@Camilla King | fin décembre 2007

Son reflet dans le miroir lui rendit un sourire plein de dents et il ne détesta pas la vision. Bon jour décréta donc Winston avant de quitter la chambre qu'il partageait avec les frères de ses supers potes (il aurait préféré les supers potes de loin) pour recharger sa gourde en sang frais (O+ aujourd'hui). Il avait adopté un petit look d'espion-cambrioleur - col roulé noir, pantalon de la même couleur - et si d'habitude il préférait les vêtements colorés, il s'était plutôt trouvé beau fringué comme ça, même si ça soulignait le teint cadavérique pâle de sa peau. De toute façon, il n'avait plus de temps pour changer d'avis, il avait un rendez-vous de la plus haute importance. Il pressa le pas pour prendre le chemin qui conduisait hors de Sweet River, s'assurant de ne pas être suivi à l'aide de deux vagues coups d'oeil envoyés par dessus son épaule (ils avaient aussi pour but de repérer son canard de compagnie, il lui aurait bien dit aurevoir mais il n'avait pas le temps d'aller farfouiller dans les mares pour lui mettre la main dessus).

Le ciel commençait à tirer sur les rosés et Winston se réjouit : il allait enfin pouvoir ôter ses lunettes noires (ou les garder pour son look, à voir, il aurait du compléter avec un grand manteau noir, ça aurait fait Matrix). Il prit dans sa gourde une longue gorgée de sang au moment où il arriva à un croisement. A partir de là, le sentier terreux-caillouteux-horriblement glissant quand il pleuvait laissait sa place à une route en béton que de très rares voitures empruntées (souvent parce qu'il y avait eu une évasion de moutons). C'était ici qu'il avait donné rendez-vous à Camilla et ne la voyant pas encore dans les parages, le vampélane alla s'asseoir sur le rocher qui marquait le croisement. Il huma l'air frais et sourit quand il repéra une odeur familière. Grands mouvements de bras pour indiquer sa position, il se leva pour aller rejoindre la blonde en quelques pas enjoués. "Hey Cam ! Prête pour le casse du siècle ?" Le sourire s'agrandit, il avait les lèvres encore un peu rougeoyantes de sa dernière gorgée de sang. "Avec notre duo de choc, ça va aller comme sur des roulettes !" Ou plutôt il avait dressé la liste de tout ce qui pourrait mal tourner et avait décidé de faire abstraction (en apparence).

Sa fugue a été un fiasco total. Cal et Cam n'auraient pas pu s'en sortir plus mal et se faire récupérer par la professeure McGonagall entre tous a été une véritable honte pour la jeune femme. Mais d'une certaine façon, elle ne regrette pas du tout d'être partie et encore moins d'être revenue. Cela aura été un voyage bref mais intense et révélateur.

Cam est bien à la Fawkes. Cam se sent en sécurité là-bas. un peu. She's getting there at the very least. Y'a des gens qu'elle a envie d'apprendre à connaître, y'a les cours d'animagie qu'elle a l'impression d'un peu mieux réussir à suivre, y'a cette lumière dont lui parlait Mcgonagall qui se fait ptêtre un peu plus lumineuse et consistante. Le combat est loin d'être gagné, mais pour la première fois de sa vie, Cam a envie d'essayer et d'y croire.

L'approche de Noël est toujours une période compliquée pour elle, d'autant plus depuis que sa Foi ne suffit plus à lui insuffler un quelconque soulagement. Pour la première fois cependant, elle a décidé de ne pas se renfermer sur elle et puis de toutes façons Winston a besoin d'elle. Que quelqu'un puisse avoir besoin de son aide l'angoisse un peu, c'est beaucoup de responsabilités et de pressions. Mais, elle ne peut pas l'abandonner.

Alors, Cam enfile un gros pull noir et un legging, attache ses cheveux en un chignon bien serré et s'échappe en cachette de la Fawkes. Pas pour fuguer cette fois cependant, Winston et elle vont simplement rendre une petite visite à un hôpital et emprunter deux trois petites choses nécessaires à sa survie. C'est la première fois qu'elle va s'adonner à une telle pratique de son plein gré - comme une revanche sur son passé. Et puis, une fois le méfait accompli la sorcière n'aura qu'à ajouter les emprunts à sa liste et venir plus tard régler son dû.

