MoHMA | janvier 2008

Il y a des matins où ça commence à peine les yeux ouverts, où l'on n'arrive pas à retrouver ses pantoufles alors que le sol est froid, où l'on se rend compte qu'il y a plus de café ni de petit-déjeuner, que Diva a foutu le boxon en déchiquetant une des pantoufles disparues et que ce n'est que le début. Noris a passé environ une demi heure dans la salle de bain, à ouvrir grand ses yeux bleus pour en localiser une hypothétique lentille - il a mis la droite à l'œil gauche, a tenté de la retirer mais comme il s'est coupé les ongles hier, il n'a pas réussi à la chopper, ou peut-être que si il ne sait pas trop - tout ça pour finir en larme et le blanc des yeux écarlates. Les pleurs ont le mérite de rendre les orbites glissantes si bien que sous les jappements de Diva qui couine depuis trente minutes pour sortir, il arrive enfin à choper la lentille récalcitrante pliée dans un coin de son œil. Il la met sur la bonne iris, plaque la seconde dans son œil rougi (miracle, elle tient) et hop ! Balade du chien-chien. Balade étrangement floue, du style après avoir confondu la droite et la gauche, il a mélangé l'avant et l'arrière, pour toujours le même œil bien entendu. Retour dans la salle de bain à écarquiller les mirettes avant de se répandre en jurons parce qu'il est en retard sur son créneau de visite guidée. Il est même obligé de partir sans dire aurevoir à Diva, pour dire !

Quand il arrive au MoHMA, Noris porte ses lunettes. Pour avoir l'air intelligent (oui oui, pas parce qu'il a bousillé son capital d'humidité oculaire pour la journée) en plus d'être fashionably late. On le regarde d'un drôle d'air à la billetterie et il se sent obligé de raconter à l'hôtesse d'accueil que non, il n'a pas pleuré, c'est juste une conjonctivite, juré. Elle, elle le pense défoncé mais vu qu'elle l'a vu à la crystalTV il n'y a pas si longtemps, elle laisse couler pour un autographe qu'elle donnera à sa looseuse de petite sœur. Le groupe de la visite est déjà dans une des innombrables salles du MoHMA alors Noris presse le pas parce qu'il faut vraiment qu'il écoute les explications. C'est qu'il y connait rien en histoire, même contemporaine (il a compris que c'est vraiment flippant un peu en mode les méchants russes et les méchants nazis des films avec Stallone) et que pour son prochain job, on lui a expressément dit qu'il ne faut pas qu'il ait l'air trop crétin. En plus, il joue un mangemort (apparemment, c'est comme les nazis sauf qu'on lui a assuré que c'est le héros du feuilleton-documentaire alors il a acquiescé) donc il doit se renseigner. Son père - le vrai, enfin le faux, enfin pas son parrain qui est en réalité son géniteur - lui a toujours assuré que pour faire le taf, suffit d'être renseigné, le reste c'est de la gnognotte. Alors ça doit bien être une des premières fois de sa vie que Noris entre dans un musée (d'habitude, il regarde des films : il a vu La Momie par exemple, depuis il sait tout de l'Egypte antique).

Il frotte ses yeux irrités, voit un groupe qui quitte une salle au loin (il saurait pas dire ce qu'il y a dedans, il a le regard trop embué pour lire) alors - pas bête la mouette - il prend à droite parce que c'est un raccourci (et que comme il ne peut pas lire il ne voit même pas le "authorized personnel only"). La salle dans laquelle il atterrit est remplie d'objets retrouvés dans les décombres du 12 Square Grimmaurd que l'on a pas su nommer. L'atmosphère y est un peu bizarre, comme... gluante ? Noris ne sait pas trop mais il sent qu'il n'est pas trop le bienvenue (comme si les artefacts entreposés voulaient qu'il parte). Il presse le pas pour traverser l'endroit, sourcils froncés (normal), yeux regardant nerveusement les étagères et BAM ! Il rentre dans quelqu'un au moment où il va sortir de la pièce et, de suite, il se dit que le quelqu'un a l'air louche (il faut bien un coupable pour justifier l'atmosphère particulière). Noris le regarde bien de haut (enfin pas de si haut que ça, le mec aussi est grand) avant de tapoter un des innombrables écriteaux "authorized personnel only" (le premier que lui voit), style c'est pas lui le thug qui va dans les endroits interdits mais l'autre. "Le groupe de la visite est allé par ici m'sieur !" Une fois, il a joué un gardien de musée pour un épisode d'Elementary. il a été coupé au montage alors qu'il aurait eu cinq secondes de crystal mais il a pu voir Thema Shacklebolt de loin.

