Tiré à quatre épingles avec tes soulliers cirés et ta cape en soie de chez Parkinson Textiles, tu te regardes une dernière fois dans le miroir. Cela fait bien longtemps que tu n'as pas ressemblé à cela. À un sorcier propre sur lui et apparemment prêt à affronter le dangereux petit monde qui peuple le Ministère de la Magie. Rabastan n'allait pas en croire ses yeux, quand tu viendrais le chercher à son bureau pour la pause déjeuner. Bien décidé à impressionner les badaux et à prouver à ton public que le grand Rodolphus Lestrange était bel et bien de retour, tu avais même préparé un petit discours d'entrée. Desserrant quelque peu le noeud de ta cape afin de te donner un air plus désinvolte, tu te jauges d'un air satisfait. Tu glisses ta baguette flambant neuve dans ta poche intérieure, lances un dernier regard à la dépouille de Bellatrix gisant sur votre couche, puis tu te décides enfin à quitter le manoir Lestrange.

Tu te retrouves alors seul, au beau milieu d'une foule morne et pressée, qui avance tête baissée. Personne ne semble vouloir te prêter attention. Tous trop occupés qu'ils sont à rejoindre leur bureau sans attirer sur eux le regard inquisiteur de quelques hauts gradés trop zélés. Alors que tu commences à regretter l'absence de Rabastan, tu tentes d'imaginer ce qu'il a ressenti lors de son premier jour au Ministère. D'un naturel solitaire et renfermé sur lui-même, il a d'abord dû se sentir happé par cette affluence de sorciers virevoltant dans tous les sens. Il a dû faire preuve d'une incroyable maîtrise de lui-même pour ne pas succomber à l'une de ces crises de panique. Et puis avec le temps, il a certainement fini par s'accoutumer de cette effervescence, par trouver le moyen de se dissimuler au creux de cette marée humaine pour n'avoir à communiquer avec personne. Pour la première fois depuis bien longtemps, tu portes, l'espace d'un instant, un regard admiratif sur ton frère. Avant de te refocaliser sur toi-même et de te laisser envahir par la peur de tomber dans le néant. Si tu avais accepté de quitter ta tanière et de revenir dans le monde des vivants, ce n'était pas pour être ignoré si violemment par tes pairs. Non, bien au contraire. Tu étais Rodolphus Lestrange, l'incarnation même de l'acteur mondain au bagou incomparable. À Poudlard, chez les mangemorts, tous avaient un jour été pendus à tes lèvres, avides d'entendre ta prochaine diatribe enflammée. C'était cet homme-là que tu étais bien déterminé à redevenir. Ta place était sur le devant de la scène, aux côtés de ton Lord bien aimé. Tu n'avais rien à faire dans la foule, auprès d'un auditoire morose.

La tête haute, tu t'avances fièrement vers le centre de l'atrium, à la recherche d'un visage familier ou d'un comité d'accueil pouvant te conduire sur ton nouveau lieu de travail.

Spoiler:

Cette nuit, alors que vous deviez veiller sur un rapport de mission particulièrement long et chiant, Ulrike avait vu rouge et t’avait balancé son sandwich à la viande à la figure. Pas de chance, ta peau a fait une réaction allergique à l’ail dont elle avait saupoudré son steak ; aussi, tu t’es retrouvé avec la joue boursouflée, alors qu’elle était déjà bien amochée par le triangle rouge des vampires. C’est pourquoi, tu es arrivé ce matin au Ministère avec une compresse barrant ta gueule d’ange sous antidépresseur. L’avantage, c’est que le pansement est aussi blanc que ton épiderme blafarde. C’est donc la première fois, depuis ce fichu décret vous imposant le tatouage hybride, que tu peux te balader sans. Plus que d’habitude encore, tu avais donc porté un soin particulier à ton apparence, afin de jouir pleinement de ta journée de répit.

Pavanant toute la matinée, tu te rendais à présent au relais de la banque de sang du Ministère. « J’espère, y’aura pas la queue… » A tes côtés, un autre vampire de la Brigade, qui avait développé la fâcheuse tendance à t’attendre pour aller chercher de quoi manger. « En même temps, Bagshot, si tu te bouges toujours au dernier moment, c’est sûr qu’on va t- » Tu balayais le hall du Ministère, toisant les uns et reluquant les autres, lorsque tes talons ont claqué sur le marbre en s’interrompant net. « Attends, arrête-toi… C’est qui, là-bas ?? » Une tignasse au poivre, une cape en soie et un cul vraisemblablement en acier avaient pénétré dans ton champ de vision. Un mouvement fugace du menton en direction de Rodolphus qui faisait semblant de savoir où il allait. L’autre vampire tend le nez, humant l’air. « Hm… ça ressemble à du sang-pur… » « Ça ressemble surtout à ma nouvelle obsession~ » Tes yeux s'illuminent, ton sourire de chérubin carnassier contraste avec la grimace de ton collègue levant les yeux vers toi, redoutant déjà le pire. « Bagshot, non- » Bagshot, yes. Tu ne le regardes même plus, tendant ton index sur sa goule pour le sommer de se taire. « Ssssh… écoute ; aujourd’hui, je suis débarrassé des deux choses qui me font le plus chier en ce moment : Ulrike von Bäume et ce foutu triangle rouge… Alors, tu me laisses profiter, et apprécier ce qu’il y a au menu, ok ? »

