Quelle mauvaise idée. Sûrement la pire qu’il a pu avoir dans toute sa vie. Se jeter littéralement et volontairement dans la gueule du loup. Aller directement vers la personne qu’il déteste le plus dans ce monde. Pour quoi faire? L’aider? Aider un père qui les a renié lui et sa sœur. Aider un homme qui n’a eu aucun scrupule à torturer sa femme. Aider un deatheater. Vraiment, Jarod n’a pas toute sa tête. Il ne sait pas ce qui lui a pris d’accepter. Il aurait dû refuser dès que la question a franchi les lèvres de Freya. Il a pouffé de rire d’ailleurs pensant à une blague. Se disant qu’elle a du culot de lui demander cette faveur. Mais, il a vu le regard désemparé et inquiet de celle qu’il devrait appeler belle-maman. Il a vu qu’elle était à court de solution. Qu’elle avait peur. Il a senti qu’il était son dernier espoir. Il ne sait pas si c’est le médicomage en lui qui veut diagnostiquer, tester et comprendre qui a finalement dit oui, mais le fait est qu’il est là, dans ce salon trop luxueux pour revoir son géniteur pour une raison qui, il le sait déjà, ne va qu’envenimer les choses. Jamais, Marlon ne voudra coopérer. Jamais, il ne voudra se confier. Jamais, il ne voudra que Jarod le touche ou lui fasse passer des tests. C’est peine perdu. Il sait déjà que c’est une perte de temps. Il regrette. Il sait que ça va mal finir, mais il est venu pour Freya. Et peut-être un peu pour lui. Une mince part a envie de revoir son père. Une curiosité malsaine qui va le décevoir à tout coup. Heureusement qu’il n’en a pas parlé à Azaël. Elle serait devenue bleue. Si Jarod a voulu connaitre la version des faits du Travers et lui donner le bénéfice du doute lors de leurs retrouvailles, sa jumelle, elle, n’a rien voulu savoir et a tout refusé en bloc.

Il fait les cent pas en attendant l’arrivée du couple qui s’est nouvellement marié. Bien sûr, les Nielsen n’ont pas été invité et à ce qu’il a entendu, ça a bardé. S’il a été déçu pour l’agent double, il a été satisfait pour l’autre, même si une petite blessure dans son visage de con n’aurait pas été de trop. Quoi qu’il en soit, Jarod a pris son rôle au sérieux. Il a fait des recherches avec ce que lui a mentionné Freya sur le comportement de Marlon. Il a fouillé des dizaines de bouquins, il a relu ses propres notes prises en cours et il a demandé l’avis de ses collègues à l’ordre. Il a une bonne idée de ce qui se passe, mais il ne veut pas aller trop vite ou prendre des décisions hâtives. Vaut mieux qu’il discute d’abord avec son…patient. Il entend la porte s’ouvrir dans le grand hall principal. Il sent ses mains moites. Il appréhende. Il ne sait pas comment réagir. Il a envie de fuir et de dire à Freya qu’il n’a pas pu se présenter. Il se croyait prêt à l’affronter à nouveau, mais maintenant qu’il n’y a qu’un mur qui les sépare, il n’est plus certain. Il passe une main dans ses cheveux alors que la femme arrive. Le couple discute et passe finalement l’arche. Jarod retient son souffle en apercevant Marlon. Sa main se glisse doucement dans la poche de son gilet pour attraper sa baguette, au cas où. Il est droit et il garde un visage neutre ne sachant pas trop quoi dire. Il reste sur ses gardes ne sachant pas comment va réagir l’homme. Il en veut à Freya de ne pas lui avoir expliqué et de le prendre par surprise. Il se doute que Marlon ne serait jamais venu s’il avait su, mais il se doute aussi qu’il va être en colère de s’être fait piéger. Jarod regarde Freya et il a envie de rire de ses paroles. « Aimer retrouver Jarod », « faire du bien de parler », c’est probablement le dernier des souhaits de l’homme, mais le fils ne dit rien et se contente de serrer la mâchoire. Il sait qu’elle essaie seulement d’apaiser son mari. Peut-être qu’elle se rend compte que c’est une mauvaise idée. "Bonjour Marlon." qu’il dit finalement pour toute introduction. Il n’est pas là pour discuter du beau temps ou rattraper le temps perdu, mais pour une raison précise. Il laisse le soin à Freya d’expliquer sa présence. C’est son idée après tout.

