Lee trouve ça complètement injuste que ce soit Hermione qui ait écopé de Cat, et encore plus quand il est le dernier prévenu des conneries que peut faire le matou à l'école. Il apprend ça dans une lettre de Minerva, et il n'hésite pas une seule seconde à débarquer dans la chambre que partagent Luna, Ginny et Hermione pour sauter sur cette dernière et lui faire payer son affront. Elle grogne et elle rigole et ils se chamaillent mais Lee quitte la pièce avec deux choses: les rires des trois colocataires, et un vague sentiment de fierté.
Il lui faut quelques jours, ceci dit, pour pouvoir se libérer et se rendre aux Pays de Galles. Après tout, même si la maladie ne semble pas contagieuse, l'étrange pandémie qui agite l'Ordre est en train de, lentement mais sûrement, faire paniquer tout le monde. Lee espère fortement ne pas tomber malade lui aussi, il ne pense pas que les veines noires et les pustules bleues lui aillent trop au teint.
C'est entre chats qu'ils rentrent dans la petite académie, au petit matin: Minerva l'a accueilli et ils discutent d'un ton léger des nouvelles. Son ancienne professeur de Métamorphoses vieillit, une vision qui ne plaît pas du tout à Lee. Elle est nerveuse, osseuse, pas maigre mais presque frêle. Et pourtant elle s'agite comme quand lui-même était gamin à Hogwarts, marchant si vite que lui-même doit augmenter la cadence, amusée de la voir tirer ses robes imprimées de tartan pour monter les marches à toute allure.
C'est entre chats qu'ils se déplacent, pour aller chercher le dernier matou de la bande, actuellement en cours de Sortilèges semble-t-il.

Minerva frappe à la porte et puis passe la tête à l'intérieur, ouvrant un peu le battant. “ Estel, nous en avions parlé ce matin, puis-je vous emprunter Francis? ” Lee regarde la classe, les gamins de différents âges qui les observent d'un air fasciné avant de se tourner dans un même mouvement vers Cat. Certainement le plus vieux d'entre eux, et le plus surpris. Lee se déplace pour que son visage soit visible derrière l'épaule de son ancienne prof, et il esquisse un petit sourire en voyant l'expression sur le visage de Cat. Il lui adresse un clin d'oeil alors que son professeur lui dit de se dépêcher et de ne pas perturber le cours pendant qu'il rassemble ses affaires. Bien vite, les trois matous sont réunis et Lee lève la main pour la poser dans une claque sur l'épaule de Cat, la serrant brièvement.
Minerva essaye vainement de garder un visage sérieux, mais même elle semble attendrie par la vague émotion positive sur le visage de son élève qui semble passer le plus clair de son temps à bouffer, faire des conneries, et bouder dans un coin. “ Paws nous a demandé, à moi et à Molly, une permission exceptionnelle pour que vous passiez la matinée ensemble. ” Elle vrille Cat du regard et Lee trouve ça très amusant. Le ton dur de la professeur est doucement familier... “ Il m'a fallu bien du temps et du courage pour convaincre notre chère directrice, surtout après vos récents méfaits, Francis. J'attends de vous un comportement exemplaire pour les semaines à venir, et j'espère que monsieur Paws saura vous inspirer. — Je ferai de mon mieux-- — Tut-tut. ” Elle agite son doigt à son adresse et Lee sourit de toutes ses dents. “ Je vous ai à de trop nombreuses reprises entendu mentir pour croire le moindre mot sortant de votre bouche, monsieur Jordan, ” gronde-t-elle comme elle le faisait des années de cela. “ Filez, avant que je ne change d'avis. ”

Lee ne se fait pas prier et, la main serrant toujours l'épaule de Francis, il le pousse dans le couloir en silence avant de lui offrir un large sourire quand ils tournent à droite et sont enfin seul. Une nouvelle tape dans le dos, cette fois plus franche, alors qu'il le regarde d'un air complice. Il n'a pu le visiter que quelques rares fois, malheureusement, depuis son arrivée au Fawkes et à chaque fois, ça a été un plaisir. “ Bah alors, Cat, t'essayes de te barrer on m'a dit? ” fait-il d'un ton presque goguenard. Il a dû bosser pour le convaincre d'aller là, mais il ne semble pas dérangé à l'idée que Cat ait tenté de filer. “ T'as fait ça comment? Attends, je t'ai apporté un truc. ” Il enlève une épaule de son sac à dos et le fait passer sous son bras pour l'ouvrir. Il montre le contenu à Cat. Des friandises en veux-tu en voilà, des barres de chocolat de chez Honeydukes, ainsi que d'autres conneries trop sucrées et chocolatées qu'il a raflé dans un magasin moldu avant de venir. “ Tu le dis à personne et tu partages pas, hein? C'est notre secret? Et, euh. ” Lee essaye (plutôt vainement) de prendre un air sérieux. “ Je suis pas en train d'encourager ton comportement, Cat, tu le sais ça, hein? C'est pas bien d'essayer de se faire la malle. Mais bon, dis moi quand même comment t'as fait, je suis curieux... ”

La nuque de Cat se raidit quand il entend son nom. Il s'est pourtant tenu à carreaux, depuis sa fugue manquée (la seule officiellement découverte par les autorités des lieux)... Ils n'auraient quand même pas eu vent de ses autres tentatives ? Son regard nerveux glisse de McGonagall à Brian, dont il a acheté le silence avec une menace à l'ancienne lorsqu'il l'a surpris en train de se faufiler hors du dortoir. L'adolescent secoue discrètement la tête d'un air de dire que « non, il n'a rien dit », et alors que Cat fronce les sourcils d'un air menaçant, annonciateur de la raclée promise en cas de bavure, une tête bien connue attire son attention par dessus l'épaule de la sorcière.

