"All the time." Le sourire piteux sur les lèvres d'Aoife s'étire lentement, timidement, devenant progressivement plus naturel et radieux. Elle parle beaucoup, parfois, trop lui dirait Diana - c'est plus fort qu'elle, comme si toutes les informations se battaient dans sa bouche pour en sortir en premier, s'entremêlant sur le bout de sa langue dans un tango endiablé et, souvent, embarrassant. Elle est contente, aussi, que Numa ne soit pas complètement en train de se fermer à elle après ce qu'elle lui a dit à propos de son père. C'est stupide mais elle a perdu plus d'un ami à cause de ça, à cause de leurs relations malavisés ou, plus généralement, leurs tendances à s'éloigner d'elle en l'apprenant - comme si le deuil était infectueux.

"Actually, My ehm, my, well someone told me that when I'm feeling this way there's something that helps. you'll go somewhere when no one can hear you, or disturb you and you take a deeeep breathe and you just .... shout." Aoife arque les sourcils en l'entendant, s'esclaffant malgré elle. Elle n'a jamais fait quelque chose comme ça... "It helps me when I'm upset. For example, you could go somewhere and shout 'Fuck Mr Shacklebolt"." Elle rit d'autant plus en l'entendant, ses yeux clairs s'écarquillant en balayant les alentours, effarés à l'idée que M. Shacklebolt soit en train de rôder et les entende. Quand les yeux d'Aoife reviennent à Numa, elle s'émerveille de son petit sourire, incertain mais présent. "Oh my word," commente-t-elle. "I don't know if I'd say that, but it sounds... liberating." Elle essaye de s'imaginer conduire jusqu'à la petite forêt déserte près de la ville, sortir et se mettre à hurler sur les lumières de la ville... elle se demande si Numa aimerait bien l'accompagner.

Elle pense que oui. Et elle pense qu'elle aussi aimerait bien ça. "But yeah I do have those. Mostly about books and bullshit people, you know. - That's good." Aoife a l'air particulièrement sérieuse lorsqu'elle hoche la tête. "Having opinions, I mean. So many people parrot back whatever they hear without thinking." Et, clairement, Aoife n'est pas like other girls, merci beaucoup. Elle lève les yeux au ciel, son petit sourire toujours hissé sur ses lèvres. "I don't think I've ever screamed like that in my entire life," confesse-t-elle après avoir regardé sa soeur et ses amies s'agiter sur le terrain pendant quelques secondes silencieuses pensives. "But I can see how it helps. Sometimes it's like so many things are bottled up inside and they grow and they grow and they grow and then they spill over... It's better to let them out before then." Généralement, Aoife pleure. De manière incontrôlée et incontrôlable, embarrassante, toujours. Elle a toujours l'impression de pleurer toutes les larmes de son corps et puis elle est surpris quand, quelques temps plus tard, les larmes lui viennent tout aussi facilement qu'avant.

Aoife se tourne brusquement vers Numa. "What are you doing on Friday? This guy Django is throwing a party at his house. You may know him? Or, well, one of his brothers, there's six of them and they all look the same... Anyway, his house is huge - they have three floors and a jacuzzi - and a few people are going to be there." Pas la peine d'être un génie pour voir que Numa n'est pas à l'aise avec les foules. "We can go together! I won't leave you stranded, I promise. We can have dinner before, have you ever been to Herb's Burgers? They have the best cheeseburger in town. I won't leave your side, and you can meet my friends." Elle sourit d'un air ravi à cette idée. "It'll be fun!"

On a déjà acté que Numa n'était pas un grand habitué des interactions sociales, assez maladroit, très anxieux, bien trop timide. C'est un cocktail qui forcément en dérange plus d'un.e. Le nouveau est donc très loin d'être un expert en la matière et il sait devoir prendre ses impressions avec de grandes pincettes, mais il jurerait que la discussion se déroule convenablement. Preuves à l'appui : 1) Aoife continue de lui parler et n'est toujours pas partie en courant. Elle rigole même et Ace disait toujours que femme qui rit, ton amie pour la vie. Et Ace a-avait toujours raison. 2) Elle a abordé un sujet délicat avec lui et il n'a presque pas raté sa réponse (ok ça c'est une demi-preuve mais il va la compter.). 3) il arrive à contrôler sa respiration et à garder son calme même quand les pensées se font trop envahissantes. Les faits ne mentent jamais.