Sans demander ton reste, tu tournes les talons dans un geste théâtral et avances d’un pas décidé jusqu’à ta proie. Il est tiré à quatre épingles, c’est délicieux. Tu poses juste devant son nez, concluant ton catwalk d’un élégant mouvement de la mèche. « Vous donnez l'impression que quelqu’un vous a piqué votre déjeuner » Une entrée en matière audacieuse, mais on voit à ta mine enjôleuse que tu ne lui veux que du bien (et même plus encore). « J’étais sur le point d’aller prendre le mien, mais au final… Déjeuner est d’un ennui ! » C’est vrai qu’avec que ta peau sur les os, tu as l’air de très bien te passer de tes repas, surtout depuis qu’ils ne consistaient plus qu’en de vulgaires poches de sang. Mais tu n’oublies pas qu’aujourd’hui, tu es de nouveau le sorcier tout ce qu’il y a de moins hybride Boris Bagshot, adepte des repas sur le pouce et des bains de soleil. Une main sur la hanche, tu tends l’autre, avec toujours cet angle de poignet ambigu, comme si tu t’attendais à ce qu’on te fasse un baise-main. « Boris Bagshot, pour vous servir. Vous devez sûrement avoir déjà entendu ce nom ; ma soeur est assez connue dans le milieu du Quidditch… Bon, j’ai moi aussi eu mon heure de gloire ; mais j’ai appris à prendre du recul sur ce mode de vie, vous savez, pour vivre parmi les gens simples… Enfin ! Assez parlé de moi ! Dites-moi un peu à qui j’ai à faire, et surtout ce que je peux faire pour vous ! »

Lorsque tu t’étais entretenu avec le Seigneur des Ténèbres à propos de ton futur poste, tu n’avais bien sûr pas posé les questions techniques qui t’étaient passées par la tête, telles que : quelle sera la taille de mon bureau, aurais-je des hybrides à ma disposition, est-ce que mon visage pourra faire la une de la prochaine Gazette ? Non, au lieu de cela, tu t’étais contenté de remercier le Lord pour sa clémence et sa générosité, avant de retourner fièrement au manoir et d’annoncer la nouvelle à Rabastan, pour qu’il arrête de te mettre la pression. Et voilà qu’aujourd’hui, perdu au beau milieu de l’atrium, tu regrettais de ne pas avoir au moins demandé à quel étage tu étais censé sévir. Parce que soyons honnête, Rodolphus Lestrange n’était pas uniquement là pour se pavaner auprès des foules. Multipliant les coups d’œil inquisiteurs, à la rechercher de ton frère ou de tout autre mangemort connu et susceptible de se rendre utile, tu commençais à perdre patience. Tu n’allais tout de même pas consulter le plan du Ministère mis à disposition des visiteurs, tu n’étais pas désespéré à ce point-là. Du moins pas encore.

Sans crier gare, un grand dadais blafard entre dans ton champ de vision et vient se poster devant toi. Tu le détailles d’un air interloqué et pries mentalement pour que ce ne soit pas lui que l’on ait envoyé pour t’accueillir. Avant même que tu n’aies pu lui ordonner d’un ton dédaigneux de dégager le passage, le voilà qui t’ensevelis sous un flot de paroles sans queue ni tête. Masquant difficilement ton incrédulité devant l’affront que ce pauvre type ose te faire en te demandant ton identité, tu portes instinctivement la main sur la poche de ta cape. Lorsque l’inconnu la boucle enfin, tu hésites un court instant à sortir ta baguette magique. Mais t’es pas certain que le Lord apprécierait que tu fasses des tiennes dès le premier jour. Alors tu finis par te raviser et sors ton paquet de Lucky Centaurs de ta poche. Glissant une cigarette entre tes lèvres, tu lances un regard sceptique vers ce fameux Bagshot. « C’est bon t’as fini ? Je savais pas que les Inferi du Lord savaient parler maintenant. »  Sans aucun sens des convenances, tu expires la fumée de ta cigarette vers le visage cadavérique de ton interlocuteur. Bagshot ? Ouais non, jamais entendu parler, jamais vu sur la liste des invités des petites sauteries que Rabastan organisait au manoir. Sûrement pas quelqu’un de très important, donc.  « Je m’intéresse pas au Quidditch. Je ne sais absolument pas qui est ta sœur, petit. Quant à toi, ça doit faire un moment que tu vis parmi les gens simples, parce que je n’ai jamais entendu ton nom. » Le ton de ta voix tire plus vers la désinvolture que la froideur. Faut dire que tu es assez déçu que ton comité d’accueil se résume à un adolescent un peu trop bavard, semblant tout ignorer de toi. Tu reportes à nouveau ton regard vers l’autre extrémité de l’atrium, sans succès. Aucune de tes nombreuses connaissances respectées ne semble prête à venir à ton secours. Bon si cet étrange garçon voulait vraiment être à ton service, pourquoi pas ? Faute de trouver mieux à te mettre sous la dent, tu lui accordes à nouveau ton attention. « Je suis le nouveau responsable du bureau de régulation des médias. Rodolphus Lestrange, au cas où tu ne l’aurais pas encore deviné. » Tu jettes ta cigarette à moitié consumée à ses pieds. « Tu me fais faire le tour du propriétaire ? Tu dois sûrement avoir des tas d’histoire à me raconter sur la vie au Ministère. » Tu n’étais pas certain de vouloir entendre ses élucubrations pendant des heures, mais grappiller quelques informations sur tes futurs collègues pourrait certainement s’avérer utile à l’avenir.