Au fil du temps, tu avais appris à tout pardonner à Freya Abbott. Des paroles qu’elle avait proférées durant une dispute, aux crises de jalousie, en passant par son allégeance à l’Ordre du Phénix. Rien ne semblait pouvoir altérer cet amour passionnel, et parfois même maladif, que tu lui portais. Mais ne disait-on pas que toutes les bonnes choses avaient une fin ? Ce qui était en train de se dérouler ce soir-même serait peut-être l’exception à la règle, le faux pas de trop.

Les bras toujours fermement croisés sur ta poitrine, tu l’observes d’un regard inquisiteur alors qu’elle confirme tes doutes. “Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?” Tu ne comprends absolument pas où elle veut en venir et l’idée de la suivre dans la pièce voisine sans savoir à quoi t’attendre ne te plait pas franchement. Tu avais beau l’aimer plus que de raison, une partie de toi ne pourrait jamais se résoudre à lui faire confiance. Parce qu’elle t’avait menti pendant des années, parce qu’elle était au service de l’ennemi, et parce que la peur de l’abandon caracolait en tête de tes angoisses, tu étais contraint de vivre dans la crainte qu’elle te trahisse. Par réflexe, tes bras retombent le long de ton corps, et l’une de tes mains vient agripper ta baguette magique, alors que tu suis ton épouse. Mais une fois le seuil du salon franchi, tu t’arrêtes brusquement, comme si l’on venait de te pétrifier. Tes sourcils se froncent alors que tes pupilles se posent sur le visage du jeune homme, qui attend patiemment, mais sans doute aussi fébrilement, de l’autre côté de la pièce. L’espace d’un instant, tu te demandes si toute cette comédie est belle et bien réelle ou si tes yeux te jouent des tours. Une infinité de questions s’entrechoquent les unes après les autres dans ton esprit alors que tu tentes de comprendre ce qui est en train de se dérouler ici même, à ton propre détriment. Plusieurs secondes s’écoulent dans le silence le plus opaque qui soit. Les mots de Freya résonnent enfin et tout devient clair. Tu n’arrives pas à croire qu’elle ait eu l’audace de te tendre un piège pareil. Ton regard oscille tour à tour entre Jarod et Freya. Et finalement, c’est sur ton épouse que tu choisis de déverser ton ire en premier lieu. “Tu as pensé que j’aurais aimé retrouver un ennemi du gouvernement ? Eh bien tu ferais peut-être mieux d’arrêter de penser. Je te rappelle que les résistants sont des terroristes, et je n’ai nullement envie d’être vu à leurs côtés.” S’il restait encore des gens pour prendre ton parti, ils auraient certainement prétexté que tes mots venaient de dépasser ta pensée, que tu ne songeais pas à mal, que tu ne réalisais pas la violence de tes propos… Mais voilà que dans cette pièce qui te donnait soudain la sensation d’étouffer, tu étais seul contre les deux serviteurs du Phénix, et personne ne viendrait pour t’éviter de détruire tout ce que tu avais de plus cher. “Ecoute, Freya, je ne me mêle pas de ta vie de famille, alors tâche de faire la même chose avec les lambeaux de ce qu’il reste de la mienne.” Que tu le veuilles ou non, Jarod ferait toujours partie de ta famille, tout comme sa sœur et sa défunte mère. Ni le temps ni la mort ne pourrait y changer quoi que ce soit. Les liens qui vous unissaient étaient immuables. Mais Freya, acculée par son incommensurable désir d’enfanter ne comprendrait certainement pas ta réaction de rejet face à Jarod. Et aussi opiniâtre qu’elle était, elle ne renoncerait pas avant de t’avoir fait plier une fois de plus.