Immédiatement, les traits de Francis se détendent, et l'appréhension farouche laisse place à une surprise franche. Qu'est-ce que Paws fait là ? Le clin d'oeil lui confirme ce que lui souffle son instinct : tout va bien se passer. Ni une ni deux, il range sa baguette dans son sac (il ne s'en sert de toute façon que rarement en dehors de la classe), rassemble rapidement ses affaires éparpillées sur le bureau, composées d'un vieux livre de Sortilèges, de parchemin taché d'encre (censé être encore vierge) et de sa plume de seconde main, et se faufile hors de la salle de classe. Un sourire fleurit sur ses lèvres lorsqu'il est accueilli par Lee d'une claque amicale sur l'épaule.

« Paws nous a demandé, à moi et à Molly, une permission exceptionnelle pour que vous passiez la matinée ensemble. » Quoi ? Il fait une connerie et on le récompense ? Tandis que son regard alterne entre le visage sérieux de la sorcière et le sourire goguenard de Paws, Cat sent son esprit se brouiller un instant face à cette pédagogie aux codes inconnus. Où est la punition ? Est-ce que... Non, Paws ne peut pas être une punition, quand même ? Et une matinée entière... Cat voudrait le croire, sans y parvenir complètement ; c'est illogique, et à l'opposé du principe de cause à effet (ou de connerie à punition) qu'il a imprimé depuis longtemps. Malgré les quelques semaines passées à la Fawkes, où il commence doucement à envisager que derrière les sourires et les gentillesses ne se cachent pas immanquablement de mauvaises intentions ou un violent revers, Cat reste profondément méfiant – on ne sait jamais, avec les sorciers (Cat se demande parfois même s'ils ne s'étaient pas plantés et si sa propre mère n'était pas une sorcière, elle aussi, ça aurait expliqué beaucoup de choses).

Néanmoins la perspective de passer une matinée en tête-à-tête avec Paws, dont il attend les visites aussi impatiemment que les journées frites à la cantine, détend ses réflexes de chat sauvage. Il hoche la tête devant la mise en garde de la sorcière : oui oui, il sera sage, il fera même ses devoirs et des efforts pour se tenir avec ses camarades – c'est quand même un comble que les Brian et les Jasmine, qui ne mouftent pas depuis leur arrivée, n'aient droit à rien quand lui décroche un pass liberté en compagnie de Lee... Jordan ? Ils filent dans le couloir, le regard de McGonagall sur leurs nuques, et ils bifurquent rapidement pour se retrouver enfin seuls. « Bah alors, Cat, t'essayes de te barrer on m'a dit ? » Un léger rire lui échappe, un peu embarrassé, mais bêtement content que Lee soit au courant de sa bêtise qui dans sa bouche prendrait presque des airs d'exploit. Il y a toujours cette bienveillance fraternelle dans les mots et les gestes de Paws, le seul à qui Cat fait confiance depuis qu'on l'a embarqué à l'Ordre. Ce n'était pas gagné, après la tromperie de Paws et leur première entrevue, en plus des furieux préjugés de Francis envers cette espèce terrible que sont les sorciers ; pourtant Francis s'est laissé apprivoiser avec une rapidité surprenante. Entre félins, ils se comprennent.

« T'as fait ça comment? Attends, je t'ai apporté un truc. » Cat reconnaît parmi les friandises des Mars et des Smarties, ainsi que le chocolat de chez Honeydukes qui a scellé la première étape de la trêve et des bonbons sorciers que Paws lui a fait goûter durant son bref séjour dans ses pénates. Le jackpot total ; cette journée s'illumine de façon spectaculaire et fait éclater la bulle maussade dans laquelle baigne habituellement Cat. « Merci ! » « Tu le dis à personne et tu partages pas, hein? C'est notre secret? » « T'inquiète, je dirai rien. » Ses yeux brillent alors qu'il prend le butin pour le mettre dans son propre sac, son fidèle sac à dos qui ne l'a pas quitté depuis que Ruth l'a aidé à fuir. C'est autre chose que les « petits secrets » qu'il devait garder avec Dolohov ; ceux-là sont tout en douceur, loin des pressions magiques et psychologiques exercées par le Mangemort. « Et, euh. » Cat relève la tête en refermant son sac. « Je suis pas en train d'encourager ton comportement, Cat, tu le sais ça, hein ? C'est pas bien d'essayer de se faire la malle. Mais bon, dis moi quand même comment t'as fait, je suis curieux... »  Il savait que Paws, lui, ne l'engueulerait pas. Son cœur se gonfle du sentiment d'être compris, écouté, avant de se teinter d'une pointe de crainte et d'embarras. Pas sûr qu'il apprécie tous les détails de son expédition manquée. Cat replace son sac sur son épaule, et baisse les yeux sur le paquet de FizWizBiz qu'il tient dans une main. « J'ai euh, j'ai attendu le soir, pour être tranquille. Classique. Il esquisse un sourire qui retombe vite, le temps d'un coup d'oeil pour Lee, avant de continuer. J'ai demandé à un copain de distraire les statues, et je me suis tiré hors du bâtiment. » Lee n'avait pas besoin de savoir que Cat avait envoyé Brian jouer aux osselets avec les gardes, encore moins de connaître leur deal à base de : « T'en as marre de ma gueule, non ? Si tu m'aides à me barrer, tu me reverras plus. » Brian lui avait fourni une aide précieuse, visiblement motivé par la promesse de son départ : il lui avait montré une rune, dans un des livres de leur bibliothèque de fortune, et quelques sorts utiles pour son escapade. Francis n'avait jamais autant étudié la magie. « Le problème ça a été aux barrières magiques... Je euh, j'avais prévu la première, mais pas la seconde. » Il avait laissé un trou béant dans la protection, avant de se prendre les pieds dans la suivante : l'alarme avait résonné, au loin, et il avait paniqué en y jetant un sort explosif. Il s'était bêtement brûlé le visage, qu'on lui avait soigné en urgence ; Cat avait rué lorsqu'il avait senti la magie fourmiller sur sa peau comme de la vermine. « J'voulais juste prendre un peu l'air, pas vraiment me barrer. » Cat hausse les épaules, ouvre le paquet de friandises, y pioche pour se chercher une contenance, avant d'en proposer à Paws. « Ça craint ici. »

