La gamine frappait de sa baguette le corps meurtri sans grand ménagement. Elle était particulièrement agacée ces derniers jours, sa potion avait échouée, son idiot de fiancé était tout ce qu’il y avait de plus stupide et prétentieux, faussement sauvage et distant dans les jupes de maman, et sa mère avait prit grand soin à rendre sa vie la plus misérable possible par des commentaires de chaque aspects de ses choix. Sa nouvelle lubie était de critiquer son métier, qui était tout ce qu’il y a de plus respectable. Mais non, il semblait qu’une Rowle se devait de protéger ses mains et son corps de travaux potentiellement éclaboussants, pour reprendre ses termes. Il est vrai que Sowon avait été tout particulièrement écœurée en la voyant rentrer du travail, du sang séché dans ses cheveux d’ébènes. Il faut dire qu’elle avait particulièrement amoché ce pauvre corps pas un mauvais contrôle d’une incision sur une veine artérielle avant d’avoir vidé le malheureux de son sang. Bien heureusement pour elle, son maître d’apprentissage n’avait pas vu cette erreur de débutant. Son métier était sa porte fragile pour vider son esprit dont ses cauchemars aspiraient toute l’énergie. Ses échecs à répétition pour honorer sa défunte amie en reprenant le flambeau qu’elle avait déposé à côté de son corps avant de quitter sa vie la détruisait à petit feu, l’empoisonnant aussi parfois, mais surtout effritait petit à petit son âme abîmée par la perte de l’être qu’elle avait toujours aimée de façon pure et simple. Ses écorchures dans le corps du pauvre homme ayant perdu la vie était si grossière, qu’elle s’agaça, jetant sa baguette à quelques mètres d’elle. “Putain.”

Comme un signal, quelques coups frappèrent la porte de fer qui la séparait des couloirs aseptisés de St Mango. Elle invita l’inconnu à entrer, et fit face à la jeune Carrow. Lyra supposa que c’était Flora, il était de nature connu que sa jumelle avait disparu vers le camp phoenix depuis quelque temps. Elle n’avait jamais su les distinguer à l’époque de Poudlard, elles étaient pourtant de la même année et de la même maison, mais elle avait passé quelques moments avec Hestia lors de leur apprentissage magique : avant, elles partageaient le même métier avec une passion toute particulière. Elles auraient peut être pu être amies, un jour, mais la Rowle était convaincue que les deux soeurs n’avaient besoin de personne d’autre que d’elle même. Elle ne comprenait cependant pas pourquoi la jeune femme venait à sa rencontre sur son lieu de travail. Elle n’était pas certaine de la profession de Flora, mais il était sûr que ce n’était pas médicomage légiste. “Que me vaut le plaisir de ta visite, Carrow ?” Elle n’était que peu certaine de leur place dans les maisons de sang pur, mais Lyra n’avait jamais été très à cheval sur des principes aussi stupide. Elle avait depuis longtemps choisi de rester en retrait, et de faire ce qu’on lui demandait, tant que cela ne contredit pas ses quelques valeurs et son unique quête. Elle ne lui accorda pas de sourire, elle n'était pas d'humeur aux faux semblants, mais elle souffla, profondément agacée de voir une presqu'inconnu débarquer alors qu'elle maltraiter un cadavre qui n'avait rien demandé. C'était comme exposer au monde son incompétence, et ce n'était pas son genre. Les Rowle aimaient la perfection, ils restaient susceptible, et la jeune femme portait ce trait de caractère à merveille.

C’est peut-être un peu stupide, ce qu’elle est en train de faire, Hestia. Elle ne devrait même pas mettre les pieds à Sainte Mangouste, après tout, elle n’y a rien à faire de spécifique. Mais voilà : elle ne va pas bien. Elle ne va pas bien du tout, et depuis quelques jours, elle est plongée dans des pensées qui la rendent folle - elle voit Flora partout, elle panique pour un rien. Ce n’est pas la première fois qu’elle passe par une période compliquée comme celle-ci, mais avant, elle avait Flora pour la consoler ou la réconforter… Et quand Flora n’était pas là, elle avait les murs blancs et les salles de travail de Sainte Mangouste.
Son métier, son véritable métier, il la passionnait. Hestia pouvait passer des heures en tenue de travail, avec ses divers outils, un peu de musique sorcière en fond… Les morts ne posent pas de questions, ne forcent pas à la parole, n’obligent à aucun code social. Hestia chérissait le temps qu’elle passait avec eux : elle pouvait tout oublier, pendant des heures, en tentant de retracer leur histoire à eux, et pas à penser à la sienne. Alors oui, évidemment, les recherches dans la salle de la mort sont prenantes, et parfois, Hestia se prend à se perdre dans le travail de sa soeur… Mais rien ne remplace sa passion. Sainte Mangouste, et ses cadavres, lui manquent - quand bien même elle n'avouera jamais cela à haute voix, de peur de passer pour une folle.
Elle avait besoin de revenir ici, de retrouver ces murs. La seule bonne raison qu’elle ait trouvée pour ça, c’est rendre visite à Lyra Rowle, ancienne camarade de Poudlard, avec qui elle a, à l’époque, partagé sa formation de médicomage légiste. Bien sûr, elle vient la voir en tant que Flora, aujourd’hui, alors il serait mal avisé de partir dans des conversations nostalgiques. Que me vaut le plaisir de ta visite, Carrow ? demande Lyra un peu froidement, quand elle lui ouvre la porte de la salle dans laquelle elle est en train de travailler. Je suis bloquée sur un problème dans mes recherches. Je viens pour trouver… l’inspiration, disons. dit-elle sans détours, parfaitement confiante. Et c’est un peu la vérité, après tout : en ce moment, elle a du mal à se concentrer. Elle cherche un déclic. Elle travaille dans la salle de la mort, après tout : ce n’est pas complètement à côté de la plaque. Promis, je ne te dérangerai pas trop. Je resterai dans un coin - j’ai besoin de réfléchir. ajoute-t-elle. Elle espère que Lyra la laissera entrer. Honnêtement, elle ne serait pas contre une petite discussion entre vieilles camarades. Depuis qu’elle a été séparée à long terme de sa soeur, Hestia se sent bien seule, alors un peu d’interactions sociales avec quelqu’un d’autre que ses collègues du ministère ou les membres de sa famille seraient bienvenues. Si c’est ok pour toi, évidemment. s’empresse-t-elle d’ajouter, de peur d’avoir l’air insistante. Et puis, parce qu’il y a quand même des codes sociaux à respecter, elle finit par demander : Tu vas bien, au fait?