Spoiler:

Le sourire toujours impeccable, tu ranges doucement ta main tendue, te frottant le bout des doigts comme si tu avais pris la température du bain glacé dans lequel tu allais barboter pour les heures à venir. Bah, rien d’étonnant qu’un vieux sang-pur n’apprécie pas ta compagnie ; tu n’en étais pas à ton premier échec, à croire même que tu allais au devant de la déception.
Oh, tu étais vexé, mais par rapport à avant, ça n’avait plus rien à voir. A présent que tu n’avais plus rien à prouver à personne, tu prenais un malin plaisir à continuer ton petit jeu de groupie dégénérée. Tu ne pouvais effectivement plus rien envier à cet homme, puisque tu n’atteindrais son âge que dans un laps de temps trois fois plus long, et que tu pouvais toujours te brosser pour espérer un jour devenir Mangemort.
Ton sourire s’étire donc toujours un peu plus lorsqu’il assume ne pas connaître, ni ta soeur, ni toi, ni l'entièreté de ta génération, comme si elle n’en valait pas la peine.

Le petit coup d’oeil que tu appuies en guise de réponse sent le « ok, boomer » à plein nez. « Bien sûr que vous ne me connaissez pas… » que tu admets, sans te départir de ton sourire mutin, comme si tu possédais la connaissance secrète de quelque chose qu’il ne saura jamais. C’est fou à quel point cette génération ne daignait jeter un oeil sur celle qui allait suivre et pour autant, s’offusquait que vous ne puissiez pas les connaître, eux. Tu hausses les sourcils, sincèrement surpris de son identité, faussement impressionné. « Oh, Lestrange ; évidemment que j’ai entendu parler de vous ! Enfin, j’ai plutôt entendu parler de votre absence, remarquable, du fait que votre frère, lui, est partout ! C’est vrai, il ne travaille pas à la Brigade, et pour autant, j’ai l’impression qu’il y a pris ses marques ! … Ce n’est pas comme s’il avait quelque chose à voir, là-bas… ou quelqu’un… »
Tu laisses planer un silence lourd de sous-entendus, le regardant lascivement de sous tes paupières naturellement lourdes. Du bout de ta chaussure vernie, tu écrases le mégot qu’il avait jeté à tes pieds, comme s’il s’était agi de l’orteil d’un amant désobéissant.

Passé cet insoutenable suspens, ton visage s’éclaire de nouveau. Tu tapes dans tes mains avec enthousiasme. « Avec plaisir, suivez-moi ! » Et, sans demander la permission, tu enroules tes bras autour du sien. S’il ne voulait pas savoir qui tu étais, c’était tout à son honneur ; mais pour une fois, il aurait bien fait de mettre son ego de vieux schnock de côté, ça lui aurait épargné de s’afficher plus de quelques secondes avec un foutu hybride !

« Bon, pour commencer, en tant que nouveau responsable, je suppose que vous allez devoir vous farcir toute la brochette des autres têtes de chaque département… » Tu ne lui infliges par la torture de tes manières trop longtemps, lui lâchant le bras lorsque vous arrivez près d’un ascenseur. « Je suppose que vous vous en doutez, mais à chaque fois, il s’agit de vos p’tits copains, genre la first gen des Mangemorts, donc vous devriez vous y retrouver. » Les portes coulissent lourdement, un pas de côté pour le laisser galamment entrer en premier, puis de prendre sa suite, pour se poster toujours à la limite du un peu trop près. « Soyons malins ; si vous êtes dans la censure, vous allez sûrement avoir à faire… hmm, aux Archives de Yaxley... » Tu hésites un instant avant de choisir l’étage, comme si ta réflexion était entrecoupée d’un frisson. « Parce que je suppose que tout ce qui est censuré est rangé bien profond dans ses p’tits parchemins. » Tu appuies sur un bouton au hasard, au pire, ça prolongera les festivités. « Et, si jamais c’est les étrangers que vous voulez tenir à l’écart, vous avez intérêt à rentrer dans les petits papiers de Von Bäume, responsable de la coop’ internationale… »

L’ascenseur s’arrête à mi-chemin, s’ouvrant sur une foule se précipitant dans l’espace confiné, t’écrasant contre le côté de ton obligé. Tu accuses le coup d’un haussement de sourcil suggestif. « Des questions, jusque là ? »

