qui menaçaient de repousser les paroles idiotes dans le coin oublié des rares disputes qu'ils avaient pu connaître. "I’m sorry you believe such bullshits. I fucking care, that’s like..." Bullshits ? Sous le brusque retour, le sorcier serra les mâchoires, et la vague d'espoir quant à l'apaisement de cet accroc s'écrasa tout aussi brusquement qu'elle s'était levée dans sa poitrine. Bloody liar. "…killing me, man. That’s the roughest shit ever to know I’m leaving you behind, especially to know you’ll be all by yourself. That’s alright if you’re pissed, I get it, but fuck off if you think that’s easy." "You fuck off", lâcha-t-il bêtement, par réflexe défensif, en sentant ses yeux lui brûler à son tour – impossible cette fois de blâmer l'alcool. "I’m terrified, bro. And you won’t even be here to cheer me up and... and you’ve always been here." "Then why the fuck are you going?" Il darda son regard humide sur Noam, ses yeux bleus ayant tourné à l'orage. "I don't care if you're scared, you'll have like a billion people to cheer you up over there, and soon enough you won't care if I'm there or not." Sa voix s'érailla, comme si elle était, elle aussi à bout de souffle, et il déglutit rapidement pour mieux se précipiter sur les mots qui lui déchiraient le coeur ; Ethan avait besoin de déverser sa bile jusqu'au bout. "You're a fucking hypocrite, telling me that you care and then still going anyway. Like you'll make a change anyway. … Fuck." Inclinant la tête, il passa rapidement une paume sur ses pommettes où s'étaient échappé des larmes de frustration ; Ethan se détourna, et reposa le verre de whisky sur le bord de la piscine. "You go then, I need some air", fit-il avant de se saisir de l'échelle et de se hisser hors du bassin, la vue brouillée par une rage mouillée de tristesse.

Noam l'abandonnait, et il ne pourrait rien y faire ; d'un geste vif, il récupéra sa serviette et fonça sans le regarder, sans l'entendre, hors de la piscine climatisée où il avait pourtant l'impression d'étouffer.

Ils ont déjà eu cette conversation une centaine de fois - peut-être pas autant, certes, mais suffisamment pour que la tournure dramatique qu’elle prend à chaque fois devienne absolument insupportable pour Noam. Dès qu’ils abordent le sujet, il a l’impression d’annoncer pour la première fois à Ethan qu’il part rejoindre la résistance, et qu’Ethan le supplie de rester pour la première fois ; la douleur, du moins, avec laquelle ils réagissent, a immanquablement la même teneur vive, brûlante, qui finit par les consumer pleinement. C’est en partie pour cela que Noam a préféré ignorer le sujet ces derniers temps : c’est déjà beaucoup trop dur, et affronter la peine dans les yeux de son meilleur ami, autant que celle logée dans sa poitrine, est un effort qu’il n’est pas toujours prêt à donner. Et honnêtement, ce soir, il aurait largement préféré qu’ils agissent comme si de rien n’était, gardant au fond d’eux le tourbillon furieux qu’ils laissent plutôt jaillir, pour se tomber dans les bras au lever du soleil, à la dernière seconde, quand ils n’auraient plus eu d’autre choix que d’affronter ce qui les attend réellement - une existence loin l’un de l’autre, solitaire, avec un trou béant au fond des entrailles.

"Then why the fuck are you going? − Come on mate..." Soutenir les pupilles houleuses d’Ethan, sa voix pleine de reproches, donne le tourni à Harris, et sous l’impression d’être absolument acculé par les émotions qui lui serrent la gorge, il ne parvient pas à retenir les premières larmes de rouler sur ses joues rosées. "I don't care if you're scared, you'll have like a billion people to cheer you up over there, and soon enough you won't care if I'm there or not.” Non, non, non, non, non. Il n’a pas envie d’avoir à nouveau la même conversation, il ne peut pas avoir à nouveau la même conversation. Pas quand il s’apprête à tout plaquer dans quelques heures pour s’enfermer dans le trou du cul du monde aux côtés de personnes avec qui il n’a en commun que la peur, la rage, et l’envie de renverser la balance. Surtout, il ne peut pas partir fâché avec Ethan ; les deux amis d’enfance n’ont connu que de rares disputes, et jamais elles n’ont été assez importantes et intenses pour les déchirer en deux de cette manière. C’est du moins ce que ressent Noam au plus profond de lui-même, quand il aperçoit les larmes échapper aux yeux d’Ethan, de concert avec l'étranglement de sa voix furieuse. "You're a fucking hypocrite, telling me that you care and then still going anyway. Like you'll make a change anyway. … Fuck.” C’est faux. Il n’est pas hypocrite, il en a quelque chose à foutre, et surtout, il va changer les choses… Pas vrai ? Noam se prend de plein fouet les mots empreints de colère du blond, enflant sa propre frustration qui lui arrache de nouvelles larmes confuses. Il observe Ethan sortir de la piscine, paralysé par l’émotion, la bouche ouverte et les mains tremblantes. "You go then, I need some air.” Ses yeux clairs embués se lèvent vers la silhouette quittant bientôt son champ de vision, et quelques secondes trop tard, le temps qu’il lui faut pour pleinement assimiler la douleur, il lance à son attention ”Alright then, fuck off Ethan!" avant de croiser les bras sur le rebord de la piscine pour y plonger son visage et laisser ses sanglots résonner sous le ciel artificiel.

