Talons qui claquent sur le sol. Grimace sur le visage quand elle passe observe la décoration de la pièce principale. Rien ne va dans ce… manoir. Si on pouvait appeler ça ainsi. Non c’était d’un mauvais goût qu’elle n'était même pas certaine qu’elle y laisserait vivre des hybrides. Enfin pour ça, faudrait déjà qu’elle les laisse vivre. Mais c’était une autre histoire. Ca faisait trop longtemps à son goût qu’elle était forcée de faire semblant avec l’autre Travers. Fallait faire genre, faire bien aussi, afin que ce pseudo mariage soit crédible aux yeux du tout puissant. Evidemment, elle ne parlait pas là d’un quelconque dieu, mais bien du Lord. Y’avait que lui qui comptait et si ça n’avait pas été pour lui faire plaisir, bien sûr qu’elle aurait mis le feu à cette baraque, avec son propriétaire à l’intérieur évidemment. Mais elle devait bien reconnaître que cette union avait un avantage pour elle, elle allait pouvoir l’étudier. C’était pas faute d’avoir proposé ses services de psychiatre à ses collègues du Ministère, qu’on aille pas lui dire que personne n’en avait besoin. Mais il fallait croire que ses pratiques la précédait et les on-dit avait circulé un peu trop facilement. Que des petites natures ici, c’était d’un déplaisant de ne pas pouvoir s’amuser. Alors que son regard fit une nouvelle fois le tour de la pièce principale dans laquelle elle venait de pénétrer, elle n’y allait pas par quatre chemins et fit tomber le premier vase qui passait sous sa main. « Que c’est dommage. » Ses talons claquaient jusqu’à un autre meuble où elle réitérait le même geste. Le pot, le vase, qu’est-ce qu’elle en savait se fracassait sur le sol et elle, Isaline, était à la limite de danser au milieu des débris tellement ça lui faisait du bien de faire ce qu’elle voulait sans craindre des conséquences. Elle ne perdit pas son sourire quand elle entendit un bruit dans l’entrée. Marlon était rentré, le cauchemar pouvait commencer. Elle détestait cette situation mais ce qui lui permettait de tenir le coup, c’était sans doute le fait que Marlon détestait sa présence autant qu’elle. Dieu qu’elle aimait lui pourrir la vie dès que l’occasion se présentait. Dieu qu’elle aimait tout faire pour lui gâcher l’existence. Elle n’aurait jamais cru ça possible un jour et pourtant, c’était bien en train d’arriver. Alors, pour aggraver un peu plus la dispute qui ne tarderait pas à venir, elle fit tomber un cadre qui se brisait sous le choc. « Oh, mais quelle maladroite je fais.  » La moue faussement désolée affichée sur le visage alors qu’elle se tournait vers l’entrée. Elle n’était pas crédible, elle avait juste avant d’éclater de rire.

Tu avais haï Isaline dès le premier jour, dès l’instant où tes yeux s’étaient posés sur son nom, qui trônait en haut de la liste rédigée par Rodolphus. Ton vieil ami, disposant du carnet d’adresse le plus fourni du pays, s’était lui-même donné pour mission de te trouver l’épouse idéale pour ce troisième mariage, impatiemment attendu par le Seigneur des Ténèbres en personne. Tu n’avais plus le droit à l’erreur, et le Lord te l’avait parfaitement fait comprendre. Il était grand temps de laver ton nom et de sauver ta réputation, après le fiasco de ton union avec une agent-double. Aussi avais-tu insisté pour que Rodolphus retire le nom de Vivian Flint de ta liste de prétendantes. Il te semblait particulièrement malvenu de proposer un mariage factice à la veuve de ton prédécesseur à la tête du département de la justice. Rapidement, le profil d’Isaline avait coché toutes les cases. Sorcière de sang-pur, employée au MuTex et mangemort, de surcroît. Quant à ses origines françaises, elles faisaient parfaitement écho aux tiennes (bien que tu prennes toujours un plaisir certain à les oublier au fin fond de ta mémoire). Oui, Isaline avait tout de l’épouse factice idéale. Parce que si le but de ce mariage était de tempérer la colère et les inquiétudes du Lord à ton égard, tu n’avais nullement l’intention de faire plus que de jouer la comédie. Plus qu’une épouse, c’était un alibi que tu cherchais, pour laisser croire au monde entier, que tu n’étais en rien encore lié à Freya Abbott, reine des traîtres.

Et c’est ainsi que tu t'étais retrouvé à vendre ton âme au diable en personne, pour sceller le pacte le plus périlleux qui soit. Personne ne faisait jamais rien sans contrepartie, et surtout pas Isaline de Latour. Et pourtant, tu avais accepté ses conditions, malgré tout ce que cela signifiait. Une fois de plus, tu avais sacrifié ta propre existence pour le bon vouloir de Lord Voldemort.