Te retournant enfin vers ton fils, qui te salue platement, tu sens ta colère redoubler d’intensité. “Quant à toi, ne t’ai-je pas dit que si tu croisais à nouveau mon chemin, je ne ferais pas preuve d’autant de clémence que la dernière fois ?” Il faut croire que tes menaces n'impressionnent plus autant qu’auparavant, Marlon. A moins que Freya n’ait été l’exemple parfait de ton incurable faiblesse. De quoi Jarod devrait-il avoir peur, quand on sait que tu partages bien sagement ta vie avec l’ennemi ?

Dès que le regard de Marlon se pose sur Jarod, la tension monte d’un cran. La pièce semble se refermer sur lui, l’atmosphère devient lourde et chargée. Le médicomage tente de ne démontrer aucune émotion, mais il sent ses nerfs à vif. Le fait qu’il se retrouve devant son père pour la deuxième fois en quelques mois fait remonter un tas d’émotions contradictoires et il sait qu’il doit y faire abstraction s’il veut réussir et bien faire ce pourquoi Freya la fait venir ici. Il se doutait que les choses débuteraient de cette façon, il n’est donc pas surpris de la réticence du Travers et de sa colère qui explose. Dans un sens, il la comprend. Se faire piéger par une personne de confiance n’est jamais amusant, encore plus si c’est pour se retrouver au même endroit qu’une personne qu’on essaie d’oublier ou qu’on veut éliminer. Jarod aurait probablement réagit de la même façon. Il est le portrait craché de Marlon, il parait. Il pouffe légèrement devant les lamentations du mangemort. Est-ce qu’il se rend compte que chaque fois qu’il ouvre la bouche pour se plaindre de l’ordre, il perd toute crédibilité? Jay ressent toutefois un coup qui le surprend dans la poitrine lorsqu’il mentionne le mot famille. Il n’a jamais considéré Marlon comme sa famille, mais après les révélations de la dernière fois, il se rend compte qu’il n’a pas de famille, sauf Azaël. Leur famille n’a fait que leur mentir. Ils sont seuls. Heureusement que Freya est là pour tenter de désamorcer la bombe. Il assiste à une scène qui le laisse plutôt mal à l’aise et qui lui donne envie de se cacher derrière le rideau. too much information, mais il doit avouer que la complicité entre les deux est très forte. Il ne sait pas si les paroles ont un impact sur l’homme, mais il peut voir tout l’amour que la femme lui porte, même si ça le dégoûte. Il ignore les menaces de Marlon parce qu’il sait très bien qu’il ne lui fera rien. Peut-être parce que comme l’a mentionné Freya, le fait que le même sang coule dans leurs veines compte, mais surtout pas devant sa femme.


"Écoute, je ne suis pas là en tant que membre de l’ordre ou même en tant que fils…" Ce mot roule d’une drôle de manière sur sa langue. D’une manière déplaisante. Il n’a pas souvent eu l’occasion de le mentionner à voix haute, mais maintenant que c’est chose faite, il n’aime pas du tout. "…Je suis là en tant que médicomage. " Son regard est planté dans celui de Marlon. Il a croisé ses mains dans son dos. Il se maintient le dos droit et le menton légèrement relevé. Il veut se donner une certaine consistance. Montrer qu’il est un professionnel et qu’il se fiche du patient devant lui. "Je ne suis pas là pour t’emmerder ou même tenter de te blesser, je suis là pour Freya qui s’inquiète pour toi. " Juste pour elle. Parce qu’il se fiche complètement de l’état de santé de son paternel. Il pourrait crever demain que ça lui ferait pas un pli, mais il a beaucoup de respect pour l’agent double et même si ça lui coûte beaucoup, il lui a promis de se pencher sur la cause du Travers. À condition que ce dernier veuille bien coopérer.

