(Hell #1) Everything happens in threes

Everything happens in threes

Février 2008, champ de courses | @Isshin Hoshino

Si le temps est étonnamment doux pour ce début de février, la météo n’en reste pas moins agréable : une petite brise légère, un ciel dégagé, et pas trop de soleil. Les conditions idéales pour une course d’hippogriffes Elle s’est installée dans les gradins, à une place depuis laquelle elle ne devrait pas manquer grand-chose de la course. Même les écrans, qui font des gros plans sur les animaux, sont en face d’elle. A son arrivée, elle s’est renseignée sur ses deux favoris du jour : Pumpkin Spice – qui se caractérise par quelques plumes aux teintes rousses, mais dont le nom ne reste pas moins ridicule – et Sunday Silence – qui semble avoir un égo surdimensionné, bien plus que les autres de son espèce. Si le premier est relativement nouveau dans les courses, le second lui, s’est déjà fait plusieurs fois remarquer. D’après ses estimations et les bruits de couloir, elle est plutôt confiante à ce sujet, elle devrait pouvoir gagner plusieurs mornilles.

Mais à quelques minutes du départ, tout ne semble pas se dérouler comme prévu. La scène qu’elle observe ne ressemble en rien au début des courses qu’elle a pu voir jusqu’à présent. Un homme en civil – comprenez qu’il ne porte pas la tenue habituelle des membres des équipes participants à la compétition. De son emplacement, il lui est impossible de saisir ce qu’il se passe à plusieurs centaines de mètres d’elle. Comme les autres spectateurs, elle ne peut qu’afficher une expression de surprise et émettre des hypothèses – silencieuses – sur les raisons de la présence du sorcier si près des hippogriffes alors que la course doit être lancée d’une minute à une autre.

Autour d’elle, les autres amateurs de courses finissent par s’agacer, ce genre de perturbation a de quoi foutre en l’air bien des paris. Qui sait l’impact que cela aura sur les animaux ! Après cinq bonnes minutes, un type qui ressemble davantage à un organisateur s’avance sur la pelouse centrale et lance un sonorus. “ Hm-hm. Un-deux-trois ? tout le monde m’entend ? – quand il en a la confirmation de la part d’un collaborateur, le sorcier reprend – Mesdames et messieurs, nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour la gêne occasionnée. Comme vous l’avez constaté, un incident s’est produit et nous pousse à vous faire patienter un peu. Pour rendre l’attente plus agréable, nous allons passer parmi vous pour vous offrir un rafraichissement. ” Sauf que Gahee ne reste pas pour recevoir sa boisson gratuite, le type qui s’est introduit sur la zone de départ est escorté par la sécurité hors du périmètre réservé. L’homme ne le sait pas encore, mais il vient de s’endetter auprès de la Jung, une situation que l’on ne souhaite à personne. Si elle n’est certes pas aussi impressionnante que certains membres de leur clan, elle tout à fait en mesure d’obtenir ce qu’elle veut.

Sans Ara à ses côtés, elle peine à retrouver la trace de l’endetté, celle-ci aurait pu le suivre de loin et lui indiquer ensuite sa position. Seulement ici, la chauve-souris aurait risqué de finir en goûter pour hippogriffe affamé, elle est donc bien plus en sécurité à l’appartement.

Finalement, elle l’aperçoit au niveau de l’accès aux écuries, auxquelles on semble pouvoir accéder avec une facilité déconcertante. Pas étonnant que l’autre ait pu rejoindre le champ de courses sans se faire attraper … “Eh !” C’est à peine s’il lui jette un regard. Il semble concentré sur autre chose. Quoi ? Impossible à dire. Une fois à sa hauteur, elle répète “Eh !” S’il croit s’en tirer en l’ignorant, c’est mal la connaître. Si elle l’a décidé, elle peut être extrêmement pénible. “Non, mais je rêve !” Elle s’offusque, alors que l’autre lui fait signe de faire moins de bruit. “T’as cru que tu pouvais t’en tirer comme ça ? Tu sais combien je vais perdre à cause de toi, là ?” La serveuse n’en a aucune idée bien sûr, puisque la course n’a pas encore eu lieu, mais elle peut se baser sur sa mise de départ et imaginer à combien aurait pu s’élever son gain.

