Kingsley a gardé un oeil sur la boîte aux lettres, se disant que Myrthild finirait par le recontacter. Les jours se sont transformés en semaines, et les semaines en mois. L'attente est devenue boudeuse, rageuse, il a retrouvée un peu d'espoir, et celui-ci a fini par mourir; mais, toujours, il a gardé un oeil, transplanant pour vérifier qu'elle était vide, retransplanant aussitôt l'objet inspecté.
Et puis un jour sa main s'est renfermée sur une enveloppe, et Kingsley a senti un feu étrange se répandre dans sa poitrine. De l'espoir, du soulagement aussi. De l'excitation.

Le voilà donc qui attend Myrthild. Pour une fois, il n'a pas pris de Polynectar (même si il en garde une fiole dans la poche intérieure de son manteau, au cas où) et profite des vents marins avec un satané petit sourire. Il a craqué, achetant une glace à l'italienne avec un flake de chocolat, et si le vendeur l'a regardé d'un air étrange commander une glace en plein hiver après avoir compté le moindre penny avec un air curieux et des gestes maladroits, il n'a fait aucun commentaire et laissé Kingsley s'asseoir à l'une des tables désertes en bord de plage.
Kingsley se demande si il est possible d'apercevoir la France, de là où il se tient; mais il fait trop moche aujourd'hui, l'air est alourdi d'un épais manteau de brume maritime et le ciel, plus gris que blanc, est trop aveuglant pour être observé trop longtemps.

C'est un risque de sortir. C'est, bien entendu, toujours un risque de sortir. Surtout à visage découvert.
Mais parfois, ça fait juste du bien de laisser le vent fouetter son visage, le sel lui attaquer un peu la peau. Kingsley se surprend à sourire, le goût sucré de la crème glacée au lait lui rappelant des souvenirs qu'il pensait disparus: de longs étés à la résidence des Shacklebolt, des rires partagés avec sa mère et ses soeurs, des bagarres sans fin dans l'eau de la mer avec ses frères, à se soulever et se jeter dans l'eau jusqu'à ce que quelqu'un se rende.

Son sourire disparaît quand il entend des pas rejoindre la pièce où il se trouve, la petite enclave pour acheter des frites et des hot-dogs, ou des glaces quand on est mélancolique.
Il se retourne pour accueillir Myrthild du regard. Sans qu'il ne puisse s'en empêcher, il sourit. “ You came. ” Une pointe de soulagement. Ses yeux balayent la scène, ses doigts s'agitent silencieusement, mais le sort de détection revient vide. Elle est venue seule. Le sourire de Kingsley s'approfondit, il finit sa glace en avalant ce qui en reste avant de jeter le cornet. “ Let's have a walk, old friend, ” lui propose-t-il en ouvrant le bras en direction de la plage derrière lui, lui présentant son autre bras pour qu'elle le prenne et l'accompagne.

Il a fallu du temps, mais elle a fini par lui transmettre les bribes de souvenirs où l’on pouvait voir le visage de cet homme qui comptait tant pour Shacklebolt. Quelques secondes à peine, saccadées, et rien d’autre. Pas de mot, pas de ruban, juste une fiole et des images. C’était déjà trop, s’était-elle répété en fermant l’enveloppe.
Si c’était trop, pourquoi y avait-il ce goût de pas-assez ?

Et puis elle avait eu des nouvelles. Une lettre qui l’avait conviée à discuter tranquillement d’un dossier épineux. En apparence, rien de bien méchant, mais si elle utilisait les sortilèges dont ils faisaient usage pour protéger leurs communications, elle s’était trouvée face à une toute autre missive.
Elle avait hésité.
Parce qu’après tout ça n’était pas prudent, même s’ils s’éloignaient de Londres et se retrouvaient au bord de ces falaises de craie blanche. Parce que c’était probablement la pire des idées, voire un grossier piège. Parce qu’elle savait bien qu’elle n’avait aucune raison de faire confiance à Kingsley, quand bien même il avait tout à perdre s’il la balançait sous un éruptif.
Et pourtant, elle avait voulu savoir ce qu’il avait à lui dire. Ce qu’il ne pouvait pas lui écrire. Comme si elle avait besoin de se sentir active dans cette guerre où elle avait tout à perdre.

Alors elle avait transplané, apparaissant dans un coin désert de cette ville côtière. L’air marin lui avait arraché un sourire et elle avait avancé en jetant parfois des regards autour d’elle : après tout, il aurait été si facile de lui tendre un piège, avec quelques uns de l’Ordre du Phénix. Mais il semblait qu’elle restait un atout non-dévoilé dans la manche de l’ancien Auror puisqu’elle arriva sans encombre dans cette échoppe, pour y trouver Shacklebolt en train de déguster une glace, sous des traits qu’elle n’avait vus que placardés dans les couloirs du Ministère depuis longtemps. Un rien déconcertée par le sourire qu’il esquissa, elle répondit la voix avec une once de morgue : “ I’m not sure why I came, truth be told. ” Et, malgré cet aveu vaguement perplexe, elle prit le bras qu’il lui tendait pour suivre la route qu’il avait désignée.

