Elle avait pas non plus cent trente choses à faire la journée, quand elle était à Heisenberg. Alors la plupart du temps, elle répondrait à des commandes que d’autres planques pouvaient lui passer. Ça ne la dérangeait pas, c’était son boulot après tout, de faire des potions, de réaliser ce qu’on lui demande et si elle pouvait rendre service, elle en était d’autant plus satisfaite. Bien que ça la dérange encore quelque peu, elle avait fini par s’habituer au fait de vivre enfermée, sous terre, dans une ancienne station de métro. C’était clairement pas la vie dont elle avait rêvé quand elle était gamine, encore moins en grandissant mais elle avait dû faire des choix, il fallait qu’elle en accepte aujourd’hui les conséquences. Un soupir passait ses lèvres quand elle repensait à tout cela. Qu’est-ce que dirait ses parents s’il la voyait ainsi, à travailler entre quatre murs alors qu’elle aurait pu être dans un hôpital magique si elle était restée aux Etats-Unis. Mais là encore, elle avait fait un choix, elle ne le regrettait pas. Elle ressortirait grandi de toute cette histoire, elle le savait bien. C’était pas des épreuves que tout le monde pouvait supporter et elle, elle le faisait, parce qu’elle savait que ça en valait la peine. Elle l’espérait en tout cas, qu’elle ne regretterait pas dans quelques mois. Alors qu’elle était sur le point de terminer une nouvelle potion, elle entendit qu’on frappait à la porte. Ca n’était pas dans les habitudes, les gens ici entraient quand ils savaient comment faire. Tant pis, elle prendrait son temps. Un dernier ingrédient, elle brassait son chaudron avant de regarder la couleur du contenu. On l’interrompait de nouveau en frappant quelques coups ce qui la fit lever les yeux au ciel. « J’arrive ! » Elle haussait un peu le ton, de manière à se faire entendre de là où elle était. Ses gants à la poubelle, son tablier qu’elle déposait négligemment sur un tabouret sans oublier d’éteindre les feux. Elle fermait la porte derrière elle pour aller ouvrir. Devant elle, un homme qu'elle n'avait jamais vu, elle n'avait pas souvenir d’avoir une quelconque visite de prévu aujourd’hui. « Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? » Elle prenait le temps de le détailler de haut en bas, histoire de voir si y’avait pas un truc étrange à noter chez cet inconnu mais rien d’apparent pour le moment.

“Et comment je suis censé aller là-bas hein, à dos de poney ? Je serai pas revenu avant trois mois.” Le Théâtre était situé à des kilomètres de la planque où tu étais censé aller récupérer des potions pour tes camarades. Sans compter que tu n’avais pas le privilège de pouvoir transplaner à tout va. Néanmoins, pour calmer tes ardeurs, on te promit de mettre à ta disposition un portoloin qui t’emmènerait directement sur le seuil de la station de métro, dans laquelle était dissimulé le laboratoire. C’était tout de même un comble que l’on fasse travailler les personnes aussi âgées que toi. Dumbledore ne t’avait pas parlé de cette fameuse pratique de l’Ordre avant de t’embrigader à sa suite. N'avais-tu pas suffisamment servi ces saletés de gamins ingrats durant ta carrière à Poudlard ? Toujours à nettoyer et réparer derrière eux comme si c’était normal, comme si ton existence tout entière n’était vouée qu’à cela.

Tu ne savais plus très bien pour qui étaient les flacons que tu devais aller chercher. Etait-ce des potions tue-loup pour le petit Rupert (de son véritable nom Rubén) ou bien des poches de sang pour l’autre gamin du Théâtre ? Absolument aucune idée. On te l’avait pourtant précisé avant que tu partes, mais tu n’avais pas jugé l’information digne d’être retenue. Tout comme on t’avait expliqué que tes colocataires étaient tous des cracmols et non des hybrides. Mais évidemment, cette information était entrée dans une oreille avant de ressortir par l’autre. L’essentiel étant que tu te souviennes que Blue était le nom du sorcier qui devait te remettre le colis une fois arrivé à la planque Heisenberg.