Isaline avait emménagé au manoir il y a de cela déjà plusieurs semaines. Tu avais tenté de repousser l’échéance le plus longtemps possible, mais sa volonté de venir te hanter avait fini par l’emporter. Qu’importe, tu t’absentais plus souvent encore que d’ordinaire, et passais le plus clair de tes journées enfermé dans ton bureau au Ministère. Tu évitais soigneusement d’en sortir car tu savais que si tu venais à t’aventurer dans le couloir, tu risquerais de croiser le chemin de ta future épouse une fois de plus que nécessaire. Il était grand temps que le MuTex reprenne possession de ses quartiers au niveau neuf… Pour ce qui était du manoir, tu avais assigné Isaline à l’aile ouest, afin qu’elle puisse établir ses quartiers loin des tiens. L’idée même qu’elle puisse occuper les mêmes pièces, que Freya avait jadis habitées, t’inspirait des relents d’une haine viscérale.

Ce soir, dès l’instant où tu passes la porte d’entrée, les premiers bruits de casse retentissent. C'est à peine si tu lèves les yeux au ciel. Tu as toujours eu horreur des bibelots, contrairement à tes elfes de maison, qui se font régulièrement une joie de les ressortir des cartons logés dans le grenier. Tu entres alors dans le salon, le visage dépourvu de toute émotion. Tu n’accordes pas la moindre importance au cadre qui gise désormais à même le sol. La seule peinture qui ait jamais compté à tes yeux était rigoureusement soumise à un sortilège de dissimulation, qui la protégeait d’absolument tous les regards en dehors du tien et de celui de l’autre personne dépeinte à sa surface. “Tu devrais songer à consulter un professionnel. Il n’est probablement pas normal d’être aussi maladroite. Tu souffres peut-être d’un trouble quelconque. Et il serait regrettable que tu fasses une mauvaise chute avant le mariage.” Comme toujours lorsque tu t’adresses à Isaline, le ton est sarcastique, mais ta voix est maîtrisée. Tu ne cries pas, tu ne lui hurles pas dessus. Tu te contente de l’accabler de menaces à peine voilées. “D’ailleurs ne dit-on pas que les futurs mariés sont censés vivre séparément avant la cérémonie ? Je crois que le contraire porte malheur.” Au vu de la façon dont s’étaient terminées tes unions précédentes, on ne pouvait décemment pas remettre cette hypothèse en question. “N’hésite pas à rentrer chez toi. Je ne te retiens pas.”

La bonne humeur dont elle faisait preuve n’était pas un bon signe. Quand elle souriait, Isaline pouvait être capable de beaucoup de choses qui ne feraient sans doute pas plaisir à la personne qui les subit. Il suffisait de regarder l’état de la pièce dans laquelle elle se trouvait pour comprendre qu’elle n’avait aucune limite si ce n’était elle-même. Cela en devenait effrayant et pourtant, cela l’amusait drôlement. Elle cassait les premiers trucs qui lui passait sous la main, feignant une maladresse inexistante pour justifier ses actes. Comme si elle avait besoin de justifier quoique ce soit, elle pouvait tout aussi bien dire qu’elle avait tout bonnement envie de rendre la vie impossible à son futur époux. Rien que de penser à ce terme lui donnait la nausée et pas parce qu’elle avait mangé un sushi pas très frais. La simple idée de devoir épouser cet homme pour l’aider à retrouver ses grâces l’écoeurait. Mais Isaline, elle était obéissante, elle faisait ce qu’il fallait, quand il fallait et elle savait aussi y trouver ses intérêts. Elle observait un instant Marlon qui venait de pénétrer dans la pièce où elle avait fait des ravages. Que ça lui plaise ou non, de toute manière, ce n’était pas elle qui rangerait, il fallait qu’il le réalise. « Ah oui ? Peut-être que je devrais programmer une séance de psychanalyse avec moi-même. Oh que ça doit être fascinant de s’analyser soi-même ! » Voilà qu’elle était presque excitée à cette idée et le regard brillant qu’elle posait sur Marlon prouvait bien qu’elle était capable de véritablement le faire. Elle apprendrait peut-être beaucoup de choses sur elle-même en faisant cela, il fallait juste qu’elle se retienne de ne pas aller trop dans les extrêmes, comme elle pouvait le faire avec certains patients.  Un gloussement s’échappait des lèvres d’Isaline quand Marlon vint à parler de leur future union. Au fond d’elle, elle se doutait bien que lui non plus n’était pas super enchanté à l’idée de s’unir avec elle, bien qu’elle lui rende un service. « Hum… je devrais sans doute me méfier, il est vrai. Tu n’as pas une super réputation en tant qu’époux. Impossible de savoir à l’avance quel drame va se produire. Mais j’aime bien jouer avec les probabilités et quelque chose me dit que je suis plus coriace que j’en ai l’air. » Ca personne n’en avait jamais douté. Sous ses ongles parfaitement manucurés et son allure toujours tirée à quatre épingles, Isaline avait le regard froid, aucun scrupules à réaliser les pires des méfaits  et une capacité surprenante à rester en vie même quand les chances ne sont pas de son côté. « Il est vrai que l’idée de rentrer chez moi est très tentante… » Elle laissait glisser un doigt sur un meuble, l’observant ensuite comme pour vérifier que la poussière avait bel et bien été faite. « Mais reconnais que la vie ici serait bien moins amusante si je n’étais pas là pour la pimenter quelque peu. »