♛ Time goes and people change

Deux jours qu’ils lui courent après. Le fuyard est coriace et c’est tant mieux pour lui d’ailleurs. Terry préfère de loin courir après quelqu’un que de l’attraper. Certes on ne dort pas, on passe son temps à transplaner dans tous les sens et à courir de partout en envoyant des sorts dans tous les sens, parfois on est blessé aussi, mais au moins ça veut dire qu’ils leur restent encore une chance. Son handler, lui, c’est tout autre chose. Lui c’est plus du genre fanatique assoiffé de sang, le genre de gars psychologiquement instable qui passe son temps à lister les supplices qu’il va infliger à leurs proies quand ils les auront enfin attrapées. Autant dire qu’il est tellement au taquet que ça ne laisse généralement à Terry aucun champ libre. Au début, en arrivant dans la VB, il pensait qu’il pourrait peut être éviter le pire à certains des membres de l’Ordre, des hybrides en fuite, pour certains des connaissances ou parfois même -rarement heureusement- des anciens amis. Il a vite compris que ce serait impossible. A vrai dire, ce n’est même pas le caractère impitoyable de son handler qui lui a fait comprendre ça, mais plutôt l’ensemble des énergumènes de la VB. Quand on est « formé » par Leopold Crabbe, il ne fait aucun doute sur le type d’endroit où on débarque. En gros, si il ne veut pas se faire foudroyer sur place parce son psychopathe de handler, il a intérêt à pas jouer au con. Et il y a une chose que Terry Boot n’est pas, c’est un abruti. Alors il fait ce qu’on lui demande, peu importe ce que ça implique.

Ils ont perdu sa piste, pour le moment tout du moins. Ce sont des choses qui arrivent. Il suffit de retrouver sa trace via des branches cassés, des traces de pas, une odeur qu’il pourrait renifler. Il est là pour ça après tout, parce qu’il a quelques particularités très pratiques dans ce genre de contexte. C’est un chien de chasse, tenu en laisse par un maître fou. Maître qui s’impatiente d’ailleurs. Ils sont paumés tous les deux dans cette forêt, les cheveux en vrac, dégueulasses d’avoir crapahuter au milieu de nul part et d’avoir esquiver les sorts du fugitif, l’air déconfis et fatigués, mais l’autre tourne en rond dans tous les sens, scannant les détails de la nature inlassablement. Il se fiche de la fatigue, il veut mettre la main sur ce gars et c’est tout ce qui compte pour lui. Mais il ne trouve rien. Pour, l’instant Terry n’en mène pas plus large d’ailleurs. Il cherche sans trop chercher, parce qu’il y a un truc qui le tracasse avec cette traque. Son handler s’en rend compte d’ailleurs.

« So ? What takes you so long doggo ?! »

Terry le regarde, a une petite envie de meurtre mais se remet à chercher, véritablement cette fois. Il ne peut pas se permettre de contrarier son handler plus que ça. Il a la gachette facile celui-là et Terry préfère ne pas faire de vague. Mais son cerveau turbine déjà à mille à l’heure, parce que oui, il y a quelque chose qui le dérange dans cette traque. Non pas que sa conscience ne soit pas généralement perturbée quand ils tentent de piéger une nouvelle personne, hybride ou résistant, simple traitre ou moldu. Ce n’est pas comme si il pouvait s’habituer à cette sensation de condamner ces gens. Mais cette fois c’est différent, parce que l’odeur qu’il a senti lui est familière. Il ne sait pas qui c’est mais il connaît cette personne, sans savoir mettre un nom ou un visage sur cette odeur. Il a du la connaître il y a longtemps parce que le tout relève presque de l’inconscient. En gros, il a un mauvais pressentiment.

Il erre entre les arbres, scrutant les alentours, humant l’air à la recherche d’une trace quelconque, un petit indice à quoi s’accrocher pour pouvoir ensuite tirer le fils jusqu’au fuyard. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il trouve une piste le long d’une pente descendant vers ce qu’il pense, à l’ouïe, être une rivière. Terry se tourne vers son handler. Il a retrouvé sa couleur normal, troquant le rouge carmin de la traque pour son blanc livide des jours normaux. C’est pas de chance, il aura du mal à le semer vu que son handler vient de reprendre son souffle, autant dire que si Terry veut pouvoir faire ne serait ce qu’un petit geste envers le fugitif, il va falloir attendre un bon moment. Il verra sur le tas, mais depuis le temps, il sait parfaitement qu’il ne pourra sûrement rien faire d’autre que son taf.