Discrète, quand elle aura terminé ses cours elle pourra l'être encore plus (sauf si elle devient un gros animal genre un éléphant mais ça risque pas, enfin Cam pense pas), la sorcière s'éloigne du lieu et se repère pour trouver le point de rendez-vous. Il agite ses bras pour la saluer - on a fait plus discret.   — Toujours, affirme-t-elle, un regard décidé sur ses traits. Toi aussi à ce que je vois. Winston a cette manie de montrer au moins en apparence une confiance extrême. Cam aimerait bien en ressentir ne serait-ce que la moitié mais ne veut pas plomber l'ambiance en lui rappelant tout ce qui pourrait mal se passer. Et la liste est longue. A la place, elle lui offre un presque sourire (ça aussi c'est nouveau).

Pas une minute à perdre, Cam l'interroge : — T'as trouvé les trucs ? Quand l'idée était venue de se rendre là-bas, parce qu'il paraissait qu'elle ne pouvait pas lui donner son sang - ce que Cam ne comprenait pas trop, il en avait besoin et elle en avait, mais soit - elle lui avait dit de quoi ils auraient besoin. Dans son sac de voyage, elle disposait encore d'un couteau suisse donné par Jax, son bien le plus précieux (avec sa baguette magique) et d'une lampe torche. Mais celle-ci n'avait plus de piles et ils en auraient peut-être besoin s'ils se retrouvaient dans une posture où utiliser la magie n'était pas possible.

Cam baisse le regard, fixe le bout de sa chaussure qui gratte sur le sol avant d'ajouter dans un murmure rauque — je m'étais dit aussi que peut-être, enfin j'sais pas tu me dis si c'est une mauvaise idée, mais enfin que peut-être on pourrait essayer de prendre d'autres trucs aussi ? Des trucs donc on pourrait avoir besoin ici. Des médocs, des seringues. J'sais pas. La vie lui avait appris qu'on ne pouvait pas toujours compter sur la magie et elle voyait pas encore comment aider mais peut-être que ça serait suffisant pour qu'on l'accepte pleinement à l'Ordre et qu'on ne la vire pas définitivement. — enfin bon, on verra. Le plus important c'est d'abord ton sang. Prêt ? On transplane ou on marche ?

Elle était venue en full tenue de cambrioleuse professionnelle et, en le constatant, le sourire de Winston s’agrandît encore plus. Pareil à celui d’un gosse à qui l’on avait promis un tour à la fête foraine. Son appréhension s’envolait peu à peu, à croire que le sang qu’il venait d’ingérer lui donnait des ailes (depuis sa transformation, il avait en réalité moins peur, se sentait moins faible). "Oui j’ai tout ce qu’il faut ! J’ai même pris des bonbons en plus, si jamais on a faim !" Comme si le sucre au sucre avait déjà rassasié qui que ce soit (comme si ça allait marcher sur le vampire). Il tapota sa besace dans laquelle il avait rangé soigneusement le matériel. "T’as déjà b’soin d’un truc ?" Elle avait demandé des piles, c’était potentiellement parce qu’il y en avait plus dans un super gadget de voleuse à la Ocean Eleven et il se disait qu’avoir à changer les piles du pistolet grappin qui leur permettrait de s’évader par le toit au moment où les flics les encercleraient…. Oui il regardait trop la télévision.

Camilla était drôlement plus terre à terre et avait des meilleures idées que le vampélane qui ne pensait qu’à ses pochettes de sang en grande quantité (il remplirait une piscine avec, plongerait dedans, boirait tout et là peut-être que sa faim lui donnerait un peu de répit. "Oh bah oui ! C’est une super idée, surtout vu qu’il parait que la magie bug parfois…" Il réfléchit une seconde à l’organisation de tout ça. "J’avoue que j’sais pas trop ce qu’il faudrait prendre en priorité… Peut-être de quoi soigner les blessures ? Genre pour les médocs j’crois qu’on a de bons stock de potions…" Puis savoir quel médicament était un anti-biotique et lequel était juste un truc pour les hémorroïdes… "Mais ouais, troooop bonne idée, j’ai eu raison de t’embaucher !" Nouvelle risette ravie, petite gorgée de sang pour la route. "Transplanage, c’est mieux… L’hôpital que j’ai sélectionné est un peu paumé mais au moins ça devrait être plus facile" ajouta-t-il avant de tendre son bras vers la blonde pour qu’elle s’en saisisse.

