Un sortilège lancé par Benjamin recouvre leurs épaules, et Caesar le regretterait presque: même si elle le rendrait misérable, peut-être que la pluie lui apporterait un peu de soulagement si il la laissait couler dans ses cheveux, sur son visage, dans son cou, s'infiltrer jusque sous ses vêtements.
Mais non, à la place, il a chaud, il a faim, il a froid, il est triste, sa cravate est trop serrée et il n'a qu'une envie: s'en aller.

Il ne bouge pas. À côté de lui, Jeong-Hui non plus ne bouge pas, même si il la sent presque prête à s'enfuir au courant la prochaine fois qu'on leur annoncera des condoléances. Ils restent rigides, courtois mais distants, la seule chose troublant le calme qui les entoure étant leurs deux animaux animixés: le Cat de Jeong-Hui se cache sous la table où sont étalés des rafraîchissements protégés eux aussi de la météo par de la magie, alors que le paon de Caesar, Jalebi, reste à l'écart des invités, la queue en berne, boudeur et mélancolique.

Toute la haute société a été invitée, et quelques sang-mêlés se sont même mêlés aux aristocrates — seulement les plus importants, ceci dit, et qui connaissaient véritablement les quatre sorciers enterrés aujourd'hui. Si des mesures de sécurité auraient pu être prises pour l'occasion, Caesar n'a pas pu se résoudre à laisser des horrifiques Hounds veiller sur les funérailles de ses parents. Si il voit le moindre triangle coloré tatoué sur la joue d'autrui, il risque de craquer...

Malgré son cousin non loin et sa soeur à ses côtés, Caesar se sent désespérément seul, observé, décortiqué, et il finit par craquer; il s'excuse auprès du mage de cérémonie qui se tient près de lui et il enjambe Kate, l'animal de Benjamin, pour aller directement vers la table où se trouvent verres de vin, amuse-bouche raffinés et autres snacks et rafraîchissements divers. La cérémonie va commencer dans quelques minutes, il a déjà envie de pleurer, et il sait qu'il ne peut pas, n'a pas le droit, ne le fera pas. Alors il attrape un verre de vin, et il le finit d'une traite en ignorant les regards mi-curieux mi-scandalisés, grognant quand il sent la main de Benjamin sur son épaule, désormais aussi familière qu'agaçante. “ Benjamin, je te promets que si tu es là pour me dire que tout va bien se passer, je vais te donner un coup de poing, ” siffle-t-il à mi-voix à l'adresse de son cousin, lui adressant un regard noir en attrapant un autre verre.

Le début d'une longue journée.

Spoiler:

Elle a tellement crié qu’ils l’ont endormie plus d’une fois, elle n’a trouvé le répit que dans leurs sortilèges. Elle a hurlé avec si peu de retenue qu’ils ont eu peur qu’elle s’en déchire les cordes vocales. Ils n’ont pas eu tout à fait tort et sa voix et maintenant basse et fêlée, on aurait mal rien qu’à l’entendre, mais elle a refusé leurs potions. Pendant des jours elle a alterné entre faire les cent pas rageusement et rester prostrée obstinément, le plus souvent dans la chambre où ils ont mis Celyn et dont elle se faisait renvoyer à chaque crise. Ils ont toujours su dans la famille que Jeong-Hui était une bombe à retardement mais jamais cela n’a été plus vrai que ces deux dernières semaines. Le moindre mouvement dans sa direction, le moindre mot de travers, la moindre offense de son environnement qu’elle seule pouvait percevoir et elle se remettait à hurler. Un jour ils ont même dû l’ensorceler cinq fois.
Tout s’essouffle, même son hystérie. Hier pour la première fois elle n’a pas crié une seule fois. Le deuil par le silence elle sait faire, elle est même experte. Umma et Dad n’auraient pas apprécié qu’elle fasse de sa douleur un spectacle, encore moins à leurs funérailles, encore moins maintenant qu’il n’y a plus les autres pour contrebalancer ses aspérités et donner une meilleure image de la famille Rosier. Au cimetière il faudra faire bonne impression malgré les cercueils fermés et leur intolérable nombre. Le costume qu’elle porte aujourd’hui est superbement taillé et d’une sobriété exemplaire mais elle ne peut s’empêcher de penser qu’Aloysius Rosier lui aurait trouvé quelque chose qui lui aurait encore plus plu.