Saleté de portoloin. Tu détestais la sensation de vertige qui te retournait l’estomac avant de te recracher titubant sur la voie publique. Ou dans le cas présent, dans les sous-sols londoniens. L'atmosphère était humide et poisseuse. Tu te souvenais du projet de construction inachevé de cette station de métro. On en avait beaucoup parlé dans les médias moldus à l’époque. Beaucoup d’encre versé pour rien. T’aurais jamais imaginé que l’Ordre vienne se terrer en plein centre de la capitale. Et pourtant, tu devais bien avouer que la localisation de la planque était plutôt pas mal. T’imaginais pas un seul instant les petits mangemorts au nez précieux s’aventurer dans les tunnels puants.

Grimpant quelques petites marches, tu arrives finalement devant ce qui te semblait être la porte d’entrée de la planque. Alors sans plus attendre, tu frappas de deux coups secs. Rien ne se produisit. T’avait-on expliqué comment entrer à l’intérieur ? Hm faut dire que tu savais plus trop. C’était probable. Possible aussi que t’ait pas écouté. Alors tu frappes une nouvelle fois. Plus fort, plus longtemps. Et finalement, tu entends quelqu’un crier. “C’est pas trop tôt.” maugrées-tu en entendant la porte s’ouvrir. Mais alors que tu commences à entrevoir un visage dans l'entrebâillement, tu commences à paniquer. Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne colle pas avec le plan initial. On t’avait dit que Blue était ton contact, que Blue était un sorcier et non une sorcière… Hors c’était bel et bien une sorcière qui venait d’ouvrir la porte. Et ce n’était pas normal. Alors ni une ni deux, tu dégaines sans plus attendre le pistolet qu’Esteban t’avait confié après votre entraînement. Tu ne savais pas vraiment t’en servir comme un professionnel, mais cela ne t’empêcha pas de pointer le canon sur la personne qui te faisait face. On savait jamais sur qui on pouvait tomber. T’aimais pas trop qu’on te prenne pour un imbécile. “Je viens voir Blue. Et toi t’es qui ? Tu travailles pour le gouvernement ?”

Coupée dans son élan, elle grimace à l’idée de devoir ouvrir la porte à un ou une inconnu. Ce n’est pas qu’elle n’aime pas faire des rencontres, juste qu’elle préfère les limiter, ne sachant jamais en qui elle peut avoir confiance. Mais après tout, qu’est-ce qu’il y a de mal à aller voir. Quand elle ouvre, elle trouve un homme d’un certain âge, qui n’a pas l’air de plus joyeux dans sa vie. Ca aussi ça la fait grimacer. Personne n’a une vie parfaite en cette période mais ça ne devrait pas empêcher de sourire un minimum. Histoire de se montrer au moins poli. Mais avant qu’elle n’ait eu de le temps de dire quoique ce soit, y’a l’homme qui sort une arme pour la pointer sur elle et instinctivement, elle recule d’un pas. Y’a pas besoin d’avoir fait de grandes études pour voir qu’elle est pas taillée pour l’affronter sans sa baguette, baguette qu’elle a laissé dans son labo. « Oh, on se calme. » C’est pas comme si elle savait pas comment se passait ce genre de situation, fallait qu’elle soit plus maligne, ça serait pas facile parce qu’elle avait peur. Qui n’aurait pas peur dans une telle situation en même. « Blue, c’est moi, ok ? » C’était pas un secret en même temps, pour l’Ordre, elle était Blue et c’était très bien ainsi. Mais elle comprenait que ça puisse porter à confusion, peut-être avait-il imaginé trouver quelqu’un d’autre pour lui ouvrir la porte. « Aller, range ton arme, tu vas te faire mal. » D’un geste, elle lui montrait que de toute manière, elle n’avait pas sa baguette sur elle. Il l’avait tutoyé, elle ne voyait pas de raison de ne pas en faire de même en retour. Ca instaurait une certaine proximité et elle espérait que ça suffirait à ce qu’il se calme. « Et pourquoi je travaillerais pour le gouvernement alors que je viens d’ouvrir la porte d’une planque, hein ? C’est pas très logique ce dont tu m’accuses. » L’agacer et se le mettre à dos, c’était peut-être pas la meilleure des stratégie pour qu’il se calme, sachant qu’il a toujours une arme pointée sur elle mais ce fut bien tout ce qu’elle trouvait à dire, la nervosité grandissante en elle. « Tu veux pas qu’on entre en discuter à l’intérieur ? » Elle s’écartait quelque peu de la porte pour l’inviter à entrer. Au moins si quelque chose devait arriver, pas de risque qu’il y ait des témoins. Même si à part les rats, y’avait pas grand monde dans le coin.

