Cela ne faisait que quelques minutes qu’elle connaissait cet homme et pourtant, Jillian avait comme l’impression qu’ils pourraient se trouver plein de points communs tous les deux. Elle n’avait pas de doute qu’il soit plein de surprise ce cracmol, à vrai dire, elle en avait eu l’impression dès qu’elle l’avait rencontré, lorsqu’il avait sorti son arme. C’était pas vraiment comme ça qu’elle imaginait ses premières rencontres avec d’autres personnes. Alors, Mrs Norris se confiait enfin un peu à elle. Il parlait de Poudlard, qu’il y avait travaillé et aussitôt, elle réalisait qu’il avait sans doute connu sa sœur quand elle y était élève. Elle n’osait pas trop en parler, elle n’osait pas lui demander parce que ce serait révéler l’identité de sa sœur, ne sachant pas son nom au sein de l’Ordre. Mais par ses propos, elle arrivait à faire le lien dans cette histoire, le frère d’Amalthe, à Poudlard, ce devait être Albus Dumbledore, Amalthe étant Aberforth, son frère et lui, Mrs Norris, ce devait être le concierge dont sa soeur lui avait parlé dans ses lettres, Rusard. Elle grimaçait parce qu’elle n’en avait pas entendu que du bien de lui et pourtant, quand elle le voyait face à elle, qu’elle l’entendait, elle ne reconnaissait pas l’homme dont on lui avait dépeint le portrait. « Si tu apportes à manger, tu pourras venir autant que tu veux ici. Je donnerais cher pour des légumes frais.  » Voilà qu’il l’avait tenté avec ces légumes qu’il disait faire pousser au Théâtre. Elle ne savait pas très bien ce que ça pourrait donner mais elle ne pouvait pas dire non, si jamais un jour il venait vraiment à lui apporter quelque chose. « C’est pas évident mais j’ai de la chance, ils ne sont pas trop envahissant. » Non, pour ça, elle s’estimait heureuse, elle aurait pu tomber sur des personnes qui ne se gênaient pas pour envahir son espace ou pour lui prendre ses affaires. Mais les règles étaient assez bien respectées. Pour combien de temps, ça en revanche elle n’en avait pas la moindre idée. « Non, je ne l’ai pas retrouvé. J’ai remarqué que les gens n’aiment pas vraiment qu’on pose des questions, encore plus quand ça vient d’une inconnue. » Elle en bavait chaque jour, dès qu’elle osait poser des questions, on la regardait de travers, on l’agressait presque en retour pour lui faire comprendre qu’elle ferait mieux de se taire. C’était son lot quotidien. Mais elle n’était pas la moins bien lotis dans l’histoire, elle le comprenait quand elle entendait l’homme face à elle parler. Il n’avait personne, si ce n’était Amalthe. Et fit alors le lien entre son nom dans l’ordre et ce chat qu’il avait perdu.  « Mrs Norris c’était le nom de ton chat c’est ça ? Ma sœur m’en avait parlé. » Elle avait de vagues souvenirs en tout cas. « Tu penses qu’on va finir par sortir de tout ça un jour ? » Elle laissait finalement tomber, le regard dans le vide en se laissant tomber enfin sur une chaise avec son verre d’eau qu’elle n’avait pas touché à la main.