« This way. »

Terry dévale la pente en silence, suivi de son handler à peine plus loin. Quand ils arrivent près de la rivière, l’ancien serdaigle voit un jeune homme au loin et celui-ci lui dit quelque chose. Il s’avance un peu plus et finit par reconnaître Conan, un ancien ami de Poudlard. Le sang de Terry se glace alors qu’il se retrouve dans la situation qu’il redoute le plus pendant les traques. Courir après quelqu’un qui lui a tenu à coeur, devoir le capturer et le condamner à de longues souffrances entres les mains du gouvernement. Voilà ce que peut devenir le destin de Conan, un demi Selkie, à la fin de cette traque. Maintenant, Terry le sait, il doit faire quelque chose ou c’est en foutu de l’ancien poufsouffle. Il regarde son handler qui, lui aussi, à repérer leur proie. Celui ci lui fait signe de contourner Conan par l’autre côté, histoire qu’il soit pris en tenaille. Terry s’exécute, allant lentement pour ne pas attirer l’attention de Conan. Mais sur le chemin, il marche volontairement sur une branche, brisant ainsi le calme de la forêt où se déroule cette poursuite. Ce n’est pas grand-chose mais ca donnera au moins une nouvelle chance à Conan de fuir. Quant au regard noir de son handler, ca promet de se prendre un mauvais sort plus tard, mais ça Terry peut vivre avec.

Le temps se suspend un instant, le handler espérant sûrement que Conan n’ait rien entendu, mais ils en doutent tous les deux. Ils s’apprêtent déjà à courir pour l’attraper, une nouvelle fois.

♛ Time goes and people change

Il se souvient de Conan à Poudlard. Ce type discret de poufsouffle qui était la cible de bien trop de crétins. Un gars sympa, le style d’ami attachant avec qui Terry aurait aimé garder contact toutes ses années. Le retrouver dans ce genre de situation est un véritable crève coeur. Est ce qu’il sait au moins l’identité de celui qui le pourchasse ? Est ce qu’il l’a reconnu ? Terry espère que non et il espère aussi que son ami ne le saura jamais. Ca voudrait dire que Conan aura réchappé à cette traque et alors le hound restera pour toujours, pour l’ancien poufsouffle, la version originale de Terry Boot : un gars bien, pas toujours brave mais bien tout de même et non pas un monstre sans coeur au service de la VB. Non, Terry ne veut pas que Conan le voit comme ça, même si c’est exactement ce qu’il est devenu.

Terry lève les yeux et regarde les oiseaux s’envoler, s’éloignant de cet endroit à raison. Qu’est ce qu’il aimerait faire comme eux et se barrer de là. D’ici quelques secondes la quiétude de ce lieu sera définitivement révolue pour faire place à une course effrénée où les forces sont déséquilibrées. Un contre deux, Conan n’a pas beaucoup de chance d’en ressortir libre. Parce que l’ancien serdaigle a beau souhaiter que son ancien ami s’en sorte, il ne se battra pas dans son camp mais bien dans celui de l’ennemi. A part si il a une ouverture, un moyen sûr pour lui d’aider Conan. Ca n’arrivera sûrement pas. Ca n’arrive jamais. Ce ne sera qu’un poids de plus sur sa conscience déjà lourde, un nom parmi tant d’autres. Un de plus un de moins, il ne voit plus la différence et ça compte peu maintenant. Voilà le genre d’ami qu’est Terry.

Ce silence est éphémère, le fugitif démarre au quart de tour et se lance à nouveau dans une course qui semble sans fin. Le handler, lui, pousse un juron destiné à son collègue, ou plutôt à son chien, collègue est un bien trop grand mot pour définir le loup garou par rapport à lui. Ce dernier ne le prend pas plus mal que ça. Son handler a un langage fleuri si bien que Terry a appris à le faire passer en bruit de fond, surtout que la plupart du temps, il ne dit rien d’intéressant ni même de malin. « Boot you fucking dumbass ! » Quelque part, c’est mérité et ça ne sera sûrement pas la dernière insulte qu’il se prendra pour cette erreur un peu trop grosse pour passer crème mais un peu trop petite pour qu’il soit vraiment dans la merde. Le bon dosage d’incompétence à réitérer avec grande modération si il ne veut pas éveiller les soupçons. En gros, il n’a plus d’autre choix que de tout donner pour attraper Conan. Alors son handler n’a pas besoin de le lui dire, Terry a déjà commencer à courir et dégainé sa baguette lorsqu’il entend l’ordre hurlé à son intention par son handler : « Get him ! »