Tu es ravi de constater que le coup du flingue fait aussi son effet dans la vraie vie, et pas que dans les films moldus. Et vu la réaction de la petite qui t’ouvre la porte, tu dois sûrement tenir l’arme comme il faut. Du moins suffisamment pour l'impressionner. Si seulement tu avais eu un pistolet en ta possession lorsque les Carrow ont pris Hogwarts d’assaut…  « Blue, c’est moi, ok ? » Tu hausses un sourcil d’un air circonspect. Etais-tu véritablement certain que l’on t’ait dit que Blue était un homme ? Ou avais-tu simplement tiré cette hypothèse pour une raison quelconque ? Plus t’y repenses, moins t’étais sûr de toi. Mais pas question de reconnaître tes torts éventuels. “Et qu’est-ce qui me le prouve ?” Tu répliques sur le ton de la provocation, tout en tenant Blue toujours en joug. « Aller, range ton arme, tu vas te faire mal. »  Bon, la gamine avait pas tout à fait tort. Jusqu’ici, tu t’étais pas beaucoup entraîné au maniement des armes à feu, et le fait qu’on t’en ait prêté une était tout à fait questionnable. Et comme la jeune femme marque un petit point en précisant que c’était elle qui t’avait ouvert la porte de la planque, tu finis par baisser ton arme et ramener le bras le long de ton corps. “C’est ce que n’importe quel membre du gouvernement aurait dit.” On avait déjà mentionné que t’étais pas du genre à reconnaître tes torts ? Tu préfères encore te cacher derrière tes airs rabougris et tes manières de troll des cavernes. “Tu m’invites à entrer sans même demander mon nom de code ? Qu’est-ce qui va pas chez toi, petite ?” Pour le coup, c’est toi qui aurais pu être du gouvernement et vouloir attaquer la planque. Non ? Bah quoi, pourquoi cela semble-t-il être une idée risible ? Parce que tu étais un vieillard visiblement dénué de pouvoir magique ? Ouais enfin mieux valait se méfier des apparences, t’étais clairement plus coriace que tu ne le laissais paraître. Demandez à Dumbledore si t’étais pas coriace, tiens !

C’est pas que tu commençais à fatiguer mais tu avais bien envie de t’asseoir, histoire de reposer tes jambes après cet atterrissage quelque peu aventureux. Alors, le visage toujours flanqué de ton air patibulaire, tu avances vers la porte et te frayes un chemin à l’intérieur. “Comme tu voudras.” Tu tenais encore ton arme à la main, sait-on jamais. Tu leur faisais pas confiance à ces fichus sorciers de malheur. “T’es pas un peu jeune pour gérer ce genre de planque ?” Quand on était âgé de cent ans, l'entièreté de la population vous paraissait trop jeune pour quoi que ce soit.

