Tu secoues la tête en signe de dénégation alors qu’Azaël s’empare de tes propres propos pour les retourner contre toi. Après tout ce qu’il s’était produit, après tous les drames que votre famille brisée dans les tréfonds de l'abîme avaient traversés, il était tout bonnement impensable de faire marche arrière pour tenter de rattraper le temps perdu. Il était des plaies qui demeureraient toujours béantes, et ne sauraient être pansées d’aucune façon. “I hate Sunday brunchs.” Comme à ton habitude lorsque la conversation se fait trop personnelle, et que les émotions font irruption dans ton intimité, tu t’appuies sur le rejet et la dérision pour fonder ton argumentaire. Néanmoins, ta réplique n’est point un mensonge. Les réunions de famille n’étaient encore jamais parvenues à galvaniser ton intérêt. Certainement parce qu’elles tournaient majoritairement autour de Louis le bienaimé et étaient dirigées d’une main de maître par Adèle.

Azaël ne se laisse guère impressionnée par la potentielle menace que pourrait représenter la Values Brigade. Elle est déjà tombée entre leurs mains. Galvanisée par cette première expérience ainsi que l’aide inespérée que tu lui avais apportée, elle se prétend invincible. A tort. Même les croyances les plus fermement ancrées dans l’esprit pouvaient un jour s’effondrer. “Don’t be so sure about that. I am currently sick of covering for my relatives.” Ce n’est qu’à demi-mot que tu évoques Freya, personnage principal de ta plus grande tragédie. Malgré toutes tes belles promesses, tu avais fini par l’envoyer au pire des trépas, dès lors que tu t’étais retrouvé devant le fait accompli. Alors qu’en serait-il des jumeaux, si jamais leur existence venait véritablement à te mettre en danger ?

La curiosité est un vilain défaut. Voilà une leçon que l’oncle Sören ne semblait jamais avoir inculquée à sa nièce. Et alors qu’elle progresse en terrain miné, elle se livre plus qu’elle ne l’avait certainement vraiment souhaité. Un mince sourire vient étirer tes lippes alors qu’elle évoque maladroitement la chute des battues. “For someone, who didn’t want to hear about me, you seem pretty well informed.” Bien sûr qu’il convenait de bien connaître son ennemi pour mieux prendre l’ascendant sur lui. Mais tu étais bien trop gorgé d’égo pour croire que dans le cas d’Azaël il ne s’agissait que d’une simple stratégie offensive. “If you’re referring to the Avada Kedavra that hit me on Gracefield, then no, it is not the reason why I was in contact with your brother.” Tu ignores si elle était là ce jour-là, à combattre de l’autre côté du champ de bataille. La curiosité te pique un instant. Tu aimerais bien savoir, mais tu ne lui feras pas le plaisir de demander. Ta question sera tue et demeurera sans réponse. Tout comme la suivante qui s’agitait dangereusement dans ta tête alors que tu te retenais de te questionner quant au comportement que tu aurais adopté face à elle, baguette à la main. “Jarod is the one who came to me. I didn’t ask for his assistance.” Tu ne lui en révèleras pas plus, après tout, même au sein de la résistance, il devait bien exister une sorte de secret médical, non ? Ou bien les rebelles étaient-ils tous définitivement dépourvus du moindre sens de l’ honneur ?

Azaël frappe une nouvelle fois en plein dans le mile alors qu’elle évoque l’une de tes faiblesses les plus insidieuses. Ton visage se raidit une nouvelle fois, alors que ton regard s’assombrit encore un peu plus qu’auparavant. “I don’t rely on you either. There is no single person I’d be able to trust.” Anymore. Plus depuis que ce que tu avais appris à chérir plus que de raison s’était avéré n’être qu’un château de cartes, ébranlé sous les premières rafales du danger. “And you should do the same. Apparently, even the most important person to your eyes has kept secrets from you.” Ce n’était certainement pas le conseil parental pour lequel Azaël s’était rendue ici ce soir, mais après tout, c’est à ses risques et périls qu’elle avait franchi le portail de votre ancienne demeure familiale.

Malgré tout ce qui pouvait bien vous opposer, quelque chose semblait encore assez fort pour vous retenir ici l’un et l’autre, face à face. Ta baguette se faisait encore menaçante dans le prolongement de ton bras droit. Mais ce n’était là qu’un artifice de façade, tu le savais pertinemment, mais Azaël l'ignorait peut-être. Tu avais beau haïr ce que son existence représentait, tu ne pouvais néanmoins te résoudre à lever ton arme contre elle. Les souvenirs s’entremêlaient aux sentiments, tous plus contradictoires les uns que les autres. Alors que tu la fixais du regard, tu replongeais dans ta mémoire et revoyais le bambin innocent qu’elle avait été. Mais dès lors qu’elle reprenait la parole, les souvenirs se brisaient en mille morceaux, et tu avais soudain l’impression d’entendre son oncle Sören te lancer ses reproches à la figure. “You call this a job?” Tu ricanes, toute l’arrogance qui t’habite transparaît dans ce petit rire narquois. Oh oui, elle a véritablement été élevée dans un seul but bien précis. Mais tu ne leur donneras pas satisfaction aussi aisément. “I’ve seen enough of you both to know that you share a lot of character traits with your mother. But also with me. Even if it’s hard to admit.” C’était une vérité douloureuse à accepter, pour les deux parties. Si les jumeaux avaient grandi en apprenant à te haïr, tu avais toujours soigneusement renié ta paternité. Symbole vivant de ton carmin souillé, Azaël et Jarod te rappelaient sans relâche la trahison des Nielsen. Et s’il y avait bien une chose que tu étais parfaitement incapable de pardonner, c’était bien le manque de loyauté. Et c’est précisément de cela que tu comptais jouer pour mieux diviser ta progéniture. “Well, I’d rather say that Jarod didn’t want the Order to know that he was meeting a death eater on a monthly basis.” Alors que ta fille avait tenté de minimiser l’importance de tes rencontres confidentielles avec Jarod, tu venais remuer le couteau dans la plaie en ajoutant un détail crucial : la régularité de ces rendez-vous secrets.

Mais alors que tu paraissais en train de reprendre le dessus de cette joute flamboyante, Azaël assène sa botte secrète. Elle a compris, elle t’a démasqué. Désormais, elle sait quel est ton point faible le plus douloureux et elle a décidé de s’en servir pour contre-attaquer alors qu’elle était sur le point de perdre ce duel. Ton visage s’assombrit une nouvelle fois à la mention de ce qu’aurait pu, aurait dû, être cette soirée de fêtes. Point de cadeau de Noël pour toi, point d’alcool, point de Freya à tes côtés. Tu baisses un instant la tête en direction de la pierre tombale de Vivien, mais tes yeux demeurent aveugles à la réalité, ils se font le recueil du fantôme de Freya dans ta mémoire. Un léger rictus se dessine sur tes lèvres, comme pour dissimuler la colère que tu ressens à ton propre égard. “It is quite ironic that you’re the only person I can talk to tonight. I guess, you will hear about it soon enough anyway, as you seem to read every single newspaper article mentioning my name…” Tu relèves finalement le regard et viens planter tes pupilles sombres dans celles de ta progéniture. “The woman I married is one of your friends. I had to get her arrested before Christmas.” And it has broken my heart. Ce dernier aveu ne franchit pas la limite de tes lèvres, mais plus que jamais, il se lit dans tes yeux.