Le bruit des vagues revenait régulièrement tandis qu’elles s’écrasaient sur le sable humide et jonché d’algues et de coquillages. Des mouettes et des goélands tournaient avec les vagues, s’envolant dès lors que les deux promeneurs entraient dans leur zone de confort. Laissant un temps ces bruitages marins occuper le silence tandis qu’ils s’éloignaient de la boutique, Myrthild finit par demander : “ You look tired, you know. ” Moue en coin, tandis qu’elle le regarde par en-dessous, malgré ses talons magiques qui ne s’enfoncent en rien dans le sable. “ He’s still alive. I thought it would help you sleep to know that. ” Et tout en disant cela, elle sait pertinemment qu’elle ne fermerait pas l’œil de la nuit si elle apprenait que Farrow était prisonnier d’un endroit aussi horrible que Gracefield. “ A sickle for your thoughts, King., hasarde-t-elle en reportant son regard sur l’horizon brumeux. What’s on your mind, old friend? ”

“ I’m not sure why I came, truth be told. ” Kingsley n'en doute pas une seule seconde. Lui-même se demande encore ce qu'il fait là, et pourquoi il prend ce genre de risques. Surtout sans prévenir autrui... Mais malgré tout, Myrthild le rejoint et prend son bras et, côte à côte, du même pas, ils s'engagent dans une petite promenade en apparence innocente, en réalité improbable.
Ils s'éloignent peu à peu de la petite boutique et progressent silencieusement sur le sable, presque blottis l'un à côté de l'autre, figures solitaires face au vent. “ You look tired, you know. ” Kingsley arque un sourcil, et tourne vers elle un visage incertain où traîne encore l'écho de ce satané sourire. "Well, thanks for that." Il a l'impression d'avoir vieilli de plusieurs décennies en quelques années, un malheureux constat auquel il est confronté face à chaque miroir. Mais son manque de délicatesse est bien la dernière chose qu'il souhaiterait reprocher à Myrthild.
Il a l'air fatigué puisqu'il est fatigué. Fatigué de cette guerre civile, fatigué de cette guerre intestine. Il sent la motivation de ses troupes faiblir, et la confiance qu'on lui donnait sans réfléchir faillir. Il sent la mollesse de la belle société à laquelle Myrthild appartient: leur apathie, leur désintérêt, leur collaboration passive et aveugle. Il a parfois l'impression d'être le dernier en Angleterre à avoir encore un peu de feu dans le coeur.

Et le feu de Kingsley se nourrit de tout. Et s'il le faut, brûlera tout sur son passage jusqu'à sa destination. “ He’s still alive. I thought it would help you sleep to know that. ” Les traits de Royal s'assombrissent, et il hoche un peu sèchement la tête avant de la détourner, avant que Myrthild ait la mauvaise idée d'attraper l'éclat de mélancolie qui apparaît brièvement dans ses yeux. Jay est en vie. Jay est encore en vie. Même si il n'a appris son sort que trop tard. Même si il n'a rien fait pour le sauver.
Kingsley aimerait dire qu'il sent un poids se soulever de ses épaules ou de sa poitrine. Il aimerait pouvoir dire qu'il est soulagé. Mais non. Le poids de la culpabilité et du regret est encore lourd. Alourdi, même, par cette révélation.
Il laisse ses yeux sombres détailler les vagues. Inlassables et puissantes, forte de l'énergie kinétique et naturelle de centaines, milliers d'entre elles. Lui aussi aimerait pouvoir se soulever sans fatiguer, sans s'arrêter, toujours suivi et précédé par ses pairs. Il aimerait que l'Ordre ait cette même énergie.

Il aimerait... “ A sickle for your thoughts, King. ” Il aimerait pouvoir raisonner le besoin d'aller sauver Jay. Il aimerait le faire seul, sans en parler à personne, aller le sauver et ne plus en parler. “ What’s on your mind, old friend? ” Tellement, tellement de choses. Des choses qu'il ne peut pas partager avec elle, des choses qu'il ne peut partager avec personne. "Every day, I wonder how such terrible things can happen, and how such terrible people are made," dit-il, en pensant à l'étrange situation de Javier. "And every day, I pray that you won't be in my path when I unleash my wrath upon them."
Il tourne de nouveau la tête vers Myrthild. Son regard n'a plus la douceur amicale d'avant. "Sooner or later, this war will draw to a close, Myrthild. And I know which side of the fence I'd like to see you on." Il ne doute pas trop que les démarches d'informatrices de Myrthild soient intéressées. Mais il sait aussi que sa collaboration trop zélée ne pourra que lui nuire lorsque l'Ordre vaincra.
Parce que l'Ordre vaincra. Il n'y a pas d'autres possibilités. "I need you to tell me everything that you know about my friend, and how I can save him. I need to know who is involved, and I need to know how I can destroy them," énonce-t-il simplement. Il repense aux bribes d'images du visage de Jay, sa barbe, ses blessures, ses yeux sombres bordés de cernes. "I need..." Il a besoin d'une nuit entière de sommeil. D'un cigare, ou deux. Il a besoin de parler à quelqu'un de tous les sentiments contraires qui l'agitent. Il a besoin de se perdre, de finir d'une traite la bouteille de whisky qu'il garde dans son bureau (et il a besoin de s'endormir en espérant ne pas se réveiller, juste une fois). Il a besoin de temps, et de calme, et d'une armée entraînée qu'il pourrait utiliser pour marcher sur le Ministère.
Il a besoin d'un ami.
Il soupire et secoue la tête. Un sourire revient sur ses lèvres, sans chaleur ni bonheur. "Shit. I need to win this war," finit-il par dire, très simplement, avec un très léger rire nerveux. Au final, c'est tout ce qui compte. Gagner cette guerre.
Même au prix d'un ami.

Ils marchent bras dessus, bras dessous, comme le couple qu’ils auraient peut-être pu être si les mariages n’avaient pas été arrangés autrement, si les années ne les avaient pas éloignés. Elle l’interroge sur ce pli qu’il a sur le front, mais la réponse n’est pas vraiment celle qu’elle aurait voulu : "Every day, I wonder how such terrible things can happen, and how such terrible people are made," un soupir s’échappe d’entre les lèvres de la Travers, consciente qu’il en faudrait peu pour qu’elle fasse partie de ce groupe de monstres qu’il contemple avec effroi. La suite la fait se tendre, sans pour autant qu’elle soit surprise : "And every day, I pray that you won't be in my path when I unleash my wrath upon them." Les billes vertes de celle qui œuvre au Magenmagot remontent vers celui que le régime qualifie de criminel et elle semble, sans mot dire, convenir de cette situation qui serait tristement tragique. Elle n’est pas une Gryffindor, et se sait lâche en quelque sorte : si combat il y a, et qu’elle se retrouve malheureusement dans le camp opposé, ça ne sera probablement pas de gaieté de cœur. C’est ce qu’ils sont quelques uns pourtant à lui signifier, elle ne pourra pas jouer double-jeu trop longtemps encore. Et dans les paroles de Kingsley, ("Sooner or later, this war will draw to a close, Myrthild. And I know which side of the fence I'd like to see you on. »), la métamorphomage retrouve ceux proférés plusieurs mois auparavant par un ami cher à son cœur, mais n’ayant pas non plus pris position officielle pour ou contre le régime.

