Il était trop, beaucoup trop tôt. Les alentours étaient silencieux, il n'y avait aucun bruit mis à part la respiration d'Hugo qui dormait toujours. Il faisait encore sombre à l'intérieur, ils avaient bien vite découvert l'utilité des sorts d'isolation visuelle, en particulier en été, lors que le soleil se levait tôt. En jetant un oeil à travers leurs chambre, Elliott pouvait voir la silhouette d'Hugo et l'absence de Conan dans son lit d'appoint.

Elliott l'avait retrouvé il y a une petite semaine, et Conan était resté avec eux. Ils avait tous les trois été à Pouffsouffle, bien que pas dans la même année. Et pour être honnête, Elliott avait pensé que le laisser seul n'aurait pas été la meilleure des idées. Pas à ce moment où il semblait encore si fragile, avec raison. Hugo avait accepté, évidemment. Alors ils séjournait tous les trois dans leur chambre, un semblant de normalité parmi tout ce qu'ils vivaient.

L'heure sur sa montre lui arracha un soupir, 7h16. Il se leva et emporta au passage un pull qui trainait sur une chaise avant de sortir de la tente. Les températures étaient fraiches, les highlands pas particulièrement réputés pour leur climat tropical. La vue était cependant agréable. Ils avaient réussi à trouver un terrain où il n'y avait que des collines à perte de vue, des collines couvertes d'herbe fraiche. Un loch trônait sur la droite du camp. Il n'y avait personne, à part les quelques vaches qui se perdaient parfois jusqu'à eux. Dans d'autres circonstances, ils auraient presque pu croire être en vacances.

Il était encore à moitié endormi alors qu'il trônait debout devant l'entrée de la tente. Il pouvait voir une silhouette assise devant le loch, Conan sans doute. Elliott savait que sa nature de selkie lui faisait apprécier particulièrement la mer, mais il imaginait que si loin dans les terres, l'eau douce ferait l'affaire. Il s'approcha, en essayant de faire assez de bruit pour que Conan ne soit pas surpris de sa présence. Il avait appris, pendant toutes ces années, à ne pas surprendre les gens qui sortaient d'une situation telle que la sienne.

Arrivé à sa hauteur, il le salua avant de s'assoir à ses côtés. Elliott ne savait pas vraiment quoi dire, et Conan n'était pas la personne la plus bavarde au monde. Ou du moins, pas actuellement. Le loch était d'un vert sombre et la couleur lui rappelait celle du lac noir. Il se demandait parfois ce qu'il pouvait se cacher sous la surface.

"So…", dit-il après un moment, alors qu'il tripotait nerveusement les gravillons sous ses mains, "what are you doing up so early? You okay?".

Pas un bruit dans la chambre ; à travers la pénombre, il distingue les silhouettes d'Elliott, Noam et Hugo. Ils dorment à poings fermés, tous les deux ; ils ont l'air paisible. Presque. A les voir comme ça, fourrés à trois dans une chambre, on se croirait plus en colonie de vacances qu'autre chose (pourtant, ils sont bel et bien des fugitifs recherchés par le gouvernement). Après tout ce temps passé seul, ça lui fait bizarre de devoir réapprendre à vivre avec d'autres personnes (et encore plus à s'habituer à la respiration des autres dans les lits d'à-côté, ça le fait encore sursauter la nuit même s'il essaye de s'habituer le plus rapidement possible, parce qu'il est beaucoup trop reconnaissant au groupe de l'avoir recueilli). Il dit rien, essaye de se rendre utile ; pourtant, depuis l'autre soir au coin du feu avec Ethan, il peut pas ignorer la sensation d'engourdissement qui lui prend tout le temps. L'esprit qui s'embrume, un peu (et la magie qui se fait plus faible, le moral qui tombe au plus bas). Il l'a vue, la lune ; elle se vide, petit à petit, et lui part avec elle. Parce qu'il a toujours été comme ça (à la merci la plus totale de l'astre lunaire, bénédiction comme malédiction). Pas totalement maître de son corps.
Il fait le moins de bruit possible quand il quitte la tente (parce les trois ombres ont l'air si tranquilles qu'il veut pas les réveiller ; c'est rare que tout le monde trouve un sommeil paisible, alors s'il arrive pas à en avoir un c'est pas pour autant qu'il veut l'arracher aux autres). Le soleil est déjà levé, quand il met un pied dehors ; et à la vue de la lune presque totalement vide à l'horizon, il devine qu'il doit être aux alentours de six heures. Le coeur se serre un peu, ses muscles grincent et lui hurlent de rester au lit mais il les ignore ; se frotte les yeux, creusés et soulignés de cernes violacées. Si c'est son dernier jour dehors avant d'être cloué au lit, il préfère profiter de l'air faire et de la vue sur le loch ; ça lui fera au moins un souvenir frais, quelque chose qui ne se désintégrera pas dans son esprit. Il titube un peu jusqu'au bord de loch ; s'il laisse tomber brutalement, avec un soupir de soulagement (il se frotte les genoux, pour arrêter leur tremblement ; se passe une main sur le visage pâle, un peu fiévreux). Du bout des doigts, il masse son épaule avant de grimacer et d'arrêter (le bras droit toujours en écharpe, pour encore un bon bout de temps sûrement).

