Le défi est lancé par une Leonor bien remontée, et les voilà déjà à se ruer sur les placards, les tiroirs et les boîtes qui sont entreposées dans la cuisine du Fawkes Learning Center. Un sourire sur les lèvres alors que tu entends les frères Brisbane fanfaronner à l’égard de ta sœur, alors que tu dégages la table où Chérie s’est déjà assise. Alors que Tommy, Nate & Leo mettent tout sans dessus dessous (enfin, pas vraiment, mais bon : fouillent avec méticulosité), tu jettes un coup d’œil en biais à ta belle-sœur, qui repère ton manège et te le rend aussi rapidement, avec un petit sourire en coin, comme si elle était déjà en train de réfléchir à ce qu’elle pourrait poser comme question pour ne pas trop s’apesantir sur les années d’enfer passées par Nate. Vous ne parlez pas, ni l’une, ni l’autre (elle par choix), mais tu sens qu’elle serait bien capable d’embrayer sur un sujet qui n’a pas lieu d’être, si bien que tu détournes les yeux alors que déjà Tommy vient déposer son butin. Tu observes d’ailleurs Boom & Toni prendre chacun une dragée surprise, et tu attends de voir la gueule qu’ils tirent pour aviser et te décider sur ce que tu vas bien pouvoir grignoter pour accompagner votre famille.

À la grimace de ton meilleur ami, tu décides que tu passeras la main. Merci bien, mais tu préfères autant te rabattre sur de la nourriture sûre. Te relevant pour arriver à sa hauteur, tu lui tapotes l’épaule avec un air compatissant (une moue désolée, vaguement forcée pour l’occasion). Pas le temps de ressortir ton objet du diable qui grésille métalliquement lorsque tu l’utilises, que Nate embraye et raille le courage de son frangin… pour se faire ensuite tailler lui-même un costume par la redoutable Leonor, toujours aussi féroce, et qui clairement n’a aucun égard pour son ami revenu d’entre les morts.
Vraiment, à les regarder, t’as l’impression de vous voir, Tommy et toi, quatre ans plus tôt, à vous charrier.
Et encore, eux deux sont quand même plus naturels que vous.
Quoique ? Leonor pourrait être encore plus incisive, mais il semblerait qu’elle se retienne sur le coup. En même temps, Nate revient de l’enfer : on peut comprendre qu’elle le ménage, comme Tommy y est allé doucement avec toi, au début.

« Bon, passez-moi les dragées, là. Que je vois si je suis plus chanceuse que vous ! », rit doucement Chérie en tendant la main vers le trio composé de Toni, Tommy et toi, alors que vous vous rapprochez de la table et que, plutôt que de t’asseoir, tu restes à côté du Brisbane, le coude posé sur son épaule (ce qui vous donne une allure assez cocasse, vu qu’il est toujours plus grand que toi). Dans le même temps, Nate et Leo reviennent vers vous, de l’autre côté de la table, et Toni réceptionne le paquet de chips tendu par le rescapé blond, tout en grognant un « Toujours aux mêmes de faire le sale boulot. - Bouhouh, on t’exploite. », raille Chérie en riant ouvertement de son mari. Toi en attendant, tu as reporté ton regard sur Nate, comme si tu t’attendais à ce qu’il ait déjà piégé le paquet (c’est que ça a jamais été le dernier à faire des blagues chaotiques, donc tu t’attendrais bien à tout avec lui, loin d’imaginer que l’île a détraqué sa magie). « Je t’arrête tout de suite, c’est pas de la corruption. » Tu hausses les épaules, toujours appuyée contre Tommy, et esquisses une moue pas du tout convaincue, comme si tu voulais dire que tu t’attendais toujours au pire avec lui. « C'est important de bien se nourrir. Je ne fais que m'assurer que tout le monde ira se coucher avec quelque chose dans l'estomac. » Ben voyons. Bien sûr. C’est presque crédible, et tu articules un silencieux mais oui, mais oui qui ne franchit néanmoins pas le son.