Le temps fait qu’elle sait qu’il lui faudra choisir son camp bien assez tôt et, tiraillée entre ce que sa raison lui hurle d’une part, et d’autre part les attaches -familiales surtout- qui la retiennent encore au camp qui semble gagner cette guerre pour le moment, elle sait que sa position est précaire et ne tardera pas à être impossible à conserver.  “ Trust me, I know I’ll have to chose side. I just… ”, le reste de sa phrase meurt sur le bout de ses lèvres tandis qu’elle s’efforce de se désillusionner elle-même. Le problème reste qu’une part en elle se dit que, tant qu’elle peut conserver les apparences, et qu’elle n’a aucune raison de céder du terrain aux illusions de bonheur et aux chimères d’une vie rangée et paisible, elle se doit de maintenir les faux-semblants. Si quoi que ce soit vole en éclats, elle sera mise au pied du mur et n’aura plus qu’à décider pour de bon, à jouer des coudes et à déterminer ce qui comptait le plus pour elle. “ I think I’m not ready yet to make it official… ”, avoue-t-elle en détournant son regard vers les vagues et les embruns qui lui rafraichissent le nez et les joues.

Kingsley ne laisse pas le silence s’installer pour autant, puisqu’il enchaîne. « I need you to tell me everything that you know about my friend, and how I can save him. I need to know who is involved, and I need to know how I can destroy them." Elle l’observe, les pattes d’oie aux coins des yeux qui se plissent imperceptiblement tandis qu’elle déchiffre son expression et qu’à son tour il laisse une phrase en suspens. Elle sent dans ses mots le besoin viscéral de faire quelque chose et, sans le comprendre intégralement parce qu’elle n’est pas à sa place, elle peut en partie s’imaginer dans une situation pareille. Alors elle ne dit rien, elle le laisse ruminer ses sombres pensées, en ruminant d’autres de son côté, parce qu’elle continue d’avoir ce mauvais pressentiment qui ne la quitte plus depuis Hallowe’en et l’invasion des détraqueurs, cette sensation que tout ce qu’elle a mis des années à construire, à solidifier, risque de s’effondrer.

C’est la voix de Kingsley qui la tire de ses réflexions, par une formule qui résume assez bien la situation. "Shit. I need to win this war," Et la brune de hocher la tête avant de lui indiquer d’une pression sur l’avant-bras une bifurcation à suivre. “ Let’s sit here, would you ? ” Ils s’écartent du sable humide parfois ourlé d’écume et s’installent sur des rochers plats, tombés de la falaise de craie, un peu plus haut sur la grève, au milieu du sable sec. Elle lâche le bras de son compère et s’assied en tailleur, apprécie la vue et l’horizon brumeux que le soleil éclaire par la droite, au sud, leurs ombres qui s’étirent sur le sable et elle reprend la parole : “ There are things I’m not at liberty to say. Not that I don’t want to tell you about it, but because that nephew of yours is a creepy little shit and knows many things about curses… You’re gonna have to dig in my mind, given that I’m not carrying a pensieve of any sorts on me. ” Elle calme lentement sa respiration, et reconnaît : “ It’s not going to be some pleasure cruise, that you already know. ” La théorie est assez claire pour elle : si elle veut pouvoir contourner le sortilège de type bloclangue un peu plus salace concocté par le jeune Blaise Zabini, il faut passer par l’intangible et l’imprononcé, autrement dit les pensées. Or, le tourbillon des réflexions qui l’anime en ce moment n’est en rien quelque chose de continu et de linéaire, bien au contraire. “ But I’m not a fighter, hence I can’t see that island as a battle commander would. You might find things that could be of use, but that I wouldn’t see fit to tell you.. ” Elle sait parfaitement qu’il pourrait trouver mille et uns crimes dans son esprit, mille et uns mensonges, des centaines d’éléments qu’elle voudrait garder secrets. Et pourtant, elle ne voit pas d’autre solution pour donner à Kingsley ce dont il a besoin pour mettre un terme à cette horreur, quand bien même cette unique idée la révulse et fait s’ériger en elle de nombreux signaux d’alarme.

“ There’s one thing I’m going to need from you, though, before we go through this mind-reading session of ours… ” Elle dit ça, calmement, comme si cela coulait de source. “ You need to teach me how to close my mind. I cannot keep on helping you if anyone can go through my thoughts like an open book. And people might find that surprising that I would want to learn occlumancy as I reach fifty years old, don’t you think ?"

Kingsley éprouve un profond respect pour Myrthild, et une admiration qu'il ne dissimule jamais devant elle. La place qu'elle s'est construite au sein de la société sorcière est impressionnante. Elle a toujours été une femme de caractère et, à ses yeux du moins, quelqu'un sur laquelle il pouvait compter, que ce soit avec ses secrets, ses pensées et ses besoins. Bien entendu, son simili de trahison quand elle a cessé du jour au lendemain de communiquer lui a laissé un sale goût dans la bouche mais maintenant, à lui parler, à marcher avec elle, Kingsley voit bien qu'elle n'a pas perdu une seule graine de conviction. Juste son nerf, comme tous les collaborateurs mécontents sous le régime du Lord.
Magnanime n'est généralement pas un mot qu'on accorderait à Kingsley Shacklebolt mais avec Myrthild, Kingsley peut bien l'être.

