1995
«
Bill. » Il est ailleurs tout à coup. Complètement ailleurs. Même la douce voix gagnée par l’impatience de sa mère n'est pas encore parvenue à l’arracher à sa léthargie. Et quelle léthargie. Bill est passagèrement de retour à Poudlard avec sa mère pour encourager Harry et assister de façon fugace au tournoi des quatre sorciers. Ça a quelque chose de doux, de retourner même passagèrement entre ces murs. Depuis qu’il a passé la porte du château, Bill se sent comme englué dans un passé qui lui semble foncièrement proche, tout à coup. Il lui semble qu’il lui suffirait presque de fermer les yeux pour redevenir l’étudiant qu’il a cessé d’être voilà déjà quelques années. Si la nostalgie est encore là, présente dans chaque pièce comme figée dans le temps, ce n'est pourtant pas ce sentiment qui viens de figer Bill, l’arrachant à tout et tout le monde. «
Bill ! » Jappe à nouveau sa mère, le soustrayant désagréablement à sa torpeur. Il darde sur elle le regard hagard de quelqu'un qu'on vient d'arracher brutalement au sommeil. «
What ? » Lâche-t'il en déployant des trésors de volonté pour revenir sur terre. Sa mère lui indique largement un coin de la pièce, coin où se tiens désormais Harry Potter. Trop occupé qu'il est à avoir son regard rivé sur quelqu'un d'autre, Bill ne l'a pas remarqué lorsqu'il est entré. «
Yes, yes, let's go see him. » Ils sont là pour ça après tout. Sur ce, il entreprend de traverser la pièce peuplée des proches des participants au tournoi. Il sent le regard de sa mère sur lui, mais elle ne l'interroge pas davantage, préférant une rencontre immédiate avec Harry à un interrogatoire à l'encontre de son aîné. En quelques poignées de pas, ils rejoignent le fils Potter. Après quelques baisers et accolades, la conversation s'engage, Molly prenant les devants, bombardant Harry de questions quant au déroulement du tournoi jusqu'alors. Elle est inquiète pour sa sécurité, tout comme elle le serait pour ses propres enfants ce qui n'en finit pas de faire sourire Bill. Il n'est pas vraiment avec sa mère et Harry néanmoins. Il les écoute malgré lui d'une oreille distraite, ne parvenant pas vraiment à se concentrer sur la conversation, pas alors que Fleur Delacour se trouve dans la même pièce que lui.
S'il est loin d'être vierge en matière de flirts, il ne se souviens pas s'être déjà vu confronté à une telle situation. Il en sent presque poindre un mal de crâne. Là est l'exact effet de l'élève de Beauxbâtons sur lui. Sa beauté incandescente lui file véritablement le tournis. Son regard a été instamment attiré sur elle dès qu'il a entraperçu l'éclat scintillant de sa chevelure d'un blond virant à l'argent. Et depuis, c'est comme si on lui avait mis un coup dans le ventre. Ses jambes lui intiment d'aller la rejoindre pour entamer une conversation qu'il devine déjà gênante, mais sa tête l'incite à plus de prudence. D'un autre côté, que risque-il vraiment ? La situation exige-t'elle véritablement de la prudence de sa part ? Sans doute pas. Il n'a pas là affaire à un dragon, juste à une
fille. Elle ne va pas le mordre, du moins pas s'il s'y prend convenablement. Il jette un coup d’œil par dessus son épaule, trouvant une cachette médiocre derrière le voile léger de sa tignasse rousse. Il la voit et elle le voit. Leurs regards se croisent au travers de la salle et au dessus de la tête d'une fille postée devant Fleur et que Bill devine être très certainement sa sœur cadette. Et il le sait en voyant un charmant sourire éclairer le visage de la française. Il sait que, bien que passablement sonné, il s'en est bien sorti.