L’atterrissage fut parfait, pile dans le bosquet d’arbres qui ombrageait l’entrée du parking. Une ambulance passa devant eux à toute vitesse et Winston hésita une seconde avant de pointer le doigt vers ce qui semblait être l’entrée de l’hôpital. "On va s’infiltrer par les urgences, je joue le malade, tu fais l’accompagnatrice. J’suis déjà tout blanc et tout froid, ça devrait le faire." Il pouvait aussi se mettre à sangloter sur demande mais ça marchait nettement moins bien depuis qu’il n’avait plus six ans. Il se mit en route, marchant de moins en moins sûrement alors qu’il approchait de l’entrée, finissant même par s’appuyer sur l’épaule de son amie alors qu’ils arrivaient à l’accueil. Là, il se laissa tout simplement tomber par terre (quoiqu’il y avait un petit peu de surjeu parce qu’il avait du mal à ne pas faire dans le mélodramatique). Aussitôt deux infirmiers fondirent sur lui pour le relever alors que l’on assaillait la blonde de questions sur son état et qu’on les dirigeait vers la salle d’attente. Entrée dans les lieux : ok.

Y'a que Winston pour proposer une escapade dans un hôpital et apporter des bonbons. Que lui pour sourire aussi fort, aussi grand et ne pas sembler avoir peur alors qu'ils s'apprêtent à enfreindre sans doute plusieurs lois. Ca lui donne du courage à Cam. Comme s'il lui en donnait juste en existant à côté d'elle. — J'veux bien les piles. Cam tend la main, attrape les piles que Winston lui tend et sort une lampe torche - vieille, à la vitre fendue - qu'elle s'empresse de tester une fois les piles enfilées. Lumière-noir-lumière-noir. Parfait. La lampe est ensuite rangée.

Cam s'attend toujours au pire alors elle ne peut retenir un air de surprise lorsque son ami - est-ce qu'elle peut utiliser ce mot ? - s'enthousiasme à son idée. Ses yeux s'arrondissent et sa bouche s'entrouvre. Plus qu'acquiescer, winston renchérit. Et les joues de Cam chauffent violemment. "color=#66699]J'ai eu raison de t'embaucher.[/color]" — Il nous suffira de lire les notices. Enfin j'imagine. Elle hausse une épaule, n'en sait fichtre rien en réalité, n'a jamais eu à utiliser des médicaments ou des bandages ou des trucs de ce genre. Quand Océan l'avait aidée pour sauver Jax, c'est une potion qu'elles ont utilisé. Mais bon, ils vont devoir improviser. Pas le choix.

A mesure qu'ils discutent, la peur se transforme en adrénaline, un shoot mieux que le shit, mieux que les autres tentatives désespérées que Cam utilise pour survivre. Ptêtre que c'est pour ça qu'elle a accepté de suivre Caliban en dehors de la Fawkes et maintenant Winston. Pour cette sensation de picotement au bout de ses doigts qui remonte le long de ses poignets et encore plus haut. Pour son cœur qui tape si fort dans la poitrine qu'elle doit bien constater qu'elle est vivante. Pour le désordre. Pour le chaos. Pour leurs sourires aussi.

Parce que quand Winson lui tend son bras, Cam s'en saisit sans hésiter.
Sans être terrifiée.
Sans ressentir la nausée.

