Le bruit de la pluie sur le toit, irrégulier et envoûtant, fait perdre toute notion du temps.

On frappe deux coups à la porte-- Cho, allongée sur les draps, encore toute habillée, a les yeux rivés au plafond. Elle discerne des visages dans les tâches sombres du bois des poutres. Elle reconnaît presque Jax. Les coups se répètent, par deux. “Entrez” dit-elle sans conviction. Elle entend la porte grincer, mais elle n'arrive pas à détacher son regard du plafond. “T'as de la visite.”

Ça fait plus d'un mois que Cho a quitté le gouvernement. Plus d'un mois qu'elle a rompu ses fiançailles et dessiné une cible dans son dos. Parfois, elle regrette. Le sentiment d'avoir tout foutu en l'air pour une seule vie, ça la mine ; elle pense à tous ceux qu'elle ne sauvera pas et elle combat l'envie (intense) de se taper la tête contre les murs en punition de sa bêtise. Pourtant elle sait qu'une vie parfois, ça fait toute la différence. Si quelqu'un avait sauvé Cedric-- juste lui... tout serait peut-être différent pour Cho aussi. Elle doit juste trouver un nouvel équilibre, un nouveau quotidien. C'est une question d'ajustement, comme six ans plus tôt, lorsqu'elle était entrée au ministère, terrifiée à l'idée de creuser sa propre tombe. Au final, elle s'en était sortie ; et elle n'aurait plus jamais à faire semblant de quoi que ce soit.
Elle descend les marches de la petite maison, refuge de cinq résistants – six, maintenant – de cercle 3. Cho ne les connaît pas bien, c'est ce qui arrive quand on passe plusieurs années chez l'ennemi. Elle n'est pas certaine d'être la bienvenue, mais personne ne lui a encore donné de mission, et elle traîne sa misère en attendant qu'un visage familier ne vienne lui offrir l'opportunité de quitter les quatre murs de sa chambre.
Lorsque Cho entre dans le salon, elle marque un temps d'arrêt. Enfin.
Un visage familier.

Elle reste interdite quelques secondes. Depuis combien de temps n'avait-elle pas vu Hermione Granger ? Trop longtemps, si elle devait se poser la question. “Hermione !” s'exclame-t-elle soudain en marchant d'un pas pressé jusque dans les bras de son amie. Elle l'enlace avec force, réalisant seulement maintenant combien l'ancienne Gryffondor lui a manquée.
Elles se séparent et Cho ne peut dissimuler un large sourire. L'un des premiers depuis son retour au sein de l'Ordre. “Assieds-toi, je vais nous préparer du thé.”

Cho laisse son amie s'installer sur le canapé et glisse d'un pas léger vers la cuisine, mitoyenne. Elle fait chauffer un peu d'eau, sélectionne un thé vert parfumé au citron qu'elle dépose dans un infuseur. Une fois l'eau bien chaude, elle remplit la théière et laisse la petite boule à thé flotter à l'intérieur. “C'est prêt ! annonce-t-elle cinq minutes plus tard, en revenant dans le salon. Elle s'assied sur un fauteuil face à Hermione et lui sert sa tasse. Je suis vraiment contente de te voir. Ça fait un mois que je demande à visiter St James.” Cho souffle sur son thé, faisant voler la fumée. Elle le goûte du bout des lèvres, mais la température lui brûle la langue. “J'ai l'impression de devenir folle ici.”

Cho pose sa tasse sur la table basse, et prend le temps de regarder Hermione-- de l'observer, vraiment. C'est peut-être un peu inconfortable, mais l'écossaise est curieuse : ça fait des années qu'elles ne se sont pas vues. Hermione a changé. Elle a des poches sous les yeux, la fatigue a laissé des traces sur son visage. Il y a toujours une étincelle vive dans son regard cependant, presque plus enflammée que dans ses souvenirs. Le visage de Harry revient (un flash désagréable). Elle doit savoir, ils doivent tous savoir que Potter n'est pas mort ; qu'il est passé à l'ennemi. Si la nouvelle a été difficile à accepter pour Cho, elle ne peut même pas imaginer le coup que ça a dû porter à la résistance. “Excuse-moi, je manque à mes manières : comment vas-tu?” finit-elle par demander, alors qu'elle reprend une gorgée de thé. La pluie continue de battre les carreaux.