Enfin, la journée n'est pas terminée. Il peut se passer beaucoup de choses en quelques heures et parfois moins. Le monde a déjà tourné en une fraction de secondes pour Numa. Un coup tout va bien, il est en contrôle, il a un sourire sur son visage. Et clac, y'a tout qui se retourne et le sol ne le soutient plus et ses jambes non plus et c'est comme s'il tombait la tête la première dans une mélasse noire sans rien pouvoir faire pour l'arrêter.

Numa prie pour que cela n'arrive pas avant qu'il soit de retour chez lui. Parce qu'elles reviendront les spirales, il n'est pas guéri ; pour l'instant c'est une question d'apprendre à les contrôler et parfois simplement les retarder. Le rire d'Aoife aide beaucoup ; il est léger et doux et il contient quelque chose de bien plus fou : l'idée que c'est lui qui en est à l'origine. L'adolescente confirme ce qu'il disait et renchérit : "Having opinions, I mean. So many people parrot back whatever they hear without thinking." "Yeah..." Au loin, y'a une des filles de l'équipe de la soeur d'Aoife qui marque. Il entend des cris de joie. Mais Numa ne regarde pas au loin, son regard est perché au visage d'Aoife. "I don't think I've ever screamed like that in my entire life," "I did." Il y a pas loin d'un an, il le faisait presque tous les jours. Mais ça il ne lui dira pas. "But I can see how it helps. Sometimes it's like so many things are bottled up inside and they grow and they grow and they grow and then they spill over... It's better to let them out before then." Cette fois, il opine frénétiquement du chef, son sourire s'étire et ses yeux s'agrandissent. C'est exactement ça ! "Exactly ! And-and sometimes it's the only way things can go out at all. Because there's like a padlock inside your throat that keep the words from taking form. And suddenly you-you can't breath no more. Sa main glisse contre sa propre gorge pendant qu'il parle, et il entend la vibration de sa voix contre ses doigts. Ca l'aide à continuer. It's like there's no escape, you can't talk but you can't stay quiet either.. Il passe de nouveau la main sur son crâne, un tic nerveux, son sourire tordu et maladroit toujours en place. Anyway, you should try it sometimes. We could do it together, n'ose-t-il pas ajouter.

Tout se passe bien, quelques minutes depuis sa dernière quasi attaque de panique, tout se passe bien. Quand soudainement, la blonde se tourne vers lui pour s'exclamer. "What are you doing on Friday? This guy Django is throwing a party at his house. You may know him? Or, well, one of his brothers, there's six of them and they all look the same... Anyway, his house is huge - they have three floors and a jacuzzi - and a few people are going to be there." Son cœur explose. Et ca n'a rien d'agréable ou de romantique, bien au contraire. Son cœur s'arrête et c'est pas une métaphore ni même une figure de style littéraire.  Son cœur repart à vive allure, un peu trop vite, un peu trop fort. Et les mots qu'elle a prononcé semblent se trimballer autour de son champs de vision en lettres  Huge...sombres et  Three floors... dégoulinantes et  few people.... s'entortiller autour de lui, -party-party-party-, il doit faire une tête de six pieds de long, il doit avoir l'air nigaud. Il sent déjà des gouttes de sueurs perler sous ses aisselles et du coup Numa se recroqueville sur lui en glissant ses mains en croix sous ses bras. Il aime pas les fêtes, il aime pas quand il y a trop de monde et qu'il y a trop de bruits. Il s'apprête à dire oui et à ne jamais venir au final. Il inventera une excuse, c'est simple puis elle lui propose simplement parce qu'elle est gentille et polie. Il lui manquera pas, il manquera à personne. C'est décidé, il va dire oui d'abord puis non plus tard. C'est un bon compromis, pour pas la vexer.  "We can go together! I won't leave you stranded, I promise. We can have dinner before, have you ever been to Herb's Burgers? They have the best cheeseburger in town. I won't leave your side, and you can meet my friends." I won't leave your side... et il y a cette phrase un peu plus lumineuse qui se bagarre contre les autres et il sait pas qui l'emportera, mais il hésite et Numa finit par dire. "Okay. Sure. I'll have to ask my parents first." C'est pas tout à fait vrai - ses parents lui diront oui tout de suite avec ce regard que ses proches lui lancent souvent quand ils pense que Numa ne les voit pas - mais il prépare tout de même une porte de sortie. Il aime bien Aoife, c'est facile de parler avec elle ; mais elle est peut-être différente quand il y a ses amis autour, et puis il ne saura pas trop quoi dire. Mais elle ne le laissera pas tout seul qu'elle a dit, et le jeune ado a envie de suivre son instinct quand celui-ci lui dit qu'il peut lui faire confiance. Et puis, si c'est trop difficile au final, Numa pourra toujours faire demi-tour. "Okay yes," répète-t-il. "There's nothing more I like than cheeseburger. I-I'll be there." 