Dommage que Corvus ne t'ait jamais appris à ne pas sous-estimer le petit personnel. Cela t'aurait peut-être permis de mieux te comporter avec ta groupie à la peau d'albâtre. S'il avait déjà le pouvoir de t'insupporter rien qu'en ouvrant la bouche, Bagshot était certainement plus dangereux qu'Il n'en avait l'air. Et tu finis par le comprendre lorsqu'il évoqua la soi-disant omni-présence de Rabastan à un étage qui n'était pas le sein. Ses paroles étaient lourdes de sens et insinuaient très clairement que ton frère avait quelque chose à cacher. « Ravi que mon absence ait été remarquée. C'est un art que de savoir se faire désirer. Je pourrais peut-être t'apprendre lorsque tu auras fini de colporter des rumeurs au sujet de mon frère et de la fille von Bäume. » Tu accompagnes ton clin d'oeil d'une tape virile sur l'épaule de ton interlocuteur, comme pour lui faire comprendre que tu étais déjà dans la confidence. Tu avais mis Rabastan devant le fait accompli et il avait avoué avoir une sorte de liaison avec la petite allemande. Et puisque ce secret ne semblait pas particulièrement bien gardé, tu ne voyais aucun inconvénient à évoquer le sujet avec Bagshot. Quoi de mieux que d'entrer dans son jeu afin de rallier son savoir à ta cause ? A voir son enthousiasme candide lorsque tu lui suggères de t'accompagner, tu te demandes si c'était véritablement une bonne idée. Mais d'où sortait-il celui-là ? Se pourrait-il que le Ministère lui ait lavé le cerveau, comme cela avait été le cas avec Potter ? Cela te demande un effort considérable que de ne pas lui broyer le bras qu'il ose passer sous le tien, comme si vous étiez deux bonnes femmes au foyer partant faire les courses. Bien heureusement, il met un terme à sa mascarade une fois que vous arrivez devant les ascenseurs. Tu pénètres à l'intérieur de l'un d'eux avec la sensation de désormais être dans l'antre de Bagshot. Tu espères qu'il ne te fera pas le coup de la panne. L'air un brin sceptique, tu l'écoutes te distiller ses bons conseils. Il s’applique à donner l'impression qu'il sait tout et ce sur tout le monde. C'est clairement le genre de camarades de classe que Bella et toi auriez pris plaisir à tourmenter durant vos années d'étude… « J'imagine que si von Bäume fait bien son boulot, je ne devrais pas avoir d'étrangers à tenir à l'écart. » Tu n’étais pas un grand admirateur de cette famille teutonne, un peu trop envahissante à ton goût. Tout comme ce Boris, qui profitait un peu trop de l’exiguïté ambiante pour se rapprocher de toi. Alors qu’il était à deux doigts de te marcher dessus, tu aperçus pour la première fois le gros pansement collé sur sa joue. Tu te retins de justesse de froncer les sourcils devant une chose aussi curieuse. Que lui était-il donc arrivé et pourquoi pansait-il ses plaies comme un moldu ? « Oui j’aurais encore une question… » Tu es interrompu par la sonnette de l’ascenseur, indiquant que la porte est sur le point de s’ouvrir sur un nouvel étage. Ignorant si vous êtes au bon endroit, tu décides de profiter de l’occasion pour t’extirper de cette foule qui te confines contre Bagshot. Tu jettes un rapide coup d’œil aux alentours et finis par repérer une enseigne dorée indiquant « Département de la Justice Magique ». Cela te ramène inévitablement à la question que tu voulais poser à la sangsue qui t’accompagnait. « Tu as mentionné la brigade toute à l’heure. C’est là que tu travailles ? » Trop occupé que tu étais à lui faire comprendre qu’il avait tout intérêt à te connaître et à te rendre service, tu en avais complètement oublié de lui demander quelles étaient ses…fonctions auprès du Ministère.

Spoiler:

Est-ce que Rodolphus Lestrange venait à l’instant de confirmer pour Rabastan Lestrange et Ulrike von Bäume ? Cela y ressemblait fortement ; après tout, qui mieux que le frère du concerné était mieux placé pour savoir ce genre de choses ? Ainsi, lorsqu’il te bourrine l’épaule, tu es parcouru d’un soubresaut qui dissimule tant bien que mal ta face éclairée par la nouvelle. Ulrike était finie. Tu en connaissais plusieurs qui allaient se régaler de cette information, ou du moins, plus ou moins bien la digérer, du fond de leur manoir usurpé ou de leurs Archives poussiéreuses. Tu ignorais exactement quelle était la date prévue du mariage, mais tu tacherais de le redemander à Prewett senior à l’occasion.

« Oh vous savez, si on devait attendre que tout le monde fasse son boulot comme il faut, je ne serais pas là à vous faire le grand tour ! » que tu plaisantes, mondain, alors que le pauvre bougre essaye tant bien que mal de substituer son épaule à tes mains baladeuses.

Le hasard a finalement jeté son dévolu sur le Département de la Justice Magique. Tu allais devoir te montrer vigilant, pas mal de monde te connaissait ici, ou du moins, savait que d’habitude, tu avais la face tatouée, puisque c’était là que tu prenais tes quartiers. « Bingo, très cher ; je suis brigadier. » Tu roules des épaules. « Un conseil : quand vous avez à faire à un brigadier, ne le confondez surtout pas avec la Police Magique. On bosse au même endroit, certes, mais disons que, eux, ils s’occupent des trucs, genre vol à l’étalage, tandis que nous, on arrête les résistants et autres moldus hyper dangereux pour le régime… » Tu arbores un air un peu fier en passant à hauteur d’un groupe de la Police Magique. « Oh, mais ne dites pas à Marlon Travers que je vous ai dit ça, c’est un garçon sensible, je ne vous apprends rien… » Hormis qu’il ramène des inconnues aux dîners de famille, si on en croit cette langue de pochtron de Langford Prewett.