Il doit bien rester une bonne heure comme ça. Les yeux fermés ; il écoute juste le silence. De temps à autres il les rouvre, fixe la surface verte et épaisse qui s'étend au milieu des collines vertes. Il se demande si des êtres de l'eau y habitent, comme dans celui d'Hogwarts. Dans sa jeunesse, il lui arrivait de discuter avec certains d'entre eux quand ils venaient à la surface (ce qui était rare, car les merrows ont toujours été territoriaux et agressifs ; ça lui avait pris quelques années et de longues heures passées en face du lac pour qu'ils finissent par lui accorder leur confiance en reconnaissant qu'il était à moitié aquatique, comme eux - du moins, pour les quelques merrows qui étaient venus à sa rencontre à la surface du lac). Ça lui avait permis de pratiquer son mermish et, parfois, certains lui remontaient ses affaires scolaires qui avaient été balancées à l'eau (il les retrouvait au bord du lac noir, soigneusement déposées). Peut-être qu'il y en a qui habitent ici aussi, au fond du loch noir et silencieux. Il serait pas étonné.
Des bruits derrière lui le tirent de ses pensées - il sursaute un peu, mais se détend en reconnaissant Elliott qui lui fait un signe en s'approchant. Conan hoche doucement de la tête en signe de salut, le laisse s'installer à ses côtés ; et le silence s'installe. Ils fixent le lac tous les deux, et il peut pas s'empêcher de regarder les mains d'Elliott qui s'agitent sur le gravier (il l'imite, par mimétisme). Il se mord la lèvre, doucement. "So…" Elliott se lance finalement ; Conan tourne légèrement la tête vers lui, sans un mot. "what are you doing up so early? You okay?" Pause. Le demi selkie lève doucement la tête vers le ciel ; il pointe la lune qui est encore visible. "I'm gonna be stuck in bed for some time, I'm just enjoying my last days outside." La voix est légèrement enrouée. Il hésite pendant un instant, avant de se tourner un peu plus vers Elliott. "I didn't thank you properly, that other day." Il fixe les graviers sans oser le regarder dans les yeux - quand il les relève, les commissures sont relevées (c'est l'expression la plus proche du sourire dont il soit capable, à l'heure actuelle). "Thank you for saving me, Elliott." Et il lui tend la main, pour la serrer. Parce que ça fait une semaine qu'il est là et, s'il a fait comprendre à son ancien camarade qu'il était reconnaissant, il lui a jamais dit de vive voix (parce qu'il tâtonne avec les mots, mais c'est Elliott, alors il peut être un peu plus lui). "I'm glad to have a friend like you." A friend. C'est presque surréel. C'est presque surréel. Pourtant, les mots glissent tous seuls - et ils sonnent pas faux dans sa bouche, pour une fois.