I'll be there, lui a dit Numa - et pourtant, elle est bien résolument seule ce soir.

Aoife aurait pu sauter de joie ou dans ses bras quand il a accepté son invitation maladroite mais sincère mais elle ne l'a pas fait de peur de lui faire peur. Ils ont passé le reste de l'entraînement de sa soeur à parler, Aoife à lui décrire en détail ses amies (et les gens à éviter à l'école) et Numa à s'ouvrir pour mieux se refermer la phrase suivante. Mais au final, ça s'est plutôt bien passé - et le lendemain, elle lui a prêté environ trois kilos de livres et il n'a même pas rechigné à les mettre dans son sac. Elle aime bien Numa, et elle a gardé un oeil sur lui pendant la semaine, le cherchant à sa table solitaire pendant les repas, lui adressant un signe de main et un sourire lumineux en le croisant de loin. En revanche, à chaque fois qu'elle l'a vu dans les couloirs, elle a mis un point d'honneur à s'arrêter pour échanger quelques mots avec lui, ignorant les roulements d'yeux de Diana et les soupirs de Poppy dans son dos. Numa est spécial, il n'est pas comme les autres - comme elle.

Et il l'intrigue, aussi, avec ses grands yeux noirs, ses sourires brillants mais hésitants, et les gestes nerveux de ses mains et de ses doigts quand il croit qu'elle ne le voit pas.

Son téléphone vibre dans sa main et Aoife y jette un coup d'oeil excité, se demandant si ce n'est pas Numa lui prévenant qu'il arrive et qu'il est désolé qu'il soit un peu en retard. You got stood up by the weird kid? Aoife soupire en ignorant le message de Diana, ne lui donnant pas le plaisir de lui répondre immédiatement. Elle se sent seule, et elle a froid, à moitié assise sur le capot de sa voiture, sur le parking de Herb's Burgers. Peut-être que Numa a préféré ne pas venir parce que... il est allergique aux milkshakes? Ou alors il a juste dit oui pour être poli? Ou alors il pense qu'elle est folle... ou alors il pense que c'est un date-date?

Est-ce que c'est un date-date?

Est-ce qu'elle a envie que ce soit un date-date? Est-ce que... Une voiture qu'elle ne reconnait pas s'avance lentement dans le parking et Aoife se redresse, s'attendant à y voir Numa et soupirant de dépit quand elle croise le regard du chauffeur, un.e adulte. Peut-être qu'il lui a effectivement posé un lapin...

Aoife agrandit de grands yeux quand elle voit Numa sortir de la voiture et s'approcher d'elle. Elle se redresse, lisse nerveusement sa robe sur ses jambes, et s'approche timidement. "Hey." Elle ne peut pas s'empêcher de rougir en se sentant un peu ridicule. Il a une dizaine de minutes de retard mais peu importe, décide-t-elle. Il est venu, c'est tout ce qui compte. Aoife sourit et fait machinalement un geste de main à la voiture quand elle fait un appel de phares avant de désigner le diner. "You're going to love it!" Pas besoin de lui faire de reproche ou de le mettre mal à l'aise, elle voit déjà qu'il est un peu nerveux. À cause d'elle? Ce serait une première, ça... sans doute à cause de la fête. Aoife elle-même est un peu nerveuse. Diana lui a dit qu'elle avait invité Sofiane et Baruch et qu'ils allaient venir malgré le fait que l'université soit à quelques kilomètres de là. En temps normal, elle aimerait beaucoup passer une soirée avec eux mais avec Numa dans l'équation...

Aoife pince des lèvres, gênée, et fait un mouvement vers la porte du restaurant. "What's your fave milkshake flavor?" demande-t-elle en ouvrant la porte pour le laissr passer. "And yes, there is a wrong answer." Elle fronce les sourcils d'un air faussement sévère, sa bouche étirée d'un sourire joueur.