Tu hausses les épaules, les paupières lourdes et lasses. « On est assez serrés à cet étage, on a les gratte-papiers du Magenmagot - un nom à retenir : Blackeye... » Des Handlers et leurs Hounds te dévisagent sur leur chemin, tu les ignores royalement, brassant du vent comme on chasserait les mouches. « … Pour le terrain, les dirlos : Flint, Yaxley - Corban, cette fois-ci- d’anciens petits camarades à vous, si je ne m’abuse. » Et aussi sympathiques, pour tout dire ; ils formaient une belle brochette, tous autant qu’ils étaient. « Là-bas, sur la droite, Police Magique ; vous vous rappelez, à ne pas confondre avec… ? » Tu tends l’index vers lui, l’interrogeant pour voir s’il suivait. « ...  la Brigade des moeurs ! » Tu tapotes ta poitrine. « Un truc simple pour se rappeler : on est en noir, ils sont en bleus, ça devrait pas être trop compliq- » « Bagshot, je peux savoir ce que tu fous ?? » Deux Handlers assis en vrac à leurs bureaux, des papiers de sandwiches encore sur les genoux, t’interpellent. Tu roules des yeux. « Je torche le cul du petit Général, ça se voit pas ? » « Tu m’as jamais fait faire de visite comme ça… » Prewett a dû encore forcer sur le Firewhisky de contrebande ce midi.

Tu barres le passage, te postant entre Rodolphus et les deux zouaves qui finissaient de prendre leur pause déjeuner. « L’ambiance n’est pas toujours aussi survoltée, je vous rassure… Continuons, si vous le voulez bien. » Tu l’invites d’un mouvement de main à revenir sur vos pas, pour rejoindre l’ascenseur. « Nous avons fait le tour de toute manière… Ah, oui, il y a aussi le Département du recensement des nés-moldus, quelque part par là ; mais à votre place, je m’aviserais pas d’y aller… disons qu’ils n’aèrent pas souvent… » Oui bon, ça, c’était gratuit -et un peu vrai, également. Ceci dit, tout le monde ne pouvait pas cocotter comme toi.

Vous déambulez encore un peu au milieu des bureaux fourmillant d’escouades mornes. « Ça va sans doute vous faire un peu bizarre de vous retrouvez derrière un bureau, alors que vous étiez un peu tous des hommes et des femmes de terrain, avant… » D’un geste habile, tu coinces la porte de l’ascenseur avec ta main, avant qu’elle ne se referme complètement. « Surtout si vous étiez, genre, en mission secrète, ou je ne sais quoi, juste avant d’être catapulté ici ; ça va vous changer d’air ! » Tu doutais qu’il ne te révèle quoi que ce soit sur ses précédentes activités, mais comme tous les bleus de la nouvelle génération, tu étais toujours un peu curieux de savoir quelles atrocités les grands pouvaient encore trouver à commettre, ces derniers temps… « Vous voulez passer voir votre frère ou je vous ramène directement au bercail ? »

Tu avais bien du mal à croire que la pipelette blafarde qui te faisait visiter les lieux puisse être un brigadier. Mais vu le nombre de fois où tu étais sorti de chez toi ces dix dernières années, tu étais bien mal placé pour prétendre être au courant de tout ce qu’il se passait au Ministère. Bagshot semblait prendre goût à dénigrer la brigade de police magique, mais à le voir se pavaner comme s’il avait reçu le prix du sourire le plus charmeur des mains de la rédaction de Sorcière Hebdo, tu commençais à douter de la qualité des services de la VB. S’ils étaient tous comme lui là-bas, cela pourrait expliquer bien des choses, et notamment le fait que les hybrides semblaient plus déterminés que jamais à attaquer l’élite sorcière sans craindre de se faire attraper par qui que ce soit… Qu’avait-il bien pu se produire durant la dernière décennie pour que Marlon Travers se fasse traiter de garçon sensible par la première commère du ministère ? « A en juger par les dernières nouvelles, ce serait peut-être mieux que la brigade de police vous donne un coup de main pour gérer les hybrides. Parce qu’apparemment la brigade des mœurs n’a pas l’air de s’en sortir toute seule. Oh et puisque tu le mentionnes, Travers est un ami de longue date. J’étais le parrain de son fils. » Repenser au sort funèbre qui avait frappé la famille Rosier, te donnais presque envie de retourner te tapir au fin fond de ton manoir à côté du cadavre si bien conservé de Bellatrix. Mais c’était sans compter sur Bagshot qui prenait son rôle de guide très à cœur et avançait déjà vers les bureaux suivants. Tu te sentais submergé par le flot d’informations qui s’abattait sur tes épaules. Le soir venu, il te faudrait probablement demander à Rabastan de te faire un nouveau récapitulatif, histoire d’y voir plus clair et d’obtenir un récit moins édulcoré. Après avoir passé en revue le nom de hauts dignitaires que tu connaissais depuis bien des années, Boris sembla croire que vous étiez désormais suffisamment proches pour qu’il puisse se permettre un trait d’humour un peu trop osé. Alors qu’il paraissait te prendre pour un demeuré en te soumettant à son ridicule petit quiz, tu levas les yeux au ciel. Au fur et à mesure que la visite se prolongeait, tes doigts tremblaient de plus en plus. C’est comme si un désir incontrôlable de saisir ta baguette magique les secouait de spasmes nerveux. Mais avant même que tu n’aies eu le temps de répliquer quoi que ce soit, deux brigadiers jugèrent bon de vous interrompre. Ils ne semblaient pas spécialement porter Bagshot dans leur cœur. Mais celui-ci le leur rendit bien en répondant avec une vulgarité dont lui seul avait le secret. Là encore, tu dus prendre sur toi pour ne pas lui infliger le moindre doloris. « Je suppose qu’ils n’aèrent que lorsque tu passes les voir. Histoire de se débarrasser de ce parfum de bonne femme. »