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La mention de la lune fait réaliser à Elliott son ignorance à ce sujet. Et le manque d'éducation qu'il a pu avoir. Il ne souvient pas avoir un jour eu un cours dans lequel ils abordaient spécifiquement les êtres de l'eau, malgré le fait d'en avoir des descendants en leur sein. Et certes, il aurait pu se renseigner de lui-même, mais l'occasion ne s'était jamais vraiment présentée, il n'en avait jamais eu vraiment besoin, du moins pas avant ce jour, alors il s'était complains dans son privilège et n'avait pas cherché à comprendre. Il ne sait pas si c'est le genre de chose qu'il peut demander, ce que ça fait réellement, il connait la base, plus la lune est faible plus les être qui y sont liés le sont, mais il n'a jamais pu en discuter avec quelqu'un qui était directement touché. Il n'a pas vraiment le temps d'oser, de toute façon, puisque Conan continue sur sa lancée. "You don't have to", il dit, mais le jeune homme le coupe et surprise, lui tend la main. Elliott sait que Conan n'est pas très tactile, que Conan est traumatisé et que l'on doit s'approcher avec prudence. Il sait tout cela parce que c'est lui qui l'a trouvé, dans ses pires moments, mais qu'il l'était sans doute déjà avant. Alors Elliott prend le geste avec joie, prend la main de son ancien camarade dans la sienne, pas trop longtemps, juste un moment, comme pour lui dire qu'il est là avec des gestes plus qu'avec des mots. "You don't have to thank me, really, like I told you, it's what I do", il espère que ses mots ne seront pas mal interprétés. Conan n'était pas qu'une mission parmi tant d'autres, loin de là et il avait raison, ils étaient amis. C'était étrange d'une certaine manière, ils ne s'étaient pas vraiment côtoyés à l'école, et Elliott ne saurait pas expliquer pourquoi, mais il se sentait plus proche de Conan que de certaines personnes qu'il avait vraiment côtoyé, pendant des années. C'était peut-être parce qu'il avait l'impression de se retrouver en lui, qu'il y avait des similitudes entre eux que les autres ne voyaient sans doute pas, et peut-être aussi parce que Conan lui apportait une douceur qui manquait à leur quotidien, une vulnérabilité qui n'était pas dangereuse ou mesquine mais bienvenue.

"I'm glad too," il dit finalement, les yeux rivés vers le levé du soleil, c'est paisible, on pourrait presque croire que la guerre n'existe pas en cet instant. Pourtant ses pensées le rattrapent bien vite. Il sait dans quelle situation ils sont, il ne sait pas ce qu'ils vont devenir, Conan va surement rejoindre l'Ordre, si ce n'est que pour être sous leur protection. "Do you ever think about how different it would have been, if we'd been friends before?" Avant tout cela. "Maybe we could have been together, from the start. I would have liked that, to have you here, with us". Ils auraient été amis, Conan ne se serait pas retrouvé seul et les choses auraient sans doute été différentes pour lui, pour eux tous. Et Elliott sait qu'il aurait trouvé en lui un véritable ami, non pas que les autres ne soient pas ses amis. Ils le sont tous devenus, même Logan d'une certaine manière, par la force des choses, mais Conan aurait fait parti de ceux qui auraient été ses amis avant tout cela, avant que cette guerre ne les unissent, il aurait fait partie de son cercle le plus proche. Ça aurait été bien.

Elliott lui serre la main et le contact, fugace mais sincère, est bizarre pour Conan. Sa main s’est levée presque toute seule, indépendamment de sa volonté. Peut-être qu’après toutes ces années passées à réprimer la proximité avec les autres, la peau humaine lui apporte un peu de réconfort (une sensation de pas être seul, livré à lui-même dans la nature). Est-ce que c’est ça, la confiance ? Avec les années, ce mot à perdu de son sens pour Conan qui s’est principalement focalisé sur son indépendance et sa solitude : ça l’a rendu taciturne, et un peu awkward aussi, mais certaines choses ne peuvent être évitées. Avoir confiance, qu’est-ce que ça veut réellement dire ? Est-qu’il a confiance en Elliott ? Son ancien camarade l’a vu au plus bas et les a récupérés, lui et ses morceaux tombés au sol, alors qu’il était à deux doigts de se laisser dévorer par l’écume. Il l’a rapiécé, petit à petit. Avoir confiance, ça veut dire qu’on peut se laisser être vulnérable à côté de cette personne ? Parce que Conan sait qu’il n’a pas peur de s’endormir dans la même pièce qu’Elliott, alors qu’avant son esprit lui hurlait de rester alerte parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver.
Elliott lui dit de ne pas le remercier : pourtant, Conan insiste. Parce qu’il s’inquiète de ne pas réussir à faire passer suffisamment ce qu’il ressent, ni l’ampleur de sa gratitude. Il sait que son visage est engourdi depuis des années, qu’on ne sait jamais réellement à quoi il pense et qu’on le trouve froid. On lui a dit, de nombreuses fois : il en est devenu self conscious. Alors, si ses expressions comptent lui faire défaut encore longtemps il essaye de s’exprimer au mieux même si c’est dur, parce que les mots ont perdu de leur sens avec les années, et les jours passés seul avec ses pensées noires. Ils sonnent creux dans sa bouche (pourtant, il fait de son mieux pour leur donner le plus de sens que possible par la force de son esprit : il doit bien ça à Elliott, et à ceux qui l’ont aidé).