T'as réussi un sacré coup aujourd'hui, mon p'tit Isshin. Personne n'aurait parié là dessus, c'est certain. Toi-même tu dois pas en revenir, là, en bas des gradins, la main serrée autour de la proie. Si on t'avais dis ce matin quand tu t'es levé... bon, ce midi quand tu t'es levé... bon, y'a 45 minutes quand tu t'es levé, que t'accomplirais quelque chose dans la journée, tu te serais recouché. J'veux dire par là, que t'y aurais jamais cru. Difficile d'y croire en même temps. Hmm. C'est vrai que finalement, ça s'est peut-être un peu trop bien passé. Ca doit cacher quelque chose, ça se passe jamais aussi bien. Même à la courte époque où t'essayais vraiment, où t'y mettais du tiens, où tu te concentrais avant l'intervention, réfléchissais durant, y'avait toujours un moment où la situation t'échappais. Et tu voudrais nous faire croire que aujourd'hui, avec ta tronche mal réveillée, avec ton look anachroniquement matinal, tu t'en sors mieux ? Tu commences à froncer les sourcils alors que la réalisation terrible traverse enfin ton esprit. T'es pas si doué. C'est pas ça la réalisation, ça tu le sais depuis longtemps. Rien dans la vie, n'est jamais si simple. Ca aussi tu l'as appris à peine ado. Non, tu réalises gravement que ce que tu tiens dans la main, c'est rien d'autre qu'un parapluie.

Probablement parmi les yōkai les plus inoffensifs. En tout cas les plus ridicules. Et même ça t'arrives pas à en gérer, t'es pas possible mon vieux. Du coup va falloir t'excuser envers la sorcière que t'as bousculé pour lui voler son parapluie, convaincu qu'il s'agissait d'un esprit centenaire malicieux. Ca va être gênant, tu effaces immédiatement l'idée de ton esprit, la vie c'est pas facile tous les jours, tant pis pour elle. Le vrai problème maintenant, c'est que faut tout recommencer. T'es sérieux, tu trouves ça fatiguant ? J'te rappelle qu'à part détrousser une pauvre femme, t'as encore rien foutu de ta journée.

Un kasa-obake a été détecté ici, ça ne fait aucun doute. C'était pas ce parapluie, ça en sera un autre. Toujours chiant les yōkai objets, en plus de devoir les combattre ou capturer, faut aussi les reconnaître. Et les gens prennent étonnement mal qu'on explose leur parapluie par inadvertance. Oh bah tiens, heureusement, le machin a fuit les foules. Alors que tu comptais remonter les gradins, et probablement acheter une boisson, t'aperçois ta cible. Qui tourne doucement au milieu des équidés (?), comme balloté par le vent. Rebondissant sur le manche qui lui sert de jambe. C'est le moment Isshin. Un kasa-obake, même toi tu devrais être capable d'en attraper un, faut saisir l'occasion, passer pour un type capable auprès du gouvernement. Avant qu'une de ces grosses bestioles ne l'écrase.

Tu cours au milieu de la piste, tu fais bien gaffe d'éviter les gros oiseaux (?) tout en essayant sans grand succès d'attraper l'ombrelle qui se débat. Oulala, de près ils sont menaçant ces chevaux (?) en fait. C'est ce qu'ont l'air de penser aussi les mecs de la sécurité qui finissent par intervenir. Tu perds pas des yeux le faux parapluie qui s'envole vers les écuries (ah des écuries, c'est bien des chevaux). Héhé, il est dans l'un des enclos, ça va être bon. “Eh !” T'as entendu quelque chose ? “Eh !” Tu l'entends, ouais. Tu la vois même. Tu crois vraiment que la technique des créatures magiques va fonctionner ? Que si tu l'ignore, elle va t'oublier ? “Non, mais je rêve !” Bon faut qu'elle se calme madame, elle va faire fuir l'esprit. “T’as cru que tu pouvais t’en tirer comme ça ? Tu sais combien je vais perdre à cause de toi, là ?” Alors que t'allais ajouter un "chhhh" au signe de la main universel que tu lui indiques, t'es décontenancé. Qu'est-ce qu'elle raconte. "Non ?" Tu peux pas t'empêcher de répondre, candide, tu sais vraiment pas. "Mais pourquoi j'vous réponds, vous voyez pas que je suis occupé ?! Avec du business important du gouvernement"

Bien vu ça, ces britanniques ils respectent tellement leur gouvernement, ça devrait l'éloigner de tes affaires. Par contre t'as été beaucoup trop bruyant, espèce d'idiot. L'esprit bondit de l'enclos et, avec une agilité étonnante pour un machin doté d'une unique jambe, file à toute vitesse. Histoire d'être certain de te débarrasser de l'enquiquineuse, tu lui ouvres ton premier parapluie inutile dessus avant de t'élancer à la poursuite du deuxième. "Désolé hein, envoyez vos plainte au ministère".