Evidemment, il pleut. C’est mieux ainsi sans doute. La radiance du soleil l’aurait gravement offensée lorsque toutes les humeurs se doivent d’être à la tempête. Les premières gouttes qui lui sont tombées dans la nuque l’ont fait frissonner de la tête aux pieds avant que Benjamin ne les protège tous de l’ondée menaçante. Il lui aurait pourtant bien fallu cette pluie assassine pour refroidir cette ire qui la consume. Les gens ont commencé à défiler, tous avec les mêmes mots dans la bouche, certains dont les visages étaient à peine familiers. Elle a failli refuser leur main tendue mais un regard de Caesar l’a fait se raviser, et elle a béni la prévoyance de son cousin qui lui a fourni d’épais gants pour sa tenue. Ainsi, elle sent à peine le contact de ceux qui déballent leur condoléance, n’a pas à toucher leur peau. Elle articule des ‘thank you’ à chaque fois mais sans même prendre l’effort de produire de son, ils savent très bien ce qu’elle dit de toute façon. Ses yeux fuient les leurs. Son chat est allé dérober quelques amuse-gueules avant de s’abriter sous la table des rafraîchissements mais l’image même de nourriture lui donne la nausée. Puis Caesar s’en va, partant à la conquête des verres de vin. La jeune Rosier lui lance un regard paniqué mais il ne se retourne pas et elle doit faire face, seule, à la marée de condoléances. Comme toujours ses instincts hurlent à la fuite. Mais aujourd’hui il n’y a pas de fuite, car elle pourrait courir jusqu’aux confins du monde sans jamais échapper à cette réalité qui lui donne l’impression qu’elle aussi va être enterrée dans quelques instants.

Spoiler:

Pansy n’a pas assisté à beaucoup de funérailles dans sa vie. Il y a eu grand-mère Rosier, il y a eu son oncle Fergus, le père de Benjamin, et il y a eu Ha-Jun bien sûr, aussi. Des pertes tragiques bien entendu, même si elle s’en est dans le fond curieusement bien remise. Peut-être parce qu’elle n’a jamais été trop proche de sa cousine, bien plus âgée que cette dernière et plus touchée au final par ce que la perte pouvait générer chez ses autres cousins. Elle n’a pas assisté à beaucoup de funérailles dans sa vie, mais elles semblent toute avoir quelque chose en commun : des Rosiers. À croire qu’une malédiction a été lancée sur la famille, les dévorant chacun petit à petit. Elle n’a pas assisté à beaucoup de funérailles et c’est tant mieux car plus la mort s’approche d’elle — en touchant littéralement des gens qui lui sont plus proches ou des êtres plus jeunes qui auraient pu être elle — et moins elle est à l’aise avec tout ça.

