i'm not entirely here
08 septembre 2006
L'air froid de l'Ecosse lui coupe le souffle : il s'enfonce dans ses poumons et lui tranche la trachée. Conan reste là quelques minutes, sur le pallier de la maison où on l'a installer, à fixer le ciel.
Quatre jours. Quatre jours seulement qu'il a quitté le campement des
Avengers, où il commençait déjà à trouver ses marques : et le voilà qui doit tout recommencer, encore. Il sait pas combien de fois il en sera capable, Conan. Tout est si différent ici. Y a une ambiance amère qui flotte dans l'air : et quand bien même Alexis a essayé de le rassurer, il a pas pu s'empêcher de la sentir, la tension. Elle lui a sauté à la gorge et l'a étranglé avec la même rudesse qu'un lasso. C'est pas de sa faute, c'est plus fort que lui : il a toujours été sensible aux atmosphères. Introverti par nécessité, dépassé par la vie de groupe et en société : pas étonnant qu'il se soit isolé à peine le diplôme en poche. Il a cent fois préféré ses années passées à arpenter le Royaume-Uni à la poursuite de créatures magiques, plutôt que celles entre les quatre murs de Poudlard (elles hantent encore ses nuits aujourd'hui, fantômes de traumatismes qu'il traîne péniblement derrière lui).
Grimace. Son épaule le gêne, encore. On lui a mis le bras droit dans une écharpe, à son arrivé - trop en mauvais état, besoin de repos. Cette blessure, il la traîne depuis longtemps : ils ont fait ce qu'ils ont pu, les
Avengers. Ils l'ont rafistolé au mieux, et la plupart de ses petites blessures ne sont plus que de l'histoire ancienne maintenant : cicatrices parmi tant d'autres. Mais son épaule lui a mené la vie dure. On lui a dit de pas forcer, de souffler un peu pendant quatre jours et de revenir au dispensaire pour qu'on s'occupe à nouveau de son épaule. On lui a dit qu'il était à l'abri, maintenant.
A l'abri. La dernière fois qu'il s'était réellement senti à l'abri, avec Elliott, Anthony, Sohan et les autres. Il s'est presque senti bien, là-bas : mais il savait que c'était que provisoire. Le temps qu'on puisse le faire bouger jusqu'à Sweet Rivers sans trop de soucis.
Le soleil a fini de se lever depuis un bon moment. Il doit être aux alentours de huit heures, et ça grouille déjà de partout autour de lui, ça s'agite, ça fourmille (ça lui donne le tournis, un peu). Les pieds vacillent légèrement alors qu'il traverse la ferme, il se rattrape
in extremis à une barrière - prend quelques secondes pour souffler. Un peu de sueur perle à son front : il est toujours aussi exténué. La lune qui le nargue, comme à son habitude (cruelle, mauvaise et froide).
Tu es à ma merci qu'elle semble lui chantonner (et il la hait de plus belle).
Il reprend sa route, le pas plus prudent, plus mou. Il croise quelques visages, dont il n'arrive pas à se souvenir : sa mémoire est bien trop floue, il y a beaucoup trop de monde. Il se sent pas capable de cohabiter avec autant de personnes (et pourtant, il a pas réellement le choix). Quand bien même ça le terrifie, et lui laisse un arrière-goût amer sur la langue. Les voilà mis de côté, encore. Les monstres dont personne ne veut. Lâchés au milieu des
Highlands, autour d'une ferme, entassés dans des petites maisons construites le plus rapidement et rudimentairement possible. Mais il est pas surpris (et il a même plus la force d'être en colère). Ça lui laisse juste une impression de déjà-vu, parce que c'est l'histoire même de sa vie.
On s'est occupé de lui à la va-vite, le soir de son arrivée - faut croire qu'ils étaient débordés avec autre-chose. On lui a foutu une potion entre les mains, le bras dans une écharpe pour stabiliser son épaule : puis on lui a demandé d'attendre quatre jours, pour voir comment ça se passe.
Charlie's gonna take care of you, qu'on lui a soufflé - et il a aucune idée de ce à quoi il doit s'attendre. Pendant un instant, il essaye de se souvenir de l'emplacement du dispensaire. Il y a encore jamais mis les pieds, on lui a juste brièvement expliqué le chemin : s'éloigner un peu de la ferme vers le sous-bois, et c'est la seule petite cabane qui s'y trouve. Il est anxieux. C'est plus fort que lui. Il a passé des jours et des semaines à courir pour sa vie, se traîner dans la boue et camper dans des grottes froides et humides pour survivre : c'est pas sa confiance en autrui qui lui a sauvé la mise. Mais c'est différent ici, pas vrai ? C'est le territoire de l'Ordre, non ? Il devrait avoir confiance ? Alors pourquoi tout le monde ici semble autant sur les nerfs ? (Ils ont tous la réponse, dans le fond).
Il la voit finalement, la petite cabane.
Le dispensaire. Il a un instant d'hésitation : son poing se referme sur le pan de son pull qu'il serre de toutes ses forces, jusqu'à ce que ses phalanges blanchissent. Le selkie finit par frapper à la porte, qui est déjà ouverte - mais c'est qu'un effleurement contre le bois. Pas sûr qu'on l'ait entendu s'annoncer. Il frappe une seconde fois, un peu plus fort. "
Good morning." La voix est enrouée, trop peu habituée à être utilisée : presque muette. Elle sonne creux. Il se glisse avec hésitation dans la pièce, mais reste collé au mur. Mauvaise habitude qu'il gardera sûrement pendant longtemps. Toujours près de la sortie. La personne qui se trouve dans la pièce l'intimide beaucoup - il se sent minuscule et, par réflexe, les épaules se relèvent légèrement (comme s'il essayait de s'y cacher). L'autre est vibrant et coloré, là où Conan est terne et presque mort : comme un tableau qui a déteint sous la pluie. Silence. Un ange qui passe. Il se racle la gorge. "
I've been told to come here .. to see Charlie .." L'oeil noir et sans éclat fait face à l'azur enflammé. Sa voix se meurt sur ses lèvres alors qu'il le fixe et ne fait qu'un avec le mur derrière lui. Chat sauvage, prêt à fuir en courant : mais où est-ce qu'il irait ?
@charlie weasley