Sous vos yeux, Nate renoue avec les chips barbecue et semble revivre rien qu’à ces retrouvailles. C’est marrant, hein, mais vous êtes tous et toutes silencieu.ses.x sur le coup, comme traversé.e.s par une émotion commune. Tu es bien contente d’être appuyée contre Tommy, parce que tu le chercherais du regard sinon. Quelque part, à cet instant précis, tu as l’impression de ressentir ce qu’il a pu (ce qu’il a dû ?) ressentir au moment de vos retrouvailles. Tu glisses une main dans la poche de ton pantalon, histoire de ne pas la sentir trembler. Ton regard, plutôt que de remonter vers ton pilier, croise celui de Leo, et tu vois bien qu’elle est émue, plus qu’elle ne le laisse deviner avec ses railleries et ses piques classiques. Elle aussi, elle profite d’être à côté de Nate pour lui dérober son visage, et dans cet instant muet, vous vous souriez et échangez un clin d’œil.
D’un même mouvement, vous reportez vos billes sur Nate, qui finit par lever la tête et vous surprend à l’observer : « Quoi ? Quelqu’un en veut ? » Tendant la main, tu récupères le paquet que Toni te passe, tu pioches dedans pour en tirer une poignée de chips, avant de placer le sachet en plastique brillant sous le nez de Boom, relevant enfin tes billes vers lui et l’interrogeant du regard. Ça flotte quelques instants, et puis Chérie reprend la parole : « Donc pas de chocogrenouille ? Ma dragée avait un goût de sorbet citron, mais je vais repasser au salé, si vous voulez bien. Passez-moi ça ! », ordonne-t-elle, impérieuse, avant de prendre une poignée, la porter à sa bouche, et froncer les sourcils en râlant : « Oh nooon, c’est plus si bon que ça ! Ugh, vraiment, j’aurais bien aimé que mes goûts ne changent pas autant que ça ! Bon, vous savez quoi ? » Une fois sûre d’avoir tous leurs regards vissés sur elle, elle s’éclaircit la voix et annonce, avec un air de conspiratrice : « On va profiter d’avoir la cuisine pour nous pour faire un vrai plat, là. Et vu que je n’ai absolument pas de préféré parmi vous tous… je vous propose de faire des tagliatelle al Ragù alla Bolognese. », dit-elle donc avec un sourire qui s’élargit et monte jusqu’à ses oreilles presque, et un accent italien qui lui vient de sa vie passée à écouter les Sacramoni et les Martillo dire ce genre de choses sans aucune hésitation. Toni, dont c’est évidemment le plat préféré, glisse un commentaire d’un ton charmeur : « Rappelle-moi de t’épouser quand tu seras disponible. - Idiot ! Bon, allez ! Les Martillo, vous connaissez les ingrédients ; les Brisbane, trouvez-moi une immense poêle, un tablier, un grand fait-tout, les ustensiles habituels quoi… Hop hop hop, on s’y met ! »

Le festin qu’ils rassemblent des suites de leur vidage intempestif de placards n’est pas bien glorieux. Chips, dragées surprises et autres sucreries dégotées par Leo. Pas de chocogrenouilles. Sacrilège. Alors qu’il a la main malheureuse en choix de dragée, Tommy se fend d’une grimace et darde un regard doux sur Mira quand elle lui tapote l’épaule en guise de réconfort. A son expression familière, il la suspecte fortement de se moquer de lui, mais c’est la norme. Il n’attend rien de moins d’elle.

A ce stade, ils sont désormais tous en passe de se rassembler autour de la table, seuls Leo et Nate se tenant encore un peu éloignés. Tommy ne fait pas mine de s’asseoir, étant déjà très bien à côté de Mira dont le coude repose un peu comiquement sur son épaule. C’est là la place qu’il est toujours heureux d’occuper : auprès de sa meilleure amie. Machinalement, quoiqu’il arrive, c’est ce qui rapproche pour lui le plus d’un chez-soit. Même en cet instant, alors qu’il est entouré de la majeure partie de sa fratrie, c’est sur Mira qu’il prend appui.

Un parfum de nourriture pour chien peu ragoûtant dans la bouche, Tommy entretiens la guerre déclarée quelques minutes plus tôt pour la place de parrain de son futur neveux ou de sa future nièce. Evidemment, il provoque ainsi une réaction de Nate, son rival déclaré. Ça et puis un coup bas en bonne et due forme de la part de Leo. Ouch. Tommy grimace et, la main fourrageant dans le paquet de dragées laissé à sa portée, au lieu d’en porter une à sa bouche, il en jette à la place une sur la petite soeur Martillo en guise de remontrances. Elle dit vrai, soit, mais ce n’est pas une raison ! De toute façon, le choix du parrain n’appartiens pas à Leo. Ce sont Toni et Chérie qu’il faut flatter et Nate ne perd pas de temps en ce sens. S’il lâche bien pour la forme un « c’est déloyal, ça » à l’intention de son cadet qui tente de remporter l’adhésion de leur beau-frère à coup de chips parfum barbecue, Tommy ne cesse pas de sourire. Il est ravi (au delà de ça, en fait) de pouvoir assister à une scène dont il ne croyait vraiment plus qu’elle se reproduirait un jour. Il ne vanne même pas son frère alors qu’il accapare plus ou moins le paquet de chips. Qu’il mange donc. Tommy est même tout disposé à lui laisser sa part (ce qui n’est pas rien le connaissant), tout à sa joie de voir Nate en forme et bien portant. En cet instant, le reste ne revêt à ses yeux plus d’importance.

