L’angoisse avait beau être l’une de ses plus vieilles amies, elle ne cessait jamais de prendre la joueuse de quidditch au dépourvu. Impossible de ne pas la laisser s’immiscer dans les méandres de son esprit, encore plus ces derniers temps. Elle se devait de plaire au plus grand nombre, de ne décevoir personne, que ce soit dans sa vie publique ou sportive, aussi bien que sa vie privée. Elle devait montrer à tout le monde, se justifier tout le temps. C’était usant, elle était prise au sein de méandre dont elle avait bien du mal à se défaire. Et les victimes sur son chemin, semblaient nombreuses. En premier lieu, il y avait Jules. En second, c’était son intégrité morale et mentale.

Et elle avait croisé Jules récemment. Lors d’une soirée, entourée de bien trop de joueurs. Bien trop impersonnelle. L’inconfort de la situation, les craintes de la jeune rousse, tout avait ressurgi d’une force rare. Un tsunami sur ce qu’elle voulait être un début d’équilibre. Jules aurait dû lui en vouloir, lui éclater le visage sur le bar  - honnêtement, elle l’aurait mérité. Elle aurait dû la haïr, lui cracher au visage. Mais il n’en était rien. Les paroles avaient été mesurées, empreinte d’une certaine colère, peut-être… Mais pas aussi horrible que ce qu’Ollie avait pu lui infliger. Et d’une façon ou d’une autre, elle s’était confié et avait fait réaliser à la jeune femme ce qui importait vraiment. La blonde lui avait ouvert les yeux sur les mutilations qu’elle s’était elle-même infligée, en la blessant en premier lieu.

Elle lui avait donné rendez-vous, chez elle. Ollie s’était réellement posée la question : l’invitait-elle pour pouvoir lui éclater le faciès en toute impunité, sans témoin ? C’était une possibilité. Mais étant dans une période de sa vie où l’autoflagellation semblait prendre la quasi-totalité de son énergie mentale, elle n’y voyait aucune différence avec ce qu’elle s’imposait.

Ses yeux jouaient les aller-retour entre l’horloge accrochée au petit mur de son salon et sa porte. Le départ était à présent imminent, elle se devait de prendre un portoloin pour rejoindre Cardiff, la ville de résidence de la capitaine galloise. Une grande inspiration, elle ferma les yeux momentanément. Son esprit se focalisa sur son torse, qui montait et descendait au rythme de sa respiration qu’elle se tentait à contrôler. Il allait vraiment falloir faire appel à la méditation durant ses entraînements : ça ne pouvait que lui être bénéfique sur le long terme.

Elle ouvra doucement les yeux. Il était temps d’y aller. Elle avait enfilé une grande veste qui lui descendait jusqu’à mi-mollet. Elle était chaude et confortable, face au temps maussade de la Grande-Bretagne, qui se refroidissait à l’arrivée de l’automne sur ses terres. Une écharpe nouée autour du cou, elle avait vissé sur son crâne un chapeau dissimulant ses yeux et une partie de sa chevelure, qui lui était un trait bien trop reconnaissable. Elle avait glissé délicatement une boite dans le creux de son grand sac, quelque peu enchanté. Les deux mains enfouises dans le sac, elle s’efforçait de déposer la boite délicatement à plat. Et la voilà à présent qui s’élançait vers le centre-ville de Falmouth, désireuse de rejoindre la gare aux portoloins.

En un claquement de doigts, la voilà qui arrivait à Cardiff. Elle avait frotté sa veste d’un coup de main, se débarrassant de quelques herbes qui s’y était accroché. L’objet les avait déposés dans un coin un peu à l’écart de la ville, protégé de la vue des moldus. Il était difficile de transplaner ou venir aux abords directs des villes et elle se devait de faire un peu de marche pour rejoindre la maison de son ancienne amie. Heureusement qu’elle avait revêtu ses chaussures les plus confortables.

Elle n’avait pas tardé à arriver aux abords des quartiers résidentiels et sortant son petit bout de papier , elle s’était laissé guidée par les indications de la joueuse de quidditch. Une petite maison s’était élevée, un peu à l’écart des autres. C’était charmant, simple, mais pourtant incroyablement pittoresque. C’était représentatif de Jules, en toute honnêteté. Il n’y avait pas de mensonge dans les murs de cette demeure.