Lee se dit qu'il est en train de devenir un vieux con, à regarder Cat avec fierté et complètement faire un report d'affection sur le gamin. Il a l'impression de se revoir à Hogwarts, même si Cat est plus âgé qu'il ne l'a jamais été à l'école. Que ce soit l'air bravache, les conneries à n'en plus finir ou le grand sourire qui éclaire son visage à chaque fois qu'on lui met une barre de chocolat dans la main, tout y est. Il espère que contrairement à lui, Cat n'aura pas à vivre l'angoisse, la mort, la guerre et le reste; mais il se rappelle, avec tristesse, que des sorciers bien plus jeunes que lui en ont vu tout autant. Ou pire.
Même Royal a du mal à retracer ce qui est arrivé exactement à Cat; il lui en parle de temps en temps, et à Hermione aussi. Une histoire de pierre et de Dolohov (rien qu'à la mention de ce nom, Lee frissonne), rien de bien précis.
Les gamins comme ça, qui en ont trop vu et qui se retrouvent perdus chez dans leurs rangs, Lee a envie de les prendre et de les protéger; et face à un autre félin, le sentiment n'est que décuplé.

« J'ai euh, j'ai attendu le soir, pour être tranquille. Classique. » Lee hoche la tête d'un air sérieux. “ Classique. — J'ai demandé à un copain de distraire les statues, et je me suis tiré hors du bâtiment. » Lee hume un peu en réponse. Ayant travaillé avec Minerva sur la Fawkes, il est bien entendu très au courant des protections magiques qui l'entourent. « Le problème ça a été aux barrières magiques... Je euh, j'avais prévu la première, mais pas la seconde. » Malgré lui, même si il compatit à la raclée qu'il a dû se prendre malgré tout, Lee ne peut réprimer un très léger sourire. « J'voulais juste prendre un peu l'air, pas vraiment me barrer. » Bien sûr, bien sûr. Lee attrape lui aussi un FizWizBiz du paquet que lui tend Cat, alors qu'ils marchent côte à côte dans les grands couloirs de l'école. « Ça craint ici. — Ouais j'comprends. ” Lee hoche la tête, toujours d'un air sérieux. Il retire la protection de sa sucrerie avant de la jeter dans sa bouche, ne pouvant réprimer un reniflement amusé quand il sent ses pieds quitter le sol pendant un bref instant. Ça, et la saveur sucrée du bonbon. Un pur goût de nostalgie: de nombreuses après-midi passées à Honeydukes, ou sur le Chemin de Traverse, avec George et...

Lee soupire un peu, détournant les yeux alors que ses chaussures retrouvent la surface. “ On avait essayé la même à Hogwarts. ” Il s'entend parler sans s'en rendre compte, comme à travers un voile. “ Pareil, on était sortis la nuit. On voulait passer par la Forêt Interdite, on s'était dit que y'avait forcément un chemin jusqu'à Hogsmeade, tu vois? ” Il se tourne vers Cat et, devant son air appréhensif, rit légèrement. “ Pardon. Hogsmeade, c'est genre le village à côté de Hogwarts? ” Il ignore si Cat est resté suffisamment à Hogwarts pour s'en rappeler. Ou si il y a été point barre. “ Bref, donc on sort, il fait nuit noire, on y voit rien. George est persuadé qu'il connait le chemin, il a genre un compas dans la tête, je sais pas, donc on progresse... et j'te raconte pas, la Forêt Interdite, elle fait peur. ” Tout en racontant son histoire, il mène Cat à travers l'école, pour trouver la sortie la plus proche. “ Y'a des bruits d'animaux, des craquements de partout, on dirait que les arbres respirent. On s'enfonce un peu plus et y'a un sifflement juste à côté de mon oreille: quand je regarde, je vois que y'a une flèche plantée dans l'arbre à côté de moi, qui vibre encore! ” En s'en souvenant, Lee rigole bien; sur le moment, c'était moins drôle. “ L'instant suivant, c'est la bousculade, on est en train de hurler, on va crever, t'as Fred qui pisse un peu dans son pantalon, et on se fait encercle par un troupeau de centaures. Le mec il nous parle, t'imagines même pas, c'est pire que de se faire engueuler par McGo: à la fin, on est limite à genoux en le suppliant de nous laisser filer. ” Il secoue la tête, ouvrant la porte menant à l'extérieur et inspirant une bonne bouffée d'air frais en profitant de la pause dramatique de son histoire. “ Au final, le garde-chasse, Hagrid, est venu nous chercher. Il nous a ramenés à l'école et t'imagines même pas la raclée qu'on nous a foutu. Ils sont allés réveiller McGo, t'aurais dû voir sa tête...! Bref. ” Il secoue la tête et se tourne vers Cat avec un grand sourire. “ T'en fais pas, je comprends parfaitement le sentiment. ”

Il jette un regard au domaine. Le lac qu'il peut apercevoir au loin, la forêt qui s'étend à des kilomètres, la serre, les fleurs et ingrédients plantés partout. Il imagine que c'est un peu plus chaleureux que Hogwarts, mais une cage reste une cage.
Il hésite. Pendant quelques mois, Lee a aidé Minerva à enseigner la magie aux gamins, s'est inventé professeur et pédagogue. Il a beaucoup aimé le faire, même si son devoir l'a appelé ailleurs éventuellement. Il ignore si il était bon, mais il pense qu'il se débrouillait pas trop mal — elle le lui aurait dit si ce n'était pas le cas. “ Tu sais, Cat, quand tu sauras aligner deux-trois sortilèges... ” Lee réfléchit à la formulation de ses mots, à comment les amener, espérant inspirer et encourager le jeune homme sans non plus le manipuler ou le forcer. Au final, il lui présente la chose telle qu'elle est: “ je suis super occupé en ce moment, et je vais pas te mentir: j'aurais bien besoin d'un coup de main. ” Oh, évidemment, tout le monde met un peu la main à la pâte. Il laisse aux autres leurs moments à la radio, et il compte sur certains pour l'aider dans ses livraisons. Mais Lee est incapable de trop reposer sur autrui. Pas par manque de confiance ou de foi en les autres, non. Il aime bien le poids de responsabilité. Il aime bien s'inventer martyr.
Il aime bien se plaindre, parce que sinon il se retrouvera de nouveau dans les tréfonds de son désespoir et personne ne veut de ça. Il sait que si il s'arrête, c'en est fini de lui.
Mais ça le dérangerait pas de partager un peu ce poids avec quelqu'un d'autre. Quelqu'un comme Cat. “ 'fin, je dis ça, je dis rien... ” Ils se connaissent pas si bien que ça, après tout.