Lui parler est comme une bouffée d'air frais. Bien loin de l'ambiance parfois anxiogène de St James et du regard grouillant des résistants sur lui, à la recherche de la moindre faiblesse, de la moindre brêche dans le persona de titan impitoyable qu'il s'est construit auprès d'eux.
Kingsley est fatigué. C'est dans ces moments-là qu'il s'en rend compte, quand il se permet de souffler et de passer du temps seul. Il est fatigué d'avoir l'impression d'avoir le poids du monde sur les épaules et de ne pas pouvoir le partager avec quiconque, fatigué de se faire traiter de responsable pour tous les échecs de l'Ordre, fatigué de leur course incessante pour des Horcruxes qui n'existent peut-être plus. Il est fatigué et il aimerait fermer les yeux, poser la tête sur les genoux de Myrthild, et l'écouter parler de sa vie, de quelque chose de différent que le quotidien morne et stressant qu'il connait.

“ Let’s sit here, would you ? ” Kingsley cligne des yeux et hoche la tête, suivant Myrthild vers des rochers qui le laissent un peu perplexe; mais il est trop fier pour dire à Myrthild qu'il n'a pas envie de se salir le cul, et s'assied à côté d'elle, grandes jambes étalées devant lui. Le soleil est un peu timide mais agréable (quoiqu'il s'inquiète que Myrthild attrape un coup de soleil, m'enfin...) et il en profite, en plus des embruns, avec un sourire vaguement contenté. “ There are things I’m not at liberty to say. Not that I don’t want to tell you about it, but because that nephew of yours is a creepy little shit and knows many things about curses… You’re gonna have to dig in my mind, given that I’m not carrying a pensieve of any sorts on me. ” Kingsley fronce les sourcils et hoche posément la tête, se rappelant des mises en garde de Ruth Pike. Blaise... qu'a-t-il fait, encore? "Alright." Kingsley ne le connait pas assez bien pour avoir une réelle opinion de lui mais de ce qu'il a entendu de lui, il semble qu'il ait pris de ses parents leurs pires qualités: véreux comme son père, capricieux comme sa mère, égocentrique comme un Zabini et ambitieux comme un Shacklebolt. Cocktail désastreux. “ It’s not going to be some pleasure cruise, that you already know. ” Kingsley hoche la tête. Il est loin d'être Legilimens, ce qui veut dire que ça va être aussi désagréable pour lui que pour Myrthild mais... il est prêt à essayer. Il a presque peur de ce qu'il va voir. “ But I’m not a fighter, hence I can’t see that island as a battle commander would. You might find things that could be of use, but that I wouldn’t see fit to tell you.. ” Kingsley fronce les sourcils. Javier, Blaise, une île... mais de quoi parle-t-elle?

Kingsley inspire profondément. Il faut qu'il se prépare au pire. “ There’s one thing I’m going to need from you, though, before we go through this mind-reading session of ours… ” Les traits de Kingsley s'assombrissent. Rien n'est jamais gratuit et il ignore si il a envie de mentir à Myrthild si elle lui demande quelque chose qu'il ne pourra pas lui donner. “ You need to teach me how to close my mind. I cannot keep on helping you if anyone can go through my thoughts like an open book. And people might find that surprising that I would want to learn occlumancy as I reach fifty years old, don’t you think ?" Surpris, mais de manière plaisante, les traits de Kingsley se relâchent et il se permet un léger sourire. "Witches have done much worse during their midlife crisises, Myrthild," fait-il d'un ton amusé. Il la regarde pendant un long moment avant d'hocher la tête. "I can give you something but unfortunately, Occlumancy is not something you just pick up and learn. It's months, years of practice." Il a appris cette pratique lui-même à bien des membres de l'Ordre, il en sait donc beaucoup à ce sujet. "Hold on." Kingsley fronce les sourcils et plonge la main dans sa poche.

Ça lui prend quelques instants pour farfouiller dans la poche au fond extensible, mais il finit par en retirer une boussole. Son coeur se serre en la regardant, son pouce courant à la surface du verre avec mélancolie. Il repense à Jamie, il repense aux circonstances terribles de son acquisition de cette boussole.
Il la donne avec Myrthild avec une expression fermée. "This indicates what you're thinking of." Au moment où la boussole quitte sa main (la flèche étaient pointée vers Myrthild), elle se met aussitôt à s'agiter dans celle de Myrthild et il sourit. "Try to have it point at you, and let it stay there. And, ah, you'll like this. There's a rune thing on the back." Son ton désinvolte indique clairement combien les runes le laissent imperméable. "Apparently, it's meant to help you focus and keep a clear head. I won't be able to teach you everything about Occlumancy, but this is a good start. I'm sure you'll find a way to protect your thoughts." Il la regarde d'un air pesant avant de lentement se redresser et de l'imiter, s'asseyant en tailleur face à elle. "I'm not a Legilimens, Myrthild. This is going to be trial and error and it might be painful," la prévient-il d'une voix grave. "Maybe this make it easier, actually." Il désigne du menton la boussole dont la flèche n'a de cesse de tressauter à droite à gauche. "Tell me when you're ready."