Ils fixent l’horizon, en silence, comme deux vieux amis qui se connaissent depuis toujours alors qu’ils viennent tout juste d’apprendre à cohabiter. "I'm glad too." Elliott fixe le soleil, Conan l’imite (c’est plus facile de se calquer sur les autres que d’agir de soi-même). Pendant quelques secondes, il peut pas s’empêcher de questionner la sincérité de son camarade (les vieux démons qui reviennent, infatigables). Stop murmure le peu de lucidité qu’il lui reste.  Il peut pas continuer à tout remettre en question comme ça pour toujours, Conan. Il va finir par s’auto-saboter et gâcher le peu de bonnes relations qu’il a avec les autres. Et, quelque part, il s’accroche beaucoup à celle qu’il commence à tisser avec Elliott (parce que c’est un rayon de soleil qui perce la carapace qui l’étouffe).  "Do you ever think about how different it would have been, if we'd been friends before ?" Pause. Pas de réponse. "Maybe we could have been together, from the start. I would have liked that, to have you here, with us." Une odeur de mélancolie s’installe doucement dans l’air, alors que Conan prend une légère inspiration et pousse un petit soupir suite aux mots de son ami. Les doigts de sa main gauche s’enfoncent dans le gravier, tandis que l’autre s’agite un peu dans l’écharpe.
Autant être honnête. Il peut se le permettre, avec lui. Elliott l’a déjà vu au plus bas (et le verra encore plus, d’ici quelques jours). Et puis, il lui doit bien sa sincérité : c’est ce que font les amis, pas vrai ? "I thought about it a lot, when I was on the run." Il se penche légèrement en arrière et regarde le ciel, secoue la tête pour chasser les mèches de cheveux qui viennent gâcher sa vue (il faudrait qu’il demande à quelqu’un de les lui couper, ça serait au moins ça de fait : ils ont atrocement poussé pendant sa fuite, et il a absolument pas pensé à s’en occuper, c’était pas sa priorité). "Truth is, I was too much of a coward to even think of running away back then." Sohan lui avait proposé pourtant, de partir avec eux, quand tout commençait à partir en vrille. Si Conan avait accepté, il aurait jamais eu à vivre ce qu’il a vécu. A devoir affronter tous ces gens, échapper aux griffes de tous ses monstres (il frissonne, en se remémorant son face à face avec Terry et la montagne, qu’il ne souhaite jamais recroiser) . Une légère brise passe entre eux, glisse dans leurs manches. Conan frissonne, se gratte l’arrière de la nuque en poussant un léger râlement. "Ah."  qu’il grogne, un peu titillé par ses pensées qui reviennent. "I really think we could've been friends if we met before." Before everything shattered. "But I'm here today, with you guys." Nouveau fantôme de sourire, les commissures qui tremblent légèrement avant de s'affaire, abandonnant. L'oeil scintille un instant, beaucoup plus expressif, alors qu'il se poste sur son camarade. "There’s no need to keep digging up the past. We all had our own path." Il se gratte sur bout du nez avec l'index, avant d'éternuer. "Sorry." qu'il marmonne, avant de reporter son attention sur son ami à côté de lui. L'ambiance est soudainement plus légère, ou alors peut-être qu'ils font en sorte qu'elle le paraisse.