Deux minutes au contact de Paws : c'est tout ce qu'il fallait à Cat pour sortir de sa coquille, consolidée jusqu'à être devenue une forteresse en apparence impénétrable, et se baigner dans l'aura chaleureuse du sorcier marchant à ses côtés. Dur à dire si c'est parce qu'il était Animagus, avait pris l'habitude de le gâter de sucreries et de snacks moldus et sorcier depuis le premier jour, ou parce qu'il se trouvait simplement et bêtement être l'un des êtres humains les plus cools et sympas que Francis eût rencontrés dans sa vie ; ce qui était certain, en revanche, était le fait que la simple présence de Paws détendait parfaitement les traits de Cat, débloquait des sourires coincés d'ordinaire sous ses lèvres pincées, rallumait la lueur éteinte dans ses yeux sombres, loin des regards farouches réservés aux adultes, et ceux, dangereusement affûtés, qu'il plantait dans ceux de ses « camarades » (qui vraiment, n'en avaient que le nom).

Lee lui, ne le jugeait pas ; et Cat avait senti, dès qu'il avait laissé tombé les discours enrobés d'une bienveillance factice, qu'il pouvait lui faire confiance. Des années à vivre dans la crainte avaient forcé le développement fulgurant de ses instincts de proie – ces derniers le trompaient désormais rarement, et Cat avait appris à les croire plus que ceux qui croisaient sa route. Jusqu'à ce qu'apparaisse Paws. « On avait essayé la même à Hogwarts. » L'intérêt de Cat dériva de la saveur acidulée du bonbon qui fondait dans sa bouche, pour se focaliser tout entier sur le sorcier. Hogwarts – dans sa bouche, le nom avait des échos de nostalgie, loin des accents de terreur muette dans l'esprit de Francis, où l'école sorcière, vague réminiscence désormais, avait été le premier tremplin vers une vie de prisonnier.

Hogsmeade, Forêt Interdite – centaures. Son histoire avait des airs de conte, de récit d'un temps révolu que Francis n'avait jamais connu, et ne connaîtrait probablement jamais autrement qu'à travers ces souvenirs. Pendu à ses lèvres, il l'écouta religieusement lui parler d'endroits désormais lointains, ponctuant ses dires de « mais non ? » incrédules et de rires encombrés de FizWizBiz (provoqués notamment par la flèche, et George manquant de se faire dessus). « Au final, le garde-chasse, Hagrid, est venu nous chercher. Il nous a ramenés à l'école et t'imagines même pas la raclée qu'on nous a foutu. Ils sont allés réveiller McGo, t'aurais dû voir sa tête...! Bref. T'en fais pas, je comprends parfaitement le sentiment. »  « Vous avez dû flipper vos vies », fit-il avec un nouveau rire. « C'est ...McGo aussi qu'est venue à l'infirmerie, elle m'a passé un p... Un sacré savon. » Il avait l'impression de commettre un crime, en appelant la sorcière par ce sobriquet presque intime – le fantôme d'Antonin, tout sourire, lui intimant de l'appeler par son prénom rôdait encore. « J'aurais bien aimé être avec toi et tes potes à ce moment-là. » Tout seul, le savon s'était avéré plus pénible à supporter que les fourmillements du sortilège qu'on avait appliqué sur son visage brûlé.

« Tu sais, Cat, quand tu sauras aligner deux-trois sortilèges... » Le regard de Cat vira du paysage faussement bucolique de sa nouvelle cage, aux yeux songeurs de Lee. « Je suis super occupé en ce moment, et je vais pas te mentir: j'aurais bien besoin d'un coup de main. » Un coup de main ? Comme tout ce que faisaient les membres des derniers cercles de l'Ordre, au-delà de la directrice (et encore, elle semblait avoir encore d'autres fonctions), les détails du rôle de Paws étaient restés flous, d'autant plus voilés par le carcan de cette école où on les tenait à l'écart du reste de la résistance. La voix tranquille retomba en un silence, et Cat, surpris par la demande, le considéra avec des yeux ronds.

L'aider, lui ? Avec l'aide de la magie ? Il se tenait le plus éloigné possible de la baguette qu'on lui avait fournie, ne la prenant en main que pour les cours, et la reléguant au fond de son sac sitôt sorti, jusqu'à la prochaine classe. Francis ne faisait ainsi qu'à moitié ses devoirs, se prêtant mollement au jeu pour les productions écrites, opposant un silence buté et un immanquable « non » lorsqu'un professeur épinglait son manque de travail.
Que Paws lui demande, à lui, de l'aide... C'était, en soi, absolument absurde. Il était probablement le dernier à pouvoir la lui fournir. « 'Fin je dis ça, je dis rien... » « Non non, euh... En fait je sais pas trop c'que tu fais en soi et puis, bon, les sortilèges... J'sais pas, j'ai pas trop l'impression que ça marche pour moi. » Il haussa les épaules, ayant détourné le regard, comme pour échapper à cette moitié de mensonge qu'il craignait de faire transpirer dans ses yeux. Avec les autres, dissimuler ses difficultés et sa mauvaise volonté, intrinsèquement liées, s'avérait autrement plus facile – au cours de ses pérégrinations, mu par un instinct de survie tenace, Cat avait développé un don en la matière : il pouvait regarder quelqu'un droit dans les yeux, et sortir le plus gros bobard du monde. Sa capacité à mentir lui avait certainement sauvé la peau plus d'une fois. « C'est pas que j'veux pas t'aider, reprit-il en enfonçant le paquet de FizWizBiz dans sa poche, où ses doigts butèrent contre son paquet de cigarettes moldues. C'est que j'sais pas trop si je peux. » Et il lui adressa un sourire d'excuse, un peu maladroit.

Il aurait pourtant aimé sortir d'ici (en espérant ne pas se retrouver coincé ailleurs), et passer plus de temps avec Paws. Devenir son assistant, et en quelque sorte, peut-être, son partenaire.
Merde. C'était tentant.
« ... Faudrait genre, savoir faire quoi, pour pouvoir t'aider ? » ajouta-t-il en empruntant un air faussement désintéressé, s'occupant en sortant son paquet de cigarettes.

Lee se demande d'où lui vient véritablement son affection et sa tendresse pour Cat. Si c'est parce qu'il est un peu chat, si c'est parce qu'il est un peu perdu, si c'est parce qu'il est un peu seul - trois aspects qu'ils partagent tous les deux. Lui aussi aurait aimé avoir quelqu'un comme lui pour lui parler, lui redonner le sourire, l'encourager, quand il errait à mi-chemin entre la folie et la dépression... lui aussi aurait aimé avoir un ami, un vrai, du genre qui vous change les idées et vous fait momentanément oublier la véritable raison de votre solitude.
Ou alors peut-être qu'il en a encore besoin, et que Cat se trouvait juste sur son chemin. Il a quel âge déjà? Vingt ans? Lee ne sait plus. C'est pas bizarre, qu'ils soient potes... si? Est-ce qu'il a le droit d'être pote avec un gamin de la Fawkes? McGonnagall n'avait pas l'air trop surprise. Peut-être qu'elle aussi voit leurs points communs.
Il veut aider Cat. Lui donner une bonne raison de rester, de progresser.
Il veut aussi s'aider lui. Egoïstement. « Non non, euh... En fait je sais pas trop c'que tu fais en soi et puis, bon, les sortilèges... J'sais pas, j'ai pas trop l'impression que ça marche pour moi. » Lee lui glisse un regard en coin, essayant d'étudier son expression.

Sans comprendre, pour être honnête. Comment ça, les sortilèges c'est pas pour lui? Mais il est sorcier! Lee ne peut pas imaginer sa vie sans magie. Il sait que certains sorciers vivent leur vie sans magie mais... ça lui semble... stupide? impossible. Il n'y a que les fous pour faire ça!
Mais après tout, Cat est un né-moldu qui n'a jamais pu aller à Hogwarts, pas véritablement en tous cas. La magie n'a jamais été utilisé que pour lui faire mal, le torturer, lui nuire. Comment ne pas la détester après ça?
Mais c'est une part de toi, Lee a envie de lui dire, mais il préfère se taire. Peser ses mots, les méditer. Il aimerait savoir quoi dire précisément. Montrer à Cat ce qu'il pense être la réalité. Mais peut-être que la réalité de Cat est différente. Il ne sera jamais à sa place. "Hmm..." dit-il simplement, comme pour inciter le jeune homme à continuer. Après un court silence, il reprend: « C'est pas que j'veux pas t'aider. C'est que j'sais pas trop si je peux. »

Un vague sourire anime les lèvres de Cat, ce qui fait arquer les sourcils de Lee. "Je vois," répond-t-il, sans pour autant véritablement se prononcer sur la question. Il n'est pas Molly ou Hermione. Il y a une raison pour laquel il n'est pas son référent... peut-être qu'il n'est pas fait pour ça. Et il n'aimerait pas lui dire quelque chose qui finirait par lui nuire. "T'inquiète." Malgré sa légère déception, il répond à son sourire par l'un des siens, jovial et sincère. Il en parlera à ses professeurs, peut-être. Est-ce qu'ils ont des psychomages? Cat en a-t-il besoin? Il a du mal à l'imaginer s'y plier... « ... Faudrait genre, savoir faire quoi, pour pouvoir t'aider ? » Lee cligne des yeux, surpris, mais se sent sourire, quoiqu'il grimace en le voyant sortir un paquet de cigarettes de sa poche. "Tu me dégoûtes," lui dit-il très simplement, tout d'abord. "C'est super mauvais pour ta santé." Son ton est docte, mais ses yeux ne quittent pas les cigarettes du tout, jusqu'à ce que Cat en glisse une entre ses lèvres. "Okay, fuck it, file m'en une, ça fait longtemps."

La première bouffée le fait tousser, la seconde aussi. Il finit plié en deux à cracher ses poumons et à grogner, comme un chat qui n'arrive pas à sortir une boule de poilds des tréfonds de sa gorge. Il ignore le regard moqueur de Cat, et son rire, et se surprend à sourire aussi.
La troisième bouffée passe un peu mieux, la quatrième aussi. C'est dégueulasse, et relaxant à la fois. "Tu sais, moi, on m'a toujours dit un truc à la con mais qu'est un peu vrai: la baguette ne fait pas le sorcier, la magie non plus. Ce qui compte, c'est ça." Il lève une main et appuie son index contre la poitrine de Cat, au niveau de son coeur. Il hausse les épaules. C'est un truc parfait à encadrer au-dessus de la cheminée sur une photo de soleil couchant, et pourtant ce n'est pas si faux, à ses yeux du moins.
"En vrai, j'ai besoin d'aide parce que je passe pas mal de temps dans le monde moldu et... bon, j'irai pas jusqu'à dire que j'y connais rien, hein. Mais parfois y'a des trucs... genre, tu sais ce que c'est, un Tamagotchi?" Il voit une lueur de reconnaissance dans le regard de Cat et hoche la tête. "Ouais, ce genre de trucs. Ce que je fais, moi, je fais des... je peux te faire confiance, hein?" ajoute-t-il d'un ton faussement suspicieux. "Mais oui je peux te faire confiance. Je fais passer des trucs. Les gens ici, ils ont pas que besoin de bouffe et d'un lit. Ils ont besoin de livres, de lettres, de savoir que leurs proches vont bien. Parfois ils ont besoin d'une nouvelle tente, ou d'un manteau pour l'hiver, ou d'une corne de licorne parce que.... parce que. Et mon job, c'est d'aller chercher ces trucs-là. Et puis, je m'occupe aussi de la radio."

Il en dit peut-être un peu à un gamin qui n'a pas le moindre cercle sur le bras, mais il s'en fout. Il sait que Cat ne le balancerait pas. Le sentiment est mutuel. "Donc les sortilèges, tu sais... et puis, ça s'apprend sur le tas, hein. Moi, je sais que t'en es capable. T'es un sorcier, ça veut dire que t'en es capable. Malheureusement, t'as juste un peu de retard sur les autres, ça veut pas dire que tu finiras pas la course en premier. Tu vois?" Okay, un nouveau truc à encadrer pour St James, Lee devrait commencer à faire une liste... "La tortue et le lièvre? Ouais. Exactement comme la tortue et le lièvre." Il lui offre un sourire encourageant. "Après, si ça se trouve, la magie, c'est pas ton délire. Ca arrive," ajoute-t-il lentement comme si il y connaissait quelque chose. "Ca veut pas dire que j'aurais pas besoin d'un coup de main. Et puis, c'est toujours plus sympa de partager ses trouvailles avec quelqu'un..."

« Tu me dégoûtes. » Cat cligna des yeux au changement de ton de Paws ; il n'en fallait néanmoins pas plus pour comprendre ce qui se tramait dans l'esprit du sorcier, tout du moins par pour quelqu'un qui avait passé deux ans à la rue, et négocié plus d'une fois avec de bêtes paquets de cigarettes. Pour confirmer ses soupçons, il fit passer le paquet dans sa main gauche – le regard de félin de Lee l'y suivit sans en décrocher, et un sourire fin étira les lèvres de Cat. « Okay, fuck it, file m'en une, ça fait longtemps. » Une expiration amusée le secoua, tandis qu'il lui présentait le paquet ouvert. « Je savais pas que t'avais fumé », fit-il en glissant une cigarette au coin de ses lèvres, avant que Paws ne les leur allume d'un sort simple comme bonjour – pour qui n'était pas Cat en tout cas. Il avait déjà vu les sorciers allumer leurs cigarettes sans baguette, un mystère qu'il n'avait pas cherché à élucider, profondément, volontairement désintéressé par tout ce qui touchait de près ou de loin à la magie. « T'as pas fumé longtemps on dirait », ajouta-t-il lorsque Lee se plia en deux sous une toux violente, avant que son sourire moqueur ne se transforme en léger rire devant le spectacle de cette figure fraternelle, un peu héroïque, mis à mal par une simple cigarette.

« Tu sais, moi, on m'a toujours dit un truc à la con mais qu'est un peu vrai: la baguette ne fait pas le sorcier, la magie non plus. Ce qui compte, c'est ça. » Cat darda un regard perplexe à Paws à la pression de son index sur son cœur, qui se dédouana de la simplicité de sa réponse d'un haussement d'épaules. Il n'était pas certain de comprendre en quoi avoir du cœur faisait un sorcier dénué de baguette et de magie – c'était contraire à ce qu'on lui avait enseigné à la DHS et ce qu'on lui enseignait encore actuellement à la Fawkes. La magie était la base de toute chose chez un sorcier qui était né avec elle ; Cat se souvenait encore parfaitement bien du moment où Paws lui avait parlé des Obscuri. La promesse d'une dégradation magique inévitable l'avait plus ou moins consciemment motivé à poursuivre ses efforts – le minimum : aller en cours (la plupart du temps en tout cas), écouter, faire les exercices en classe. Jusqu'à ce que la goutte d'eau fasse déborder le vase.

Désormais, Paws lui offrait une toute autre porte de sortie, combinant un emploi rudimentaire, instinctif (à l'expression « sur le tas », les yeux de Cat s'illuminèrent) de cette magie qu'on ne lui avait offert que dans un cadre scolaire ou profondément inadapté et une place d'assistant auprès de Lee. Récupérer des trucs, et des trucs moldus, Cat savait faire ; il en avait même fait sa spécialité durant toutes ces années, quand bien même il peinait à voir en quoi on pouvait avoir besoin d'un Tamagotchi dans la résistance (mais qui était-il pour remettre en question les besoins des hautes instances). En plus, Paws le prendrait quand même s'il n'avait vraiment pas envie de faire de la magie. Pas grave, semblait-il lui dire avec ces yeux chocolat et ses métaphores qui dans ces circonstances lui soulevèrent le cœur d'une allégresse inconnue ; cela ressemblait vaguement à de l'espoir, une pointe de bonheur, la perspective d'un morceau d'avenir quand depuis toujours ce dernier avait été complètement bouché par les aléas d'une existence difficile (la norme aux yeux de Cat). « T'es sérieux ? » demanda-t-il en détaillant les traits tranquilles du lynx, qui le lui confirma d'un regard. « Ben ouais, ouais, carrément ! » Francis tira sur sa cigarette devant l'emballement soudain dans son torse, et l'expira avec un enthousiasme sensible.
Il y avait Paws et sa compagnie, et la perspective de sortir (et revoir Feng), et de faire quelque chose qui peut-être lui plaira vraiment – tout lui plairait plus que de rester coincé à apprendre des « on tourne, et on abaisse » scandés sur un ton robotique. « Du coup les deux-trois sortilèges pour venir avec toi, je peux pas les apprendre sur le tas ? Sans vouloir faire le lièvre », ajouta-t-il sans quitter Lee du regard, portant de nouveau sa cigarette à ses lèvres, extatique.

« T'es sérieux ? » Lee aime beaucoup l'enthousiasme dans la voix de Cat: c'est la moitié de la réussite pour l'un comme pour l'autre. C'est peut-être égoïste, mais il aime beaucoup être celui qui parvient à se faufiler sous la carapace bien épaisse du jeune homme - inutile que Minerva s'étale trop dans ses rapides missives à son égard pour comprendre que "le petit Francis" semble avoir bien du mal à sortir de sa bulle et à accepter le cadre rébarbatif de l'école. En plus, Lee aime bien être le mec cool et Cat lui donne véritablement cette impression.
Et puis, lui aussi a véritablement besoin d'un ami.