Cela fait des années qu’Hermione n’a pas vu Cho. À vrai dire, ça fait si longtemps qu’elle serait bien incapable de dire à quand remonte leur dernière rencontre, leur dernière vraie conversation. Pourtant, la jeune femme a toujours gardé une certaine affection pour la Serdaigle, surtout suite à leur dernière année à Poudlard ensemble, pendant laquelle elles se sont sensiblement rapprochées, réunies par les absences et les drames qui avaient secoué leurs vies, déjà à cette époque. Hermione ne compte plus les autres disparitions et tragédies par lesquelles elles sont passées, depuis cette époque, et s’il y a bien une chose qu’elle regrette, c’est qu’elles n’aient pas été ensemble pour y faire face.
Elle pensait souvent à Cho, Hermione. Elle pensait souvent au fait qu’elle devait être bien seule, quand bien même elle avait le confort de rester au sein de la société sorcière.
Alors forcément, quand elle a appris que tout avait basculé, elle s’est inquiétée pour sa vieille amie, et a tenu à aller lui rendre visite. Ce n’est pas simple, de passer d’une vie à l’autre -- elle a beau être en fuite depuis presque dix ans, Hermione en a vu, des agents doubles, débarquer au sein de la résistance après des années sous couverture. C’est une transition complexe, avec de nouvelles habitudes à prendre. Alors elle a voulu savoir comment Cho tenait le coup, elle a voulu s’assurer que la Serdaigle était entourée de quelques visages familiers et, peut-être, une part d’elle a aussi voulu s’assurer qu’elle était bien Cho. Cette fille déterminée, intelligente et loyale dont le souvenir lui est resté pendant toutes leurs années de séparation.

C’est le protocole, de garder les nouveaux arrivés dans des planques secondaires pendant les premières semaines, parfois même les premiers mois : il faut qu’ils s’adaptent, mais aussi qu’ils fassent leurs preuves. Les tests sont nombreux pour tester les allégeances, les motivations et s’assurer que le gouvernement n’a pas interféré dans les décisions des nouveaux arrivants. Le processus est d’autant plus complexe avec les agents-double : leur statut pourrait leur garantir une confiance aveugle et directe des autres résistants quand ils les rejoignent pour de bon, mais les choses sont en réalité plus compliquées. En effet, leur talent pour l’occlumancie rend souvent les tests plus difficiles à réaliser, et leurs allégeances plus difficiles à tester. D’où le fait que leur transition soit plus complexe que les autres. Cho a été agent-double pendant longtemps, alors Hermione ne doute pas qu’ils lui ont déjà fait passer une batterie de tests.

Quand elle arrive dans la planque où la jeune femme est gardée depuis plus d’un mois, elle retrouve quelques visages familiers - des résistants qu’elle n’a pas eu l’occasion de croiser beaucoup depuis la tragédie de Wolverhampton. Ça fait plaisir, de les revoir, même si Hermione ne peut s’empêcher de remarquer qu’ils gardent un peu leurs distances. C’est comme ça avec beaucoup des membres de la résistance qui ont du mal à comprendre ce qui se passe dans les niveaux supérieures -- elle ne peut pas leur en vouloir. Alors elle les remercie, et attend son amie.

“Hermione !” Le visage de Cho s’illumine, et en miroir, celui d’Hermione aussi. Elle ne pensait pas que ça lui ferait autant plaisir, de revoir ce visage si familier, et pourtant elle se sent presque émue, tout à coup. Ça fait longtemps, qu’elle n’a pas retrouvé quelqu’un. La seule personne qui est réapparue réellement dans son quotidien depuis quelques mois… est désormais un parfait étranger. Alors que Cho la reconnaisse, la serre dans ses bras comme si elle lui avait vraiment manqué… Oui, ça lui fait quelque chose.
Ça lui rappelle plein de beaux moments de complicité, plein de moments plus simples, aussi. Et ça lui fait du bien. “Assieds-toi, je vais nous préparer du thé.” Hermione acquiesce et s’exécute, prenant place sur le canapé. Elle n’a pas prononcé un mot, un peu prise au dépourvu par l’émotion des retrouvailles. Elle prend le temps de se calmer un peu en observant les lieux en attendant que Cho revienne avec leurs thés. Je suis vraiment contente de te voir. Ça fait un mois que je demande à visiter St James. Hermione lui lance un sourire désolé. Je suis au courant... Elle pince les lèvres. “J'ai l'impression de devenir folle ici.” Je sais ce que c’est. dit-elle, compatissante. Hermione a vécu des mois enfermée dans diverses planques, dans des contextes divers. Elle se doute que ça doit être encore plus difficile à vivre après avoir été libre comme Cho pendant des années.