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Le soleil continue son ascension dans le ciel, et Elliott en est quelque peu ébloui. Ses yeux se crispent douloureusement sous son assaut, mais son regard reste droit, fixé sur l'horizon qui se présente à eux. Il acquiesce aux paroles de son ami, mais ne pose son regard sur lui que furtivement. Si certaines personnes aiment être observées, être le centre de l'attention, il est quasi certain que Conan est plus le genre de personne à être mal à l'aise sous les regards trop pesants. Ou peut-être que ce n'est qu'une conséquence de ce qu'il a vécu, mais peu importe. "Truth is, I was too much of a coward to even think of running away back then.", ses mots lui font pourtant tourner la tête rapidement et il répond avant de pouvoir s'en empêcher. "You were not a coward, it was an impossible situation." Une décision difficile à prendre, dans un sens comme dans l'autre, du moins pour ceux qui étaient traités comme des moins que rien. Elliott aurait définitivement eu la vie plus simple en restant dans le monde sorcier, en profitant de son privilège pour continuer sa petite vie comme beaucoup l'ont fait. Pour Conan, et tous les autres, tous les hybrides, tous les nés-moldus, le choix était délicat,  entre les promesses d'un gouvernement qui leur disaient qu'accepter leur sort, leur statut était la meilleure solution et une vie de fuite menant à une mort certaine. Comment choisir entre survivre en étant traité comme un moins que rien et survivre en fuyant, toujours, sans répit ? "You did what you thought was the best for you", and you ended up running anyway.

Le vent souffle sur la plaine et Elliott peut voir Conan frissonner, mais avant qu'il ne puisse lui proposer de rentrer, son ancien camarade continue. "Yeah, we could have," il lui lance un léger sourire, "and we're friends now so, it was probably meant to be anyway" il finit avec un petit rire. Peut-être que ça l'était, et que c'était pour ça qu'Elliott avait pu le retrouver. "And you know you could stay right? Or come back, if you ever want to, you'll always be home with us." Ses mots sont sincères et se placent en une suite prévisible de tout ce qu'il a pu dire à Conan depuis qu'ils l'ont retrouvé, que sa place sera toujours bien gardée, qu'il peut rester autant de temps qu'il le souhaite, pour toujours même, si c'est ce qu'il veut. Ce n'est pas Tony qui le mettra à la porte.

"You're right, the important thing is the destination, not the journey or whatever they say," il finit avec un nouveau rire embarassé, les expressions moldues n'ont jamais été très compréhensibles pour lui, mais il espère que Conan comprendra. Une nouvelle brise lui arrache un frisson et le pousse à se lever, "come on, we're going to freeze to death if we stay here. Do you want breakfast?"

"You were not a coward, it was an impossible situation." Entendre ces mots de la bouche d'Elliott, ça l'apaise un peu. Peut-être qu'il avait besoin de les entendre de quelqu'un d'autre pour ne pas se sentir horrible d'avoir choisi cette option. Son ami ne comprendra sûrement jamais ce qu'il a pu ressentir et ce qu'il ressent aujourd'hui, mais les paroles qu'ils prononcent lui font l'effet d'une pommade sur ses maux. It's okay, you don't need to feel ashamed. "You did what you thought was the best for you." Le selkie ferme les yeux et pousse un léger soupir en se massant l'arrière de la nuque à l'aide de sa main encore valide.
That's true, you chose the best option for you. Dans le fond, personne ne pourrait réellement le juger pour ses choix : ils se sont tous retrouvés contraints à agir sur le tas, à improviser et à suivre leur instinct. Qui sont-ils pour se dicter mutuellement leur conduite quand eux-même sont incertains de leur propre route ?