"Witches have done much worse during their midlife crisises, Myrthild," C’est tout ce qu’il trouve à lui répondre. Elle le dévisage un instant, les yeux étrécis, comme pour lui signifier qu’elle espère bien que 50 ans ne marquera pas la moitié de son existence, et ajoute un "I beg your pardon: which midlife crisis?" avec un rien de morgue pour être crédible, mais se détend lorsqu’il la fixe en silence et attend une réaction plus sérieuse. "I can give you something but unfortunately, Occlumancy is not something you just pick up and learn. It's months, years of practice. - I hear you." Elle s’en doute bien que ce don n’est pas d’une facilité enfantine : sans cela, ça pullulerait autour d’elle et elle aurait sans doute essayé d’en faire un atout des années plus tôt. Mais fière de son don de métamorphomagie et de sa maîtrise des runes, elle considère qu’elle est encore assez pointue d’esprit pour pouvoir se lancer dans un apprentissage long et fastidieux, si tant est qu’elle ait un professeur volontaire également. Elle suit Kingsley du regard lorsqu’il plonge sa main dans sa poche et observe l’objet qu’il en ressort enfin avec attention et curiosité. Tendant la main, elle récupère le vestige d’une amitié en ignorant ce que signifie pareille transmission mais comprenant au ton de voix de Kingsley que ce n’est pas avec légèreté qu’il s’en sépare. Elle écoute avec sérieux les explications qu’il lui fournit tout en auscultant la boussole, hochant la tête et émettant des "mmh" ponctuels lorsqu’il précise certains éléments. "Try to have it point at you, and let it stay there. And, ah, you'll like this. There's a rune thing on the back." Ah ? La voilà qui retourne l’artefact pour détailler le tracé de la rune et un mince sourire étire ses lèvres lorsqu’elle se retrouve face à Dagaz et Raidho enchevêtrés. Quelqu’un a effectivement voulu faciliter le chemin vers l’équilibre recherché. De l’index, elle suit les rainures gravées dans le métal et hoche la tête aux précisions du Shacklebolt. "Apparently, it's meant to help you focus and keep a clear head." Elle relève néanmoins la tête vers lui pour la suite de ce qu’il a à lui dire "I won't be able to teach you everything about Occlumancy, but this is a good start. I'm sure you'll find a way to protect your thoughts. - This should definitely help, indeed. Thank you." lui répond-elle avec un sourire en coin qui s’efface assez vite pour la mine grave et sérieuse qu’elle affichait en auscultant l’objet magique. C’est qu’il s’agit maintenant d’être suffisamment réceptive pour ne pas mal réagir à une intrusion spirituelle et cela demande une grande concentration, ce qu’il confirme par ses mises en garde.
"I'm not a Legilimens, Myrthild. This is going to be trial and error and it might be painful. Maybe this make it easier, actually. - Let’s hope so." lâche-t-elle avant de s’installer bien droite, toujours en tailleur, alors que Kingsley la laisse lui donner le top départ. "Tell me when you're ready."

Les yeux rivés sur la boussole et la flèche qui s’agite encore, l’index et le majeur de la main droite posés contre les runes au dos de l’artefact, Myrthild calme d’abord sa respiration et tente de faire le vide dans son esprit, comme elle peut faire lorsqu'il s'agit de graver des runes sur des armes moldues pour le compte des Black Hands. La flèche se secoue de gauche à droite avec frénésie avant de, progressivement, se stabiliser vers elle. (Pour ce faire, il lui faut songer à son identité propre, à qui elle est, à ce qu'elle fait, pour sortir des considérations purement physiques de sa localisation exacte à l'instant présent.) La respiration basse et lente, Myrthild hésite à fermer les yeux mais décide de garder cette aide visuelle pour le moment. Une fois concentrée sur elle-même et certaine de réussir à contenir ses pensées, l'aiguille fixe vers elle, elle clôt ses paupières et fait le même cheminement pour se concentrer sur l’île de Gracefield, ce qu’elle en a vu à force de s’y rendre, ce qu’elle a pu parcourir comme terrains. L’aiguille -qu’elle ne voit plus- commence lentement à se diriger vers la gauche de la boussole, en tanguant ponctuellement, (voire en faisant un tour complet sur le cadran de la boussole lorsqu'elle en vient à songer à la prochaine fois où elle devra s'y rendre, et à ce qu'il pourrait se passer si Lance y était envoyé), mais en parvenant vers un espace entre eux deux, tourné vers le passé. Son souffle se fait plus profond encore, toujours régulier et lent, tandis qu’elle se concentre davantage et tente d’ouvrir une sorte de pont dans le cheminement de ses pensées, qui permettrait à Kingsley d’être directement au cœur des considérations relatives aux Battues. Elle tente d'enchevêtrer ses pensées de façon à ce qu'il n'y ait pas de virage brutal, mais l'exploit est toutefois complexe, si l'on réfléchit à qui elle peut y côtoyer et aux liens variés qu'elle nourrit avec eux. L'image fugace de son neveu, par enchaînement avec celle d'Antonin Dolohov, lui parvient sans qu'elle ne puisse vraiment s'empêcher cet écart. Les Battues, se répète-t-elle en silence, et elle se raccroche au dernier souvenir de cet endroit de malheur, au goût du vin servi par Marlon, pour s'y ancrer de façon pérenne, sans dévier.

L'aiguille oscille encore puis, au bout de quelques minutes, un murmure s’échappe d’entre ses lèvres : "I’m ready." Elle garde les yeux fermés, craignant que le moindre stimuli visuel ne brise sa concentration forcée sur Gracefield, sur les horreurs qui s’y déroulent, sur les différents espaces de cet endroit, sur les prisonniers, et pour être la plus méthodique, elle se répète d’abord en boucle les moyens d’y parvenir, pour ne pas perdre Kingsley aussitôt qu’il aura pénétré dans son esprit.