“Excuse-moi, je manque à mes manières : comment vas-tu?” Hermione lève les yeux au ciel. Les manières, on s’en fiche. dit-elle avec un sourire affectueux. Je suis contente que tu sois là. Je suis désolée de ne pas avoir pu venir avant. Elle attrape sa tasse de thé et observe Cho. C’est plutôt moi, qui devrais te demander comment ça va !Je t’avoue que j’ai entendu que les choses avaient… bougé, mais que je n’ai pas eu tous les détails. Elle se permet de détailler un peu Cho du regard. Tu n’as pas été blessée ? Tu as réussi à fuir tout de suite ? Et puis tout simplement, parce que la vraie question est là : Qu’est-ce qui s’est passé ? Hermione a besoin de savoir comment l’une de leurs meilleurs agents double a grillé sa couverture, après avoir été infaillible pendant tout ce temps. Et elle espère que rien de louche ne se cache sous le retour de l’une de ses rares précieuses amies.

Cho se sent en disharmonie. Elle a passé six ans au diapason de la société britannique. Pas de ses idéaux bien sûr, mais elle a porté le masque si longtemps, si souvent, qu'elle a parfois eu du mal à retrouver qui elle était une fois qu'elle l'ôtait. Puis elle s'est fiancée, elle a vécu avec Jackson, et le masque est presque devenu permanent. Qui est Cho Chang, sans les six dernières années de sa vie ? Sans son travail, sans la préparation de son mariage ? Sans ses parents, sans Jackson ? Elle n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.
Depuis un mois, elle doit battre à un autre rythme-- celui de fugitive. Plus le même confort, plus la même intimité ; plus les mêmes libertés. C'est dur. Cho se raccroche à des rituels mondains, des politesses vaines. Elle ne peut pas vraiment faire mieux, coincée dans cette planque de seconde zone, avec zéro objectif sinon prouver sa loyauté. Elle a failli mourir pour sauver une hybride (isn't that enough?) pourtant un mois plus tard elle est toujours là. Enfermée, cloîtrée. Perdue.
« Les manières, on s'en fiche, fait Hermione. Cho voudrait tant la croire mais les manières l'ont maintenue en vie, de l'autre côté. Les étiquettes sont dures à lâcher. Je suis contente que tu sois là. Je suis désolée de ne pas avoir pu venir avant. Cho acquiesce lentement, en sirotant son thé. Elle se sent soudain un peu bête de quémander l'attention alors que la résistance a probablement les bras chargés de missions et responsabilités, autrement plus importantes. (let me help) Elle ne dit rien. C'est plutôt moi, qui devrais te demander comment ça va ! Je t'avoue que j'ai entendu que les choses avaient... bougé, mais que je n'ai pas eu tous les détails. Tu n'as pas été blessée ? Tu as réussi à fuir tout de suite ? Cho garde le silence, accusant la multitude de questions. Hermione finit par les résumer en une seule, une qu'on lui a posé déjà des dizaines de fois : Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Cho arrête de boire son thé. Elle lève les yeux vers Hermione, éloigne la tasse de ses lèvres et après deux, trois secondes suspendues, laisse échapper un petit soupir. Elle pose la tasse sur la table basse. « Je pensais que la résistance gardait meilleure trace écrite de ses interrogatoires. Tu n'as pas lu les nombreux rapports ? Sa langue claque son palais. Elle se déteste presque immédiatement de réagir de façon si hostile. C'est suspect- et puis c'est Hermione. Pas n'importe quel lambda résistant venu vérifier l'honnêteté de ses propos. Pardon. Je sais que c'est le protocole. Elle esquisse un sourire désolé, souffle encore et reprend : Après les dernières lois sur le marquage d'hybrides, il y a eu un vent de protestation dans leurs rangs. Le ministère a arrangé des exécutions à porte close. Ils allaient tuer une gamine, une jeune vampire-- 16 ans ! Son petit-ami avait été tué sous ses yeux... L'image de Cedric lui revient. Elle ne la quitte jamais vraiment. Cho continue de regarder Hermione, même avec ses joues rougies, ses yeux humides de souvenirs douloureux. Des peines, ils en ont tous. C'était plus fort que moi, je devais l'aider à fuir. Je pensais qu'on allait y rester. J'ai failli y rester, d'ailleurs. Ses doigts caressent instinctivement le tissu de sa hanche droite. En-dessous, la peau porte encore la cicatrice des lacérations qui auraient pu lui coûter la vie. Ailleurs subsistent les marques de brûlures, de coupures, qu'elle n'a pas voulues retirer. Autant de mementos de son combat. Ce n'était pas la décision la plus intelligente de ma carrière, poursuit-elle. J'ai agi sous le coup de l'émotion, c'était idiot. Mais j'ai sauvé quelqu'un. Après des années à voir mes amis, hybrides et fugitifs, être jugés, enfermés, exécutés... J'ai enfin pu sauver quelqu'un. » L'émotion lui noue la gorge, alors elle se saisit de sa tasse de thé, en boit quelques lampées.