08/1997
C'est le chaos. C'est le chaos dehors, c'est le chaos dedans. Bill grimace tout en emboîtant le pas à Charlie. Les deux frères se mettent en quête d'une pièce vide du Terrier et finissent par échouer dans la chambre qu'ils avaient l'habitude de partager lorsqu'ils vivaient encore là tous les deux. Une pièce ruisselante de souvenirs qui devrait, en principe, leur offrir au moins quelques minutes d'intimité. Bill ne met pas longtemps à s’asseoir sur son lit et c'est avec un mélange de fatigue et d'appréhension qu'il se prépare à une toute nouvelle tornade. Un silence s'installe finalement. Charlie le regarde et Bill fait de même et puis c'en est juste assez. Le premier né craque. «
Come on. Everyone scream here, so scream at me. » Il sourit, fait passer ça pour une vanne, même si ce n'est pas drôle. Charlie est furax et Bill ne le comprend que trop bien. Il le serait aussi, à sa place. N'importe qui dans cette maison le serait. C'est peut-être pour ça que tout le monde s'enflamme. Car tout le monde comprend, alors tout le monde s'insurge. Et les colères s'entrechoquent, s'entremêlent. Et le brasier n'en finit plus de s'amplifier. «
Yeah, I should scream at you. You lie to me too ! » Ils lui avaient tous menti. Et il avait bien été tenté d'y remédier, Bill. Il avait bien songé à extirper son frère de son monde d'ignorance. Il se serait fait crier dessus par leur mère pour ça, mais ça n'aurait pas été une première non plus. Non. Ce n'était pas ça qui l'avait retenu. Au final, il avait eut les mêmes motivations contestables que leur mère. Il avait voulu garder Charlie en sécurité car c'était Charlie, bon sang. Et le monde fracassé de Bill était plus beau s'il savait son frère heureux et en sécurité. Mais c'était une faute, une erreur, un leurre. Et Charlie a tous les droits de lui crier dessus à présent. Et il veut qu'il le fasse, Bill. Ça lui ferait presque du bien. Il acquiesce donc. Il ne fait pas mine de se défendre. «
I know. I'm sorry. » Il ne va pas crier lui aussi. Il se fait figure de calme, du moins pour l'instant. «
I was expecting the truth from you. That's what we do, you and me. We told each other the truth when it really matters. » Et il le fait culpabiliser. C'est de bonne guerre, Bill ne l'a pas volé. Il baisse la tête, docile, il essuie les reproches. Il ne s'excuse pas de nouveau cependant. C'est tout ce qu'il a de toute façon. Il ne peut que s'excuser. Et Charlie lui pardonnera, à lui comme à leur mère et à tous les autres. En famille, on hurle et puis on pardonne. Ça marche comme ça, ou du moins c'est le cas chez eux. «
If this was you, if she was lying to you, I would have told you the truth. » Cette fois, Bill hausse un sourcil. Il n'est pas sûr de le croire et il le lui laisse clairement entendre. «
Really ? Even if the price of truth was to drag me into a war? Would you let me risk my life if you could stop me by keeping me in the dark about what's going on? » Et le doute s'installe sur le visage contrarié de son frère. Bill déplore cette situation. S'il n'en est pas à sa première dispute l'opposant à Charlie, celle-ci a un goût plus amer encore. Il a l'impression que l'impact du mensonge est plus profond et ça le peine. Son frère a raison. Cela ne leur ressemble pas de se cacher des informations d'une importance primordiale. «
It still should have been my choice. She stole that from me. » Pour toute réponse, Bill hoche affirmativement la tête. «
I'm so angry at her. And the worst is I'm not truly surprised. That's sound very like her, she keeps treating us like children who can't defend theirselves. » Là encore, il ne peut pas le contrarier sur ce point. On fait difficilement plus protecteur que Molly Weasley. Une maman ours certifiée, résolue à protéger ses oursons de tout et tout le monde et ce peu importe leur âge. «
We won't change her anymore. And we have far worse problems than that. » C'est là même un titanesque euphémisme. «
So be angry at her. Be angry at all of us. That's okay. But don't stay angry too long. We can't afford to be divided. We have a war to win. » Et ils vont la gagner. Il le faut. Il le faut vraiment. La perspective inverse est trop effrayante pour seulement l'imaginer.
08/1997
«
Bill ! Get out, you're not supposed to see me in this dress! Bill ! You're gonna bring us misfortune ! » Ca le fait sourire. Ça le fait rire, même, au risque de s'exposer à quelques coups de la part de la future mariée. Tant pis. Qu'elle s'agace de lui, qu'elle s'énerve, tant qu'elle consent encore à l'épouser. C'est trop bon de rire et puis trop rare aussi. Et puis ça change de tous les cris. Ouais, il a besoin de rire et il a besoin de l'entendre rire, elle aussi. Tout va mieux pour lui lorsque Fleur rit. «
The world is already going bad, so whatever ! I take the risk. » Ça la fait grogner un peu, mais sa résistance s'arrête là.