Kingsley dévore Myrthild du regard, l'observant se concentrer et calmer sa respiration et, même sans être Legilimens, il voit qu'elle va au plus profond d'elle-même pour se préparer comme il le lui a demandé. Malmenés par les embruns et la mer qui, inlassable, se déchaîne près d'eux, ils ne bougent pas pendant un temps interminable, Kingsley observant de temps à autre l'aiguille de la boussole qui s'agite et tressaute et hésite avant de pointer vers Myrthild qui n'a pas bougé d'un cil. Elle a fermé les yeux et, de plus belle, Kingsley l'observe. Il se souvient des gamins qu'ils ont été, d'un rendez-vous désastreux à Hogsmeade et de l'admiration qu'il avait pour elle, jamais proférée à haute voix mais toujours ressentie. Elle était belle, vive et intelligente. Peut-être que dans un autre monde, il aurait eu le courage d'aller lui demander un autre rendez-vous, une fois adultes, lorsqu'ils travaillaient tous les deux au Ministère... sa vie aurait été foncièrement différente, il n'en doute pas une seule seconde.
Kingsley n'est pas du genre à s'abandonner dans des rêves impossibles, et se reconcentre bien vite quand enfin un filet de paroles s'échappe d'entre les lèvres de Myrthild, presque imperceptible sous le bruit des vagues: "I’m ready." Même si elle ne le voit pas, il hoche la tête et prend sa baguette. Ce serait plus simple en la regardant dans les yeux, mais ce sera aussi plus simple si elle est aussi concentrée que ce peut. Il préférerait ne pas la déconcentrer en incantant à haute voix, mais il a si peu pratiqué la Legilimancie qu'il pense qu'il vaudrait mieux pour lui et pour elle qu'il mette toutes les chances de leur côté pour réussir. Il inspire profondément, s'assure que ses propres protections Occlumens sont érigées et stables, et puis pointe sa baguette sur Myrthild dans un mouvement sec: "Legilimens."

Le goût du vin explose dans sa bouche, et le visage de Marlon Travers s'inscrit devant lui. « Ah oui, les » un silence, « c’est pour cela que tu es venue après tout. Je suppose que je vais devoir tout t’apprendre des candidats, Snitch. » Un maigre sourire sur le visage du chef de la BPM. La scène se résorbe et Kingsley grogne en sentant l'esprit de Myrthild déjà se mettre à paniquer, l'emmener partout et nulle part à la fois: des visages défilent, il voit un salon lourdement ornementé, des voix qui s'élèvent, des nez tournés vers des boules de cristal. Des hurlements qui en proviennent, et puis une peur qui vient lui enserrer le coeur - une peur qui n'est pas la sienne -  et le visage débonnaire d'un homme costaud, massif et mal rasé. Nouvelle panique et elle s'échappe, décousue. "Myrthild," la prévient-il d'une voix grave, désapprobateur comme lorsqu'il s'invente professeur d'Occlumancie. "Focus."
Il tient bon, même si sa baguette se met à trembler dans sa main et son poignet à lui faire mal, sa tête lui faisant l'impression d'être scindée en deux. Des secrets, tant de secrets, qui défilent sous les yeux de Kingsley en cherchant quelque chose à laquelle il pourrait s'accrocher. Un gamin, son frère, son époux, un fils, un autre, un neveu - les relations les unissant à Myrthild s'inscrivent dans sa tête, y passent sans s'y arrêter, non, pas ça, ni ça, ni ça, "focus, Myrthild," insiste-t-il d'une voix pressante, "focus on what you must show me."

Le visage de son neveu s'impose à lui, cette fois, et Kingsley sent son coeur sombrer dans sa poitrine en se remémorant les paroles de Ruth Pike: "Je sais aussi qu'il vous cherche et que s'il vous trouve, cela ne sera pas de mon fait." Kingsley repense à sa soeur, à Helen, et au gamin de cinq ans qu'elle avait ramené d'Afrique; il revoit le gamin odieux et bruyant aux repas de famille, et il se force à se concentrer de nouveau, malgré son crâne qui s'ouvre en deux et lui arrache un gémissement de douleur. "What a lovely surprise, Mrs Travers! Now before we proceed and I tell you exactly what we're here for, I need to unlock the spell for you by uttering a single word: welcome, Mrs Travers, to the Battues."

Kingsley se fait éjecter de l'esprit de Myrthild avec violence; la douleur est telle qu'il en perd presque l'équilibre, alors qu'il est assis, et se retrouve étalé sur la pierre dure et humide.
Sa tête est en train de nager, essaye désespérément de faire le point entre ce qu'il sait, ce dont il se souvient, et ce que Myrthild sait.
Des... Battues? Le mot est français, Kingsley ignore ce qu'il veut dire. Il rouvre les yeux - il ne se souvient pas de les avoir fermés - et regarde son ancienne camarade de classe d'un air perdu et hagard et, pendant un instant, il aurait presque l'air effrayé.

Il ne dit rien pendant un long moment, l'air choqué, les yeux écarquillés en se redressant lentement pour de nouveau lui faire face en position assise. Il essaye de faire le tri. "I need to go back." Ses lèvres sont sèches et sa gorge enrouée comme si il était tombé malade à s'enfoncer trop profondément dans les souvenirs et pensées de Myrthild. "You need to show me more." Il n'en a pas envie pourtant: il sent son coeur battre la chamade dans sa poitrine, comme si une magie obscène s'y était glissée. "I need to see the layout, and the security, who's involved, who's there when the- those nights aren't on... I need to see everything. When can you go back? It needs to be soon. I need intel." Il lui parle comme à ses soldats, déjà, trop enfoncé dans ses machinations pour se permettre de douter ou de poser des questions sur la loyauté de Myrthild.