C’aurait été un euphémisme que d’affirmer que tu étais en colère. En cet instant, tu en avais contre Freya, Jarod, contre le monde entier. Tu te sentais une nouvelle fois trahi, dupé, et il y avait peu de choses que tu supportais encore moins que ce sentiment-là. L’espace de quelques secondes, c’est pourtant de la gêne qui vint remplacer ton ire. Alors que Freya évoqua votre intimité devant Jarod, ton regard se détacha soudain de lui et vint se dissimuler dans la contemplation du décor. Comme toujours, cette sensation de malaise se traduisit par une main frénétiquement glissée dans tes cheveux. Une manie commune à la fratrie Travers, dont tu ne savais pas si Jarod avait hérité. Prenant toujours bien soin d’éviter de croiser ses pupilles, tu ne remarquas pas que ta gêne semblait entièrement partagée par ton fils. Au lieu de cela, tu envisageas de répondre par ce que tu savais le mieux, autrement dit, par une réplique assassine. “Si tu l’apprécies tant que ça…” Tu n’as qu’à l’adopter, il n’a plus de mère de toute façon. La fin de ta phrase s’évanouit dans les limbes de ce qu’il te reste de conscience. Pas tant par égard pour Jarod, mais bien parce que tu sais à quel point ces propos auraient blessé Freya. Tu as beau être furieux contre elle et ses manigances, tu ne peux te résoudre à lui renvoyer son plus grand chagrin au visage, par simple désir de vengeance. Elle t’a déjà tant (trop) pardonné, tu ne peux courir le risque de franchir le point de non-retour. “Ne mélange pas tout, Freya. C’est la pureté du sang qui m’importe et tu le sais très bien.” Le ton est ferme, déterminé, et pourtant on peut encore déceler une bribe de douceur, qui s’attarde sur le prénom de l’être aimé.

Tel Jekyll et Hide, ton visage change du tout au tout lorsque tu valses entre Freya et Jarod. Tu ne peux retenir un ricanement cynique alors qu’il tente de justifier sa présence en ces lieux. “Tu es médicomage ?” Le regard mi-incrédule, mi-présomptueux, tu le jauges de la tête aux pieds, comme si tu ne le croyais pas capable d’occuper une telle fonction. Le fait est que tu ne t’étais jamais donné la peine d’imaginer ce que ta progéniture pouvait bien faire de sa piètre existence, en dehors de servir l’ennemi. “Tu n’as donc pas de patients de l’Ordre à soigner ?” Façon à peine détournée de lui demander s’il n’avait donc rien de mieux à faire que de t’imposer sa présence impure. Et pourtant, tu ne haïssais pas ton fils autant qu’on pourrait le croire. Mais voir Jarod se tenir ainsi devant toi te rappelait tout ce que tu voulais aujourd’hui oublier. Le mensonge de Vivien, vos disputes, sa mort, ton emprisonnement. Ce qu’il y avait de pire en toi.