Faire tapisserie dans un monde qu'on abhorre, suivre des ordres et participer, directement ou indirectement, aux humiliations, aux tortures, aux abus et aux meurtres de centaines, de milliers de citoyens “dangereux pour l'ordre établi”… Cho ne voyait pas d'issue. Elle vivait étouffée dans un système qui aurait sa tête sur une pique avant qu'elle en soit sortie. Ce sentiment de désespoir intense avait grandi en elle, à mesure qu'elle observait, passive, la traque, la capture et la mise à mort des résistants. « Je ne pouvais plus me contenter de regarder sans rien faire, Hermione, elle ajoute. La vision d'ensemble m'a échappé un instant et après-- après c'était déjà trop tard. Les mots se pressent avant qu'elle ne laisse une chance à Hermione de réagir. Tu as parlé à Fleur ? Elle devait sortir mes parents du pays si ma couverture était grillée. Je-- Personne ne peut me dire ce qui leur est arrivé. Ce qui leur est arrivé par ma faute. Sa main tremble. Elle pose la tasse de thé à nouveau, glisse ses paumes sous ses jambes, expire lentement. Raconter son histoire à nouveau lui rappelle ses questions, laissées sans réponse par les autres résistants.
Perdue, elle se sent définitivement perdue.

« Je pensais que la résistance gardait meilleure trace écrite de ses interrogatoires. Tu n'as pas lu les nombreux rapports ? Il y a du ressentiment, dans la voix de Cho. Hermione ne sait pas trop comment l’accueillir. En vérité, elle a parcouru rapidement un des rapports qu’elle a pu trouver, mais elle n’aime les rapports que quand elle les rédige : ils sont clairs, précis, détaillés. Ceux des autres sont toujours… Bref, elle ne se satisfait jamais de ceux des autres. C’est aussi pour ça qu’elle n’a pas cherché plus que le peu qu’elle a trouvé. Et puis de toute manière, elle préférait tout entendre de la bouche de Cho elle-même. Hermione se fie plus à son instinct qu’aux évaluations des autres, sur ce coup-là. Pardon. Je sais que c'est le protocole. Hermione pince un peu les lèvres et lui envoie un sourire désolé en miroir du sien. Elle aimerait que ce soit plus simple, mais la vie est comme elle est. Après les dernières lois sur le marquage d'hybrides, il y a eu un vent de protestation dans leurs rangs. Le ministère a arrangé des exécutions à porte close. Ils allaient tuer une gamine, une jeune vampire-- 16 ans ! Son petit-ami avait été tué sous ses yeux... Hermione serre un peu plus sa tasse dans ses mains. C’est horrible à dire, mais elle se sent… si éloignée de ce monde-là qu’elle a dû mal à se faire à l’idée que les choses aient pu si mal tourner.