Ce n’est pas comme ça que les choses devaient se passer. Ils auraient dû rire jusqu’à pas d’heure, picoler joyeusement en parlant de l’inexistante vie sexuelle d’Ethan, celle pleine de rebondissements de Noam et se vanner sous le signe de la fraternité : une soirée à l’image de l’amitié qu’ils entretiennent depuis près de six ans. Et il refuse que les événements prennent cette tournure. Non. C’est mort. ”Fucking hell… Bro!" Dans un sursaut, aussi bien guidé par le bond dans sa poitrine que par la terrible torsion dans son ventre, Noam se redresse pour se hisser hors de la piscine, attrapant maladroitement sa serviette dans sa précipitation pour se lancer à la poursuite d’Ethan. La vision brouillée par les larmes, il déambule dans le couloir menant au salon, laissant sur son passage une traînée d’eau dégoulinant de son maillot de bain sans y prêter attention, pour se diriger vers la porte fenêtre débouchant sur la terrasse. Un instant, il s’arrête devant la silhouette de son ami recroquevillée sur un des transats, la boule au ventre remontant jusque dans sa gorge pour faire éclater un nouveau sanglot, qu’il vient étouffer contre Ethan quand il se précipite devant lui pour l’entourer de ses bras. ”I love… you, bro..." C’est un euphémisme. Ce n’est pas qu’il l’aime simplement : Ethan est le centre de son univers. ”I’m sorry..." Il renifle difficilement contre son épaule, refermant un peu plus son étreinte en fermant les yeux contre sa peau. Il est désolé de l’abandonner, il est désolé qu’Ethan ne vienne pas avec lui, il est désolé, parce qu’il va réellement partir. ”I’m gonna miss… you so bad… I don’t want to… live without you… I love you."

Ethan avait traversé le salon sans se retourner, les yeux brouillés de larmes, en dépit de l'appel de Noam derrière lui. C'était un con, un imbécile, un idiot qui ne prenait pas la mesure de ce qu'il faisait en les quittant – et Ethan peinait à respirer en imaginant le trou béant qu'il allait laisser dans sa vie, ce grand vide que ni Minta, ni quiconque ne pourrait combler de sa présence. Noam était Noam, son meilleur ami depuis ses onze ans, celui qui avait toujours les bons mots pour le faire rire, qu'il admirait et aimait pour son humour, sa bonne humeur, ce courage et cette énergie rebelle dont il avait toujours un peu manqué, lui, se cristallisant seulement dans les rixes avec Gael que ses parents arrêtaient bien vite. Avec Noam, il avait l'impression d'être la meilleure version de lui-même, plus hardi, prêt à l'accompagner dans toutes ses conneries et à tenter l'impossible ; les heures de retenue dont ils avaient pu écoper tous les deux valaient largement le fou rire complice qu'ils avaient partagé en commettant leur forfait.

Et maintenant, Noam partait, laissant derrière lui un monde gris, vide, où commençait à souffler un vent de panique.

Effondré face à cette sombre perspective, il se laissa tomber sur un transat et serra contre lui la serviette de bain encore sèche, sur le côté, laissant aller ses sanglots maintenant qu'il était seul, parfaitement seul, à l'image de cette année en solitaire qu'il allait devoir passer. Comment allait-il faire, sans sa plus grande force ?