S’il y avait bien une chose qui t’avait particulièrement marqué durant toute cette petite visite, c’était certainement l’assouplissement de la hiérarchie qui avait eu lieu au cours des dernières années. Cela ne semblait plus être dans les mœurs actuelles que de remettre quelqu’un à sa place au moindre manque de respect. Depuis que tu avais pénétré dans l’atrium ce matin, tu n’avais pas vu un seul sorcier lancer le moindre sortilège. Cela te paraissait complètement surréaliste, ridicule même ! Si Bella avait vu cela, elle en aurait eu les tripes toutes retournées. Comment le Seigneur des Ténèbres avait-il pu permettre un tel ramollissement ? Cela dit, ça n’avait pas grand-chose d’étonnant lorsque l’on voyait comment se comportaient les membres de sa fameuse brigade des mœurs. Il était grand temps que tu interviennes et remettes un peu d’ordre dans tout ce chaos sans nom. Avec Rodolphus Lestrange à la tête du service de régulation des médias, les choses allaient changer. Les imprimeries du Ministère allaient devoir imprimer une quantité certaine de brochures explicatives à destination de l’élite sorcière. Il fallait immédiatement informer sur les bienfaits des châtiments corporels.

Alors que Bagshot évoque « les hommes et les femmes de terrain », tu t’arrêtes un instant. Seul un moldu ou un cracmol n’aurait pas compris qu’il faisait référence à Bellatrix et toi. Si tu ne réponds pas immédiatement, ton regard s’assombrit pourtant. Tel un fauve blessé, tu rentres calmement dans l’ascenseur encore vide, attendant patiemment que l’heure de ta vengeance ne sonne. Tu laisses Bagshot entrer à son tour. La porte se referme et ton poing s’abat alors contre le bouton d’arrêt. Dans un grincement sonore, l’ascenseur stoppe sa course. D’une main tu te saisis de ta baguette magique, et de l’autre tu empoignes Boris par le col de sa chemise immaculée. « Ne t’avise plus jamais d’évoquer ma femme. Sinon je tâcherais de te faire comprendre que je suis toujours un homme de terrain. » Tu le relâches alors aussi subitement que tu t’étais jeté sur lui, puis tu le dévisages encore un instant. « Oublie un peu mon frère, t’as vraiment l’air obsédé. Je crois qu’il vaudrait mieux que tu me montres mon bureau. »

Ton sourire s’immobilise dans ta figure de plâtre. C’est que le bougre a choisi son camp, volant au secours de la Police Magique. Bah, il faisait bien partie de la vieille génération, pour ne pas réaliser l’importance qu’avait grapillée la Brigade des Moeurs pendant son absence. Avec un second à la tête du bousier qui avait quasiment l’âge d’être leur marmot, rien d’étonnant que les Mangemorts de la vieille aient du mal à vous trouver crédibles… « C’est précisément parce que la Police Magique refusait de travailler avec des hybrides en son sein que nous sommes désormais les plus aptes à gérer les hybrides rebelles ; vous savez ce qu’on dit : « it takes one to know one » … » D’un geste pensif, tu passes ton index sur le scotch de ta compresse. Ceci dit, cracher sur les têtes de département était un risque que tu prenais consciemment, puisqu’ils se connaissaient tous des bancs de l’école. Aussi, tu ne pouvais pas viser juste tout le temps…

Rodolphus contre-attaque d’ailleurs sur ton parfum. Tu écarquilles les yeux, tandis que les portes se referment, soufflé de l’impertinence de bas étage. Pas plus tard qu’hier, c’était l’une des secrétaires de la BPM même qui sifflait une remarque du genre pas tant à ton insu que ça. Bah, tout n’avait pas complètement changé, donc.
Parce que si le Mangemort se morfondait du manque de respect d’un service à un autre, il n’allait pas réussir à te faire croire qu’autrefois, c’était différent. Parce que chaque génération avait tiré dans les pattes de la suivante, ou cirer les pompes de la précédente. Tu avais fort à parier que lui-même avait été une fois ce sale gosse d’à peine trente balais qui léchait les bottes de tu ne sais quel grand ponte de la magie noire, tout en gravant à l’avance son nom sur la porte de son bureau. C’était ainsi que ça s’était toujours passé, votre génération n’avait rien inventé, pas même les coups de doloris dans le dos. Là aussi, il fallait l’être pour le reconnaître.
Ils étaient tant de sorciers, à se faire écraser par le rouleau-compresseur magique du régime, qu’il fallait au moins que les petits engrenages crachent les uns sur les autres de temps en temps, histoire de pas passer à la casserole à leur tour. Et les jeunots comme toi, plutôt deux fois qu’une ; à croire que tu t’étais amusé à collecter toutes les raisons pour les autres de vouloir te marcher dessus. En plus de ta petite gueule de fouine, tu leur exposais quotidiennement ton verbiage de charretier, tes manières de fille et tes canines trop longues.
Bah, ça valait mieux pour toi que tu saches où ils allaient viser, plutôt qu’ils aillent fouiller un peu trop loin sous les couches de crème de jour.