Everything happens in threes

Février 2008, champ de courses | @Isshin Hoshino

"Non ?" Le ton sur lequel il lui répond, lui rappelle étrangement la naïveté avec laquelle Man-Soo le fait parfois. A croire qu’il n’a pas compris où ils se trouvent, ni pourquoi les gens se déplacent ici, aujourd’hui. Là où le type met un terme à sa comparaison silencieuse, c’est lorsqu’il fait référence au ministère. Comme si c’était crédible !

Mais le pseudo-employé du ministère ne semble pas vouloir s’attarder. Il cherche même à se débarrasser d’elle. La surprise est telle qu’elle n’a pas le réflexe de faire un pas sur le côté, ni même en arrière, pour éviter le parapluie qu’il lui lance. Tout ce qu’elle parvient à faire, c’est se protéger vaguement le visage lorsqu’elle voit le parapluie se déplier.

"Désolé hein, envoyez vos plainte au ministère". “Le min- ?” Qu’est-ce qu’il raconte ? Ça ne fait aucun sens, mais l’inconnu ne lui laisse pas le temps de l’interroger sur ce qu’il se passe. Elle râle, dégage le parapluie d’un coup de pied énervé et s’élance à la poursuite du gars. Encore. “Reviens !” Le type a plusieurs foulées d’avance sur elle, de plus grandes jambes aussi. Son écharpe l’encombre, les petits coups de son sac sur sa hanche l’agace au moins autant qu’ils la gênent, elle a horreur de ça. Courir. Plus encore lorsqu’elle ne l’a pas décidé d’elle-même.

Eventuellement, elle finit par le rattraper – Ok, il s’est arrêté, ça a un peu joué, mais c’est un détail. “Jette lui un Accio, si tu le veux tant que ça. C’est pas compliqué, quand même !” Et comme pour démontrer toute la logique de son propos, elle tire sa baguette de l’intérieur de son manteau et jette le sort en direction de l’objet animé. Mais à sa grande surprise rien ne se produit. Elle retente une nouvelle fois, Accio umbrella. Mais toujours rien. Si elle peut reconnaître ne pas être une experte en sortilège, elle peut affirmer avec aplomb être encore en mesure de lancer un simple Accio. Ce parapluie n'est pas qu’un simple parapluie, c’est la seule explication logique. “Ok. Monsieur-Je-suis-du-ministère, qu’est-ce qu’il se passe ici ? Et – elle détourne son regard du parapluie qui continue à sautiller joyeusement à une distance raisonnable – ne t’avise pas de me dire que c’est un secret d’état, j’y crois pas.” Il n’y a aucune chance que le ministère se soucie d’un simple parapluie orangé. N’importe qui saurait le dire, cette excuse fumeuse ne tient pas la route. “Qu’est-ce qu’il a ce parapluie ?”

Et soudain, elle croit comprendre. L’autre lui confirmera ou non, mais elle se dit que son idée n’est finalement pas aussi farfelue que l’excuse qu’il lui a jetée un peu plus tôt. “Me dis pas que c’est un revenant ?! J’ai entendu dire qu’ils pouvaient posséder des objets, quand ils ne reviennent pas, il y a même eu un post sur la BCBC hier matin. ” Le sujet continue à faire briller ses yeux. Chaque fois qu’elle lit ou entend parler des revenants, ses pensées s’orientent vers son frère. Garam, pas Gaon. Elle a perdu le fil du nombre de fois où Garam est revenu hanté ses pensées, depuis qu’elle a appris que des morts avaient été en mesure de traverser le voile dans le sens inverse. Même après leur dernière conversation, dans lequel son nom était sorti, une part d’elle continue à espérer. Bien sûr, il n’y a rien à espérer de ça. Garam a disparu depuis trop longtemps, c’était un autre endroit, un autre continent. Une fois ou deux, elle avait même été tenté d’aller demander des informations directement au ministère. La simple pensée de sa grand-mère venant la récupérer, parce qu’elle aurait été trop loin, avait suffi à l’en dissuader. “Si je devais revenir, ça serait pas pour finir coincée dans un parapluie.”

Contenu sponsorisé