Ancrée fermement dans ce souvenir sensoriel du dernier passage aux Battues, elle ne vacille pas lorsque Kingsley entre dans son esprit. Elle réussit à tenir bon et à rester concentrée suffisamment longtemps pour se remémorer les paroles de Marlon, se représenter une nouvelle fois le décor qui les entourait. Cependant, ce n’est que la chance du débutant et très vite, elle perd pied, parce que le sourire de Marlon la renvoie à un autre, fait au moment d’Halloween, quand elle était grimée en Louis pour la soirée, puis au chaos qui s’enchaîne, à la présence des détraqueurs, à l’angoisse glaciale, et au visage de Lance, qui lui amène un répit infime, tandis qu’elle tente de revenir aux Battues -sauf que Lance n’est pas le bon point de départ pour revenir aux Battues et qu’à la place s’enchaînent les révélations qu’elle lui a faites et les visages familiers se succèdent dans le bourbier de la réflexion. Elle a toujours les yeux fermés, si bien que la voix de Kingsley la surprend, mais que l’encouragement -ou la consigne ?- trouve sa logique dans les méandres du labyrinthe mémoriel. "focus", dit-il ainsi plusieurs fois, et elle se retient de lui répondre de se taire pour la laisser se concentrer. Comme elle grognait du temps où elle tachait de réviser les ASPICs et où il lui caressait le mollet, affalés sous un arbre du parc... Il faut qu’elle revienne à l’essentiel, à la porte d’entrée, à...

À Blaise.
Au tour de Kingsley de laisser s’ouvrir ses barrières mentales alors qu’elle réussissait enfin à verrouiller les siennes et à concentrer toute son attention et tous ses souvenirs (olfactifs, visuels, auditifs) sur la personne du maître des Battues, du gardien du secret, de l’ensorceleur un peu trop doué pour un type de son âge.
Si elle reconnaît Helen, bien plus jeune, elle ne connaît pas vraiment l’histoire des Shacklebolt, pas suffisamment pour savoir identifier elle-même, mais quelque chose semble être évident â l’instant où, sur le visage de l’enfant de cinq ans, se superposent ceux de l’adolescent et du jeune homme qu’il deviendra.

Les deux consciences luttent pour savoir qui des deux guidera l’autre dans ses rêveries et c’est sans doute la boussole qu’elle tient encore fermement dans sa main qui lui rend le dessus, alors qu’ils reviennent à un Blaise Zabini jeune adulte, à l’instant où il accueille Myrthild dans ce lieu horrible.
Et soudain, sans savoir ce qui a produit cela -mais convaincue que ce n’est pas sa conscience qui a agi brutalement- elle se sent, de nouveau seule, sans personne pour fouiller ses souvenirs. Alors qu’elle se souvenait justement des explications données par le jeune Zabini, et du regard pétillant de malice d’Antonin Dolohov, tout guilleret de lui faire découvrir ce formidable endroit.

Les pensées repartent dans tous les sens et elle rouvre les yeux pour se retrouver face à un Kingsley hagard. Elle-même à la bouche sèche, des nouvelles images fugaces qui n’étaient pas des choses qu’elle avait vues auparavant, et maintenant qu’elle reprend son souffle, une nausée lui soulève le cœur. Elle se lève, lentement, poussant de ses mains le rocher, vacillant un instant une fois debout. Elle hume les embruns, fronce les sourcils et plisse les yeux devant la luminosité grisâtre du paysage et au chatoiement de la mer. Inspirant par le nez, bouche fermée, elle tente de faire passer la désagréable impression d’être à deux doigts de tout rendre sur le sable. Sa respiration se calme, et elle se rassied avec précaution, étendant ses jambes devant elle alors que des fourmis remontent le long des nerfs de ses mollets. Elle repose son regard sur Kingsley, qui semble s’être repris. "I need to go back. You need to show me more.", affirme-t-il, comme s’il n’en avait pas eu assez.
Elle l’observe sans mot dire, les yeux étrécis, tandis qu’une migraine carabinée s’installe et qu’une barre appuie profondément au niveau de ses sourcils. Passant le dos de sa main sur son propre front, Myrthild constate que la migraine est accompagnée d’une légère fièvre et se jure de se reposer une fois rentrée chez elle. "Are you sure?", demande-t-elle sans imaginer une seule seconde qu’une question aussi rhétorique aurait raison de la détermination du Shacklebolt, qui précise : "I need to see the layout, and the security, who's involved, who's there when the- those nights aren't on... I need to see everything. When can you go back? It needs to be soon. I need intel. - Hold your unicorns, will you?" Elle pose une main sur le poignet le plus proche de l’ancien Auror. "I’m okay with you going through my mind once or twice again today, ‘cause it’s my idea and I guess we need to practice, but there’s no way I can tell you what’s happening there when it is not open. I mean I’m not Merlin..." Et à trop revenir aux Battues alors qu’elle n’était pas spécialement une habituée de base, ça pourrait mettre la puce à l’oreille à certains.

Elle reprend néanmoins la boussole dans le creux de ses deux mains, et, avant de recommencer à se concentrer, elle suggère à Kingsley, les yeux dans les yeux : "Maybe if you ask me some questions, I’d manage to focus more on those elements. I don’t know, but that may be worth a try, right?"
Elle se perd dans ses yeux. Se perd dans des souvenirs qui n’ont rien à voir avec les Battues, mais davantage à voir avec eux.
Un instant seulement.
Elle cille et revient de force à ce présent où tout en apparence les sépare. "Hold on, will you?", ainsi annonce-t-elle qu’elle se prépare à l’accueillir de nouveau dans ces histoires de Battues. Elle repense à ce moment où elle a découvert l’île non plus en y étant spectatrice, mais en y étant actrice. Ce sera la meilleure façon de lui faire découvrir les lieux, et certaines bribes le ramèneront peut-être également à cette fiole de souvenirs macabres qu’elle avait trouvé bon de lui transmettre pour son anniversaire. Si, à l’époque, elle concevait cette action comme un divertissement, certes de mauvais goût, elle se sent davantage coupable, sale, méprisable même, désormais, maintenant qu’elle doit finalement rendre compte de ses méfaits à quelqu’un dont la droiture n’est plus à démontrer. (Elle n’a jamais douté de cela, d’ailleurs. Même quand leurs chemins se sont éloignés.)
Et de fermer les yeux, une nouvelle fois, pour s’arracher à ces réminiscences d’un autre temps d’insouciance adolescente, pour se replonger dans les odeurs de sous-bois humides, d’humidité ambiante, de musc, et de sang. "I’m ready."
Lui ne va peut-être pas l’être par contre.