Numa a l'air interdit quand Aoife lui dit qu'il y a une mauvaise réponse - une blague, évidemment - et elle se demande si il prend ça littéralement. Si c'est le cas, devrait-elle lui poser la question, lui demander si ça le met mal à l'aise qu'elle le mette on the spot comme ça? Elle n'a pas envie que Numa ait l'impression qu'elle se fiche de lui, ou qu'elle ne s'inquiète pas de son bien-être. Ils sont amis. Elle l'a décidé, c'est comme ça, et Numa ne semble pas être le genre de garçons qui peut se refuser quelques amis de plus... elle ne l'a vu parler avec personne d'autre que quelques camarades pendant la semaine, et ces conversations semblaient avoir été accueillies avec plus de malaise que d'entrain par les concernés. Des idiots, tous autant qu'ils sont.

Ils entrent dans le diner et sont immédiatement assaillis par la musique de fond, pour une fois pas trop forte, les néons grésillants et le sol collant de graisse. Il n'y a pas grand monde ce soir, pas encore du moins, et Aoife les dirige vers une table à l'écart où ils seront tranquille. "Ehm. Vanilla I guess. I mean, I-I never had any other milkshake in my life." Les yeux d'Aoife s'illuminent. "If it's the wrong answer, I'm prepared to trust you and taste something new." Elle rit en secouant la tête, l'air ravie. "It's the good answer actually! Vanilla milkshakes are the best." Elle peut juste imaginer la tête dépitée de Poppy en l'entendant, et le sourire ironique de Diana: of course you like it vanilla, pensant peut-être qu'elle ne comprendrait pas le sous-entendu. Aoife adore ses amies, mais clairement elles ne savent pas tout d'elle. "But if you've never had anything else ever, we need to order Herb's Special. There's chocolate, banana, vanilla and coconut in it, with a hint of tabasco - and yes, it works." Elle hoche la tête d'un air sérieux. Le propriétaire, Herbert, a vraiment les idées les plus loufoques du monde, mais Aoife n'a jamais été déçue par ses plats spéciaux.

Ils s'asseyent et elle commande pour eux deux, cheeseburgers, frites et milkshakes, discutant rapidement avec le serveur qu'elle connait bien avant de reporter son attention sur Numa. "Y-you look nice by the way." Aoife rougit un peu en l'entendant, baissant machinalement la tête pour qu'un rideau de cheveux blonds tombe sur son profil, mécanisme de survie et de protection presque instinctif à ce stade quand elle est... pas embarrassée, mais presque. Rappelée soudainement qu'on la regarde et qu'on l'évalue et qu'on la compare aux autres (surtout ses fameuses amies qui sont bien plus jolies et capables et intelligents qu'elle et- bref). Mais Numa ne lui donne pas l'impression d'être un morceau de viande particulièrement appétissant chez le boucher, alors elle sourit lentement sans son excitation habituelle et hoche la tête. "You too." Plutôt formel, à vrai dire (is it a date??), mais une part d'Aoife aime l'idée qu'il ait voulu faire un effort pour elle. "I like your shirt." Elle doit résister à l'envie de tendre la main pour l'effleurer et en éprouver sa texture, et se contente à la place d'attraper l'une des pailles en libre-service sur la table pour la triturer mécaniquement.

Et puis soudainement, comme frappée par la foudre, elle se souvient de quelque chose et se redresse, offrant à Numa un grand sourire plein de dents bien alignées (elle a dit adieu à son appareil il y a six mois - elle est très, très contente que Numa ne l'ait jamais vue avec). "Oh you're going to love this! I was going to order Neverwhere online but my mother said we had it somewhere." Elle attrape son sac qu'elle a déposé près d'elle sur la banquette et fouille dedans pour en sortir un exemplaire du livre. Il a l'air d'avoir vu de bien meilleurs jours et pour cause: c'est une première édition, et elle appartenait à son père. Elle l'ouvre pour en montrer l'une des premières pages à Numa: For Colin. In remembrance of our tribulations in the big City. Neil. Elle étudie attentivement son visage avec un air fasciné. "Mom said they were flatmates in London for a time, and she says she always thought he was the inspiration behind the main character." Aoife ignore si c'est vrai ou si sa mère (aussi prône qu'elle à s'inventer des histoires) a inventé tout ça avec les années pour essayer de retrouver une forme de connexion avec son mari disparu trop tôt.