Malgré les horreurs que tu pouvais lui asséner, Jarod conservait un calme olympien. Encore un trait de caractère qu’il avait dû hériter de sa défunte mère. La tête haute, l'air tranquille, il soutenait ton regard sans ciller. Et lorsqu’il reprit la parole, il toucha un point particulièrement sensible. Détournant immédiatement ton attention vers celle qu’il venait d’évoquer, tu demeuras un instant silencieux. Les sourcils froncés, tu tentais d’y voir plus clair, de comprendre ce que Jarod avait véritablement voulu dire. Et la conclusion que tu finis par tirer de ta réflexion avait tout pour te déplaire. “Tu t'inquiètes pour moi… Je suppose que ce n’est pas à cause de la blessure que j’ai reçue le jour de notre mariage pour te sauver d’un vampire assoiffé de sang ? Alors quoi, tu as peur de moi parce que tu réalises enfin que je suis un mangemort qui a passé une décennie enfermé à Azkaban et dont le quotidien s’apparente à détruire des vies ?” Tes paroles étaient teintées d’un mélange d’incrédulité, de sarcasme, et de déception aussi. A aucun moment tu ne t’étais attendu à ce que ton épouse se mette à te prendre pour un fou, ayant besoin de se faire soigner par son rejeton sang-mêlé. Pourquoi ne t’en avait-elle pas parlé plus tôt ? Pourquoi n’avait-elle pas même le courage de te le dire en face ? A mesure que ta mâchoire se décontractait, tu sentais ta gorge se serrer; signe que la colère perdait peu à peu du terrain face à la douleur. Le jugement que Freya semblait porter sur ta santé mentale te blessait plus profondément que tu ne voulais bien l’admettre. Instinctivement, tu reculas d’un pas, comme pour accroître la distance qui vous séparait. “Navré de n’être ni l’époux ni le père aimant, dont vous rêvez tous les deux. Mais je ne vois absolument pas ce que l’intervention d’un médicomage pourrait bien y changer.” Le dépit finit par succéder à cette rage sourde que tu avais éprouvée jusqu’alors. “Ne perdez pas espoir, on finit toujours par se résigner. Adèle Travers y est parvenue plus vite que vous ne pouvez l’imaginer.” Tu avais cessé de l’appeler “maman” à peu près au même instant, où elle avait arrêté d’essayer d’aimer son deuxième fils.

Jarod se sent de trop. Il n’est pas du tout à l’aise de se retrouver non seulement dans la même pièce que son géniteur, mais aussi d’être le témoin de ce qui semble être une dispute de couple. Du moins, d’une conversation privée. Machinalement, il se passe une main dans les cheveux en évitant de regarder le duo à la fois tendu et complice. Il pourrait s’en réjouir et en profiter pour tenter de découvrir des faiblesses ou enregistrer ce moment pour l’utiliser contre lui plus tard. Pourtant, le médicomage n’a aucune envie de s’en rappeler. Il veut plutôt oublier. Il n’aime pas se retrouver dans l’intimité de Marlon, de voir une partie de lui plus douce, plus aimante, même si toujours grinçante. Il préfère se souvenir de lui comme d’un monstre sans cœur et sans scrupules. Il aurait préféré que Freya parle de cette rencontre à son époux au lieu de lui tendre un piège. Il se doute que le mangemort n’aurait jamais accepté, mais ça aurait évité de les mettre dans cette situation qui n’a rien de normale. Un père et son fils qui se détestent, qui ne se connaissent pas, qui se jugent, qui veulent s’entretuer, qui n’ont rien en commun. Et une femme inquiète, mais déterminée entre les deux. Probablement la personne la plus forte des trois. Celle qui a osé défier son mari et convaincu son fils impur de lui venir en aide.

Le jeune homme porte son regard vers les motifs sobres des rideaux. En apercevant l’extérieur par une mince ouverture dans le tissu, l’idée de fuir lui traverse l’esprit. Il veut abandonner. Sa conscience lui dicte depuis le début que c’est une idée stupide et impossible. La bête ne trouvera jamais la raison et ne se laissera jamais ausculté par l’une des personnes qu’il déteste le plus au monde. Mais son cœur, son cœur a un tout autre discours. Il veut lui laisser une chance et c’est une bonne occasion de se rapprocher de celui qui a gâché sa vie, d’apprendre à mieux le connaitre. De se rapprocher de l’ennemi.