Plus la conversation suivait son cours, plus la gamine commençait à t’apprivoiser. T’aimais bien sa spontanéité et son franc parler. Et puis elle te donnait l’impression d’être bien élevée, contrairement à tous les autres garnements dont regorgeait l’Ordre, à commencer par la petite Alvarez. “Je compte sur toi pour m’envoyer des portoloins. Parce que si je ne suis pas missionné pour l’Ordre, il me sera difficile de venir ici sans passer des heures dans les embouteillages.” T’étais même pas certain qu’elle sache ce que cela voulait dire. Et de toute façon, tu étais bien trop vieux pour conduire une voiture. Mais c’était manière de parler. Jusqu’à présent, Jillian t’avait plus de raisons valables de lui apporter des légumes que l’ensemble de tes colocataires réunis. “T’as bien de la chance. T’imagines pas comment les gamins du théâtre me donnent des sueurs froides. Toujours en train de faire la fête jusqu’à pas d’heure. Impossible de dormir avant 23h !” Faut dire qu’à Hogwarts, tout comme à l’orphelinat, on t’avait habitué à un autre rythme. Oh bien sûr, il y avait toujours eu des petits malins pour enfreindre le règlement et te donner du fil à retordre. Mais tu étais plus jeune à l’époque. Désormais, tu trainais derrière toi bien plus de traumatismes qu’un vieillard de ton âge n’aurait dû avoir à porter. Malgré tes ronchonnements, tu n’aspirais plus à quoi que ce soit d’autre qu’au repos, et si possible aux côtés de cette vieille bourrique d’Aberforth. “Ouais les gens sont méfiants à l’Ordre. Mais dis-toi que la plupart du temps, c’est sûrement pas contre toi. Ceux qui sont là depuis longtemps, ils ont vécu des choses terribles.” Même si tu étais bien placé pour en parler, tu savais aussi que de nombreuses familles s’étaient retrouvées endeuillées d’un ou plusieurs enfants, et que tu n’étais certainement pas le plus à plaindre. T’avais jamais apprécié le moindre Weasley, et pourtant, les drames successifs qu’ils enduraient depuis toutes ces années t’attristaient profondément. “Mrs Norris. Oui, c’était mon chat. Ça me fait plaisir que ta sœur t’en ait parlé.” Cela ne faisait aucun doute que Mrs Norris était un félin très apprécié. Vous formiez un sacré duo tous les deux. Et aujourd’hui encore, dix ans après son départ brutal et inattendu, elle te manquait encore cruellement. “Elle s’appelle comment ta soeur ?” Peut-être que tu te souviendrais d’elle. Ou peut-être pas. L’essentiel était de passer à autre chose, de changer de conversation avant que ton cœur ne se serre un peu trop. “En tout cas, j’espère que tu la retrouveras vite.” Le ton de ta voix était quelque bourru, comme toujours, mais tes propos n’en demeuraient pas moins parfaitement sincères.

La sorcière affichait un sourire. Ce n’était pas toujours facile d’être sur la même longueur d’onde que les cracmols mais elle n’avait rien contre eux. Ce n’était pas de leur faute après tout s’ils étaient nés dépourvus de pouvoirs magiques. « Je veillerais à envoyer ça. Mais j’espère que personne n’ouvre tes colis, j’ai pas envie que n’importe qui débarque ici sans y être le bienvenue. » Elle ne savait même pas si elle serait autorisée à faire cela, par peur que ça tombe entre de mauvaises mains. On ne pouvait jamais savoir après tout. Jill gloussait, posait sa main devant ses lèvres pour ne pas faire penser qu’elle se moquait de lui. Ce n’était pas le cas mais elle aimait sa manière de parler et de juger que se coucher au-delà de vingt-trois heures, c’était un sacrilège. « Et le soucis du théâtre, j’imagine, c’est que ça résonne en plus de ça… » Elle se montrait sérieuse, elle essayait d’être compatissante mais elle était aussi amusée. par toute cette situation. Ca faisait du bien un peu de légèreté dans ce monde où elle avait l’impression que le rire n’était plus permis. « Je me doute que ça n’a rien à voir avec moi mais… c’est vrai que je ne suis pas habituée. Dans mon pays, tout le monde est toujours si pressé que personne n’a même le temps de se regarder. Je ne sais pas si je ne préfère pas cela. » De nouveau, le sourire laisse place à un soupir alors qu’elle se plonge dans les souvenirs des lettres qu’elles s’écrivaient avec sa soeur, du temps de leurs études. Jillian n’avait peut-être jamais mis les pieds à Poudlard mais au travers des mots de Moon, c’était tout comme et ça lui faisait du bien de rencontrer quelqu’un qui avait connu sa soeur, quand elle n’était qu’une adolescente. « Elle était étudiante à Poudlard et moi, à Ilvermorny. C’était difficile pour nous de ne pas être dans la même école mais on compensait l’absence de l’autre en s’envoyant des courriers régulièrement. » Les souvenirs, elle n’avait à l’heure actuelle plus que cela pour garder sa soeur à l’esprit. Jillian hésitait un instant avant de donner le nom de sa soeur. Est-ce qu’elle pouvait vraiment ? Mais après tout, pourquoi pas. S’il l’avait connu, peut-être qu’il pourrait l’aider. « Moon. » Elle lui souriait et finalement, elle se décidait à parler un peu plus. Parce qu’elle avait aussi besoin de paroles sages, pour avancer, pour continuer de vivre alors qu’elle ne savait pas si un jour, elle reverrait vraiment sa soeur. « Je peux te poser une question ? » Elle venait déjà de le faire, alors elle enchaînait sans attendre une quelconque autorisation. « Qu’est-ce qu’on va tous devenir si tout cela ne s’arrête pas ? Ou même si ça s’arrête. Comment on va faire pour redevenir qui nous étions et avancer ? » Si cela était réellement possible.