Dans cette situation, y’avait clairement rien qui n’allait mais elle n’était pas en position de lutter pour le moment, falllait qu’elle réfléchisse au mieux si elle ne voulait pas finir cribler de balle. Elle levait les yeux au ciel, parce qu’évidemment, il ne la croyait pas quand elle disait que Blue, c’était elle, ça aurait été bien trop facile dans le cas contraire. « Y’a que ma parole, va falloir faire un peu confiance. » Ne pas le provoquer, c’était difficile parce qu’elle avait l’impression que quoiqu’elle dirait ça ne le réjouirait pas et ça l’agacerait. Tout ce qu’elle voulait elle, c’était qu’il range son arme, il serait dommage qu’il se blesse avec, ou qu’il la blesse au passage. Il marque un point en revanche, elle est pas vraiment prudente à l’inviter de la sorte à entrer. « Premièrement c’est toi qui a l’arme et deuxièmement, je doute que tu sois vraiment un “méchant”. J’aurais bien tout entendu si on me disait que le gouvernement utilise des méthodes de moldus.  » Ca la faisait rire cette pensée alors qu’elle imaginait maintenant un mangemort avec une arme à feu entre les mains sans trop savoir à quoi ça servait. Fallait bien rire et se réjouir dès qu’on le pouvait après tout. Elle s’écartait un peu plus de la porte, le laissant entrer s’il le décidait alors qu’elle rejoignait la pièce principale de la planque. « C’est pas moi qui gère la planque, j’en suis que résidente et potionniste. » Elle fit une pause, se servant un verre d’eau au passage. « T’en veux ? T’inquiète pas, y’a pas de poison dedans si jamais tu te demandais. » Lui l’avait peut-être menacé mais en retour, elle n’avait rien contre lui, ça ne servait à rien de s’en prendre à cet individu qui visiblement, n’était pas sorcier. « Bon alors, pour réparer mon erreur, c’est quoi ton petit nom de code ? » Les noms de code c’était la monnaie courante au sein de l’Ordre du Phénix, c’était rare d’utiliser sa vraie identité, par souci de discrétion. Et en cas d’interrogatoire, pas possible de dénoncer un copain si on ne savait pas qui il était réellement. « Vu que tu as une arme moldu, je dois supposer que t’es pas un sorcier ? Le Théâtre ? » C’était là-bas qu’on mettait les cracmols, s’il était de l’Ordre, elle ne pouvait qu’en déduire que c’était sa planque et tout devenait alors plus clair. Elle avait reçu une demande de potions de leur part.

« Y’a que ma parole, va falloir faire un peu confiance. » Tu lui accordes un simple grognement en guise de réponse. Tu n’accordais pas ta confiance aisément, et ce, encore moins à des sorciers. Pas après tout ce que tu avais subi par leur faute. Mais la gamine te tient tête sans se départir d’une once de politesse. Et ça, ça te plait plutôt bien. “Je suis pas un moldu. Et tu ferais mieux de te méfier des méthodes du gouvernement.” Tu avais vu les Carrow à l'œuvre, ils t’avaient pris Mrs Norris de la plus terrible des façons. Tu savais parfaitement de quoi ce genre de sorciers étaient capables. Tu te disais que la petite avait pas dû côtoyer beaucoup de mangemorts jusqu’à présent, où alors était-elle peut-être du genre à pas vouloir imaginer le pire dans chaque situation.

Sans rechigner plus longtemps, tu la suis à l’intérieur de la planque. Tu tires la première chaise que tu vois vers toi et n’attends pas la moindre invitation avant de t’asseoir. “Bon, si t’es vraiment potionniste, alors ça va. Je venais justement chercher une commande." C’était même ta toute première mission pour le compte de l’Ordre. Tu savais bien qu’on te faisait pas confiance et qu’on n’arrivait pas à te dissocier des souvenirs que t’avais laissé aux gosses de Poudlard. Alors cette mission constituait sûrement une sorte de test, ou de rite de passage. C’était pas le moment de se rater, sinon Abe aurait encore du mal à rattraper le coup. Déjà que cela n’avait pas été facile de leur faire accepter ton entrée dans la résistance. Alors que Blue te propose un verre, tu plisses les yeux et observes le contenu de la carafe. “De l’eau ? Non, ça ira. T’aurais pas des gâteaux plutôt ?" Faut dire que les voyages en portoloin ça creuse. Et puis les petits gâteaux se marient toujours très bien au firewhisky que tu transportes dans ta flasque métallique. “Moi c’est Mr Norris. Je suis un vieil ami d’Amalthe.” T’en avais mis du temps à accepter le nom de code d’Aberforth. Tu comprenais pas pourquoi il avait choisi le sobriquet de l’une de ses chèvres. Par contre, il était parfaitement normal que toi tu aies choisi quelque chose en rapport avec ton défunt animal… T’aimais bien mentionner les liens qui t’unissait à Dumbledore, du moins votre prétendue amitié. En tant que cracmol, t’avais pas grand chose d’autre à brandir en étendard pour briller en société. Et tu savais parfaitement qu’ici comme ailleurs, le nom de Dumbledore inspirait toujours une certaine forme de respect. “Cracmol. Ouais j’ai atterri au Théâtre, il y a quelques mois.” Lorsque ton ancien amant avait croisé ta route par le plus grand des hasards. Mais ça, c’était une autre histoire. L’une de celles que tu ne contais jamais. “Et toi, qu’est-ce qui t’amène au Royaume-Uni ? Ne me dis pas que t’as traversé l’Atlantique pour prendre part à la guerre.” Impossible de ne pas remarquer l’accent qui teintait les paroles de la jeune femme, et éveillait par la même occasion ta curiosité.