Sans qu’aucun d’eux ne l’ai vraiment prémédité, un silence s’installe durant lequel leurs regards convergent tous machinalement sur le rescapé du jour. Tommy se mord légèrement la lèvre, pensif. Que les choses restent ainsi. C’est tout ce qu’il demande, tout ce qu’il réclame. Il n’a besoin de rien de plus. Il manque juste Dwight avec eux dans cette pièce, mais même sans lui, même avec cette ombre au tableau, Tommy prend allègrement racine dans cet instant. Il s’y pelotonne comme dans une couverture. Que ça dure. Il a besoin de ça.

Un petit moment s’écoule avant que le centre de l’attention générale ne prenne conscience de l’attention en question. Tommy incline légèrement la tête vers le bas alors que le paquet de chips va de main en main. Toni le passe à Mira qui pioche dedans avant de l’agiter sous le nez de son meilleur ami. Tommy ne se fait pas prier pour l’attraper et fourre une main dans le paquet mais son geste se retrouve suspendu quelques instants alors que son regard accroche celui de son amie. Un ange passe et une petite boule se loge dans sa gorge. Il est tenté de nouer ses bras autour de Mira, de l’étreindre, mais il tiens pas tant que ça à devenir à son tour le centre de l’attention alors il se fend juste d’un sourire qu’il n’espère pas aussi troublé qu’il le présage. Cela fait, il attrape deux trois chips et les fourre dans sa bouche. Il est ensuite interpellé par sa soeur qui réclame à son tour les chips. Tommy les lui tend, non sans la vanner au passage. « A vos ordres, mon capitaine. » Et en plus de ça, son aînée râle ensuite, peu satisfaite. Tss, jamais contente. De là, tout va vite, tout s’accélère. Chérie se met en mode grande soeur, lançant la préparation largement plus consistant que la pile de cochonneries rassemblées quelques minutes plus tôt. Si Tommy conviens qu’un repas plus préparé serait souhaitable, il ne peut pas s’empêcher de vanner de nouveau son aînée alors qu’elle répartie machinalement les rôles au sein des deux fratries. « J’ai dû avoir une absence car j’ai complètement occulté le moment où tu as été nommée chef des opérations » qu’il lance à voix haute à l’intention de sa grande soeur. Ça ne l’empêche pas de se détacher de Mira pour se mettre à exécution. Filant vers un placard dont il a préalablement évalué le contenu, il se baisse pour récupérer les ustensiles nécessaires. Un bon petit frère docile. Un brave petit commis. Ça lui rappelle une autre époque, dans une autre cuisine, il y a de ça plus de vingt ans, quand Chérie dépassait encore tous ses petits frères de plusieurs têtes et s’employait à les diriger pour préparer (avec plus ou moins de succès) les plats qu’elle avait préalablement choisi. Une entreprise compliquée, vu qu’à l’époque Dwight finissait toujours par dévier de la série d’ordres véhiculés par leur aînée et que Tommy filait joyeusement le train à son frère, suivant gaiement l’exemple donné.

Cette fois-ci, et malgré ses protestations machinales, il se la joue obéissant, ramenant poêle et fait-tout à sa soeur. Il ne s’attarde pas longtemps auprès de Chérie, histoire de ne pas lui laisser le temps de prendre sa revanche. Loupé, elle saisit au vol l’opportunité de lui administrer une petite claque derrière la tête. Garce. « Tu ressembles de plus en plus à ta mère » lance Tommy, un sourire aux lèvres, avant d’aller de l’autre côté de la cuisine en quête de couverts. Se faisant il passe brièvement à côté de Mira et s’arrête momentanément pour poser sa tête sur son épaule, dans une caricature peu convaincante du pauvre petit malheureux martyrisé par son aînée. Mouais. Il adresse ensuite un clin d’oeil à son amie avant de se détourner. C’est pas tout ça, mais il a d’autres tâches à remplir.