Ce n'est pas tous les jours que Finnegan Fawley s'autorise un jour de repos. Mais le Doyen a insisté, prétextant qu'il ne fallait pas trop tirer sur la corde, que même les meilleurs éléments ont besoin de se reposer de temps en temps et que de toutes les façons, on ne lui laissait pas le choix. Finnegan aurait bien profité de cette journée pour lire des articles scientifiques, écrire une lettre salée à Lesath (mais ils ont fait une trêve pour le bien de leur recherche commune) et boire du thé dans son bureau. Aziraphale n'a pas été de cet avis. — Tu vas te bousiller la santé. Tu es jeune mais tu te comportes déjà comme un grabataire, c'est d'un ennuie. Tu as le monde qui pourrait t'offrir plein de choses mais toi tu préfères le gâcher à rester dans ta maison. Je ne dis pas que ta compagnie n'est pas agréable, mais tout de même, que doit faire un chat ailé pour voir un peu de répit ? Quand il se mettait à parler ainsi, Finnegan savait que le couper aurait été une mauvaise idée. Mieux valait laisser à son colocataire le loisir de s'entendre monologuer. As-tu entendu parler du MoHMA ? Ils proposent des visites guidées. Tu devrais aller y jeter un coup d'oeil, tu apprendrais peut-être quelque chose de nouveau ? Avait-il ajouté, le regard malicieux de celui qui sait avoir fait mouche en mentionnant l'activité favorite du sorcier.

Après une bonne heure de réflexion - pour peser le contre d'abord puis pour laisser mariner son colocataire - le professeur avait fini par enfiler son long manteau, prendre sa sacoche dont il ne se séparait jamais et avait ensuite quitté l'île pour transplaner jusqu'à ce fameux musée dont il avait déjà entendu parler vaguement mais qu'il n'avait jamais visité.

A peine dix minutes après le début de la visite guidée et Finnegan regrette tous ses choix de vie, à commencer par le jour où il a décidé d'adopter Aziraphale. Il y a trop de monde, trop de bruits et la voix de la personne qui organise la visite lui vrille les tympans. en plus, il y a des enfants. Le problème quand on part faire des visites de Musée en pleine semaine. Et qu'on n'organisa pas tout minutieusement comme il l'aurait fait si son chat lui en avait laissé le choix. Finnegan fait donc ce qu'il fait de mieux - après la lecture et l'activation de ses cellules grises - et force son esprit à couper les différents sons qui l'agressent en se concentrant sur un tableau au hasard.

En quelques minutes, sa respiration devient calme à nouveau et la migraine qui menaçait de s'installer dans sa tête s'éteint doucement. Soulagement. Sauf que cette technique est si efficace que lorsque le brun relève les yeux vers son groupe c'est pour se rendre compte que celui-ci a disparu. Il voit un corps emprunter un chemin sur la droite et se décide à le suivre. Ce doit être le dernier du groupe. Il avance à grand pas, rate le panneau qui l'aurait dissuadé d'emprunter le chemin s'il l'avait vu (on n'enfreint pas les règles quand s'appelle Finnegan Fawley) et se cogne quelques secondes après contre le corps qu'il avait aperçu. Finnegan fait trois pas en arrière pour mettre de la distance entre cet inconnu et lui. Il déteste qu'on le touche. Et ses sourcils se haussent comiquement lorsque le sorcier - qui a l'air autant un visiteur que lui - lui indique qu'il n'a pas à se trouver ici. — Je vous ai suivi. N'êtes-vous pas avec le groupe de la visite guidée ? La journée ne fait qu'empirer. Voilà ce qui arrive quand on prend un jour de repos et qu'on suit les conseils d'un animal doué de paroles.