Conan jette un oeil à Elliott avant de reporter son attention sur le loch et les plaines qui l'entourent. "Yeah, we could have and we're friends now so, it was probably meant to be anyway." Il rit, et le selkie hoche doucement de la tête. We're friends now. Les mots s'imprègnent dans son esprit, le réchauffent un peu. Est-ce que c'est stupide, dans leur situation, de se sentir heureux d'avoir un ami ? Tout ce que Conan peut assurer, c'est qu'il est content que le sorcier se tienne à côté de lui aujourd'hui. "I like to look at things that way." fait-il, à défaut de pouvoir rire (quand bien même il le voudrait, sa gorge est rouillée d'avoir trop pleuré). Maybe he's right : it was all fate. C'est rassurant de se dire que tout est écrit, dans le fond. "And you know you could stay right ? Or come back, if you ever want to, you'll always be home with us." Home. Ce mot est brumeux, pour lui. What's home ? Pour lui, c'est l'océan : s'il s'écoutait, il s'enroulerait dans les vagues. Mais ce n'est décidément pas possible. Pourtant, savoir qu'on veut bien de lui quelque part lui arrache un poids des épaules (il en sourirait presque). "Yeah, I know. Il se stoppe le temps d'un instant. Thank you." reprend-il finalement.
Il aimerait avoir l'air plus heureux, Conan. Être plus expressif, ne plus donner cette impression d'avoir le visage grave dans du marbre gelé. Sa mine atrophiée, il la traîne comme un boulet depuis des années. "You're right, the important thing is the destination, not the journey or whatever they say." Elliott rit légèrement sous l'oeil du selkie qui se gratte le bout du nez avec l'index de sa main libre, avant de secouer légèrement la tête pour dégager une mèche de l'avant de son visage. "Whatever they say, yeah." murmure-t-il comme dans un écho. Les dictons moldus ont toujours été obscures et il ne les a jamais réellement compris (non pas que ceux des êtres de l'eau ou des sorciers fassent plus de sens à ses oreilles, il prend toujours tout au premier degré). "Come on, we're going to freeze to death if we stay here. Do you want breakfast ?" "Yeah."Conan imite son camarade et se relève un peu maladroitement en se poussant d'une main, avant de chasser les quelques gravas et brins d'herbe de son pantalon.

Comme pour donner raison au jeune Walsh, l'estomac du brun se met à gargouiller. Un peu clueless, Conan frotte son estomac d'un air absent avant d'emboîter le pas à son ami. Il ne s'était même pas rendu compte à quel point il était affamé. I don't freeze, never qu'il a envie de répondre (mais une nouvelle bourrasque lui arrache un frémissement). Les températures froides n'ont jamais été un problème pour lui. Quand il était petit, maman lui racontait que les premiers selkies étaient nés d'écume gelée, que le froid coulait dans leurs veines : mais maintenant, des années plus tard, il sait que ce n'était qu'un enjolivement de la réalité pour l'aider à trouver un peu d'émerveillement dans sa nature plutôt que de la haïr.
"Hugo's cooking is warm like home." laisse-t-il échapper après un dernier regard vers le loch. Son premier repas chaud à Dagobah depuis des semaines lui a presque arraché des sanglots. A son arrivée, après son sauvetage, il n'avait pas eu de repas décent depuis des jours : et la cuisine d'Hugo a été comme une claque dans la figure. "How do you get everything you need ?" fait-il à l'attention d'Elliott alors qu'ils s'éloignent du loch pour rejoindre le campement. Il est curieux, Conan, de leur organisation. "You have a lot of mouths to feed." ajoute-t-il, comme pour justifier sa question et sa curiosité (la peur d'apparaître comme illégitime à poser ce genre de question).

@elliott walsh

Ils se dirigent lentement vers la tente, le vent poussant Elliott derrière son ami. “Hugo's cooking is warm like home.” Conan lui dit et Elliott ne peut s’empêcher de sourire. Il a raison et ils savent tous que la nourriture fait partie de ce genre de choses dans la vie, qui peuvent être si réconfortantes, si familières qu’on en oublierait presque la situation dans laquelle on se trouve. “It is, isn’t?” il répond en lui jetant un regard complice. “How do you get everything you need ? — You have a lot of mouths to feed.” Conan demande. Elliott comprend pourquoi, ils vivent seuls et n’ont plus vraiment d’aide de la part de l’Ordre ou d’autres organisations, ils sont livrés à eux-même, vraiment. “Well, if you want the whole truth, we have a little stack of money, my sister gives me some, when I see her, which is not that often. But,” il hésite un instant, baissant la voix alors qu’ils entrent enfin dans la tente, “we do steal a lot of it. Don’t tell Tony, though.” Il lâche avec un sourire. Ils n’ont pas vraiment le choix, et Elliott sait que voler les grandes chaines de supermarché britannique ne fait pas vraiment de mal à qui que ce soit, après tout, ils sont ceux qui se font de l’argent sur le dos des gens plus que l’inverse. Et ils n’ont pas vraiment le choix, même si Tony et sa morale infaillible préfèrent fermer les yeux sur leurs agissements, c’est ainsi que va leur vie. “We also grow some stuff in the back and there are some things you can eat in the forest but, as you said, we have a lot of mouths to feed and not a lot of time to spend berry-picking.”