En entendant les pas mouillés de son ami sur le carrelage, Ethan lui jeta un regard qu'il aurait voulu défiant, revanchard, à l'image de ces paroles qu'il lui avait lancé sans réfléchir – à la place, ses yeux rougis et plein de larmes n'exprimaient que la profonde tristesse de ne plus l'avoir dans sa vie, et un nouveau sanglot lui échappa lorsque Noam se précipita sur lui pour l'enserrer de ses bras mouillés, achevant d'abattre les barrières branlantes de cette rancoeur futile. ”I love… you, bro..." Le cœur d'Ethan se fendit un peu plus à l'entendre ; il relâcha sa serviette et referma les bras autour de Noam, collant son visage et ses larmes contre la peau chaude de ce dernier. ”I’m sorry..." "I'm sorry too", gémit-il entre deux sanglots, les pleurs affluant toujours devant cette brusque crise de larmes qu'il retenait depuis de longs jours. Ses doigts vinrent se refermer sur l'omoplate de Noam, respirant difficilement, leurs deux respirations irrégulières, désordonnées, erratiques. ”I’m gonna miss… you so bad… I don’t want to… live without you… I love you." "I'm sorry... I didn't mean..." Les mots peinaient à sortir, tandis qu'il se raccrochait toujours plus au corps de son meilleur ami, en une étreinte qui pourtant n'était pas (il l'espérait) la dernière. "I don't want... I don't want you to go..." Il renifla péniblement, son souffle chaud balayant l'épaule de Noam, un nouveau sanglot lui échappant sous cet aveu sincère. "Please... stay... stay with me..." Ses doigts grimpèrent jusqu'à sa nuque, comme pour mieux l'arrimer à lui, et l'empêcher ainsi de partir rejoindre ce groupe qui de toute façon changerait bien le monde sans lui.

Sentir sa peau déjà humide absorber les larmes d’Ethan déchire un peu plus son coeur dans sa poitrine, et aux sanglots tremblants contre son épaule se mêlent les siens, incrontrôlables, secouant tout son corps de cette tristesse indescriptible et incomparable. Noam, qui chasse toujours le moindre nuage venant ternir l’éclat de son quotidien de ses rires et moqueries récurrentes, n’aurait jamais cru pouvoir être submergé un jour de la sorte ; il perd pied dans son désespoir, se raccrochant un peu plus à Ethan pour ne pas succomber totalement à cette douleur qui lui vrille l’estomac. Chaque mot de son meilleur intensifie un peu plus ses hoquets abattus, coinçant ses propres paroles au fond de sa gorge serrée. "I'm sorry... I didn't mean... − I know...", balbutie-t-il, d’un ton faible et presque incompréhensible, sa voix, méconnaissable sous la vague de sanglots, se brisant en une note aigüe et étouffée.

Au contact des bras d’Ethan l’entourant, Noam relâche tout. Tout ce qu’il contient difficilement au fond de lui, qu’il balayait de son autodérision souvent mal placée, depuis des semaines, depuis des mois. Toute sa peur d’abandonner cet équilibre branlant qu’il a peiné à construire, du haut de ses dix-sept ans, pour lutter contre une force invisible qui le terrifie plus encore. Et surtout, le désespoir profond à la possibilité de ne plus jamais revoir celui qui l’a toujours tiré vers le haut, épaulé, celui avec qui il a tout partagé jusqu’ici.

Noam se dirige vers une vie qui ne vaut pas le coup d’être vécue, ne serait-ce que de par l’absence d’Ethan.

"I don't want... I don't want you to go…” Lui non plus, il n’a pas envie de partir ; tout ce qu’il souhaite sur l’instant, est rester ainsi pendant des heures, des semaines, des mois, jusqu’à ce que la situation se stabilise, que quelqu’un s’occupe de chasser les mages noirs pour leur rendre un quotidien à rire sans avoir à se préoccuper du lendemain. Noam enfonce ses doigts dans le dos d’Ethan dans un nouveau spasme de tristesse, essayant de rattraper sur sa peau les dernières bribes de cette innocence disparue, volée par la menace de cette guerre où se jettent des soldats bien trop inconscients, bien trop jeunes. Des soldats comme Noam, déterminés, apeurés et déchirés. "Please... stay... stay with me...” Le visage de Harris quitte l’épaule de son ami pour se tourner vers son cou, où il projette cette déferlante de sanglots, que rien ne semble pouvoir apaiser, le serrant un peu plus contre lui sous ces mots qui lui ouvrent le coeur en deux.