Lorsqu'ils arrivent devant l'hôpital, ils ne perdent pas une minute pour s'infiltrer à l'intérieur. Cam aurait proposé un autre plan s'il lui en avait laissé l'opportunité ; mais elle ne peut que le suivre, le laisser s'appuyer contre son épaule en prenant son air le plus affolé et inquiet. Le regarder s'effondrer avant que deux infirmiers se mettent à lui poser des questions auxquelles, Cam répond par des mensonges, même si elle déteste ça. Et puis, les infirmiers les laissent tout seuls. Sans plus s'occuper d'eux une fois qu'ils se sont assurés que le jeune homme pouvait marcher. — Wow. Trop simple. commente Cam entre ses dents serrées, fait un tour rapide des lieux, enregistre tout ce qu'elle peut voir. Des années de pratique. — Tu saurais transfigurer leurs blouses ? Si on s'fait passer pour des infirmiers, ils poseront moins de questions. tiens là regarde. D'un geste du menton, Cam indique les toilettes. Et ensuite, on pourra aller là-bas, derrière la ligne rouge réservée au personnel. autre geste du menton. Il nous faut qu'on puisse voir un plan des lieux aussi. J'pense pas qu'ils gardent le sang à tous les étages. ajoute-t-elle en se dirigeant vers les toilettes.

Ils n'ont pas une minute à perdre.
Entrer dans les lieux : ok.
Déguisement : ok.
Tout se passe comme sur des roulettes pour l'instant.
Cam en serait presque fière si elle prenait le temps de se poser. Mais c'est comme si l'autre elle avait pris la place de la précédente. Celle qui est efficace. Celle qui protège. Celle qui gère.

Appuyé sur l'épaule de Camilla, feignant d'être à l'article de la mort (n'était-ce pas l'état constant des hémovores), Winston resta les yeux mi-clos le temps que les infirmiers désertent les lieux avant de reprendre vie. Il se pinça les joues pour ne pas rire trop, adressa un sourire solaire à la blonde déjà passée à l'action. Il l'observa un instant, imprimant la conduite à suivre dans son cerveau (ça pourrait servir pour plus tard, plus tard étant les centaines d'années vampiriques) : checker les lieux, prendre l'air sérieux, suggérer des trucs nettement moins théâtraux que des je fais semblant de m'évanouir, ahlala le mélodrame mais drôlement plus pertinents. Winston hocha la tête, bien sûr qu'il pouvait transfigurer des blouses. Bien sûr qu'après avoir joué au malade, il pourrait jouer à l'infirmier.

Après avoir jeté un dernier regard à la salle d'attente pour s'assurer que personne ne les surveillait, le vampélane emboîta le pas à Cam et verrouilla les toilettes derrières lui. Il fronça le nez à cause de l'odeur qui l'assaillit immédiatement et qui tranchait avec celle des cheveux de la blonde (et de son sang qui battait au niveau de la carotide, quand il s'était appuyé sur elle, il n'avait pas pu s'empêcher de regarder, ni de s'imaginer la sensation que ça lui procurerait d'y planter un croc). Raclement de gorge pour se reconcentrer, petit coup d'œil au miroir pour vérifier que ses bouclettes étaient en place (elles l'étaient toujours), Winston sortit sa baguette et la pointa d'abord vers le pull de Camilla. Un sort plus tard et était devenu une blouse peut-être un poil trop neuve d'aspect mais qui ferait largement le taff. Il transforma ensuite son col-roulé et se regarda de nouveau dans le miroir pour checker son look. Franchement, infirmier de type bg. "Faut qu'on pique des stylos à se mettre dans la poche là. Et un stéthoscope. Et des badges aussi !" Légère impression d'être dans un escape game plutôt que dans un vrai cambriolage (il fallait dire que cambrioler un hôpital moldu après avoir survécu à quelques opérations de l'Ordre...).

Quand ils sortirent des toilettes, ils ne purent que constater que les infirmiers avaient amené une nouvelle personne dans la salle d'attente. En l'occurrence une vieille dame qui leur envoya un regard suspicieux auquel Winston répondit de son sourire le plus charmant (et sans trop de dents). Elle vira écrevisse, sourit aussi, sembla marmonner quelque chose du type moi aussi quand j'étais jeune... mais ils avaient déjà filé vers la fameuse ligne rouge. L'hybride marchait d'un pas assuré (presque bondissant ?), se tournant régulièrement vers Camilla pour vérifier que tout allait bien (et qu'elle voulait bien toujours le suivre). "On devrait finir par tomber sur un plan d'évacuation" lui glissa-t-il en esquivant un brancard. "Pour le matériel, je pense qu'un endroit marqué réserve, ça doit facilement se trouver..." Mais pour l'instant, il n'y avait qu'une immense salle d'attente et une enfilade de salles d'auscultation propres aux urgences. "Et techniquement, ils doivent avoir du sang pas loin" ajouta-t-il un ton plus bas avant d'humer l'air. Mais ses narines étaient envahies par l'odeur de l'accidenté allongé un peu plus loin dont la couleur carmin du t-shirt ne laissait aucun doute sur le diagnostique : hémorragie et le sourire enjoué de Winston se fit un peu plus carnassier alors que sa démarche ralentissait un peu.