Conan court et il a raison. Il se défend et il a raison aussi. Les sortilèges seront la seule chose qui les arrêteront dans leur traque. Il faut que l’ancien poufsouffle les ralentisse pour pouvoir définitivement prendre le large. Alors il fait bien de lancer un sortilège sur le handler qui tente de se protéger lui aussi d’un sort tout trouvé. « Protego ! » Le truc bien quand on est deux ceci dit c’est que si l’un se défend l’autre et libre d’attaquer. Terry voir une fenêtre s’ouvrir alors que Conan est ralenti par la végétation ambiante. L’ancien serdaigle braque donc sa baguette sur leur proie du jour et l’attaque à son tour. « Impedimenta ! » Le sort fuse en direction de son ancien ami. Terry espère l’avoir raté dans cette dualité d’état d’âme qui finira sûrement un jour par lui causer un dédoublement de personnalités.

♛ Time goes and people change

Il touche Conan avec ce sort qu’il aurait préféré raté. Il ne sait pas ce qu’il y a de pire : le fait de rapprocher un peu plus Conan de cette capture presqu’inéluctable ou voir dans son regard le moment exact où il le reconnaît après s’être retourner vers ses poursuivants. Ce regard est rempli de surprise, de trahison et de détestation. C’est celui d’un homme trahi par un ami qu’il aurait pensé loyal envers et contre tout. Terry déteste que Conan lui lance ce regard. Il déteste tout ce que cela signifie. La fin d’une amitié qui se meurt depuis longtemps et qui ne laisse finalement que des cendres et des volutes de fumée. C’est une triste conclusion. Terry en a le cœur serré mais ses larmes à lui sont taries depuis bien longtemps. Est ce que le temps rend la chose plus facile ? Peut être un peu. C’est terrible, mais peut être que trahir Conan n’est pas aussi dur que ce que ça aurait pu être il y a deux ans de cela. Il ne lui semble pas. Lancer un sort sur un ancien ami continue de lui retourner l’estomac. Voir tout cela dans son regard continue de lui filer la nausée.

Conan titube, il ralentit, il perd des mètres d’avance pourtant si précieux. Terry lance un rapide coup d’oeil à son handler qui avance assurément, attendant sûrement d’avoir une meilleure vue sur Conan pour lancer un sort détonant. Il aime les choses qui explosent, c’est son péché mignon dirait-on. Conan crie alors quelque chose et lorsque le loup garou se retourne il voit les effets de son sort. Il a tout juste le temps de se protéger mais fait mine de perdre du terrain en prise avec un surplus de feuilles. De toutes manières son handler ne se rendra compte de rien, il est maintenant occupé avec des oiseaux qu’il se fait une joie de dévier sur les troncs d’arbre où ils s’écrasent dans un bruit sourd. Il éructe, un franc sourire fou aux lèvres, riant presque. « You gonna need more than that if you want to stay free ! » Il a raison, malheureusement. Terry aura beau tenter de traîner le plus possible, il n’y a rien qui stoppera son handler si ce n’est un bon coup sur la tête. D’ailleurs, pendant que Terry fait mine de se batailler avec les feuilles, il constate que son binôme est déjà en train de riposter : « Incendio. » Comme quoi son handler peut parfois le surprendre et varier de ses éternelles explosions. Pour foutre le feu certes, ca y ressemble un peu mais on lui donne un point pour l’effort.

Terry est presque pétrifié de voir les giclées de flammes encercler Conan. Il serre des poings, ses phalanges blanchissent à force de presser sa baguette. Il n’y a pas qu’elles qui virent au blanc, le teint de Terry, déjà très pâle de base, comme celui de beaucoup de loups garou, devient presque livide. Son handler lui, rit aux éclats maintenant alors que les flammes se rapprochent dangereusement de Conan. Il ne fait même pas attention au Hound qui est sidéré. « Fucking shit. » C’est le moment où Terry pourrait prendre un risque. Il pourrait balancer un putain de sort à son handler trop occuper à cuire Conan pour se méfier de lui. Il pourrait le tuer sur le coup, avec un peu de chance, sauver Conan et se libérer de cette condition de merde dans laquelle il pourrit depuis deux ans. Oui, avec un brin de courage, une grande dose d’adrénaline, il pourrait sauver son ami et s’échapper avec lui. C’est un risque trop grand à prendre. Si il se rate, il ne restera rien de lui, son handler le tuera en un instant, il le peut si facilement que cette idée fait frissonner Terry. Oui, c’est un risque trop grand à prendre si l’ancien serdaigle veut survivre. Il le sait, il ne fera rien pour aider Conan parce que c’est la vie du fuyard ou celui du Hound qui se joue. Il ne peut cependant pas rester sans rien faire. Faute de courage, il tente d’éviter à Conan de mourir ici. « Don’t kill him. » Son handler le regarde avec une rage évidente. Il ne supporte pas que le Hound lui donne ne serait ce qu’un semblant d’ordre. Pour calmer le jeu Terry ajoute alors. « He could be useful to the Ministry. » C’est vrai, il serait bête de la part de son handler de finir par griller vivant le pauvre Conan. Face à cette évidence, la puissance des flammes diminuent pour finir par même reculer. « Less talk and more action Boot. » Le message est clair. La chasse recommence.