Mais elle sait juste que c'est incroyablement excitant, et qu'elle ne peut pas s'empêcher de se dire que Numa lui a parlé d'un livre, et qu'elle le possède depuis des années sans le savoir - une forme de destin, pense-t-elle, qui éclaire un peu la raison de cet attachement fort et soudain qu'elle ressent pour le jeune homme en face d'elle. "How crazy is that?!" Elle a l'air particulièrement fière d'elle en se laissant aller contre le dossier de sa banquette. Elle a trouvé le livre dans la bibliothèque de sa mère il y a quelques jours, gardant le secret pour elle pour cette longue soirée, mais elle ne l'a toujours pas ouvert. Une part d'elle a... peur, peut-être, de remuer des souvenirs de son père depuis longtemps enfouis. Une autre part d'elle a hâte. "I haven't read anything else by him though. I hear he wrote comic books. Do you like those?" enchaîne-t-elle, véritablement intéressée, ses yeux bleus cherchant ceux de Numa de l'autre côté de la table.

C'est la bonne réponse. thank fuck. L'angoisse qui avait commencé à perler en goutte sous les manches courtes de son button-down avec des imprimés guépard s'estompe d'un seul coup. Ca fait un peu le même effet que lorsqu'on a retenu sa respiration trop longtemps dans l'eau et qu'on reprend une bouffée d'air pour la première fois. Et bien sûr que la partie rationnelle de son cerveau sait qu'à aucun moment leur amitié naissante était en péril, que ce n'est qu'une expression comme une autre qui n'a aucun fondement littéral, merci, il n'est pas idiot. Mais il se trouve que cette partie de son cerveau a tendance à se faire la malle dès qu'il est face à des situations sociales inhabituelles, ou qu'il a trop de temps pour réfléchir. "But if you've never had anything else ever, we need to order Herb's Special. There's chocolate, banana, vanilla and coconut in it, with a hint of tabasco - and yes, it works." lui propose Aoife et okay pourquoi pas. Le mélange des ingrédients lui paraît un peu douteux mais faire ce pas vers l'inconnu est bien moins terrifiant que celui d'aller à la soirée après. — Okay, yeah. I'll take this one then, affirme-t-il avec bien plus d'entrain qu'il n'en ressent réellement, Numa veut lui plaire et s'il doit tester un milkshake à la composition louche, il le fera.

Aoife passe la commande et l'adolescent choisit ce moment pour la complimenter sur son look. Est-ce qu’il y a un bon moment pour dire à une fille qu’elle est jolie ? Est-ce que ça se dit même ? est-ce que c’est une remarque de gros lourd ? numa n’a pas du tout envie d’être un gros lourd mais Aoife complimente sa tenue donc sans doute qu’il n’est pas encore rentré dans cette catégorie. Ouf.

Quand Numa rencontre de nouvelles personnes - ce qui n’arrive que peu - il y a un sorte de compte à rebours qui se déclenche en arrière plan dans sa tête et qui note le temps qu’il faudra à ces personnes pour réaliser qu’il est bizarre et qu’elles finissent par se détourner de lui. Pour l’instant, Aoife est toujours là ; mais la nuit est longue.

Elle se redresse soudainement et lui envoie un sourire qui le scotche à son fauteuil avant d’enchaîner avec une information qui le laisse bouche-bée. — What??! That’s … I mean, what??! Numa est en présence d’une personne qui connaît quelqu’un qui a vécu avec Neil Gaiman. Deux personnes seulement le sépare de son auteur préféré de tous les temps. How crazy is that indeed. Ses mains le démangent de s’emparer du livre et de caresser l’encre, le fanboy qu’il est en tremble et il pose ses mains sur ses genoux - bien à l’abri sous la table. — Wow! that’s awesome. I’m a little bit jealous. Pas vraiment, la coïncidence lui donne plutôt le sourire. Un vrai sourire comme il n’en connaît que peu, surtout ces derniers temps. — You mean Sandman?! I’m not a big fan of comic books but these ones are the best I’ve ever read. It’s really dark so I think it must be read when the conditions are right, you know. Les contes de fées nous disent que les dragons existent mais que nous pouvons les battre a-t-il lu une fois quelque part. Numa a l’impression de devoir se battre contre un dragon intérieur presque quotidiennement et Neil Gaiman lui donne toujours cette impression que c’est faisable, qu’il pourra y arriver. On lui a dit parfois que c’est n’était pas healthy d’avoir une telle relation à des œuvres et des personnages de fiction. Lui pense qu’il n’y a rien de plus sain et rien de plus réel que ces imaginaires. His characters and all the stories about dreams and desire and death, it’s so relatable in a way classical books are not always I think. Do you have a favorite book or author?