Et pour bien finir de lui gâcher sa journée et son temps, la porte se referme sur son nez alors que Finnegan tentait un demi-tour rapide. Les deux hommes sont plongés dans le noir avant que des chandelles de sécurité s'allument d'un vert glauque. Quelle est donc cette pièce et pourquoi souhaite-t-elle les garder enfermés ? — Cela m'apprendra, marmonne-t-il dans sa barbe. Le sorcier se retourne vers l'autre homme, à moitié convaincu que celui-ci est responsable de leur situation ce qu'il ne se retient pas de signifier à haute voix, d'un ton hautain. Vous avec touché à quelque chose ?

Noris dévisage le type, tente de prendre l'air impressionnant ce qui est difficile avec les yeux rouges et larmoyants (mais les gens ont le droit de faire des conjonctivites). Il remet d'un geste les lunettes qui ont glissé le long de son nez (+10 points en intelligence) et se râcle la gorge comme il a entendu les intellectuels le faire à la radio. Pas qu'il écoute les intellectuels ) la radio, juste qu'une fois avec sa maman, ils se sont trompés de fréquence et s'en était suivie une discussion très intéressante du style "c'est fou, ils ont l'air intelligents mais on pige vraiment rien". L'homme en face de Noris a tout à fait la tronche des gens de la radio alors il espère ne pas se faire griller trop vite avec son faux-rôle de guide de musée. "Non, pas tout à fait. Voyez c'est le premier jour de mon collègue du coup je surveillais de loin que tout se déroulait à merveille" dit-il avec la gueule d'une maman fière de son poulain. Certain que sa combine a marché car c'est un excellent acteur, Noris fait semblant de lorgner une étiquette avec attention - "oulaaa y a une erreur sur la date" - avant de se diriger vers la sortie derrière l'inconnu. Clac fait la porte, "aaaaah" fait Noris sous le coup de la surprise.

Il fait tout noir ou presque. Les halos verdâtres renvoient des ombres alambiquées sur les murs et Noris résiste à la tentation de chopper le bras de l'inconnu comme les sorcières effrayées des feuilletons clichés de la BCBC. "J'ai touché à rien" s'exclame-t-il alors que le ton de l'inconnu lui fout presque autant les jetons que d'être enfermé dans une pièce avec plein de reliques bizarres. Il a - évidemment - touché à tout (qui arrive à résister à une petite étiquette ne pas toucher d'abord ?) et le regrette horriblement. "C'est très certainement un courant d'air. Hier il m'est arrivé la même chose mais mes collègues sont vites venus me sauv... me chercher." Son rôle de composition le rassure carrément, il réajuste ses lunettes, cherche la sortie de secours mais tout semble bouclé et - en plus des chandelles - autre chose se met à briller. "Non non non" gémit Noris car il n'y a pas besoin d'un doctorat en breloques magiques poussiéreuses pour savoir que quand une statuette ouvre grand la gueule pour laisser entrevoir une énorme pierre rouge sang, c'est mauvais signe (surtout quand le sol se met à trembler en même temps). Elle représente un monstre particulièrement hideux et est froide au toucher (si on demande comment Noris le sait, il réclamera son avocat sur le champ). Le sorcier se jette sur la porte fermée et se met à tambouriner en hurlant des au-secours qui restent sans réponse. Il se souvient ensuite qu'il a une baguette e un sort pour ouvrir les serrures mais ça ne marche pas non plus et il jurerait entendre la statue rire de ses échecs (ou alors c'est l'inconnu qui rigole et ce serait franchement mesquin et irrespectueux envers personnel).