Elle avait décidé de ramener un cheesecake pour faire bonne mesure – après tout, qui n’aimait pas les cheesecake ? Elle était arrivée près du portail, avait prit une grande respiration.

Il était encore temps de faire demi-tour, de fuir et d’envoyer une chouette en prétendant être malade.
Son doigt s’était posé sur la sonnette incroyablement moldue et l’avait pressée une première fois. Elle s’était reculé d’un ou deux pas, la boite entre les mains, geste de bienveillance, pour enterrer cette hache de guerre.

Mais peut-être avait-elle oublié ? Peut-être était-elle absente ? Son esprit comptait les secondes, qui se faisaient de plus en plus lentes, jusqu’à voir une silhouette connue sortir sa tête de la porte.

Dire qu’elle était tendue était un euphémisme. L’attente, bien que courte, lui avait paru durer une éternité, à un tel point où elle avait, pendant un instant, eu un moment d’hésitation. Peut-être qu’elle pouvait encore courir se planquer derrière un fourré. Pendant un instant, elle avait espéré que Jules n’entende pas la sonnette. Mais des bruits de pas s’était fait entendre derrière la porte, et quelques secondes plus tard, la tête de Jules était sorti de l’encadrement.

La Galloise semblait avoir fait quelques plongées avant son arrivée. Du moins, ses cheveux en été témoin. L’avait-elle interrompue ? Probablement. Ollie regarda l’espace d’une seconde sa montre, peut-être avait-elle trop d’avance ? La convention sociale voulait-elle qu’elle ait du retard ? C’était peut-être mal vu de sa part d’être présente à l’heure ? Une petite bouffée d’anxiété l’avait prise de plein fouet, presque effacée par le sourire de Jules. Elle avait répondu à la jeune femme. « Oh hey ! Ça va et toi ? »

Ollie se retrouvait un peu intimidée face à la posture de Jules. Vraiment : comment avait-elle pu se montrer aussi horrible avec elle, alors qu’elle l’accueillait à bras ouvert dans sa demeure ? La rouquine continuait de s’en vouloir terriblement, et elle espérait que Jules lui pardonnerait ses actions stupides. Ses doigts s’étaient serrés sur la bandoulière de son sac, tandis qu’elle s’engouffrait dans la maison de la tête blonde. « Merci. » Ses mains étaient légèrement moites, son angoisse toujours présente dans un coin de sa tête, lui répétant inlassablement les mêmes choses. « Oui, ça peut être chouette. Je ne pensais pas qu’il ferait aussi beau aujourd’hui. »

À l’image de sa propriétaire, l’endroit était chaleureux. Un véritable kaléidoscope de couleurs qui semblait se répandre de pièce en pièce. À côté de sa maison, l’appartement d’Ollie semblait bien terne. Ses épaules s’étaient subtilement relâchées. Il était difficile de se sentir tendu dans un endroit aussi lumineux et bienveillant. C’était le genre d’endroit où l’on se sentait tout de suite bien. C’était surprenant pour la joueuse de quidditch. « Ta maison est vraiment très jolie ! » Elle sourit doucement, encore un peu intimidée par la présence de Jules.

Elle avait suivi la jeune femme au travers de sa demeure, essayant de ne pas paraître trop invasive à regarder dans chaque recoin, chaque babiole et plantes qu’elle possédait.

Un éclair avait traversé Ollie et elle avait commencé à ouvrir son sac a bandoulière un peu précipitamment, venant doucement déloger la boite. « Oh et… Heu. J’ai ramené un cheesecake. » Elle reprend, dans une certaine précipitation. « Le pâtissier m’a dit qu’il était léger. » Après tout, sport et sucreries ne faisaient pas le meilleur ménage, mais pour réconforter et surtout, pour se faire pardonner, ça lui avait semblé être la meilleure des solutions.

Un peu gauche, la rouquine, encore toute chargée de ses vêtements chauds – bien trop chaud face à la météo du coin - et de sa boite à gâteau.