Lorsqu’il sent une pause dans leur conversation et qu’il sent que la brune échappe la situation, Jarod tente de reprendre les commandes et indique à son paternel la raison de sa venue. Sa fierté de lui mentionner qu’il est un médicomage s’estompe toutefois assez rapidement. Il ne le laisse pas paraître et garde sa position bien droite, mais la surprise, peut-être même le dégout dans l’expression de Marlon le touche plus qu’il ne le pensait. Il ne sait pas à quoi il s’attendait ou même pourquoi il s’attendait à une quelconque réaction. Peut-être veut-il l’impressionner? Lui montrer que malgré son sang impur, comme Marlon ne cesse de le répéter, cela ne l’a pas empêché de faire des grandes études et d’avoir un bon métier. Malgré la tension toujours bien présente chez Marlon devant ce guet-apens, la colère semble par contre se calmer chez le mangemort. Difficile de connaitre la raison de ce retournement de situation, mais les paroles de sa femme semblent avoir trouvé un moyen de se faufiler jusqu’à son cœur de pierre, même si Jarod aurait bien quelques reproches à lui faire, mais ce n’est pas le moment.

"Tu n’as jamais pensé que tes sautes d’humeurs massacrantes et soudaines, tes accès de colère, ton besoin de sommeil qui diminue de semaine en semaine, ton agitation, ton hyperactivité et dernièrement ton augmentation importante d’activités professionnelles et sociales ne sont pas juste des effets secondaires de tes années en prison? Et tes périodes dépressives où tu te sens coupable ou diminué. Tu sais celles que tu veux effacer au plus vite pour ne pas qu’on te croit faible ou qu’on croit que tu as un peu d’empathie pour ceux que tu rejettes depuis toujours? Et les malaises soudain, les maux de dos ou à l’estomac. Tout n’est pas la faute d’Azkaban, même si ça n’a pas aidé. " Si Jarod peut se douter des deux premiers symptômes, les autres lui ont été rapportés par Freya. Ce n’est définitivement plus le fils qui parle, mais le professionnel qui lui met au visage tout ce que son patient ne veut pas voir ou qu’il ignore volontairement depuis trop longtemps. "Tu sais depuis toujours qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi. Tes réactions excessives pour tout et n’importe quoi ne sont pas normales. Mais t’es trop orgueilleux pour aller consulter. T’as peur que tes petits amis mangemorts te traitent différemment et que ton rang en soit affecté. T’as peur que Voldemort ne te fasse plus confiance." Il s’est rapproché de Freya en parlant, de peur que Marlon s’en prenne à elle de lui avoir confié tout ça. "Je me doute bien que tu ne veux pas que je sois celui qui te soigne ou qui t’aide, mais ta femme sait que je suis doué. Elle sait que je ne vais pas la trahir. Je te répète, je fais tout ça pour elle et non pour toi."

Tout son être n’est que contradiction, de son corps jusqu’à ses paroles. Il déteste cet homme, il veut le voir disparaitre. Dès qu’il ouvre la bouche, la rage et la colère montent d’un seul coup, mais le voilà qu’il est en train de le supplier de le laisser l’observer et de le convaincre de lui faire confiance concernant sa discrétion et ses aptitudes. Ça n’a tout simplement aucun sens. Et pourtant, il reste là, à le toiser, espérant une réponse positive et sachant très bien qu’il a mis le doigt sur certains faits. "Une seule séance. On essaie une fois et si ça te plait pas, on arrête."

Tu aimes Freya. Tu n’as jamais été aussi sûr de quoi que ce soit d’autre. Et pourtant, en cet instant précis, tu lui en veux. Tu te sens trahi, une nouvelle fois. Et comme toujours lorsque tu en venais à éprouver de la déception, de la tristesse même, tu t’abandonnais à tes propres démons. Le doute, la remise en question, la paranoïa aussi. Tu ne parvenais plus à distinguer le vrai du faux, le réel de l’imaginaire. Tu étais capable de balayer d’un revers de la main des années de vie commune et de souvenirs. “Moi non plus je n’ai pas rompu cette promesse. Je ne t’ai pas attirée dans une rencontre avec un autre mangemort. Qui me dit que ce n’est pas ce que tu avais prévu depuis le début ? Aider mon fils à se venger de moi, c’était peut-être ça ta mission finalement. A deux contre un dans ce manoir désert, vous auriez vos chances.” Tu dépasses les limites une fois de plus. Tu prouves à Freya que la blessure causée par ses aveux n’était pas encore complètement guérie. Le serait-elle donc un jour ? Pas si tu t’entêtais à poursuivre sur cette voie, à rejeter celles et ceux qui te voulaient véritablement du bien. Pour l’heure, la colère de ton épouse te cloue un instant au silence. Tu croises les bras sur ta poitrine, comme le gamin boudeur que tu avais été quarante ans auparavant. Tu ne parviens plus à dissimuler la moindre émotion sur ton visage. Le regard que tu poses sur Freya est empli d’un drôle mélange de fureur et de tristesse.