Elliott les dirige vers la cuisine, toujours vide vu l’heure matinale. Il jette un coup d’oeil aux alentours, “I think there are leftover pancakes from yesterday if you want, or we could make eggs or toast, or both?” Il propose avant de mettre en route la théière d’un coup de baguette. Même si Elliott n’est pas anglais, il apprécie le thé du petit-déjeuner. Une fois l’eau bouillante, il va s’assoir à la table de leur cuisine, et leur sert deux tasses, résistant à l’envie de boire tout de suite et de réchauffer son corps glacé par le vent. Il est encore surpris par l’aspect normal de leur matinée, à quel point tout ce qu’ils font est banal. Il pourrait presque se croire de retour chez ses parents, dans la maison familiale dans laquelle bien des matins se sont déroulés de cette façon. Il aimerait que tout puisse être toujours si simple.

Conan jette  un coup d'oeil vers Elliott en biais, alors qu'ils marchent côte à côte et que le vent leur met des gifles en rafale (l'Ecosse a ses charmes, qu'on dit). Son attention se reporte ensuite sur le sol, après qu'il ait manqué de trébucher et se soit rattrapé maladroitement (avec un bras immobilisé, son équilibre est assez conceptuel). "Well, if you want the whole truth, we have a little stack of money, my sister gives me some, when I see her, which is not that often. But," Elliott fait une pause, Conan hausse légèrement les sourcils et tend l'oreille dans sa direction alors qu'il murmure, en même temps qu'ils entrent dans la tente : "we do steal a lot of it. Don’t tell Tony, though." "I won't say a word." répond-il dans un écho, en hochant doucement de la tête. Il comprend, Conan : survivre, c'est survivre. Et les temps sont durs, surtout pour un camp aussi habité que le leur : ça ne fait pas pour autant d'eux des mauvaises personnes. Ca, il en est certain.
Il fait chaud, dans la tête. C'est agréable. Le selkie frotte ses mains l'une contre l'autre alors qu'il laisse la température de son corps se réchauffer à son rythme, tout en posant son regard vers son camarade. "We also grow some stuff in the back and there are some things you can eat in the forest but, as you said, we have a lot of mouths to feed and not a lot of time to spend berry-picking." Conan ne dit rien, hoche une nouvelle fois de la tête et suit Elliott dans la cuisine. Il le regarde s'affairer, se pose dans un coin et se fait le plus petit possible (il a toujours peur de gêner, d'être inutile, alors il se sent bête à rester les bras ballants comme ça : enfin, le bras ballant en l'occurrence).

Il est soulagé de voir qu'il n'y a qu'eux, dans la cuisine. Non pas qu'il ait un problème avec les autres habitants, mais il n'a pas l'énergie de sociabiliser plus que ça (il sent son énergie qui le quitte, au fil des secondes et de l'avancée de la lune). L'oeil absent, il revient un peu sur terre quand Ellitot reprend : "I think there are leftover pancakes from yesterday if you want, or we could make eggs or toast, or both ?" En réponse, son estomac gargouille bruyamment (il espère qu'il n'a pas entendu, parce que c'est gênant). "I won't say no to that." Il se frotte l'arrière du crâne, laisse retomber mollement sa main sur la table avant de tapoter cette dernière du bout des doigts (why do I feel so useless again). "Once I get my arm out of this, il désigne son attèle I'll cook something." fait-il, comme une promesse (et aussi parce que ça lui manque, de cuisiner - non pas qu'il soit un génie dans le domaine, mais retrouver quelques habitudes du quotidien, ça lui manque). "Thanks" souffle-t-il, après qu'Elliott leur ai servi le thé. Il savoure, la boisson chaude, appréciant la chaleur qui revigore un peu ses os grelottant de froid (les charmes de l'Ecosse qu'il continue de se répéter).

C'est qu'on est bien ici, à Dagobah.

rp terminé.

@elliott walsh