Good. Now laugh. Il s'approche d'elle par derrière et viens l'entourer précautionneusement de ses bras. Elle se tient devant un miroir et il s'adonne invariablement à sa contemplation. «
You're beautiful. Very gorgeous. It doesn't even make sense to me that someone could looks like you. » Et ça fait la sourire. Un ravissant sourire qui la sublime davantage encore, en admettant que cela soit seulement possible. Y a rien de nouveau là pour elle. Elle se sait belle, bien sûr. On a toujours dut le lui dire. Mais quand ça viens de lui, ça semble encore différent. «
Thank you. » Il relâche son étreinte de sorte à lui laisser suffisamment de place pour qu'elle puisse se tourner et lui faire face. Il a tôt fait de voir son visage pivoter vers le sien qu'il lui dérobe un baiser. Il ne peut pas s'en empêcher. Il n'aime rien tant ou presque que de l'embrasser. «
You're very handsome too. » «
I know but thank you » lâche-t-il, moqueur, avant de frotter doucement son nez contre le sien. Ils restent ainsi un petit moment avant que Fleur ne se risque à reprendre la parole. «
It's a little weird isn't it ? » Il voit d'instinct où elle veut en venir mais il ne peut retenir une autre pointe d'humour. «
Me being very handsome, you mean ? Nah, not really. » A défaut de la faire rire, il obtiens d'elle qu'elle lève les yeux au ciel, les lèvres courbées en un joli sourire néanmoins ombré. «
I'm talking about the wedding. Doesn't it seem weird to you? To marry me now? I mean, there is a war inside and outside this house. » Il est vrai que le grabuge produit par le retour de Charlie continuait à sévir. La maison n'était que cris et répliques agacées ou mordantes. Mais ça allait se calmer. Si seulement les conflits extérieurs pouvaient être aussi aisés à résoudre que ceux survenus dans une famille... «
Of course, the situation isn't ideal. » Vraiment pas. En fait, les choses n'en finissaient plus d'empirer. «
But I think we own to ourselves to keep living and smiling and enjoying the best moments. And I want to marry you. I want to marry you more than anything. »
06/1998
C’est comme un mauvais rêve. Un rêve brutal, un rêve grotesque. La guerre qui le percute et qui lui coupe le souffle. Il n’a pas le temps de se réjouir de pouvoir étreindre sa sœur, sa sœur saine et sauve, que la tristesse l’assomme. Le soulagement se gomme, altéré par un goût de cendres qui lui tapisse à toute allure la gorge. Et soudain tout deviens noir. Le soleil s'éteins emportant toute chaleur, toute lumière. Il ne laisse plus que des ténèbres. Bill laisse Ginny filer dans les bras d'un autre Weasley et il a à peine le temps de faire mine de laisser retomber ses bras le long de son corps que Fleur se place devant lui, le visage défait. Leurs regards restent un moment arrimés l'un à l'autre. Il n'y a que de la tristesse dans leurs yeux. De la tristesse et de l'amour. L'un et l'autre. Et ce n'est pas assez, ça ne sera plus jamais assez.
My little brother's dead qu'il veut lui dire, comme pour s'en convaincre, mais il n'y arrive pas. Les mots se dissolvent avant de pouvoir franchir la barrière de ses lèvres. Peut-être qu'il ne veut pas le dire. Peut-être que ça rendrait tout ça trop réel. Et ça ne paraît pas réel. Ça n'a vraiment aucun sens. Fred, toujours si vif, si vivant. Fred ne peut pas être mort. C'est absurde, vraiment. «
I'm so sorry. » Et il la regarde et elle le regarde et ça deviens réel. Plus que tout le reste, plus encore qu'eux. Et ça lui brise de nouveau le cœur. Il n'a pas envie de craquer. Pas alors que tout le monde s'y emploie déjà autour de lui. Mais c'est plus fort que lui.