La tension était un peu moins palpable entre les deux individus, une chance pour Jillian car elle avait bien compris que si elle faisait craquer une allumette au milieu de ce beau bordel, y’a tout qui viendrait à s’enflammer. Et détruire la planque dans laquelle elle se sentait enfin bien, c’était pas vraiment dans son programme. Elle haussait les épaules à l’évocation des méthodes du gouvernement. Depuis qu’elle était arrivée, elle avait jamais eu affaire à eux et elle ne pouvait qu’espérer que les choses continuent de la sorte. Mais elle avait entendu des choses, de nombreuses choses qui lui avaient fait froid dans le dos et elle préférait continuer d’ignorer tout ceci plutôt que de l’affronter. Elle affichait un sourire, soulagée qu’il veuille bien croire qu’elle était potionniste, d’où sa présence à Heisenberg. C’était un premier pas dans tout ce bourbier qui finirait peut-être par trouver une solution simple, sans qu’ils ne s’entretuent. Elle propose de l’eau, il préfère des gâteaux. Évidemment, y’avait fallu qu’elle tombe sur un pénible et elle roulait des yeux au ciel avant de se diriger vers un placard où il doit bien y avoir un ou deux trucs de comestibles. Elle prend le premier paquet qui lui passe sous la main et le fait glisser sur la table pour qu’il arrive jusqu’à lui. Après tout, il s’est installé sans rien demander avant alors pourquoi faire dans la politesse. « Amalthe. Je vois. Je peux donc te faire confiance. » Il avait les bonnes références en tout cas pour qu’elle ait confiance et elle espérait qu’il ne lui ferait pas regretter cette décision, il n’avait plutôt pas intérêt, même si elle n’avait toujours pas récupéré sa baguette. « C’est comment le théâtre ? C’est l’une des rares planque par laquelle je ne suis pas passée. » Elle en avait fait plusieurs avant de trouver la bonne à son arrivée au Royaume-Uni mais il n’avait jamais été question de l’envoyer au Théâtre, elle n’y avait pas sa place en tant que sang-pur. « Mes origines sont donc aussi évidentes ? » Elle rigolait de ça mais ça ne la surprenait pas vraiment, l’accent américain qu’elle avait était fortement prononcé, elle ne pouvait pas réellement le cacher. « Je cherche à retrouver quelqu’un, c’est pour ça que je suis venue ici. C’était peut-être pas bien malin, je l’accorde mais à situation désespérée, mesure désespérée. » C’était aussi la seule chose à laquelle elle avait pensé en premier, la seule chose qui lui paraisse logique à faire, pour aider sa soeur, pour la retrouver avant tout.

Voilà que la petite semble décidée à t’accorder sa confiance. Il avait suffit d’un seul nom. Tu savais pertinemment l’effet que ca faisait d’évoquer un Dumbledore, et pourtant, tu te laissais surprendre à chaque fois, par la facilité avec laquelle les gens se reposaient sur ce patronyme. “T’es pas du genre à te méfier des gens, toi.” La remarque sonne presque comme un reproche. Contrairement aux autres rejetons de sa génération, elle avait l’air plutôt gentille cette gosse, tu voudrais pas qu’il lui arrive malheur, parce qu’elle faisait trop aisément confiance.