(dé)

Les battements de son cœur s'accélèrent à chaque pas qu'ils font en direction de cette ligne rouge. Cam s'attend à ce que quelqu'un les arrête ou les interpellent, réalise que décidément ces deux jeunes gens n'ont rien à faire ici et le gars c'était pas celui qui était au bord de la mort à peine quelques minutes plus tôt ? . Mais non, on entre dans cet hôpital comme dans un moulin. Cam ne va pas s'en plaindre.

Elle hoche de la tête à ses réflexions en tentant de garder une démarche assurée. De celles qu'on prendre lorsque l'on sait où l'on va et qu'on est très occupé. C'est Jax qui lui appris cette technique. Elle répond entre ses dents. "tu penses pas qu'ils gardent le sang dans un autre endroit ? Genre dans les sous-sols ?" Avec les morts, qu'elle ne dit pas mais pense très fort en réprimant un frisson. Elle n'en sait rien en réalité et peut-être qu'ils auraient dû y réfléchir un peu plus aux détails de l'opération avant de foncer tête baissée dans le tas. Oh well. Trop tard pour faire demi tour et Cam a promis à Winston, il a besoin de ce sang. Tout un tas de phrase qu'elle se répète en boucle pour calmer le tremblement de ses mains. Heureusement, les poches de sa blouse lui permettent de cacher ce léger comportement suspicieux.

Son regard se pose sur toutes les portes et sur chaque pan de mur dans l'espoir de trouver un indice, le fameux plan d'évacuation, n'importe quoi qui pourrait leur être utile vraiment. Mais non, rien, nada. Shite. Et en plus, Cam finit par se retourner pour voir que Winston n'a pas bougé a ralenti. Cam lève un sourcil en le rejoignant. "Tout va bien ? T'as l'air ..." Elle voudrait bien dire pâle, mais c'est tout le temps le cas depuis sa transformation. distrait, perturbé, c'est quoi ce sourire ? Quelque chose qui ne lui dit rien qui vaille. "T'arrêtes pas en plein milieu du couloir, on va se faire choper." Les mots s'entrechoquent les uns contre les autres dans son empressement à les prononcer. Ce n'est vraiment pas le moment, ils sont encore trop proches des salles d'attente, y'a trop de passage par ici.

Sans plus réfléchir, Cam l'attrape par la manche, en faisant attention à ne pas toucher sa peau - c'est devenu une expertise - et l'entraîne à sa suite en accélérant un peu plus. Peut-être qu'ils auraient dû faire croire qu'il était un patient. Ils n'avaient pas besoin d'être tous les deux des infirmiers. Zut. Ils ont vraiment pensé à rien. Son cœur danse maintenant à un rythme effréné contre sa poitrine. Cam ne regarde plus les murs, elle avance jusqu'à trouver une porte entrouverte mais éteinte et à s'y engouffrer en entraînant son complice à la suite avant de prendre bien soin de refermer la porte derrière eux. Il sont dans le noir complet. Est-ce que Winston voit dans le noir maintenant ? "Qu'est-ce qui s'passe ? T'as besoin de faire une pause ? J'comprends pas." Cam chuchote. "J'vois rien. Merde." Elle pourrait presque prier pour ne pas les avoir fait entrer dans la chambre d'un malade, au moins il ne semble pas y avoir de professionnels.

Elle tient toujours sa manche d'une main tremblante mais ferme. L'autre est posée sur la porte. Pour s'assurer que personne ne l'ouvre. Pour se rassurer aussi peut-être un peu. Ils sont mal partis.