Il ne sait pas combien de temps ils restent ainsi à étouffer leur douleur dans les bras de l’autre ; peut-être cinq minutes, peut-être dix, probablement plus. Quand les spasmes se font plus rares dans sa gorge, libérant enfin la voix bloquée jusqu’alors, Noam recule juste assez son visage pour croiser le regard d’Ethan, ne prenant même pas la peine d’essuyer les fluides poisseux coulant sur sa peau. "Bro, promise… Promise me you’ll be careful, and take good care of your parents, and siblings, and Araminta and..." Il renifle bruyamment, le menton encore tremblant, sa main remontant dans la nuque de son ami pour appuyer la promesse qu’il lui fait. "And I promise I’ll come back in one piece. And, like, one day, soon, it’ll just be... like I never left, ok?" La respiration saccadée, des larmes coulant encore sur ses joues, Noam force un sourire sur des lèvres, trahissant toute sa peine. "And I promise I’ll always be your brother, mate."

De longues minutes, ils ne furent que deux formes sanglotant l'une contre l'autre. L'étreinte avait achevé d'ouvrir la boîte qu'Ethan avait tenté de tenir fermée dans un coin de son cœur jusqu'au bout : la peur de ne plus le revoir, celle de devoir vivre sans lui, la tristesse qui désormais libérée de ses chaînes maladroites lui fendait cruellement la poitrine. Les pleurs vidèrent le contenu douloureux de cette boîte secrète, creusant la blessure vive pour mieux la nettoyer, en purger le ressentiment stupide et la rancoeur inédite qu'il avait éprouvée à l'égard de son meilleur ami ; autant de barrières pour se protéger de la déchirure inéluctable, qui les attendait dans quelques heures.

Les bras autour de lui se détendirent légèrement. Les muscles d'Ethan se crispèrent en un réflexe pour retenir le corps chaud et humide, réconfortant contre son cœur battant douloureusement ; puis ses doigts se desserrèrent, juste assez pour pouvoir laisser Noam bouger dans le périmètre serré de leur étreinte. En dépit du regard rivé sur son visage, Ethan garda ses yeux mouillés résolument baissés, encore secoué par la vague de larmes – quelque part, il se refusait à affronter complètement la réalité qui se profilait à eux, d'un regard détourné de celui de son meilleur ami où brillait une vérité à laquelle il n'aurait d'autre choix que de se rendre pour de bon. "Bro, promise… Promise me you’ll be careful, and take good care of your parents, and siblings, and Araminta and..." Ethan baissa la tête, une nouvelle onde de tristesse déformant ses traits, qu'il enfouit dans une main fébrile quelques secondes – ses épaules remuèrent sous le sanglot muet qui le prit, la main de Noam sur sa nuque extirpant hors de lui les derniers sursauts de déni. "And I promise I’ll come back in one piece. And, like, one day, soon, it’ll just be... like I never left, ok?" "One day when?" Ethan renifla en relevant la tête, effaçant les nouvelles larmes qui coulaient sur ses pommettes, une expression d'enfant contrarié au visage ; devant le sourire de Noam, son masque craquela néanmoins comme s'il avait été fait d'argile sèche. "And I promise I’ll always be your brother, mate."

Toutes les protestations, toutes les questions inquiètes, toute l'explosion orale de son mal être resta coincé dans sa gorge tordue par les sanglots et la réalisation que rien ne pourrait empêcher Noam de partir le lendemain. "Fuck..." geignit-il en laissant retomber son front sur l'épaule du sorcier, abattu par son impuissance, cherchant vainement une attache solide en se raccrochant au bras de Noam. Who's going to take care of you? La pensée informulée lui arracha un énième morceau de son cœur en miettes ; il inspira douloureusement, bercé par la tiédeur de la peau de Noam contre son visage en feu. "That's so unfair..." Il expira jusqu'à la dernière goulée d'air contenue dans ses poumons percés, inaptes à fonctionner correctement sous l'oppression de sa poitrine. Puis il redressa de nouveau la tête, ses doigts se refermant un peu plus autour de l'avant-bras de son meilleur ami qu'il se refusait de lâcher. "You better keep your promise. If you don't come back, I'll go find you." Ses yeux clairs, plantés dans ceux de Harris, étaient mortellement sérieux ; la peur de ne plus jamais le revoir dépassait tout le reste, dans cette éclaircie où la colère envers Noam n'était plus.  Ethan attrapa le cou de Noam, et alla presser brusquement ses lèvres contre sa joue, un baiser bref mais intense, où était contenu tout son amour pour lui. "I love you mate." Il relâcha finalement son étreinte, un air contrit au visage, et eut un mouvement de la main en détournant le regard, gêné par ces effusions d'émotions continues. "Let's take the drinks to my room and get hammered, I don't care."