Tu attrapes le paquet de gâteaux qu’elle te tend et en profites pour finalement ranger ton arme. Tu ouvres l’emballage et renifles le contenu avant de te décider à en goûter un bout. “Le Théâtre ? Ca grouille de gosses bruyants et ingrats. Mais c’est pas pire que Poudlard. C’est même plutôt convenable, à vrai dire.” Lorsqu’Aberforth t’avait emmené au Théâtre pour la première fois et t’avait expliqué que ce serait ta planque, t’avais pas franchement été enjoué. Oh bien sûr, tu ne t’étais pas attendu à ce qu’il te pardonne de ne pas avoir donné signe de vie pendant une décennie, mais t’aurais bien aimé ne pas être mis à l’écart de la sorte. “Je suis habitué à déménager, à me débrouiller avec ce que j’ai.” Oui, finalement t’avais appris à te satisfaire de la vie aux côtés des autres cracmols de l’Ordre. Tu comprenais pas toujours les mots ou expressions à la mode qu’ils utilisaient mais qu’importe. Tu te sentais enfin en sécurité, c’était bien là le principal. “Ils sont pas mauvais tes gâteaux. Merci.” T’étais pas toujours aussi bourru que t’en avais l’air. Il fallait certes avoir un peu plus de chance que la normale pour t’entendre maugréer des remerciements, mais ce n’était pas mission impossible pour autant. Etonnamment, la petite Blue était parvenue à gagner un peu de ton estime. “Et toi, tu t’y plais dans cette planque humide ? Vous êtes beaucoup à vivre ici ?” Tu détestais l’humidité. Depuis que t’étais arrivé, tu sentais tes os se crisper sous l’air ambiant. Tu comprenais pas comment on pouvait choisir de vivre dans ce trou. Enfin bon, les potionnistes aimaient bien ce genre d’endroits lugubres, non ? Tu te souvenais encore de l’atmosphère lourde qui pesait sur les cachots de Snape.

“J’ai un don pour reconnaître les accents.” Disons plutôt que ce n’était pas tous les jours que tu côtoyais des Nord-Américains. Alors quand tu en rencontrais un.e., cela ne passait pas inaperçu. “C’est sacrément courageux de ta part. La personne que tu cherches est membre de l’Ordre ?” Tu ne voulais pas la forcer à trop en dire, mais comme toute personne âgée qui se respecte, ta curiosité était aisément éveillée par la moindre histoire qui sortait un peu de l’ordinaire.

« Faut croire que je ne suis pas dans ce pays depuis suffisamment longtemps pour savoir comment les choses se passent par ici. » Ou alors qu’elle était totalement inconsciente, ce qui était aussi une des solutions plus qu’envisageable. « Poudlard ? Vous connaissez comment si vous êtes un cracmol ? » Elle ne saisissait pas très bien et faire un plus un quand on ne connaissait pas les gens, ce n’était pas ce que Jillian préférait. Elle aurait pourtant pu faire le lien avec les lettres que sa sœur lui écrivait dans ses premières années à l’école de sorcellerie mais non, alors autant demander, vu qu’ils étaient visiblement bien partis pour discuter de la pluie et du beau temps tous les deux. « De rien. On est pas friand de remplir les placards ici, alors c’est un peu au petit bonheur la chance. » Mais elle s’était habituée à ça aussi, ça ne la dérangeait pas de sauter quelques repas, elle en avait eu tant l’habitude quand elle était encore étudiante et qu’elle avait des travaux à terminer et à rendre au dernier moment. « Heisenberg, c’est pas si mal. On a l’avantage de pouvoir se faire oublier, on est pas à la vue de tous alors c’est un bon point mais ouais, l’humidité, c’est pas génial et parfois, on a des colocataires qu’on n’aime pas trop. » Quand l’un ou l’autre sortait, y’avait toujours quelqu’un pour ne pas refermer la porte assez rapidement et ainsi permettre à un rat ou deux de venir vous rendre visite. Elle détestait ces petites choses mais elle ne pouvait pas les empêcher de vivre non plus. « On est quelques uns, surtout des potionniste ou des personnes qui n’ont nul part où aller mais on n’est bien moins nombreux qu’ailleurs si c’est ça la question. » Et c’était une bonne chose. Ne pas être beaucoup dans cette planque, ça leur permettait d’avoir chacun un peu d’intimité, un espace pour eux sans que les autres ne leur marchent dessus. Important pour leur santé mentale à chacun. Puis vient le sujet de sa soeur, un sujet encore délicat aujourd’hui même si elle sait qu’elle est là, quelque part. « Cette personne c’est ma soeur. Elle était à Poudlard d’ailleurs. Et oui, elle est de l’Ordre. Je le sais. » Pas besoin de l’expliquer, elle le savait que c’était ainsi et pas autrement, elle ne comprendrait pas si c’était différent et c’était pour ça aussi que Jillian avait fait le voyage, parce qu’il fallait qu’elle trouve des réponses, qu’elle comprenne et fasse le bien autour d’elle. « Et toi, t’as encore de la famille ? » Elle ne saurait pas vraiment lui donner d’âge, alors elle préférait demander pour savoir. Non pas que parler d’elle la dérangeait mais un peu tout de même.

