"Noam tried to talk to you? Again?" Aoife fronce les sourcils en regardant Poppy d'un air sérieux. Celle-ci a une moue boudeuse accrochée aux lèvres, les yeux rivés sur son assiette, et hausse les épaules. "Yeah, he asked me if we were planning on going to Django's party on Friday. - And what did you say?" Aoife jette un regard en coin à Diana. "Diana, you don't care what Noam said, you have a boyfriend, remember?" Diana lève les yeux au ciel en rougissant légèrement, grommelant quelque chose sous sa barbe en piochant dans son assiette de purée - malgré ses efforts, Aoife aperçoit sans mal le léger sourire qui vient tirer les coins de ses lèvres à la mention de Cormac, et lève les yeux au ciel avant de les reposer sur Poppy.
Les garçons ont l'étrange tendance à venir la voir en cas de soucis, ou pour rassembler les préparatifs des multiples fêtes où elles sont invitées - même si elles n'ont pas la popularité des filles comme Bianca, Lizzie ou Susan, les gens ont eu bien vite fait d'oublier la période horse girl d'Aoife quand elle a changé de bonnet de soutien-gorge et pris quelques centimètres pendant l'été avant la dernière année de lycée.

Année qui touchera à sa fin dans quelques mois maintenant. Bientôt, ce sera l'envolée vers la vie adulte, la prom night tant attendue, le départ pour l'université... en attendant, Aoife a fait une liste des choses qu'elle avait envie de faire avant de quitter le lycée, et elle compte bien cocher toutes les cases pour finir en beauté sa vie d'adolescente. Diana trouve le principe stupide, Poppy dit qu'elle n'aura pas le temps de finir, Aoife pense que c'est une idée géniale.
Elle continue de bassiner Poppy à propos de Noam, ignorant comme elle peut les piques intéressées et moqueuses de Diana ("Why are you so interested in Noam's six-pack abs anyway? What about your college boy Sofiane? - He lives a hundred miles away, Diana...! And we're not officially dating anyway."), laissant parfois son regard balayer l'assemblée du réfectoire d'un air distrait.

"Hey, isn't that...?" fait-elle en posant rapidement la main sur l'épaule de Poppy, fronçant les sourcils en désignant la silhouette esseulée d'un nouvel arrivant. "Isn't that the new guy? - Hm? Oh, yeah, I think he's in my English lit class," répond Poppy avec un temps de retard. "He's been here for a week or so. Why?" Aoife ne peut même pas imaginer combien ce doit être dur de changer d'école en cours d'année, surtout pendant la senior year, surtout quelques semaines à peine avant la fin des cours. "I'm going to sit with him. - Wait, what? - ...are you taking your tray with you? Can I have your burger?" Aoife lève les yeux au ciel en se levant, glissant son plateau en direction de Diana. "My bucket list says I need to meet someone new and make a new friend!" s'exclame-t-elle en s'éloignant avec un dernier regard pour ses amies, emportant avec elle la pomme qu'il lui servira de dessert.
Avec un naturel désarmant, Aoife s'approche du nouveau - elle a oublié son nom, mais il le lui rappelera quand ils parleront. C'est Diana qui lui a appris à aller vers les gens, à leur parler et à ne pas se laisser paralyser par une nervosité sociale pourtant profondément ancrée. Pendant longtemps, elle s'entendait mieux avec les chevaux vivant dans le ranch de ses parents, qu'avec ses camarades de classe.

Elle s'approche de la table où le nouveau est assis tout seul, et lui adresse un sourire quand leurs regards se croisent. "Hey, do you mind if I sit here?"

Il y a beaucoup de bruits dans la cafétéria. Si cela n’avait tenu qu’à lui, Numa aurait sauté le déjeuner, et serait allé se poser dans la bibliothèque scolaire avec son dernier livre en poche It’s kind of a funny story. Mais sa mère trouve qu’il ne mange pas assez ces derniers temps et il n’a jamais su lui mentir - ou à quiconque vraiment - et il veut par dessus tout éviter d’apercevoir l’inquiétude dans la chaleur de ses prunelles. Il les a entendus chuchoter avec son père hier alors que ses parents le croyaient au lit, manque de pot il allait chercher son verre de lait bien frais pour passer une bonne nuit, une okay nuit, une nuit. Il n’a pas entendu clairement tout ce qui se disait mais Lavinia évoquait les mois précédents en chuchotant qu’il fallait qu’ils fassent attention, que le déménagement ne suffirait pas à tout régler, qu’on vivait dans le vrai monde et que la magie ça n’existait pas. Il a vu la main de son père se poser doucement sur l’épaule de sa mère avant qu’il ne se baisse pour déposer un baiser sur ses cheveux. Et Numa est monté se coucher, les joues un peu rosies à l’idées d’avoir espionné ce moment si intime, et le coeur en berne de leur causer autant de soucis.