My little brother's dead.My little brother's dead.My little brother's dead.Ça tourne dans sa tête. Encore, encore et encore. C'est insupportable. Il grimace, ravale un sanglot qui brûle de sortir. Il se mordille la lèvre, vieux tic réchappé de l'enfance et il se sent qui tremble. Il est glacé. Glacé de l'intérieur. Il a l'impression que ça ne cessera jamais. Qu'il restera pour toujours ainsi, gelé. «
I'm so sorry. » Elle le répète encore, encore et encore et ça fait du bien. Ça ne lui rendra pas Fred, bien sûr, mais rien n'y fera. Son frère est parti voilà tout, parti là où personne ne peut plus l'atteindre. C'est un fait, un fait qu'il lui faudra digérer. Il n'a toujours pas les mots, Bill. Il a encore la bouche trop asséchée, le regard trop vitreux, l'air trop désemparé. Alors il se contente d'acquiescer, de nouer ses bras autour de Fleur et de l'attirer à lui. Et il la serre. Il la serre si fort qu'il se soucierait d'être en train de lui faire mal s'il n'avait pas déjà tellement mal lui-même. Elle le sent, elle le sait. Elle ne bronche pas. Elle noue ses bras autour de lui et elle le serre aussi. «
I'm sorry too. »
I'm sorry. Désolé de quoi ? Il n'en sait foutrement rien. Désolé de tout. De ne pas avoir pu sauver Fred, même si c'est aussi absurde que tout le reste.
I can't save everyone. I can't even save myself. Life sucks that much. Not being able to save the ones you love the most. That's the worst. Il ne peut rien faire. Il ne peut plus rien faire pour son frère. Alors il serre Fleur. Il enfoui son visage dans sa chevelure, puis viens le presser au creux de son cou. Il trouve le moyen de respirer, de vivre et de survivre.
00/00/0000
Il est de retour à Poudlard. Façon de parler. Son Poudlard à lui n'est plus, ruiné par le poids des dernières années. De l'autrefois majestueux château, lui ne perçoit plus qu'un nuage de cendres qui lui pique les yeux et lui emplit la gorge. Respirer se fait plus difficile à chaque nouvelle gorgée d'air viciée et Bill sent poindre un gros mal de crâne. Sa tête lui intime de faire demi-tour sans plus attendre mais ses pieds persistent à le conduire plus en avant dans les entrailles désolées du château. La douleur est croissante. Il a à peine balbutié une dizaine de pas qu'il brûle désormais de se laisser tomber au sol. Sa bouche demeure miraculeusement scellée alors même qu'il lui semble qu'un esprit malingre enfonce une multitude d'épines dans son crâne. Il jouit de la certitude inexplicable que la douleur cessera à l'instant où il quittera l'enceinte de Poudlard mais il ne peut pas se plier à cette tentation. Son corps ne lui appartiens plus, le condamnant encore et toujours à s'enfoncer dans des ténèbres tétanisants. Il ne saurait pas dire combien de distance il a parcouru quand ça devient trop. Trop dur, insoutenable même. D'une main tremblante, il tâte sa tignasse rousse qu'il imagine forcément poisseuse de sang. Il n'a pas le temps cependant de le vérifier. Ses jambes cessent soudain de le porter et il tombe rudement sur le sol. La douleur de la chute est amoindrie par un corps mou et froid et la surprise glaçante qui en découle donne à Bill l'énergie de se projeter en arrière pour se subtiliser à ce contact. Plus que la douleur qui continue à lui marteler la tête, il se sent submergé par un tel élan de peur qu'il est presque surpris de ne pas en tomber raide mort.
Alors même que sa tête lui hurle de se traîner loin du cadavre, il baisse tragiquement les yeux sur celui-ci. Un goût de bile s'invite sans attendre dans sa bouche. A la vue de la tignasse blond argent poissée de sang, sa première pensée va à Fleur. Oubliant tout dégoût et répugnance, il rue son corps endommagé vers l'enveloppe vide ayant autrefois contenu l'âme chatoyante de sa femme. Le corps agité de sanglots, il se penche vers le visage couleur de cendres et, à nouveau, un éclair de surprise le foudroie. En dépit de la chevelure similaire, il ne s'agit pas de Fleur. Il ne s'agit même pas d'une femme, d'une adulte. C'est le cadavre d'une enfant qu'il est en train de couver du regard. Une petite si semblable à Fleur que le doute de sa parenté n'est même pas admis. Une nuée de tâches de rousseur fleurissent sur le visage de la gamine. Bill ouvre la bouche pour aboyer un nom, pour appeler l'enfant, mais il n'en a pas le temps. Les ténèbres l'ensevelissent avant.Bill se redresse d'un bond, le corps enserré par des draps poissés de sueur. Son cœur bat à vive allure alors qu'il jette un regard effrayé sur l'obscurité ambiante. Quelques secondes douloureuses s'écoulent encore avant qu'il ne commence à distinguer les contours de la chambre à coucher. Il porte une main à sa nuque avant de risquer un coup d’œil de l'autre côté du lit. Par un miracle bienvenu, il n'a pas arraché Fleur au sommeil. Il s'adonne un moment à la contemplation qu'offre sa femme. Elle semble si paisible, ainsi endormie, que c'en est presque absurde. Fleur, assoupie et en sécurité, ou du moins autant qu'elle peut bien l'être. Comme souvent, Bill laisse échouer son regard sur son ventre. Il est encore plat, ne trahissant guère pour l'instant la présence de l'enfant.