“Je suis un cracmol plein de surprises.” C’est ce qu’Aberforth avait coutume de dire lorsqu’il cherchait à se chamailler. Il était rare que tu rencontres des sorciers qui ne te connaissaient pas. Tu ne croisais pas tous les jours des résistants venus de l’étranger. Et pourtant, c’était peut-être mieux ainsi. Au moins, tu savais que Blue n’aurait pas de préjugés à ton encontre. Elle continuerait de converser avec toi sans pour autant te juger. “C’est le frère d’Amalthe qui m’a proposé un travail à Poudlard, il y a de cela des décennies. J’avais pas grand chose d’autre à faire, alors j’ai accepté de devenir concierge.” Faut dire aussi qu’Aberforth et toi commenciez sérieusement à vous taper sur les nerfs à force de travailler et vivre ensemble à la Tête de sanglier. Aussi, tu avais accueilli la proposition d’Albus avec un peu plus d’enthousiasme que la première fois. La relation qui t’unissait à Abe t’importait un peu trop trop, pour que tu prennes le risque de la voir se détériorer. Alors tu avais fait tes valises et emménagé au château. Tu continuais à rendre visite à l’autre Dumbledore, bien sûr. Mais tu donnais un peu plus d’air et d’espace à votre relation. C’est toujours avec émotion que tu te remémores ces instants passés. Car tu sais pertinemment que rien ne sera plus jamais comme avant.

“Je vous apporterai à manger alors la prochaine que je viendrai. Ca vous changera des conserves rouillées qui moisissent dans vos placards.” Tu demeurais persuadé que ce n’était pas sain de vivre dans un endroit aussi sombre et humide. Heureusement que t’avais insisté auprès de l’ordre pour que l’on vous emménage un potager magique dans la cour du Théâtre. “Je fais pousser des légumes au Théâtre. J’attends la première récolte avec impatience.” T’étais toujours un peu fier de pouvoir dire que malgré ton absence de pouvoir, tu servais tout de même à quelque chose. Mais si cela consistait simplement à jouer les livreurs ou arroser les semis. C’était toujours ça de pris. “Je comprends. Les colocataires c’est pas évident.” Et pourtant, tu avais beau prétendre que les gosses de ta planque te tapaient sur les nerfs, pour rien au monde tu n’aurais souhaité te retrouver seul à nouveau.

“T’as réussi à la retrouver, ta soeur ?” Bizarrement, l’histoire de Blue te touchait quelque peu. Tu voulais connaître la suite, savoir si elle avait un happy end. En ces temps de guerre, on se réjouissait plus aisément du bonheur des autres. Même à toi le vieux grincheux, ça te mettait du baume au cœur. “C’est Amalthe la seule famille qu’il me reste. J’avais un chat, auquel je tenais beaucoup, mais je l’ai perdu.” Un voile vient alors recouvrir tes pupilles, dont le regard se perd dans le vide. Mrs Norris. Son nom était venu s’ajouter à la liste des victimes du plus grand conflit de votre histoire.