Tu venais tout juste d’appuyer sur le numéro de son étage que le poing de Rodolphus s’écrase sur le bouton d’arrêt. Tes yeux manquent de sortir de leurs orbites trop étroits et tu n’as pas le temps de faire un bond en arrière qu’il t’écrase contre la paroi de l’ascenseur, la baguette brandie sous ton nez. Ta respiration s’accélère jusqu’au rythme d’un vivant, ton regard va et vient entre son arme et son regard furibond. Le sang pulse jusque dans tes oreilles et tes joues, te rendant un peu plus humain. Heureusement pour toi qu’il est plus vif, et te relâche avant que tu ne siffles une connerie qui aurait pu être la dernière.
« T- très bien… » Tu restes un moment tendu contre le mur, reprenant tes esprits. Tu défroisses fébrilement ta chemise, sans le quitter des yeux, cherches à l’aveuglette à réappuyer sur le bouton stop pour le larguer le plus vite possible.
Bien sûr, tu avais eu un peu peur. Mais c’était surtout de la surprise, et peut-être même un brin d’excitation qui te paralysaient sur place. Tu venais de mettre le doigt dans une plaie pas si bien refermée que ça.

Tu appuies une première fois sur le bouton. Rien ne se produit, si ce n’est un grincement vain. Tu jettes un coup d’oeil sur le clavier, pour être certain d’avoir poussé le bon bouton. Répètes la manoeuvre, sans résultat. Tu te racles la gorge. « Je crois que vous l’avez cassé… » Quelques minutes auparavant, tu aurais prié Merlin et Morgane pour rester coincé dans un ascenseur avec lui, mais désormais, au vu du terrible et dangereux chagrin qui lui montait à la tronche lorsque tu semblais évoquer sa défunte épouse, tu aurais préféré aller à la pêche aux infos dans son dos…
Après avoir bafouillé quelques sortilèges pour remettre en marche le fourbi, tu soupires, et enclenches la communication avec le service de maintenance. « Eeeh… allô ? Oui, bonjour, voilà, on est genre… coincé dans l’ascenseur… » Tu lèves le nez pour récupérer quelques coordonnées que ce soit. « Euh, bah c’est l’ascenseur entre la Justice Magique et les Médias… Oui, c’était celui sur la gauche… … J’ai… J’ai appuyé trop fort sur l’arrêt d’urgence, oui. » Un coup d’oeil à Rodolphus comme on couvrirait la bêtise de son cadet.

Ce que tu avais omis de couvrir, en revanche, c’était la glyphe dans ton cou, penché vers l’avant que tu étais. Et tu ferais bien de prier Dracula et tous tes grands morts pour espérer que Rodolphus ne soit pas à la page sur ce qu’elle voulait signifier. « Oui, faites vite, merci. » Tu te redresses, haussant les sourcils et les épaules. « J’espère pour vous qu’ils seront plus efficaces que d’habitude… J’aurais dû dire qu’il y avait un patron avec moi… » Vous restez en silence un moment. Tu te balances légèrement d’avant en arrière, le nez en l’air. « Loin de moi l’idée de la remettre sur le tapis, mais vous devez piger que votre femme a quand même… marqué les esprits ; ça va être assez inévitable qu’on vous parle d’elle, à l’avenir. Et croyez-moi que des fois, ça viendra pas d’un petit bleu sur les doigts duquel vous pouvez taper impunément… »

Les huis clos c’était pas vraiment ta tasse de thé. Tu avais toujours été trop turbulent, trop instable pour tenir en place dans un endroit confiné sans rien dire. La dernière fois que tu t’étais retrouvé enfermé dans une pièce avec d’autres âmes, c’était le jour où vous aviez torturé les Longbottom jusqu’à l’ennui. Et puis il y avait eu Azkaban et de là était née une véritable phobie des espaces clos. Alors lorsque Bagshot t’annonce que tu as cassé le bouton de l’ascenseur, tu commences à sentir un léger vent de panique souffler. D’un air incrédule, tu le regardes prévenir l’assistance d’un ton penaud. Il va même jusqu’à se faire accuser à ta place, comme s’il craignait déjà que tu ne mettes finalement tes menaces à exécution s’il révélait la vérité aux techniciens du Ministère. Les bras croisés sur ta poitrine, tu te donnes du mal pour contenir ton énergie et mettre le plus de distance possible entre tes mains et ta baguette magique. « On n’est pas à Poudlard, Bagshot. Je doute fort que l’on se fasse réprimander pour avoir momentané cassé ce foutu ascenseur. Enfin bon, merci quand même, j’imagine que cela ferait tâche sur mon dossier, pour mon premier jour. » L’air à moitié renfrogné, tu ne te départis pour autant pas de ton sens de l’honneur et de la réputation, propre aux sangs-purs de ta trempe.