Dix ans. Cela fait dix ans qu’elle est fugitive, et autant d’année qu’elle n’a plus qu’un but : trouver les horcruxes, et les détruire. Bien qu’elle soit envoyée régulièrement en mission, Hermione peut passer des jours, voire des semaines cloîtrée, soit à étudier une piste, soit à attendre qu’une autre se décante. Ils sont rares, les moments où elle est mêlée au reste de la population… Il est déjà rare qu’elle se retrouve au milieu des cercles 5 ou des cercles 3 ! Elle a un peu l’impression qu’il y a un mur, entre sa vie et celle du peuple sorcier. Elle lit les choses dans le journal, a les rapports des autres résistants… mais ce n’est pas pareil, pas pareil qu’être plongée dans cette société qu’elle essaie de combattre. Elle est toujours un peu gênée par sa position, et maintenant plus que jamais. Elle a envie de dire à Cho qu’elle réalise l’ampleur de l’horreur -- mais elle ne se sent pas légitime. C'était plus fort que moi, je devais l'aider à fuir. Je pensais qu'on allait y rester. J'ai failli y rester, d'ailleurs. Hermione a entendu qu’elle avait été blessée, oui. Elle suit du regard la main de Cho qui se presse contre sa hanche. Elle ne connaît pas l’ampleur des dégâts. Ce n'était pas la décision la plus intelligente de ma carrière explique Cho. J'ai agi sous le coup de l'émotion, c'était idiot. Mais j'ai sauvé quelqu'un. Après des années à voir mes amis, hybrides et fugitifs, être jugés, enfermés, exécutés... J'ai enfin pu sauver quelqu'un. » Hermione inspire, expire. Elle sent bien évidemment l’émotion de Cho, et c’est pour elle un signe clair qu’elle est sincère, qu’elle a fait ça réellement pour les raisons qu’elle donne. Bien sûr, elle devrait se méfier : les agents-doubles sont tous d’excellents menteurs… Mais elle a beaucoup de mal à ne pas faire confiance à Cho.

« Je ne pouvais plus me contenter de regarder sans rien faire, Hermione Ça, elle l’entend, et le comprend. Parce que c’est exactement pour la même raison qu’elle a quitté Poudlard avant sa dernière année, et qu’elle a mis sa famille autant à l’abri que possible. Elle savait qu’elle devait faire quelque chose, alors elle n’a pas hésité. Elle se doute que c’est la même chose pour Cho. La vision d'ensemble m'a échappé un instant et après-- après c'était déjà trop tard. C’était l’effet boule de neige : une étincelle minuscule a enflammé le reste. Il n’y avait plus rien à faire, plus rien à sauver. La situation lui a échappé : il a fallu une seconde de doute pour que tout explose. Hermione imagine bien. Même si Cho avait voulu revenir en arrière et continuer avec sa couverture, elle n’aurait pas pu, c’était fini. Oui, tout semble clair pourtant, Hermione n’a pas envie de la soupçonner. Elle n’a pas envie que Cho sente qu’elle doute d’elle. Mais ce gouvernement… Il est sournois, il est cruel, alors Hermione a un truc qui lui serre l’estomac quand même. Tu as parlé à Fleur ? Elle devait sortir mes parents du pays si ma couverture était grillée. Je-- Personne ne peut me dire ce qui leur est arrivé. Hermione affiche un air désolé : « Non, je suis désolée, je ne sais rien… Je n’ai pas vu Fleur depuis un moment. J’ose espérer que si je ne l’ai pas vue, c’est justement parce qu’elle travaille à faire évacuer tes parents vers la France. dit-elle d’un ton qu’elle veut rassurant. Je vais faire de mon mieux pour me renseigner au plus vite. assure-t-elle à Cho avec la plus grande des sincérités. Ils… Ils ne savaient pas, pour toi, n’est-ce pas ? Hermione est inquiète de ce qu’ils pourraient révéler ainsi de ce qu’on pourrait leur faire s’ils étaient capturés. Y’a-t-il… d’autres… personnes, ou choses que tu as laissé derrière toi et que tu aurais aimé sauver ? Elle n’aime pas la double interprétation qu’on peut avoir de cette question : Cho va sûrement hésiter : me demande-t-elle ça pour m’aider à sauver ce que je n’ai pas pu prendre avec moi, ou s’assure-t-elle que rien ne me retient là-bas?. Hermione n’aime pas ça. Et en même temps, c’est nécessaire… Elle est toujours un peu sur ses gardes. Et ce n’est pas que parce qu’elle a peur que son amie ait été convaincue par le gouvernement de Voldemort, mais plutôt parce qu’elle a peur que la Cho qu’elle appréciait ait été effacée par ces six ans loin de la résistance. Elle n’a pas envie de perdre une amie de plus.