Pansy a passé la matinée chez ses parents, accompagnée par Blaise (@Blaise Zabini) bien sûr qui ne lui a pratiquement pas lâché la main depuis qu’ils ont quitté leur appartement londonien. Son père a à peu près la même expression faciale que n’importe quel autre jour même si elle croit savoir qu’il respectait Aloysius et la main qu’il pose sur l’épaule de Aeko (@Aeko Parkinson) ne semble pas insincère dans son soutien silencieux, quoique bref. Ils transplannent ensemble jusqu’au cimetière du Wiltshire, un endroit qui peut paraître pittoresque en une meilleure saison, mais qui est surtout pitoyable sous la pluie qui s’abat sans merci sur la congrégation. C’est la première fois que Pansy assiste à ce genre de funérailles-là, vu qu’habituellement chez les Rosier la norme coréenne prend le dessus à cet instant-là de la vie. La partie la plus importante de la cérémonie se fait donc à la maison. Elle se demande si sa mère voudra aussi subir le même rituel et finalement reposer dans la crypte Rosier ou plutôt être enterrée avec les Parkinson. La pensée la fait frémir et elle resserre son emprise sur les doigts de Blaise, sans un mot. Un grand parapluie noir flotte au-dessus de leurs deux têtes — plus esthétique qu’un sortilège invisible de protection — et ils se dirigent vers ce qu’il reste des Rosiers juste alors que justement Caesar abandonne sa sœur pour aller prendre à boire, rejoint par Benjamin. Elle hésite à se diriger vers ceux-là en premier mais trouve plus adéquat de d’abord saluer Jeong-Hui (@Jeong-Hui Rosier). Quelqu’un d’autre lui parle, mais évidemment cela n’arrête pas Pansy. Elle passe avant, en temps que cousine, après tout. “ Hello dearest, ” fait-elle donc en ignorant tout simplement la jeune fille (@Joyce Avery) qui a l’air à peine sortie de Hogwarts — ça l’étonnerait pas qu’elle soit encore étudiante et ait dû supplier pour obtenir une autorisation de sortie pour l’évènement. Elle collerait bien une bise à sa cousine, mais ce n’est pas le genre de Jeong-Hui donc elle hoche solennellement la tête à la place. “ Si tu as besoin de quoi que ce soit, aujourd’hui ou n’importe quand, tu sais où me trouver. ” Elle pose une main aussi délicate que brève sur son épaule et puis la laisse gérer le reste des invités qui viennent lui présenter leur condoléances. Pansy l’a déjà fait de manière plus effusive, deux semaines plus tôt. Après tout c’est la famille.

Elle va ensuite voir Benjamin (@Benjamin Rosier) et Caesar (@Caesar Rosier) qui n’a pas l’air de bonne humeur — évidemment. Même Jalebi a l’air tout triste. Pansy est bien contente de ne pas être animixée, avoir un animal à ses côtés qui trahirait ses émotions les plus intenses ne lui plairait pas du tout. “ Bonjour vous deux. ” Elle ne leur demande pas comment ils vont bien entendu. Elle claque une bise à Caesar puis à Benjamin. “ On boit quoi ? ” Elle ne demande pas à qui non plus, il est bien évident aussi ceux à qui les toasts seront dédiés aujourd’hui.

Ils ont passé deux semaines à préparer les funérailles, mais ils n’y sont clairement pas psychologiquement préparés. Tout ce monde… Benjamin soupire. Il essaie de ne pas formuler de jugements dans son esprit, mais c’est difficile. Il reste un peu en arrière, derrière ses cousins qui reçoivent les condoléances. On vient le voir aussi, bien sûr. Il est l’aîné des enfants Rosier, et au-delà de ça, son statut de directeur de l’entreprise qui vient de perdre son vice-président attire les vautours. Certains n’ont absolument aucun respect, et commencent déjà à lui demander ce qu’il va advenir de l’entreprise maintenant que presque tous les Rosier de la génération de son père sont éteints. Presque trois ans qu’il gère cette entreprise et on agit encore comme si Aloysius était le garant de la survie de Rosier Events.
Benjamin sourit tristement, serre des mains, rassure autant que possible les partenaires économiques qui se posent des questions et leur promet des réunions dans les prochaines semaines. Comme s’ils avaient besoin de penser à ce genre de choses. Benjamin jette un coup d’oeil à sa mère, à sa droite, qui garde les yeux fixés sur les nuques de Caesar et Jeong-Hui. Elle a été moins… inutile que ce qu’il attendait, sa mère. Tant mieux. Il n’est pas sûr qu’il aurait été capable de gérer tout ça tout seul avec Kate.