Alors que tes doigts commençaient à jouer avec les plis de ta chemise, comme pour s’occuper, ton partenaire de galère vint une nouvelle fois mettre tes nerfs à rude épreuve. Étrangement, la recommandation que tu lui avais adressée quelques instants plus tôt semblait être tombée dans l’oreille d’un sourd, ou bien d’un idiot, tu n’étais pas certain. A l’évocation de Bellatrix, ta mâchoire se contracte instantanément et tes mains se referment en un poing menaçant. Liés à l’exiguïté et à la proximité de Bagshot, tes souvenirs semblent plus douloureux encore. Ta respiration s’accélère à mesure que la température de ton corps parait augmenter. Tu viens enfouir ton visage dans tes mains avant de lâcher un juron. Puis, le regard perdu dans le vide, tes lèvres remuent faiblement. « Oui je sais, elle était la plus grande sorcière de tous les temps. Le meilleur des lieutenants du Lord. » Difficile de savoir si ces paroles s’adressaient plus à toi-même ou véritablement à Boris, que tu semblais ne plus apercevoir. « Je suppose qu’elle apprécierait que l’on parle encore de son travail en d’aussi bons termes, même dix ans plus tard. » Un mince sourire vint subitement donner un peu plus de sympathie à ton visage sévère. Tout à coup, Boris ne t’insuportait plus autant que quelques instants auparavant. Après tout, il avait bien témoigné une certaine admiration à l’égard de tes prouesses et de celles de Bella, non ? « Il arrive que je m’emporte un peu parfois, comme tu le dis si bien je suis un homme de terrain, pas franchement habitué à brosser les gens dans le sens du poil. Mais je vois bien que t’es pas qu’un simple bleu. Tu connais bien trop de gens et de petits secrets pour être nouveau ici. Cela fait combien de temps que tu bosses à la brigade ? » A mesure que la conversation s’éloignait du sujet sensible, ta respiration reprenait une allure normale. Puisqu’il n’y avait d’autres solutions que d’attendre, autant essayer de grappiller quelques informations au sujet de Bagshot, juste au cas où. Les bras toujours croisés sur ta poitrine, tu l’observes un court instant et un fameux détail attire ton attention pour la première fois. « Qu’est-ce que tu as sur la joue ? Tu t’es fait ça en mission ? »

Comme c’était parti pour durer, tu t’attèles à dénicher une pose adéquate -en équilibre entre celle d’un modèle en photoshoot, et celle d’un adolescent en pleine croissance. Tu ne fais pas partie de ces grands traumatisés d’Azkaban qui ne supportaient plus d’être en intérieur, allant même jusqu’à te cacher dans les casiers des vestiaires du Quidditch, à Poudlard, pour mater du jambon. « Vous chauffez pas, hein, j’ai pas fait ça par bonté d’âme. » Bon, en vrai, si, un peu, mais plutôt se faire mordre par un loup-garou que d’admettre que tu pouvais faire preuve de charité. « Si vous bossez ici, vous avez intérêt à faire gaffe à votre image ; parce que dès qu’on en a l’occas, on les cuisine, les têtes de département. Vous avez dû le remarquer. » Tu ne t’étales pas sur le sujet, pas pour l’instant, estimant qu’il n’était pas encore prêt à encaisser qu’à la sortie de cette petite visite, tu devenais le premier détenteur de sa réputation pour les semaines à venir, voire les mois, si tu faisais preuve d’un peu d’imagination.

Et c’est doublement pas le moment, du fait que Lestrange pique sa petite crise à propos de sa femme. Bien que ce soit fort déconcertant, tu l’observes avec une certaine perplexité, surtout quand il se met à chanter ses louanges. Ce que tu impliquais par « marquer les esprits », c’était que Bellatrix avait traumatisé toute une génération, et devait figurer dans le top 3 des épouvantards les plus fréquents, derrière les détraqueurs et les cours d’histoire de la magie… De fait, tu opines bêtement du chef, c’est pas comme s’il te remarquait encore, à ce stade.

Il se reprend, peu à peu, semble revenir parmi vous. Le sujet de sa défunte épouse a l’air si difficile à supporter qu’il en est même réduit à te donner la réplique, te complimentant ou en tout cas, noyant la sirène. Tu souffles du nez, amusé, bats l’air du dos de la main, comme pour chasser ces vains compliments. « Ça va être ma cinquième année à la Brigade » passant sous silence que de Handler, tu étais retombé à Hound.
Ceci dit, la situation se complique quand il te demande pourquoi tu avais un pansement sur la tronche. Là, tu fais moins le malin, et ainsi pris au dépourvu, ton sourire n’en est que plus resplendissant. Bah, en soit, à quelques précisions près, tu pouvais très bien lui raconter la vérité. « Oh non, rien de bien rocambolesque ! Ma collègue » et Handler « a, disons, fait tomber de l’ail sur mon visage ; à ceci près que j’y suis allergique… Résultat » Mouvement théâtral d’une grande actrice avec une tarentule sur la tronche afin de désigner la compresse. Quant au pourquoi du comment on pouvait « faire tomber » un sandwich sur la figure d’une grande perche de près de deux mètres… ça se passait de détails.  

Heureusement pour la véracité de ton récit, un bout du plafond se met soudain à gigoter, et disparaît. A la place, l’affreuse tête d’un elfe de maison, dont les yeux luisaient dans la pénombre du couloir d’ascenseur. Juste à temps. Tu as l’air beaucoup trop soulagé pour être honnête de le découvrir, trahissant entre autres l’attrait nutritif que représentait le sang d’elfe de maison pour les vampires. C’est qu’il commençait à faire soif, ici, puisque tu ne t’étais pas risqué à sortir ta flasque de sang sous le nez de Rodolphus. De fait, tu aurais pu aussi bien dire « Le dîner est servi ! » au lieu de « Ah bah la cavalerie arrive ! » non sans te départir d’une certaine ironie. L’elfe de maison fait quelques acrobaties douteuses avant de trébucher dans la cabine, s’excusant pour la gêne occasionnée. Tu hausses les épaules, un regard complice en coin à l’adresse du Mangemort.