Face à Cho, Hermione semble désolée. L'ancienne agent-double peut le lire sur son visage, tandis qu'elle raconte une nouvelle fois son histoire : le regard triste, compatissant ; les sourires en demie-teinte, autant d'étreintes silencieuses pour la soutenir dans son désarroi. Alors elle y croit, lorsque la jeune femme lui répond : « Non, je suis désolée, je ne sais rien... Je n'ai pas vu Fleur depuis un moment. J'ose espérer que si je ne l'ai pas vue, c'est justement parce qu'elle travaille à faire évacuer tes parents vers la France. Je vais faire de mon mieux pour me renseigner au plus vite. » Cho sent la petite boule d'espoir émettre une faible chaleur dans son cœur-- ça faisait un moment qu'elle était éteinte, ternie par le doute que provoque l'isolement, quand on a rien d'autre à faire que se perdre dans ses pensées les plus noires. « Merci. » Elle fait confiance à Hermione, un peu aveuglément. Elle a passé les six dernières années, et les quatre autres avant celles-là, à se méfier de tout le monde. Elle continue, comme une seconde nature, à interroger les motivations de tous les gens qu'elle rencontre, tous ceux qu'elle retrouve dans la résistance. Croire Hermione c'est aussi plus facile, plus paisible.

Elle reprend son thé, quelque peu rassurée par les paroles de la jeune femme. « Ils... Ils ne savaient pas, pour toi, n'est-ce pas ? » C'est à ce moment qu'il revient – le doute. Il gratte à la porte de son esprit et Cho prend le temps de regarder Hermione, comme si elle voyait un nouveau visage devant elle. « Non, ils ne savaient pas. » répond-t-elle calmement. Elle sent son sang qui s'échauffe, ça tape dans sa poitrine et dans ses tempes, très brièvement. Elle a peur, peur que Hermione ne la croit pas, peur que son amie la pense traître, la pense faible. Cho n'est plus la pleureuse de Poudlard-- elle a un feu en elle. Et si elle est perdue, si elle peine encore à entretenir la flamme, ça n'empêche. Elle n'est pas idiote à ce point. « Y'a-t-il... d'autres... personnes, ou choses que tu as laissées derrière toi et que tu aurais aimé sauver ? »
La formulation est trop tarabiscotée pour ne pas abriter de double-sens. Hermione ne mâche pas souvent ses mots, alors quand elle essaie, ça manque de subtilité-- ou bien Cho est sur la défensive depuis la question précédente, et est dans de trop mauvaises dispositions pour interpréter la demande de Hermione positivement. Quoiqu'il en soit, elle repose sa tasse, pose ses mains sur ses genoux. « Évidemment. Une dizaine d'hybrides en cellule. Un fiancé idiot. Marietta. Elle marque une pause. Harry. Elle a déjà quitté Hermione des yeux, elle regarde par la fenêtre derrière elle, le regard vague-- elle se souvient de la nouvelle, de son retour. Son cœur se pince. J'aurais aimé sauver tout le monde ! C'est pour ça que j'ai risqué ma vie pendant six ans, que je suis prête à la risquer encore. Elle reporte son attention sur l'ancienne Gryffondor. Mais la résistance a changé en six ans. Je reviens dans une organisation qui s'est militarisée et je suis pas certaine de soutenir ça non plus. Les hybrides et les sorciers séparés, vraiment ? Elle se souvient de l'indignation de Hermione quant au traitement des elfes de maison et autres créatures considérées inférieures par la société, fût un temps. Elle se demande quoi d'autre a changé, pour son amie. Beaucoup, sûrement. Cho laisse échapper un soupir. Je suis toujours dans votre camp-- c'est ça que tu veux savoir, non ? Je pourrais mentir bien sûr. Mais je ne mens pas.

« Évidemment. Une dizaine d'hybrides en cellule. Un fiancé idiot. Marietta. Marietta. Ça fait bien longtemps qu’Hermione n’a pas entendu parler de Marietta. Elle n’en garde pas un excellent souvenir de Poudlard, bien évidemment mais… Elle sait que Cho et elle étaient très proches. C’est positif, qu’elles soient restées proches. Cho avait probablement en elle une amie de confiance pendant toutes ces années - même si elle ne lui a pas révélé son allégeance, Hermione s’en doute. Et un… wait, un fiancé????? Harry. Hermione est coupée dans son enthousiasme et sa curiosité. Elle est encore sceptique sur la question Harry. Elle n’a toujours pas réussi à trouver de sens à ce… problème et ça la rend folle. Tout semble la pousser vers la conclusion que c’est bel et bien Harry, juste un Harry complètement rendu fou par Voldemort… Mais elle ne supporte pas l’idée, alors elle continue ses recherches, avec l’espoir qu’elle se rendra compte qu’il ne s’agit que d’une supercherie. J'aurais aimé sauver tout le monde ! C'est pour ça que j'ai risqué ma vie pendant six ans, que je suis prête à la risquer encore. Hermione se doute bien au ton de Cho qu’elle n’a pas vraiment bien pris sa dernière question. Et elle ne lui en veut pas : beaucoup auraient mal pris une telle méfiance.