Caesar s’éloigne vers le buffet. Benjamin le suit des yeux, et naturellement, le rejoint. C’est beaucoup, cette journée. Benjamin, je te promets que si tu es là pour me dire que tout va bien se passer, je vais te donner un coup de poing, Il n’en attendait pas moins de Caesar, qui est une vraie bombe à retardement qui tente tant bien que mal de ne pas exploser. Il ne lui dit pas que tout va bien se passer, du coup, mais se permet quand même de dire : ”Quitte à boire, bois plutôt ça. C’est meilleur.” Il sort de son grand manteau une flasque dont il verse une partie du contenu dans le verre vide de Caesar, dos à la foule pour qu’elle ne voit pas ce qu’ils sont en train de faire. ”Promis, ce n’est pas du jus de pomme.” ajoute-t-il avec un regard entendu à son cousin.
Pansy arrive dans leur dos Bonjour vous deux. Benjamin lui fait une bise et serre légèrement son bras. On boit quoi ? ”Pas ce vin, en tous cas.” soupire-t-il. Parce qu’il devait s’occuper de Caesar et Jeong-Hui, et de tout le reste, il a laissé quelques éléments entre les mains de ses employés… Ce n’était pas une bonne idée. ”Je serais même prêt à boire ton Lunarosa à la place.” soupire-t-il.

Il tourne les yeux vers Jeong-Hui, restée seule (sa mère à lui ne compte pas, tant elle est invisible). ”Je reviens.” dit-il, décidant de laisser Caesar avec leur cousine. Il se rapproche de la plus jeune de ses cousines et se poste à côté d’Aeko. Il passe un bras autour des épaules de sa tante. ”Tu sais que tu n’es pas censée fumer ici, n’est-ce pas?” dit-il avec un sourire affectueux avant de se rapprocher de Jeong-Hui : ”Si tu veux arrêter, dis-moi. Je peux prendre le relai.” offre-t-il à sa cousine. Si elle a besoin de rejoindre son frère au buffet ou si elle ne se sent plus capable de gérer tout ça, elle sait qu’elle peut fuir.

Spoiler:

La branche Remizova avait insisté pour se rendre aux funérailles de cette famille dont ils ne connaissaient que le nom (et la position de l'entreprise familiale, remarquable auprès du Lord, avait précisé Polina). Qu'il s'agisse d'un enterrement ou d'une soirée de charité, une telle concentration de Sangs-Purs au mètre carré restait une occasion en or de rencontrer et de lier avec l'élite locale ; quand Polina avait été mise au courant de la terrible nouvelle, elle avait, après le cri de surprise étouffé de circonstance, entrevu les opportunités offertes par ce rassemblement en (relativement) petit comité. « C'est terrible », avait-elle soufflé à ses collègues de l'ASAP, dont elle avait rejoint les meetings sitôt qu'ils avaient mis le pied sur le sol britannique. « Tu les connaissais, les Rosier ? » avait demandé Sergueï, une fois à la maison. « Vaguement, j'ai parlé à la mère une ou deux fois. Pas vraiment plaisante... Entre nous c'était une famille de snobs, mais bon, ce n'est plus important, maintenant. »

Ainsi donc, vêtus de noir, les Dolohov s'étaient fait une place dans la nécropolis, abrités sous une longue ligne de sorts anti-pluie, formant une coupole de protection invisible au-dessus de leurs têtes. Feodora, tenant Misha par la main, était passée après sa tante (« terrible, terrible drame, nous sommes de tout cœur avec vous »), son oncle (« hm, mes condoléances »), ses trois cousins ; face aux trois Asiatiques, elle hésita un instant, avant de présenter sa main gantée à celle qui semblait la plus atterrée – ce n'était pas tant par générosité qu'une simple question de logique. En soi, qui avait besoin de serrer les mains de dizaines d'inconnus, en de telles circonstances ? « Toutes mes condoléances », fit-elle avec le sourire adapté à l'occasion, compatissant et peiné à la fois. Son accent russe était inratable, même sur ces trois mots. « Je vous souhaite beaucoup de courage. » Poussant gentiment son fils par les épaules, elle s'éclipsa, et s'approcha des quatre cercueils. Ces derniers étaient clos ; d'après Polina, on n'avait pas eu de corps à y mettre. « Ça me rappelle ma mère... » fit-elle à son fils, les yeux baissés sur la planche en bois lisse, indéniablement luxueux. Ils en avaient enterrés, dans la famille, mais étrangement, au-delà même de Nikita, c'était le souvenir de cette mère qu'elle n'avait pas connue qui ressurgissait soudain. L'ambiance avait été morose, malaisante – et le même cercueil clos pour camoufler cette absence sinistre.