Les repas sont apportés et il zieute son milkshake d’un œil mi-impatient mi-inquiet en attendant la réponse d’Aoife. Ses mains ne sont plus aussi moites et Numa n’a plus l’impression de se noyer dans sa transpiration, toute cette histoire lui a fait oublier pour un temps qu’une soirée les attend. Une épreuve pour lui. Mais si elle reste à ses côtés, cela ne devrait pas trop mal se passer …

"What??! That’s … I mean, what??!" Aoife rit un peu devant l'air interloqué de Numa, qui avait l'air de stresser il y a quelques secondes et qui désormais aligne deux yeux ronds comme deux soucoupes. "I know!!!" Elle n'en revenait pas quand elle en a parlé avec sa mère, les yeux remplis de larmes comme à chaque fois qu'elles parlent toutes les deux du père d'Aoife et ses soeurs. C'est un sujet tendre, ça le sera peut-être toujours. Quand elle pense à lui, Aoife sent son coeur se serrer dans sa poitrine, un mélange de douleur, de regret et de tendresse. On lui a dit que ça se calmerait avec le temps et au début, elle n'a rien voulu y entendre - mais le fait est que, plusieurs années plus tard, même si ça fait encore mal, ce n'est pas aussi débilitant qu'au début...

Mais elle n'est pas là pour penser à ça. Elle est là pour parler avec Numa, et célébrer la vie de cet homme qu'elle ne connait malheureusement pas assez - et celui qui a été son colocataire pendant un temps, désormais un artiste renommé. "Wow! that’s awesome. I’m a little bit jealous." Aoife rougit en l'entend, et bat de l'air avec ses mains en changeant un peu le sujet. "You mean Sandman?! - Yeah that's the one! - I’m not a big fan of comic books but these ones are the best I’ve ever read. It’s really dark so I think it must be read when the conditions are right, you know." Aoife hoche solennellement la tête. Elle pensait que les gens qui disaient ça étaient des posers mais en grandissant, elle se découvre elle-même plus sensible à certaines choses que d'autres. "His characters and all the stories about dreams and desire and death, it’s so relatable in a way classical books are not always I think. Do you have a favorite book or author?" Aoife se laisse le bénéfice de quelques secondes pour réfléchir, sa moue songeuse se transformant en sourire brillant au serveur quand on vient leur apporter leurs burgers et milkshakes.

"Let me think... Is this, like, super cliché if I tell you my favorite author is Jane Austen?" Elle rougit un peu en rentrant les épaules en disant ça, une grimace maladroite sur le visage, mais les yeux pétillants encore d'humour. "I know it's super stereotypical but... there is something about that regency era romance... the longing, the pining, the intellectualisation of every word, every gesture... I think Pride and Prejudice might be my fave. It's, you know, it's about devotion, knowing when you're wrong, and changing for the person you love..." Aoife pousse un petit soupir énamouré en pensant à Mr Darcy. "Also Darcy is like, super hot in the 2005 movie." Elle offre un sourire plein de dents à Numa. "Okay, shall we?"

Ils attaquent leur nourriture en continuant de discuter. C'est simple, et animé, et Aoife rit beaucoup. Elle s'étrangle elle-même sur le milkshake quand elle l'essaye ("What do you think? I know, it's a lot.") et boude un peu la fin de ses frites. La nourriture est excellente, mais Aoife est tellement obnibulée par Numa et leur conversation qu'elle la laisse majoritairement de côté.
Plus le temps passe et plus elle voit que si, paradoxalement, il a l'air de se détendre à son contact, il reste quand même très nerveux. Particulièrement quand Aoife décroche le téléphone pour échanger quelques mots avec Sav qui lui demande où elle en est et quand elle va venir à la fête.

Ils sont en train de jouer avec leurs pailles, les triturant au fond de leurs milkshakes, quand elle jette un regard en biais à Numa, petit sourire hésitant sur les lèvres. "Sooo... you still up for that party?" demande-t-elle avec beaucoup (peut-être trop) de prévenance; elle a un peu l'impression d'être en face d'un animal de proie prêt à s'enfuir en courant et que si elle fait le moindre mouvement trop brusque, Numa va prendre ses jambes à son cou. "Because if you're not we can totally do something else, I don't mind at all!"