Harper vient de se réveiller. Le côté droit de son lit, vide. Elle laisse sa main sur les plis du drap laissés par Quon. Elle ne sait pas s’il est parti au petit matin pour vaguer à ses occupations ou si ça ne fait que quelques heures, mais la place est froide. La blonde tourne la tête vers la fenêtre constellée de gouttes de pluie qui glisse le long du verre. Elle se met à en fixer une qui forme un serpentin, elle se met à l’encourager mentalement pour qu’elle gagne la course et arrive la première sur le bord de la vitre. Elle hausse les épaules lorsque sa goutte se fait dépasser par plusieurs autres larmes de pluie. Il pleut des cordes et la nuit commence à se réveiller. Un temps morose qui lui plait pourtant. Dans un soupire, elle se lève et s’étire. Elle regarde l’heure. On pourrait penser qu’elle a dépassé son heure et qu’elle a abusé de son sommeil, mais non, c’est son horaire normal. Vivre la nuit, dormir le jour, telle une vampire. Ça serait sans doute plus simple si elle en était réellement une. Elle n’aurait plus honte de son mode de vie. Elle n’aurait plus peur d’expliquer pourquoi elle arrive à dormir si peu la nuit, pourquoi elle est injoignable ou non fonctionnelle dans la journée. Pourquoi elle est toujours décalée, fatiguée et cernée. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Heureusement qu’elle a trouvé quelqu’un qui accepte, même si elle sait que ce n’est pas facile et qu’il va sans doute s’en lasser. Comme tous les autres.

Après une douche bien chaude d’une vingtaine de minute, elle mange une tranche de pain avec du beurre, un café et s’allume une cigarette, son régime quotidien. Ce soir-là, elle est de repos et elle a prévu de se refaire les ongles. Soirée pas très chargée en somme. Elle ne sait pas si Quon va passer. Ils ne prennent jamais de rendez-vous, ne se disent jamais « à tout à l’heure » ou « on se voit ce soir? » Ils ne prévoient pas, n’arrangent rien. Ils se voient quand ça leur plait et leur convient. Comme ça, il n’y a pas d’attente. Il n’y a pas de promesse, pas de blessure. Harper n’a jamais été dans une relation conventionnelle. Elle ne sait pas ce que c’est. Et au vu de sa situation de déchet de la société ou sa vie au sein de gang dans la mafia, elle ne peut pas espérer mieux. Elle se trouve déjà chanceuse de pouvoir être à peu près libre de ses mouvements et protégée en quelque sorte. Elle prend son nécessaire à manucure et les substances qui lui permettront de passer au travers de la nuité et va s’asseoir sur le canapé.

Elle a à peine ouvert son flacon de vernis couleur bordeaux qu’on frappe à la porte. Elle suspend son mouvement juste pour s’assurer que c’est bien chez elle que les coups ont été toqué. Elle tend l’oreille, légèrement nerveuse. Toujours cette pensée que peut-être on vient l’arrêter. Elle expire après avoir retenu son souffle. Elle déplie ses jambes et se dirige vers l’entrée. Elle voit une ombre floue à travers la vitre, une petite silhouette. Rien à voir avec les agents musclés de la brigade. Elle ouvre la porte. Ses sourcils se lèvent de surprise lorsqu’elle découvre Angel, trempée et minée. Elle regarde le t-shirt qu’elle porte et pouffe de rire. Un vieux chandail déniché dans une friperie moldue qui représente le visage d’un boyband « The Backstreet Boys ». Un fin sourire étire ses lèvres fermées puis elle repose son regard bleu, sérieux sur la brune se doutant que ce n’est pas pour la complimenter sur ses vêtements qu’elle est venue la voir en piteux état. "J’peux te le prêter."  Elle penche la tête sur le côté lorsqu’elle avise la valise aux côtés de son amie. Elle comprend aussitôt. Elle ouvre plus grande la porte avant même qu’Angelina lui dise qu’elle est dans la merde. "C’est ça. Comme si j’allais te laisser le canapé. Tu vas dormir dans mon lit." Elle prend la poignée du bagage d’une main et de l’autre, elle entrelace ses doigts à ceux d’Angel. Elle les serre très fort et la tire à l’intérieur. "Tu pourras tout me raconter. Tu veux boire un truc?"