Mais la résistance a changé en six ans. Je reviens dans une organisation qui s'est militarisée et je suis pas certaine de soutenir ça non plus. Les hybrides et les sorciers séparés, vraiment ? Hermione pose à son tour sa tasse de thé. Elle a la gorge trop nouée pour prendre une nouvelle gorgée, de toute manière. Cette remarque, ce n’est pas la première fois qu’on la lui fait. Et c’est normal : elle était si déterminée à Poudlard, si militante, qu’on est en droit de se demander pourquoi elle cautionne une organisation pareille. La réponse est simple : elle ne cautionne pas. Elle ne prend pas les décisions, et quand bien même son cercle lui permet un meilleur accès au conseil de la résistance, elle n’est ni Kingsley, ni Sofia. Elle n’a pas vraiment son mot à dire sur ces choses-là. Ils ont estimé que c’était la meilleure solution, alors elle se range derrière eux. L’intention principale de cette décision était de protéger les hybrides, et pas de protéger les humains des hybrides. Il fallait les mettre en sûreté, et les éloigner des personnes de cercle 3 et 5 pleins de préjugés et de ressentiment, qui auraient été capable de s’en prendre à eux. Oui, ce n’est pas une solution idéale, oui, ça participe à ne pas surmonter les préjugés et les conflits… Mais ils ont d’autres urgences pour l’instant, malheureusement. Hermione aimerait qu’ils puissent tout gérer de front, mais c’est impossible. Je suis toujours dans votre camp-- c'est ça que tu veux savoir, non ? Je pourrais mentir bien sûr. Mais je ne mens pas.

Hermione soupire, pose deux doigts sur son front, et ferme les yeux, comme pour repousser un mal de crâne qui pointe déjà le bout de son nez. Je suis désolée, d’accord? dit-elle finalement, peut-être un peu trop brusquement. Elle prend une inspiration. Je n’ai pas plus envie de te soupçonner que toi tu n’as envie de mentir. Elle rouvre les yeux et laisse retomber sa main sur ses genoux. C’est juste que… Le visage d’Harry est dans ses pensées, évidemment. Son regard haineux, sa baguette brandie devant elle, prête à lancer un sortilège de mort… Ces derniers temps ont été rudes, en terme de confiance. dit-elle aussi calmement que possible. Tu crois que j’ai envie de te faire passer un interrogatoire, alors que j’ai juste envie de retrouver mon amie? Non. Elle ne sait pas ce qui lui prend, pourquoi elle réagit à son tour plus vivement qu’à son habitude. Peut-être qu’elle est fatiguée, tout simplement. Elle inspire. Je ne voulais pas te blesser. C’est juste que… bref. Elle n’arrive pas à trouver ses mots et de toute manière, elle a peur d’aggraver son cas : il ne faut pas qu’elle avoue à Cho qu’elle a peur qu’elle soit elle aussi un decoy du gouvernement. Elle a peur que l’ancienne Serdaigle pense qu’elle mélange tout, qu’elle est paranoïaque. Et oui, la résistance a bien changé. Je ne vais pas prétendre que je cautionne tout, mais les choses sont comme elles sont, pour l’instant. On fait de notre mieux pour protéger tout le monde de manière immédiate. Royal et Alhambra savent ce qu’ils font -- on se doit de leur faire confiance un minimum si on ne veut pas que tout se casse la figure... Hermione aimerait avoir l’air plus convaincue de ce qu’elle dit, mais les choses ne sont pas toutes noires ou toutes blanches, elle l’a appris avec le temps. Je suis désolée, j'aimerais que ce soit plus simple. dit-elle en tournant les yeux vers la porte qui donne vers la cuisine, triturant ses ongles.