« Toi aussi tu vas mourir, un jour ? » La petite voix de Misha la surprit légèrement. « J'imagine, oui. » A en juger la longévité de son grand-père, on pouvait avoir de sérieux doutes. « Quand ? » « Je ne sais pas. Personne ne sait vraiment. » « Tu pourras me prévenir ? » « Hum ? » « Tu pourras me prévenir, avant de mourir ? » Ses yeux dévièrent sur Misha, qui fixait encore le cercueil. Elle glissa son index sur sa joue en une caresse légère. « Ne sois pas idiot. Il faut garder la surprise jusqu'au bout, ça ne serait pas drôle, sinon. » Et elle le retint légèrement contre elle, en une moitié d'étreinte, caressant le costume qu'il mettait dans les grandes occasions.

Spoiler:

Aussi loin que Maxine se souvienne, elle n’a jamais assisté à des funérailles. La famille de sa mère est dans un autre pays, elle a entendu des histoires sur eux mais elle ne les a jamais vus. Son père, elle ne le connaît pas et n’éprouve pas l’envie de le connaître. Et son beau-père… no comment. Elle ne sait pas ce que c’est de perdre quelqu’un de sa famille, mais elle sait - par contre - que Rosier a besoin de soutien. Elle tient son parapluie fermement dans sa main et Archie est collé contre sa jambe, sa queue ramenée contre lui. Il suit Kate des yeux pour sa part. Maxine s’est mise en retrait parce qu’elle ne se sent pas légitime à se mêler à la foule et elle doit prendre sur elle le fait d’être entourée de deatheaters et de sorciers qui sont scandalisés par la mort des Rosier alors qu’elle ne sait toujours pas quoi en penser. Et elle se sent horrible de ressentir cette incertitude. Plus que jamais, les barrières sont levées dans son esprit et elle reste vigilante, elle observe tout ce qu’il se passe et tous les visages présents.

Elle sait que tôt ou tard, elle va devoir s’avancer à son tour pour présenter ses condoléances, mais elle sent que ce n’est pas approprié. Qui a envie d’entendre pour la énième fois toutes mes condoléances ou des ça me désole ? Elle pince un peu les lèvres et se met en mouvement lorsqu’elle voit @Benjamin Rosier s’approcher de sa mère, de @Jeong-Hui Rosier et d’@Aeko Parkinson. Elle passe son bras libre sous le bras de Rosier et lui lance un petit sourire triste. “Mrs Rosier. Jeong-Hui. Mrs Parkinson.” Elle les salue avec un hochement de tête. Sa prise autour du bras du Rosier se fait un peu plus forte alors qu’elle cherche ses mots. “Je suis-- navrée.” Elle grimace intérieurement parce qu’elle n’a pas mieux. “Si je peux faire quelque chose pour vous aider...” Propose-t-elle car c’est ce qui lui semble le plus convenable vu la situation.