"Hold your unicorns, will you?" Kingsley adresse un regard grave à Myrthild, quoique se sentant se détendre très légèrement quand elle pose sa main sur son poignet. "I’m okay with you going through my mind once or twice again today, ‘cause it’s my idea and I guess we need to practice, but there’s no way I can tell you what’s happening there when it is not open. I mean I’m not Merlin..." Le regard de Kingsley s'assombrit et, si il veut bien entendre ce qu'elle lui dit, il secoue légèrement la tête. "I'm sure you can manage." Ce n'est pas la dernière fois qu'il compte la voir pour lui soutirer des informations. Il mettra aussi Freya sur le coup: il semble que sa cible, Marlon, frère de Myrthild, soit lui aussi impliqué dans les sombres machinations de son neveu.

Ils se redressent et se refocalisent sur la boussole, Kingsley s'éclaircissant la gorge comme si ça allait chasser son mal de crâne déjà lancinant et presque étourdissant dans son intensité. "Maybe if you ask me some questions, I’d manage to focus more on those elements. I don’t know, but that may be worth a try, right?" Il hoche la tête. "Good idea." Il se passe rapidement une main sur le visage, appuie quelques doigts entre ses deux sourcils, fermant lui aussi les yeux. "Hold on, will you?" Il grogne comme toute réponse. Il essaye de faire le tri dans ce qu'il vient de voir, entre la vie privée de Myrthild et ce qu'il cherchait réellement - et pourtant il ne peut pas s'empêcher de s'y attarder, sur cette vie privée, curieux de son existence sur laquelle il n'a jamais pu s'attarder avant. Il se demande si tout aurait été différent, si leurs quelques rendez-vous galants à Hogsmeade avaient mené à quelque chose de concret... pendant un instant, Kingsley se complait dans cette histoire fictive. Aurait-il rejoint l'Ordre dans ces circonstances? Il aimerait être convaincu que oui mais en doute un peu désormais... il ignore si il aurait même rejoint les Aurors, si il aurait rencontré Javier, si il se serait enlevé la merde de ses yeux ou si il se serait enlisé dans la belle société de laquelle Myrthild fait partie.

"I’m ready." Kingsley soupire et sa main retombe. Il rouvre les yeux pour la regarder. Les siens à elle sont toujours clos, et il s'abîme pendant quelques instants dans sa contemplation du visage de Myrthild, maintenant qu'elle ne peut pas le voir. Il sourit en se souvenant vaguement l'un de leurs rendez-vous Madam Puddifoot, quand elle avait baissé les yeux sur le menu et qu'il l'avait détaillée à la dérobée en la trouvant si belle. "Legilimens."

Il s'attend aux décors voluptueux et élégants du manoir, et se retrouve plutôt dans une forêt. Pendant un instant, il redoute que lui et Myrthild se trouvent dans l'un de ses souvenirs à lui; mais non, un sortilège fuse et éclaire la scène. Il est en train de courir, sauf qu'il n'est pas pourchassé par quiconque, mais c'est lui qui fait poursuite à quelqu'un. Son coeur tambourine dans sa poitrine, dans sa gorge, et quelqu'un lui crie quelque chose - un compagnon de chasse. Kingsley sent déjà Myrthild se débattre, se déconcentrer, se focaliser sur qui lui parle. "No. Who are you chasing?" Et ses pensées se jettent sur la question, accélèrent la scène; bientôt, elle est nez-à-nez avec le traqué, un homme terrifié avec de grands yeux bleus. "We can't kill themmmm... well, I'm sure Zabini wouldn't mind, right? He doesn't have to know, there are no balls around." Une peur panique qui la prend à la gorge; des yeux qui se relèvent et Kingsley reconnait sans mal le visage d'Antonin Dolohov. Sa propre colère et rage le sort presque des pensées de Myrthild. "Something else. Go. What do you do, in the woods, how does he see you?" La scène tremble, d'autres images se succèdent, trop vite pour que Kingsley puisse les attraper. "Focus, Myrthild. How does he see you? Focus."

La session dure un peu plus longtemps que la précédente, mais ce n'est pas assez. Il voit plus: les boules cristal, le petit village, les cris effrayés des victimes, les rires de leurs bourreaux dans le manoir, le champagne dans leurs verres, le sourires de Blaise, le sang sur les mains de Myrthild un soir. C'est une île, en Écosse, imprenable. Protégée par une bardée de sortilèges, une malédiction, des runes, et le fait que la moitié de la haute société sorcière s'y rende tous les mois.
Quand il se fait éjecter de la tête de Myrthild, Kingsley saute sur ses pieds et se détourne, fait quelques pas sur des jambes tremblantes, manquant de glisser à plusieurs reprises sur les rochers battus par les embruns. Il s'approche de l'eau et des vagues, pour les regarder, pour se perdre dans le son presque assourdissant; le vent s'est levée et la Manche semble s'être réveillée, et frappe sans relâche la côte.
Sa tête lui fait un mal de chien et il ferme les yeux, se masse les tempes.

Il ne peut pas en parler au Conseil.

Il sait déjà qu'ils voudront aller sauver les pauvres victimes de cette île, et il sait déjà que c'est impossible - ou du moins, que le prix à payer sera bien trop élevé. Javier s'y trouve mais il sait, au fond de lui, que Javier est en vie et qu'il survivra. Cet enfoiré a survécu à bien d'autres choses tout aussi terribles.
Kingsley se retourne et retourne vers Myrthild, qui s'est elle aussi relevée. Il lui attrape le bras avec force, se penche vers elle, ses yeux enfoncés dans les siens. "Can I count on you?" lui demande-t-il d'une voix rauque et profonde, ses yeux fouillant les siens. "No more white lies, Myrthild."