Alors à sa question un peu rhétorique, Lee se contente de sourire d'un air très intelligent. « Ben ouais, ouais, carrément ! » L'explosion d'impatience répand une chaleur très agréable dans la poitrine de Lee, dont les yeux se plissent. Il inspire en même temps que Cat un peu de la fumée de sa cigarette (et parvient à ne pas tousser cette fois, quoiqu'il sente quelque chose se bloquer quelque part dans sa gorge). « Du coup les deux-trois sortilèges pour venir avec toi, je peux pas les apprendre sur le tas ? Sans vouloir faire le lièvre. — Hola, hola!" s'exclame aussitôt Lee une fois confronté à la dure réalité de son impatience, qu'il peut bien entendu très bien comprendre. "Ça peut," dit-il après un bref court de réflexion, passé à ingérer lui aussi un peu de sa cigarette avec un plaisir évident (et une pointe de culpabilité - mais personne n'a besoin de savoir!). "Faut surtout que je parvienne à convaincre tes profs, et Hermione." Il fait la moue à cette idée. Il ne s'en pense pas incapable (qui pourrait après tout résister à son charme facile et naturel?), mais ce n'est pas non plus gagné d'avance. "Tu maîtrises quoi, pour l'instant? Le must, c'est Accio mais je crois que c'est un peu trop avancé, je t'apprendrai. Wingardium, c'est chiant - avec la prononciation sortie du cul, en plus - mais c'est utile. Et puis toutes les conneries à la Expelliarmus et tout, tu sais..." Le visage de Lee s'assombrit légèrement et il détourne les yeux. "Je te présente ça comme ça et c'est génial, mais c'est aussi un peu dangereux." Dans quoi vient-il de l'embarquer? Il peut déjà voir Cat se rire du danger, dire qu'il a l'habitude, qu'il connait. Et Lee ne doute pas une seule seconde que, par les temps qui courent, Cat ait lui-même vécu deux-trois choses terribles qu'il n'aurait jamais dû vivre.

Un sentiment de culpabilité, aussi soudain que violent, l'étreint. C'est à cause de gens comme lui que des gamins comme Cat meurent. Il critique les pratiques de Kingsley, qui pense aux gamins de la Fawkes comme à de la chair à canon, et pourtant il les traite comme tel.
Il a quel âge, Cat, déjà? Vingt ans, truc du genre? Lee se demande si, ayant eu le choix, il aurait emprunté cette voix-là, à vingt ans. En sachant pertinnement ce qui l'attendrait. La peur, la douleur, la mort, la perte, la solitude, le deuil. "Je sais pas trop ce qui t'est arrivé." Kingsley a partagé avec lui quelques informations, mais pas trop non plus. "T'es pas obligé de me dire. Mais j'pense que tu sais que au-dehors... c'est l'enfer. Je t'apprendrai deux-trois trucs, mais je t'apprendrai surtout à te défendre. Si tu veux toujours venir." Il fronce toujours les sourcils, perdu dans ses pensées, dans ses souvenirs. Sans l'avoir finie, il jette la cigarette au sol, l'écrase d'un coup de talon un peu brusque. "Ça craint. La raison pour laquelle je fais ce que je fais, c'est pour que ça arrête de craindre." C'est une façon bien simplette de dire les choses. Il parvient à convoquer un sourire un peu dépité sur ses lèvres en relevant la tête vers Cat. "Cat team?" propose-t-il, lui offrant son poing fermé à checker.

« Hola, hola ! » Devant le stop bienveillant de Paws, Cat refréna son enthousiasme – son sourire se rétrécit de quelques millimètres à peine, et le battement impatient de son cœur, lui, ignora parfaitement l'appel au calme de Lee. Partir, avec Paws, quitter l'école et l'aider à ses tâches du quotidien – plus que l'Ordre lui-même, dont il gardait l'image d'une entité lointaine dirigée par un homme sévère, Francis était extatique à l'idée de frayer aux côtés de celui qui avait, en quelques semaines, réussi à gagner naturellement sa confiance de chat blessé. « Ça peut. » Cat cillait à peine, de peur de manquer sur les traits de Lee un indice quant à cet avenir qui menaçait de s'ouvrir à lui, l'observant fumer en portant sa propre cigarette à ses lèvres, en un geste miroir – ça peut. Le tambourinement dans son torse reprit de plus belle ; devant cette nouvelle montée d'excitation, Cat frotta le bout de son pouce au coin de ses lèvres, réprimant l'empressement qui menaçait d'en déborder. Lui qui était d'habitude pendu aux lèvres de Lee mourrait d'envie de l'interrompre en déversant la joie fulgurante, que provoquait chez lui cette proposition aux airs de possibilités. « Faut surtout que je parvienne à convaincre tes profs, et Hermione. » Hermione ? Aïe ; le souvenir de son entretien avec elle et la directrice, quelques jours plus tôt, était encore cuisant – ce n'était, après tout, pas comme si Cat avait eu un comportement exemplaire qui aurait pu lui permettre de prétendre à ce traitement de faveur. « Merde, si j'avais su j'aurais pas été con. » Ses doigts tremblaient légèrement, tandis qu'il expirait la fumée ; dans son esprit en ébullition néanmoins, les plans possibles pour parvenir à redorer rapidement son blason de sorcier fusaient en un feu d'artifice explosif.