Spoiler:

Son père s'est désisté au dernier moment, et Rafaela a failli y aller seule. Sylvia, sa mère, a dû sentir son inconfort et a proposé de l'accompagner; Raf a failli refuser, leur relation n'étant pas au beau fixe depuis la révélation qui a changé sa vie. Mais c'était soit ça, soit être seule; le choix a été vite fait.
Elles restent un peu en retrait après avoir présenté leurs condoléances aux deux survivants de la famille Rosier: Caesar et Jeong-Hui, qu'elle connait tous les deux pour avoir été avec eux à Hogwarts. Elle se souvient avec un certain amusement de sa septième année, quand Caesar s'était présenté à la place de son frère dans le compartiment des préfets dans le train. Il avait fait une scène avec la préfète-en-chef quand elle l'avait pris la main dans le sac. Sa soeur. Eun-Ji.
Comme en écho, alors qu'elles s'éloigne des deux survivants Rosier pour se mélanger avec le reste de la petite audience, sa mère lui glisse d'un ton hésitante: "c'était pas elle qui t'avait sifflé le badge?" Rafaela fait aussitôt la moue en rentrant sa tête dans ses épaules. C'était bien le scandale et le drame qui a duré tout le long de l'été précédant sa dernière année à Hogwarts: qu'elle ne soit pas nommée préfète-en-chef et que le terme revienne plutôt à Eun-Ji Rosier.
Le lui rappeler est une manière parfaite de faire parler Raf pendant une dizaine de minutes environ sur toutes les choses géniales qu'elle a pu accomplir en tant que préfète, et qu'elle aurait accompli en tant que préfète-en-chef si on lui avait laissé cette posssibilité. Elle peut disserter et expliquer sans s'arrêter qu'Eun-Ji n'était véritablement pas le choix optimal pour cette position, que c'était du favoritisme pour les Rosier aux poches profondes, et que franchement ça puait le classisme pur et simple. Une ou deux fois, elle a même parlé de token diversity ce qui a fait rouler les yeux de sa mère (mais elle était secrètement d'accord, du moins Raf l'espère, sinon ça veut dire que c'est une traîtresse).

Pour une fois, Raf n'attrape pas la perche et Sylvia, qui espérant lui arracher une tirade et un sourire, fronce les sourcils. "Si, c'était elle," marmonne-t-elle en jetant un regard en coin à l'un des quatre cercueils. Ils sont tous magnifiquement décorés, mais ils sont aussi tous apparemment vides. Raf n'en sait trop rien, elle a juste entendu des rumeurs qu'il n'y avait pas grand-chose à récupérer des Rosier après l'incendie ayant volé leur vie et leur fief ancestral. Elle a préféré se tenir loin des détails sordides et autres racontars désagréables.
Rafaela regarde un peu les gens présents, et ses yeux s'attardent sur le jeune frère d'Eun-Ji près du buffet, entouré de gens de leur âge. Elle aimerait aller le voir mais... lui dire quoi? Ils ne se sont quasiment jamais adressé la parole - elle connaissait mieux son frère jumeau - et elle ne saurait même pas comment lui communiquer ses condoléances au-delà de quelques platitudes pré-mâchées et vides de sens. Que lui dire, à part qu'Eun-Ji lui avait volé son badge à l'époque, et son souffle récemment?
Rafaela se mordille la lèvre à cette pensée, déplacée et désagréable. "Hm..." La jeune femme cligne des yeux et regarde sa mère, avant de suivre son regard en direction de Joyce, la fille de Warren. Sa demi-soeur. Mère et fille esquissent la même grimace en se remettant en marche, faisant de leur mieux pour mettre autant de distance entre elles et la jeune fille. "Si quelque chose d'aussi terrible nous arrive, à moi et à ton père-- - Maman... - Non, je suis sérieuse. Si quelque chose comme ça nous arrive... je veux que tu sois forte et que tu n'oublies jamais combien je t'aime d'accord?" Rafaela fronce du nez pour s'empêcher de pleurer, et hoche sèchement la tête. Elle se demande à quand remonte la dernière fois où Caesar et Jeong-Hui ont entendu ces mots de la part de leurs parents ou de leurs frères et soeur. "D'acccord. Allons voir quel vin ils servent, maintenant..."

Spoiler: