C’est pire encore. Le retour dans l’Ordre ne s’est pas passé de la meilleure façon, ou du moins pas avec la confiance qu’il espérait avoir, il avait presque l’impression d’être revenu en tant que traître au manoir et non pas comme un allié. C’est pire encore que lorsqu’il était parti, avant il avait au moins une certaine liberté, il pouvait partir comme bon lui semblait et recevoir des missions. Maintenant on ne lui dit plus rien - déjà qu’avant c’était minime mais là c’est limite si on croise son regard - et en plus de ça on lui colle des tours de garde. Enfin non, il a une personne attitrée, qui parfois switch avec les autres lorsqu’elle a besoin de repos, après tout elle est dans une condition délicate. C’est presque se foutre de la gueule de Seamus, d’ailleurs, que de lui refiler Fleur.
Fleur, elle est jolie. Certains disent que c’est son côté vélane mais Seamus est sûr que même sans ça, elle resterait jolie. Ca ne fait aucun doute. Et puis elle a ce léger accent quand elle parle, parfois elle lui glisse des mots en français et lui il se marre parce que, ouais, maintenant il connaît. Elle a une impression douce mais faut pas oublier qu’elle était championne de son école pour le Tournoi des Trois Sorciers, faut pas oublier qu’elle est dans l’Ordre et qu’elle est parfois terrifiante quand elle se met à gueuler. Même Seamus la ferme.
Fleur, elle est enceinte surtout. Et ça, c’est ce qui fait grincer des dents Seamus. C’est comme lui donner une raison de pas faire de la merde et c’est, surtout, penser qu’il pourrait en faire. Le pire, c’est que ça la met elle en danger. Donc s’il se passe un truc, c’est lui le fautif.

Et aujourd’hui il se passe quelque chose, aujourd’hui Seamus et Fleur ont mis les pieds dehors. Ce n’est pas pour une mission, non, juste pour une petite balade parce qu’il en a marre de tourner en rond comme un animal en cage et qu’elle a sans doute eu pitié de lui.
C’est encore pire que la première fois.
Et alors qu’ils s’enfoncent entre les arbres, leurs baguettes en main, Seamus ne peut s’empêcher de serrer ses dents, sa mâchoire, il n’en revient pas de devoir sortir accompagné de quelqu’un, qu’il se retrouve à être babysitter. Il n’a rien contre Fleur, il a juste une dent contre l’idée. Ce n’est pas un putain de traître pourtant. “Tu sais que c’est ridicule.” Il glisse finalement en se mordant le bout de la langue pour ne pas en dire plus, essayant de contenir ses mots et sa colère. “Je peux très bien me surveiller tout seul, hein, c’pas comme si j’allais foutre le feu à la forêt. Et puis merde, t’es enceinte, c’est vraiment l’idée la plus débile du monde.” Finalement, Seamus n’est pas si doué que ça pour se contenir.
Et, plus ils continuent de marcher, plus il déteste cette balade, plus il a envie de s’enfuir. En fait. Ca lui donne clairement pas l’envie de rester. C’est sûr que c’est une période d’essai mais merde, il est là pour défoncer la gueule au gouvernement, pas pour battre des cils et minauder et faire des couronnes de fleurs pour sa gardienne. Parce que oui, même elle, enceinte, elle peut faire des trucs. C’est abusé. “Qu’est ce que c’est co-” Mais il se tait.

Sous les arbres, plus loin, une silhouette vient d’apparaître. Pas par transplannage, non, juste comme ça, en se promenant, comme si l’Angleterre était devenu un parcours de santé. Seamus se fige un petit peu, si quelqu’un se permet de marcher comme ça dans le coin, c’est sûrement qu’il s’agit d’un sang pur ou quelqu’un de l’autorité. Dans tous les cas: pas un ami. “Ok,” souffle-t-il rapidement pour que Fleur l’entende. “Laisse-moi y aller, tu dois faire attention à toi.” Au cas où ils étaient tous aveugles dans cet Ordre: elle était enceinte, merde.
Le Finnigan s’approche alors, sa baguette pointée face à lui, sur la personne inconnue, et il fronce ses sourcils alors que le visage se dessine un petit peu. Ca lui dit quelque chose, cette tête là, il a l’impression de l’avoir déjà vu quelque part et, ne sachant pas vraiment où, il referme un peu ses doigts sur sa baguette. Ce n’est jamais bon signe. Il hésite, pendant quelques secondes, à faire exploser l’arbre à côté de la personne pour créer une diversion.
Et puis il percute, soudainement, alors que le visage devient plus présent dans son esprit. “Non mais je rêve.” Il marmonne en se redressant un peu et jette un coup d’oeil vers Fleur. “Tu sais qui c’est ?” L’abrutissement en France pendant un an aura servi à quelque chose: reconnaître les gens des ondes-réalitées. Les français moldus ont d’ailleurs un équivalent qui fait un peu grincer des dents, une émission où un vieux gars drague des meufs dans un manoir et leur offre des fleurs. Elle, il l’a déjà vu plusieurs fois, apparaître vaguement en fond, se faire brailler dessus par un type un peu dégueulasse, alors que deux pimbêches se baladent sur le devant. Des shows fort divertissants, en sommes. La seule question c’est: qu’est-ce-qu’elle fiche ici, en Angleterre ?

Seamus s'éclaircit la gorge, finalement, s’avance d’un pas en gardant sa baguette dans sa main, au cas où. “Excusez-moi ?” Il appelle finalement l’étrangère, son regard se posant rapidement sur le visage familier et il ne peut s’empêcher de hausser un sourcil. “Qu’est-ce-que vous faites ici ?” Parce que c’est quand même la question qu’il se pose le plus à ce stade, ça ne fait aucun doute.

Les feuilles mortes crissent sous mes chaussures tandis que j’avance dans la forêt. Besoin de m’aérer la tête, et depuis que les balais, c’est mort, j’ai tendance à aller prendre l’air dans les espaces verts. C’est pas évident de s’adapter à ce monde anglais, j’avais lu que c’était pas la grande joie, mais je ne m’attendais pas à avoir un goût aussi amer que ça, en croisant des nés-moldus qui récurraient les toilettes du Ministère de la Magie et avaient l’air heureux, presque soulagés qu’on leur ait donné le droit de faire ça. Heureux d’avoir survécu à la purge, peut-être. Un sale goût de bile au fond de la bouche, ça m’a mis. Besoin de prendre l’air. J’ai faussé compagnie à Jorge, qui a encore des formalités à la con à régler, et j’ai mis les voiles, en me fiant à un plan de la banlieue de Londres pour prendre un train moldu et arriver dans la nature. Rien que de voir tout ce vert, pas comme à St James’ Park, ça m’a fait un bien fou. Ça me fait penser que j’ai toujours pas envoyé de hibou aux parents pour leur dire que tout va bien. En même temps, ça va pas bien, j’ai fait une connerie en signant les papiers à la douane, et j’ai pas encore testé les limites de ma magie désormais bridée. Je redoute un peu de le découvrir à mes dépends, en fait, c’est bien ça le problème.

Et avec ça, à marcher sans regarder où j’allais, sans repérer de point reconnaissable, j’ai réussi à me paumer.
Bra-vo, Athena.
Juste ce qu’il me fallait.

« For fuck’s sake, show me the North ! » Que je tente, sans que ma baguette ne veuille bouger d’un centimètre dans la paume ouverte. Une fois, deux fois, trois fois. C’est quoi cette connerie ? Elle a pas aimé le voyage ou quoi ? C’est ça, les sortilèges pointe au nord, ça marche vraiment jamais dans ce coin. Ou bien la baguette pointe au nord depuis le début et je ne cesse de ne pas vouloir y croire ? Il aurait mieux valu que je lui demande de me diriger vers l’extérieur de la forêt, mais on dirait que j’ai envie de tester mon (non-)don d’orientation, dans un endroit que je ne connais pas, en prime. La mousse sur les troncs d’arbre, la solution que m’avait donné Papi Bell, eh ben c’est bien pourri, hein, pour information : c’est que les troncs d’arbre, ici, en lien avec l’humidité britannique qui n’est pas qu’une légende, vu les averses que je me suis déjà prises dessus depuis qu’on est arrivés, eh ben ils sont couverts de mousse de tous les côtés ! Brillante, l’idée, brillante. Allez, marche, toi, j’ai aucune idée de comment transplaner de façon sécurisée, je saurais pas où atterrir !

Toute occupée à essayer de trouver mon chemin, j’avance en fixant la baguette récalcitrante qui semble enfin s’être réveillée et daigner pointer vers le nord. Bon, déjà une bonne chose de faite, et voilà que je dois donc rebrousser chemin si je veux pouvoir revenir au point de départ.

Et forcément, c’est à ce moment-là que je me rends compte que je ne suis plus toute seule, sans être foutue de savoir depuis combien de temps on m’observait. Quelqu’un qui s’éclaircit la gorge dans mon dos, et finit par m’interpeller alors que je fais volte-face. “Excusez-moi ?” Voix jeune, type qui doit avoir vaguement mon âge. Je le dévisage, sa gueule me dit quelque chose mais j’ai pas trop le temps de le remettre qu’il m’interroge : “Qu’est-ce-que vous faites ici ?” Ça serait ça, que je pourrais dire que je me suis paumée. Mais la blonde à ses côtés a pas l’air aimable, d’autant plus qu’elle me pointe de sa baguette.

Eh ben c’est sympa l’Angleterre, putain.
Se faire agresser comme ça, gratuitement, dans les bois.
Je recommande pas du tout.

Levant les mains en l’air, brisant alors le sortilège qui devait me permettre de retrouver mon chemin, je scrute leurs visages l’un après l’autre. Ils ont l’air jeunes, et en même temps on dirait qu’ils ont déjà vécu milles vies… Et avant de réfléchir davantage, je reconnais la meuf, et mes yeux s’écarquillent sans doute sous la surprise.

Fleur Delacour !
La championne de Beauxbâtons !
Merde alors !

Les bras m’en retombent le long des côtes, alors que je dois avoir l’air complètement débile. En vrai, s’il faut avouer, de tous les Champions du Triwizard Tournament qu’on suivait d’Ilvermorny en rageant qu’on avait personne qui y participait (mais bon, on mettait sur la gueule de PhoBay, Ticasuk et Irazù pendant les Tournois américains), c’était clairement elle que je trouvais la plus classe et la plus attirante. J’avoue, oui, Fleur Delacour m’a permis de comprendre un peu plus ma sexualité. Alors la rencontrer en chair et en os, là, en plein milieu d’une forêt anglaise : le choc !

Et forcément, en second temps, je me rends compte de deux choses : qu’elle a un renflement au niveau du bide -je suis choquée qu’elle ait pu prendre du poids- et qu’elle fait partie, avec le gars à ses côtés, des tronches que j’ai pu voir placardées sur les murs des Douanes magiques, avec le texte en dessous qui indiquait que c’était des individus dangereux et des gens qu’il fallait arrêter si on le pouvait. Comme si j’étais en état de riposter contre deux personnes, là, les cons !

« Tirez pas, putain, tirez pas ! » Que j’éructe en relevant les bras, histoire de clamer mon innocence et ma potentielle envie de rentrer dans leurs rangs. Loin de comprendre le sens sous-jacent de la question du type, je le prends surtout au premier sens possible, quant à ma présence dans cette foutue forêt alors je bredouille une explication la plus logique possible ! « Je me baladais, j’ai réussi à me paumer ! » Et d’ajouter, la fibre journalistique qui vibre encore en moi malgré la tension du moment : « Je… Je… Ah merde. Je-je vous veux pas de mal ! Vous êtes bien Sean Finnigus et Fleur Delacour, non ? », hasardé-je en écorchant involontairement le nom du type que j’ai survolé rapidement en attendant que l’autre tocard des douanes britanniques gère mon dossier. « Qu’est-ce que vous foutez ici, sérieux, le Ministère vous cherche ?! » et dans ma voix, l’accent new yorkais qui ressort, et l’inquiétude qui s’entend.