♛ Time goes and people change

Conan est coincé là et Terry ne peut rien y faire. Ou tout du moins, il le pense. Il le pourrait mais ne fait rien par manque de courage, ça a toujours été son plus gros défaut et la source de ses plus grands regrets, aujourd’hui ne fera pas exception a priori. Il le sait déjà, la culpabilité grandissant sans ses entrailles et venant mordiller chacune des cellules de son corps. Elle prend encore plus d’ampleur lorsqu’il se perd dans le regard glacial de Conan qui lui fait l’effet d’un cogneur le frappant en plein ventre, lui coupant presque le souffle au passage. Il y a quelques heures de cela, Terry n’aurait jamais pensé que Conan puisse le haïr à ce point, pas avec tous les bons moments qu’ils ont passé ensemble à Poudlard. Il pensait parfois à lui, se demandant ce qu’il était devenu, sachant que lui l’aurait accepté malgré sa nouvelle malédiction, le regrettant alors d’autant plus. Conan faisait parti des amis qui restent et non de ceux, bien trop nombreux, qui l’ont abandonné à la seule vue de ce triangle sur sa joue. Un véritable ami. Il a trahi un des rares véritables amis qu’il a pu se faire dans la vie. Il se sent misérable à cette simple pensée.

Pourtant, le loup garou aurait du s’y être attendu. Il aurait du s’y être habitué. Quelle autre réaction aurait pu avoir l’ancien poufsouffle sachant que Terry le poursuit comme s’il était du gibier bon à finir dans les entrailles du Ministère ? Certes Terry a tenté d’éviter le pire en raisonnant son handler mais c’est trop peu, bien trop peu. Il le sait, ses actions sont impardonnables et ce regard de haine, il le mérite amplement. Il mériterait même bien pire. Un jour ça arrivera, il devra répondre de ses actes et ses bonnes excuses sonneront aussi creux qu’actuellement. Il n’y croit pas lui même, n’y a jamais cru, mais continue de se les répéter dans un coin de sa tête. Il ne veut pas mourir, tout se résume au final à ce simple fait.

A côté de lui, son handler le presse d’agir plutôt que de l’ouvrir. Et sinon quoi ? Rien de bien grave comparer au sort qu’attend Conan, mais rien de plaisant non plus. Terry le sait et pourtant il détourne le regard du brasier et sert un peu plus sa baguette dans sa main. Il se tourne vers son handler et lui répond comme le bon toutou qu’il est. « Yeah. »

Alors que les dés semblent pourtant jetés (avec beaucoup de malchance concernant une certaine personne que je ne citerai pas wink wink), Conan arrive pourtant à se sortir de sa prison de feu et s’attaque une nouvelle fois au handler qui arrive à dévier le sortilège non sans se casser la gueule au passage. Terry aurait trouvé ça drôle dans une toute autre situation, mais à la place, il est pris d’un élan de soulagement. Se battre à deux contre un n’a rien de juste, ni de digne, ce qui n’est donc pas étonnant de la part du Ministère, et pour un instant, les chances de l’emporter de chaque camp prennent des proportions plus équitables. Terry lève pourtant sa baguette alors qu’il s’avance rapidement vers l’ancien poufsouffle et il déclare un : « Waddiwasi » visant une branche d’arbre à expulser sur Conan. Le sort est paré, provoquant un second soulagement qui détend un tantinet les épaules de l’ancien serdaigle. Derrière lui, son handler jure alors qu’il se remet à peine debout. La main est à leur proie et, pour la première fois depuis le début de cette course poursuite, les gars de la VB n’ont pas la main. Rien que pour ça, son handler lâche un flot de jurons de toutes sortes alors que Terry reste stoïque, continant son avancée malgré tout.