Le Ministère de la Magie bruissait de la transformation de Dolores Umbridge, les journaux les moins passionnants du Monde Sorcier en avaient fait leur Une, et la nouvelle était parvenue aux oreilles de Myrthild par plusieurs biais. Le savoir en théorie était une tout autre chose que de le constater en vrai, face à face, à moins de trois mètres l’une de l’autre. C’est ce dont Myrthild se rendait compte en voyant qui venait d’arriver dans le hall du manoir Prewett-Travers, où l’elfe avait fait pénétrer l’Undersecretary par mégarde -ou plutôt par déférence elfique. L’elfe de maison avait en effet permis à la visiteuse d’attendre dans l’entrée alors que Myrthild transplanait de son bureau au hall. La vision l’avait surprise : reconnaître l’intruse davantage. Une rousse à la beauté sculpturale, mais au fond des yeux, cette même envie qui y luisait quand elle n’était encore qu’une adolescente.
Ou bien peut-être était-ce Myrthild qui y inventait cette lueur.

Dolores Umbridge, dans son entrée.
Les choses allaient au plus mal.

Ne se départissant pas de ce sourire de façade, la maîtresse de maison accueillit néanmoins sa supérieure hiérarchique -quoique, l’était-ce vraiment ? Mh, ne rentrons pas dans ces considérations. Leur amitié avait été brisée sur l’autel des faux-semblants et des révélations bien funestes, il valait mieux que ça ne se reproduise pas. La question qui tournait en boucle dans l’esprit de la brune était terrifiante : qu’est-ce que voulait Dolores, pour venir la troubler dans son domaine ? Sans doute rien de bon.
Mais puisqu’on n’agressait pas les gens directement en exigeant qu’ils en viennent au fait aussitôt qu’ils étaient en vue, sans les politesses de convenance, que ça n’était pas comme ça que la bonne société sorcière fonctionnait, et qu’il valait mieux maintenir les apparences puisque Dolores avait l’air d’avoir fait des efforts là-dessus, Myrthild salua la Sous-Secrétaire d’État d’un « Ma chère Dolores ! Je ne m’attendais pas à te voir ici… Je t’en prie, par ici. » Et de l’entraîner avec elle dans le salon à droite de l’entrée. L’elfe fut envoyé préparer le thé en vitesse et ne réapparut plus (Myrthild connaissait l’aversion de Dolores pour tout ce qui n’était pas humain… ou détraqueur, de ce qu’on disait). Néanmoins, il assura sa mission, faisant léviter de loin le plateau chargé d’une théière massive, de deux tasses de thé et de quelques scones, jusqu’à la table basse à leurs pieds. Assise dans le canapé aux côtés de la rousse, Myrthild se surprit à la dévisager quelques instants, avant de servir le thé d’un coup de baguette, et puis de la complimenter quand même : « De ce que j’ai pu lire çà et là, tu as fait des jalouses… » Est-ce qu’elle osait sous-entendre qu’elle guettait toujours les cancans et se méfiait des bruits de couloir ? Peut-être bien. Elle aurait pu continuer sur sa lancée, la brosser dans le sens du poil, mais pour l’heure, elle préférait ne pas trop sombrer dans le mièvre et les cajoleries. Dolores n’était pas stupide au point d’oublier certains éléments de leur passé, pas plus que Myrthild.

Et pourtant, elle était là, dans son salon. Le visage de la Travers, tout en restant affable et souriant, gagna néanmoins en dureté et détermination dans le regard, tandis qu’elle se passait une main dans la nuque pour satisfaire une brève démangeaison, avant d’ouvrir les hostilités, sans avoir pour autant l’air d’être gênée par la présence de Miss Umbridge chez elle : « Que puis-je bien faire pour toi ? »