Mais est-ce-que c’est bon déjà, dans son état, de lui courir après comme ça ? Seamus est quasiment sûr que non et que les grandes têtes pensantes de l’Ordre sont en train de se griller les neurones. C’est certain. Surtout qu’il s’enfonce encore plus dans la forêt, sa baguette en main au cas où, et il l’entend lui faire comprendre que l’ordre vient de Kingsley et que ça ne lui plaît pas non plus à la française de devoir s’occuper de lui. Il se retient de rouler des yeux, surtout quand elle dit qu’elle sait qu’elle est enceinte mais parfois il se demande si quelqu’un l’a réellement remarqué parce que mettre Fleur en babysitter c’est un peu du suicide. Mais la blonde ne semble pas du même avis et il l’entend s’emporter, un énième sourire s’arrachant sur ses lèvres lorsqu’il l’entend parler en français et il jette un coup d’oeil par-dessus son épaule. Il a toujours son sourire, celui à mi-chemin entre le petit con en puissant et du sourire attendri, et il observe Fleur une seconde pour voir si elle va bien. Parfois il se dit qu’il pourrait l’emmerder juste pour l’entendre jurer comme ça, elle le fait si facilement, c’est dingue.
Pourtant, la seconde d’après, Seamus est à nouveau en train d’observer le chemin face à lui alors qu’il s’enfonce dans la forêt et s’arrête en voyant une silhouette passer non loin d’eux. Fleur ne semble pas décidée à rester en retrait et, dans un soupir, il la regarde s’aventurer à ses côtés, leurs baguettes tendues face à eux. Finalement, le visage lui semble familier mais sans réellement pouvoir dire d’où, jusqu’à ce que l’éclair se fasse et Seamus entrouvre les lèvres sous la surprise. Et c’est sans doute son impulsivité qui se charge du reste mais il s’avance dans la direction de la jeune femme inconnue, entendant vaguement Fleur marmonner quelque chose derrière lui mais sans prendre le temps d’analyser plus que ça ses paroles.

Et bizarrement Seamus a l’impression que c’est l’arrivée de la française qui refroidit la jeune femme alors qu’il lui demandait ce qu’elle faisait ici. Le lion jette un coup d’oeil amusé vers sa partenaire et retourne ensuite son attention vers l’étrangère, sa baguette toujours pointée dans sa direction. Autant ne pas être fou en l’abaissant même s’il croit savoir d’où elle vient, cette femme. Femme qui se met à crier de ne pas tirer, ce qui est presque drôle parce que franchement l’idée ne lui était pas venue tout de suite mais maintenant Seamus refuse complet de baisser sa baguette.
Surtout, elle donne leurs noms et l’ancien Gryffondor a tendance à resserrer ses doigts sur sa baguette, pas vraiment sûr que ça soit une bonne chose, mais il ne peut s’empêcher de laisser passer dans un petit ton moqueur: “Non pas vraiment, t’en as un sur deux là mais bien essayé.” Il ne lui en veut pas de ne pas avoir retenue son prénom, sérieusement, mais du coup ça le fait bien rire qu’elle se soit planté comme ça. Par contre, le prénom de Fleur apparemment c’est plus facile à retenir. L’étrangère semble venir d’Amérique et les derniers doutes de Seamus semblent se volatiliser un petit peu, c’est bien, mais l’inquiétude dont elle fait preuve et tout le reste ça le laisse douter encore un petit peu.

“Je me demandais surtout ce que tu faisais ici, loin de l’Amérique ?” Seamus précise en se demandant s’il y a vraiment encore des étrangers qui se disent que l’Angleterre a l’air d’être un charmant pays pour passer des vacances dernièrement. Concernant sa présence dans les bois, c’est vrai qu’elle reste un peu indistincte encore, il avait juste fini par péter un câble dans le manoir et avait décidé de prendre l’air, de fil en aiguille il s’est retrouvé dans ces bois, avec Fleur sur ses talons quand elle s’est rendu compte que sa mission était en train de se faire la malle. “Envie de nous dénoncer au Ministère, uh?” Seamus lance finalement en se mordillant l’intérieur de la joue, sa baguette toujours pointée dans la direction de la jeune femme alors qu’il jette un coup d’oeil vers Fleur pour voir ce qu’elle en pense et s’éclaircit la gorge finalement, pour mettre sa coéquipière au courant. “Cette jeune femme est un peu connue dans le monde magique, pour ceux qui ont suivi les émissions télés sur lesquelles elle a travaillé, son nom c’est Barksdale, elle vient d’Amérique.” Pas besoin de soulever à quel point c’est étrange que la jeune femme se trouve ici aujourd’hui. “On en fait quoi ?” Il rajoute presque aussitôt, son regard revenant se poser sur elle et fronce légèrement ses sourcils, faisant comprendre à l’américaine qu’il fallait bien plus de détails que ça pour que Fleur et lui se décident à abaisser leurs baguettes ou à ne rien faire.