Si tu étais parvenu à ignorer Jarod durant cette altercation des plus intimes avec ton épouse, tu ne peux l’empêcher d’entrer en jeu à son tour. Profitant de ton silence momentané, il entame ce qui résonne à tes oreilles comme un diagnostic. Un ricanement sarcastique s’échappe d’entre tes lippes à mesure que les détails s’étoffent. Freya semble t’avoir observé comme un véritable cobaye pour venir tout rapporter à son médicomage de prédilection. “Je vois que l’on t’a renseigné jusque dans le moindre détail. Mais puisque tu sais déjà tout sur moi, cela nous évitera au moins d’avoir à rattraper le temps perdu.” La réplique est amère, acérée telle la lame d’un poignard tranchant. Tu détestes entendre parler de toi-même en des termes supposément médicaux, comme si tu n’étais qu’un rat de laboratoire auquel on avait fait passer des tests contre son gré. Et pourtant, tu n’es pas encore au bout de tes surprises. Jarod enchaîne, il aggrave son cas au fil des provocations qu’il débite. Si tes doigts se resserrent machinalement sur ta baguette magique alors qu’il t’accuse d’être orgueilleux, c’est lorsqu’il évoque le Seigneur des Ténèbres que tu dégaines finalement ton arme. Comme un réflexe, comme si tu ne faisais qu’usage du prolongement de ton bras. “Comment oses-tu faire de telles suppositions ? Comment oses-tu seulement prononcer son nom ?” Jarod n’avait pas seulement vu juste, il avait aussi su toucher la corde sensible. Ta réputation, la confiance que Lord Voldemort plaçait en toi. Deux choses aussi fragiles que puissantes. Deux choses que ni Freya ni Jarod ne pouvaient entièrement comprendre.

Ta baguette magique est encore pointée vers le sol et pourtant, tu vois bien que ton fils se rapproche de Freya, comme pour se dresser en travers de ton chemin. Croit-il que tu pourrais lui faire du mal ? S’imagine-t-il déjà le pire ? Freya n’est pas Vivien. Tu ne pourras jamais t’en prendre à elle. Pas même si tu venais à être prisonnier de la pire des fureurs, n’est-ce pas ? “Essaierais-tu de la protéger de moi ? Je préfèrerais encore avouer ma trahison au Lord plutôt que de m’en prendre à elle.” Qui cherches-tu à convaincre de cela ? Jarod, Freya, ou bien ta propre personne ? Pourquoi douter d’une telle évidence ? Peut-être parce qu’il y a du vrai dans ce que dit ton fils, peut-être parce que tu trouves dans l’un de ces cycles où tu te sens coupable, où tu doutes de toi-même. Tes pensées s’entremêlent, et alors que tu gratifies l’assemblée de ton silence, tu te laisses choir sur le canapé le plus proche. “C’est toujours ainsi que cela finit, non ? Freya Abbott obtient constamment ce qu’elle veut.” Tes pupilles désabusées se posent une nouvelle fois sur cette sorcière, qui causerait certainement ta perte. Puis, tu reportes finalement ton attention sur Jarod. “Elle consiste à quoi ta séance ?”