Quel groupe sanguin ? A, B, O ? Et le rhésus ? Diabétique peut-être car la senteur avait une légère fragrance de miel. Tout ça emplissait les narines de Winston avec une telle intensité que le reste de ce qu'il percevait lui semblait flou. Il n'y en avait que pour le moldu dans son brancard, le t-shirt toujours plus rouge, un peu comme une fleur en pleine éclosion. Il tenta de raccrocher à la conversation. Camilla avait parlé de sous-sol, le moldu blessé gémissait et Winston s'était arrêté sans même s'en rendre compte. En une morsure il pourrait mettre fin à toutes ses souffrances, juste un croc et il n'aurait plus à se tortiller de douleur et ce pour l'éternité. Il fallait être réaliste : une blessure comme ça, c'était mal-barré et le vampélane serait tellement heureux de connaître enfin la sensation des dents qui transpercent la peau... Camilla le tirait loin du moldu, il ne résista pas, suivant sagement le mouvement mais quand la porte se referma derrière eux, il prit brièvement conscience d'à quel point c'était con comme idée.

Camilla avait un joli cou. Winston l'avait remarqué avant d'être un vampire comme il avait toujours remarqué les belles choses. Un joli cou interminable dont la couleur pâle ressortait dans le noir (à moins que ce soit la veine qu'il voyait battre sous la peau qui attirait son regard). Il ne bougeait plus, les yeux brillants typiques du prédateur nyctalope fixés sur son amie dont il pouvait presque entendre le cœur paniqué. Il avait faim. "Ça va aller" souffla-t-il, plus pour lui que pour la blonde dont la vision lui donnait presque des vertiges. Tellement faim.

Il ne remarqua même pas à quel point sa voix avait changé. Son second "ça va aller" fut murmuré, ton suave, timbre bas. Trop enjôleur tout comme il s'approcha trop de Camilla, se penchant vers son cou, humant un instant l'odeur de ses cheveux. Plus vraiment aux commandes et la bête affamée qui les lui avait piquées n'avait pas la violence du fauve bondissant les crocs luisants. Non, plutôt bestiole à sang froid qui ferrait tranquillement sa proie en lui servant des risettes d'ange et il n'imaginait que trop bien la douceur de la peau sous ses lèvres et la sensation du sang chaud coulant entre ses dents. Sursaut de conscience. Il repoussa la blonde d'un geste brusque non sans reculer de trois bon pas en arrière, cognant une étagère avant que ses doigts n'appuient enfin sur l'interrupteur.

Les néons au plafond grésillèrent avant de s'allumer, éclairant d'une lumière froide la réserve dans laquelle ils avaient atterri. Le souffle court, Winston s'empressa de sortir la gourde de sa poche. Ses doigts mirent un temps qui lui sembla infini à ôter le bouchon - ce dernier tomba par terre et partit rouler à l'autre bout de la pièce - et lorsqu'il put enfin boire, il le fit salement, à grandes gorgées, manquant presque de s'étouffer. Il ingéra jusqu'à la dernière goutte et bientôt il n'y eut plus de sang accessible dans la pièce hormis une fine coulée du coin de sa bouche jusqu'au bout de son menton. Ses mains cessèrent de trembler et là, enfin, il releva les yeux vers Camilla, éternel sourire aux lippes. "Ok, s'enfermer avec moi dans le noir, très mauvaise idée" déclara-t-il d'un ton léger, comme si il n'avait pas failli lui sauter dessus à peine quinze secondes plus tôt (il en était par ailleurs horrifié). "Mais au moins, on a trouvé les médocs !" Les étagères étaient remplies de boîtes et de matériels plus ou moins identifiables, Winston commença à y fureter avant de se rendre à l'évidence : les noms de médicaments ne lui disaient absolument rien. Il commença alors à en prendre au hasard avant de les fourrer dans un grand sac de toile (aka un stylo métamorphosé). "Plus que le sang" ajouta-t-il joyeusement alors même que la sensation de soif revenait au galop (il avait peut-être un peu trop reniflé le moldu puis Camilla). Mais tout irait bien, hein ? Il suffisait de maintenir une distance de sécurité.