« Tu maîtrises quoi, pour l'instant? Le must, c'est Accio mais je crois que c'est un peu trop avancé, je t'apprendrai. Wingardium, c'est chiant - avec la prononciation sortie du cul, en plus - mais c'est utile. Et puis toutes les conneries à la Expelliarmus et tout, tu sais... » « Alohomora. C'est tout », répondit-il simplement, assumant sensiblement son manque de connaissance et de maîtrise en la matière. « Je te présente ça comme ça et c'est génial, mais c'est aussi un peu dangereux. » « Pas grave », répondit aussitôt Francis, qui aurait, à ce moment-là, dit oui à n'importe quoi. « C'est toujours plus safe que chez Dolohov. » Il haussa les épaules pour se donner un air, comme s'il avait connu la même guerre entre les quatre murs de chez Antonin ; au final, Cat connaissait peu de choses du côté sorcier, et presque rien du quotidien de la résistance, hors les murs de la Fawkes. « Je sais pas trop ce qui t'est arrivé. T'es pas obligé de me dire. Mais j'pense que tu sais que au-dehors... c'est l'enfer. Je t'apprendrai deux-trois trucs, mais je t'apprendrai surtout à te défendre. Si tu veux toujours venir. »

Il le regarda écraser sa cigarette entamée – un bien précieux, dans sa prison où peu de bien circulaient librement. Ce qui le dérangeait, plus que ce mégot inachevé, et l'effleurement d'un passé que Cat désirait effacer de sa mémoire, était cette ombre qui brusquement s'était abattue sur Paws, au détour de pensées invisibles aux yeux scrutateurs de Cat. « Ça craint. La raison pour laquelle je fais ce que je fais, c'est pour que ça arrête de craindre. » Lee releva la tête, eut un semblant de sourire, dont les pointes peinaient à remonter de façon convaincante. « Cat team ? » Les yeux de Francis retombèrent sur le poing qu'il lui présentait. Il eut une expiration amusée : « Cat team. » Il pressa son poing contre le sien, ses yeux retournant accrocher ceux de Lee. « J'm'en fous si c'est dangereux, ou que ça craint, c'est pas comme si on avait le choix, t'sais. » C'était nouveau, ce on inclusif ; il ne l'avait plus employé depuis Ruth et lui. « J'ferai ce qu'il faut pour partir, être utile, même apprendre les sorts là, si c'est toi qui m'apprends, j'suis sûr que ça passera crème. » Cat ouvrit une main pour étaler ladite crème sur cet avenir radieux qui se profilait, balayant d'un même geste les méthodes scolaires du centre de l'Ordre. « Juste... Me laisse pas ici, s'il-te-plaît, pour moi c'est pas l'extérieur qu'est un enfer. » Et après une dernière inspiration, accompagné d'un battement de cils craintif en direction de Lee, il jeta son mégot au sol avant de l'écraser de sa basket.

La mention d'Antonin Dolohov a fait tiquer Lee mais, trop poli pour insister - quoique ce ne soit pas la curiosité qui manque -, il n'essaye pas de presser Cat pour plus de détails. Ils viendront un jour, ou jamais, peu importe. Il espère juste offrir au jeune homme un cadre où il n'aura plus besoin de penser au Mangemort qui, Lee en a entendu parler, est de la pière espèce qui soit.

Peut-être qu'il est un peu arrogant de penser sauver le chaton d'un monde trop cruel, voire carrément condescendant. Mais Cat mérite une véritable mise en garde, quoiqu'il arrive, c'est même le moindre qu'il puisse faire pour lui. « Cat team. » Le sourire de Lee se détend un peu et s'approfondit quand Cat lui rend son fist bump. « J'm'en fous si c'est dangereux, ou que ça craint, c'est pas comme si on avait le choix, t'sais. » Lee aime beaucoup ce on et il hoche la tête, se faisant la réflexion que le courage de Cat n'est pas tant une surprise que ça. « J'ferai ce qu'il faut pour partir, être utile, même apprendre les sorts là, si c'est toi qui m'apprends, j'suis sûr que ça passera crème. Juste... Me laisse pas ici, s'il-te-plaît, pour moi c'est pas l'extérieur qu'est un enfer. » Lee hoche la tête avec plus de force encore. Il en a le coeur qui saute dans sa poitrine. Il comprend ce sentiment plus que tout. Lui aussi a l'impression d'être en enfer quand il est enfermé, un peu comme un chat qui a connu le grand air et ne peut plus rester à l'intérieur. Il a passé des mois dans une cellule du Ministère et depuis, il ne s'arrête plus. Que ce soit dans le Londres moldu, le Londres sorcier, Sweet River, St James, toutes les planques de l'Ordre... Sofia lui dit souvent qu'il devrait se calmer, se poser, arrêter de bouger. Mais Lee ne peut pas parce que si il s'arrête, il devient fou. "T'inquiète, je te laisserai pas pourrir ici." C'est une promesse qui ne lui fait pas peur. Il la tiendra même si ça veut dire s'engueuler avec Hermione et Molly, même si ça veut dire prendre Cat avec lui sans leur approbation.

Ils passent la journée à bouffer des conneries et Lee dit beaucoup de conneries, mais lui raconte plein de choses aussi: sur Hogwarts, sur les nouveautés technologiques moldues et magiques qui le font délirer, sur plein de trucs qu'il sait qui pourraient intéresser Cat. Il lui parle de l'animagie, de comment ça fonctionne, et de ce qu'il ressent quand il devient lynx, ravi des yeux ronds que Cat aligne parfois en l'écoutant.
Malheureusement, au bout d'un moment, il faut qu'il le raccompagne à l'école en traînant les pieds. Il se serait bien vu l'embarquer avec lui un peu plus rien, l'emmener dans une arcade de jeux pour qu'ils parlent plus et rigolent bien, mais si il doit convaincre Molly de le laisser prendre Cat sous son aile, il vaut mieux ne pas déjà commencer à la contrarier.

Il est un peu triste de laisser son ami, au final, mais essaye de ne pas le montrer, lui offrant plutôt un de ses sourires habituels: plein de dents, et avec les yeux qui pétillent de malice. "Cat team." Pas de question, cette fois. Ils sont une équipe, pas besoin d'attendre que Cat soit tiré de la Fawkes. Le soulagement mêlé de joie qu'il ressent quand Cat presse de nouveau son poing contre le sien le remplit d'une certaine plénitude.
Peut-être qu'il n'est pas si seul que ça au final.