Bill n'a jamais été particulièrement sujet aux cauchemars. Même en les temps les plus pénibles, il est toujours parvenu à jouir d'un sommeil réparateur. Il a l'habitude de trouver refuge dans son sommeil, d'y puiser une forme de paix. Il n'en va plus ainsi depuis que Fleur lui a appris qu'elle porte leur enfant. Il est désormais très rare qu'il puisse se venter au lever d'avoir passé une nuit complète sans se réveiller dans un état d'angoisse hallucinant. Naturellement, Fleur a été témoin d'une bonne partie de ses réveils. Bill ne manque jamais de culpabiliser pour cela.
She's pregnant with your baby. She needs to sleep. Mais il n'a pas de prise sur ses cauchemars. Il a bien songé à dormir dans une autre pièce pour préserver le sommeil de sa femme, mais il n'est pas parvenu à s'y résoudre. S'il passe des nuits aussi effroyables auprès de Fleur, il n'ose pas imaginer ce qu'il adviendra de son sommeil loin d'elle. Non, aussi égoïste que cela puisse lui paraître, ce n'est pas là un risque qu'il désire prendre. Ravagé par la tension et le dégoût que lui inspire son propre égoïsme, il repousse tout doucement les draps, désireux de ne pas réveiller sa belle mais ses efforts s'avèrent vains. Fleur se met à remuer et, quelques instants plus tard, sa main douce se referme sur la sienne, froide et perlée de sueur. «
Bill, everything's alright ? You made another nightmare ? » Il a jusqu'alors scrupuleusement évité de lui détailler le contenu exact de ses mauvais rêves. Outre le fait que c'est trop funeste et horrible à conter, Elle a déjà à composer avec ses propres angoisses. Il ne tiens pas en plus à y rajouter les siennes. «
Yes. » Qu'il lui répond simplement. Il porte leurs deux mains entrelacées à sa bouche et presse un baiser fiévreux sur leurs doigts entremêlés. «
Don't worry, I'm fine. Go back to sleep. » Il lit dans le regard ensommeillé de Fleur qu'elle n'est guère convaincue mais elle n'insiste pas non plus. Elle le connait suffisamment pour savoir que, sur des sujets pareil, il est plus raisonnable de le laisser venir vers elle. Il lui parlera du contenu de ses mauvais rêves quand il l'aura décidé. Bill se penche au dessus de Fleur et l'embrasse fugitivement sur la bouche avant de déposer un dernier baiser sur son ventre. «
Love you both. » Et ça lui fou un peu la trouille. Il y a quelque chose de tétanisant dans le fait d'aimer si fort en des temps pareils. Il a trop à perdre, Bill, voilà tout. Beaucoup, beaucoup trop. «
We love you too. » Bill se fend d'un sourire doux. Il se lève doucement et tâtonne un peu dans le noir en quête du pull qu'il a abandonné la veille. Finissant par mettre la main dessus, il l'enfile et rejoint l'entrée de la pièce. Il s'autorise bien un dernier coup d’œil en arrière, juste avant de passer la porte. Fleur s'est déjà assoupie de nouveau. Ses cheveux sont déployés sur l'édredon, comme ceux de la gamine sur le sol de Poudlard, dans son cauchemar. Le cœur serré soudain, Bill se détourne et referme doucement la porte derrière lui. A défaut d'être capable de prolonger encore un peu sa nuit, il n'a guère d'autres choix que de démarrer dès maintenant une nouvelle journée.