Il y a beaucoup de bruits dans la cafétéria. Il y a les cris des fausses engueulades, les rires des petites joies, les discussions animées sur le prochain film qu’il faudra absolument aller voir au cinéma jeudi prochain, we can ditch math, the prof is so boring anyway. Il y a la prochaine soirée qui est sur toutes les lèvres. Il y a les plateaux en plastiques qu’on repose sans ménagement une fois le déjeuner consommé. Et il y a le silence assourdissant autour de sa table. Cette bulle qui étouffe les sons, qui déforme sa vision. Lui, au milieu de l’effervescence qui picore son assiette en silence. Il se pense invisible. Depuis une semaine qu’il est arrivé, il n’a pas échangé plus de trois phrases avec ses camarades de classe. Une fois pour lui demander un stylo, une fois pour qu’il bouge parce qu’il gênait, une troisième parce que, il ne se souvient plus. Peut-être que c’était seulement deux fois en fait. Gina, sa grande soeur qui étudie à Londres lui a dit que c’était normal, qu’il lui faudrait un temps d’adaptation et qu’il ne fallait surtout pas qu’il oublie de sourire. Facile à dire. Elle entre dans une classe et tout le monde se retourne sur ses sourires. Il entre dans une classe et … c’est tout. Numa aimerait bien avoir ce talent pour la parole, mais ses mots ne prennent vie que sur le papier, quand il n’y a pas autant de bruits.

"Hey, do you mind if I sit here?" Il lève la tête brusquement, regarde à droite à gauche pour s’assurer que c’est bien à lui que s’est adressée la blonde à l’instant. Elle est … il ne trouve pas le bon mot pour la décrire, jolie ne lui paraît pas assez flatteur, belle bien trop banal pour décrire ce sourire et la douceur de sa voix, il faudra qu’il y réfléchisse plus tard, il n’aime pas quand un mot lui échappe. Elle a un grain de beauté sur le cou, c’est insignifiant, mais ce sont les petits détails qui font les meilleures histoires. Finalement, après l’avoir fixée un peu trop longtemps peut-être (well done Numa, someone’s talking to you for the third time since you’re here and you go mute.), il répond. “Oh yeah sure. I mean, do you need the place for your friends? I was done anyway. I’ll go, no problems.” Il attrape le plateau, récupère son bouquin qui était posé sur la table et s’apprête à partir.

Les petits yeux écarquillés que le nouveau posent sur elle quand elle lui parle font légèrement sourire Aoife, mais l'inquiètent aussi en le voyant regarder autour d'eux comme si il s'attendait à voir débarquer un crew entier de caméramans et de rippeurs en train de lui hurler dessus qu'il a été pranked pour une émission télé-réalité cruelle. La nervosité qui s'empare de lui est comme une chappe de plomb qui s'abat entre eux, et Aoife penche légèrement la tête sur le côté quand le silence s'étire - elle se demande si il l'a entendu, si il a du mal à process l'information, ou si il va jamais lui répondre. Malgré elle, elle jette un regard en biais en direction de la table où sont toujours assises Poppy et Diana - cette dernière est occupée à dévorer son burger, et Poppy lui adresse un signe de main encourageant en voyant Aoife sur le point d'abandonner.

Pas question. Nouveau item de la bucket list, nouvelle (et dernière!) année, nouvel ami.

Quand, enfin, un filet de paroles s'échappe d'entre les lèvres du nouveau, le sourire d'Aoife s'agrandit: “Oh yeah sure. I mean, do you need the place for your friends? I was done anyway. I’ll go, no problems.” Il attrape déjà son plateau et Aoife cligne des yeux avant de rire légèrement, posant une main sur la sienne pour l'inciter à rester. "No, that's not what I meant." Simplement, et sans s'expliquer, elle relâche sa main et s'assied sur la table non loin de lui, gardant une chaise d'écart entre eux tout de même pour ne pas le gêner. "I meant, do you mind if I sit here, with you. I know it's not fun to spend lunch time on your own." Elle hausse les épaules, lui offre un autre petit sourire, avant de se passer une main dans les cheveux et de poser les yeux sur son plateau. Il n'a pas l'air d'avoir beaucoup mangé pour le moment, mais le regard d'Aoife est plus attiré par le livre qu'il était en train de lire avant qu'elle ne l'interrompe.

"I know that book!" Elle le fait glisser jusqu'à elle pour observer sa couverture puis le faire tourner, lire la quatrième de couverture comme si elle ne l'avait pas déjà lu plusieurs fois. "It's quite sad. But it's quite good, too. The ending is..." Aoife pince des lèvres et adresse à son nouvel ami un petit sourire, avant de glisser de nouveau le livre jusqu'à lui. "Well, I won't spoil it in case you haven't read it." Elle le dévisage un instant avant de cligner des yeux en se rappelant qu'elle n'a même pas pris la peine de se présenter. "I'm Aoife by the way. A-O-I-F-E. It's Irish." Elle lui tend la main avec un grand sourire.

Numa est déjà à moitié parti quand elle l’interrompt en posant une main sur la sienne. Ses yeux sont attirés par ce geste, Numa n’a pas l’habitude qu’on le touche et ces gestes ont plutôt tendance à le rendre mal à l’aise. Il n’en dit rien, bien entendu. "No, that's not what I meant." Ce n’est pas facile d’être le nouveau en dernière année, il ne manquerait plus que tout le monde se rende compte d’à quel point il est …. bizarre pour que les mois qui lui restent à faire ici se transforment en cauchemar. “Oh.” est tout ce qu’il trouve à dire. "I meant, do you mind if I sit here, with you. I know it's not fun to spend lunch time on your own." Il passe une main dans ses cheveux coupés à ras et ose un petit sourire timide. Il ne s’attendait pas du tout à ce que quelqu’un lui adresse la parole, encore moins une fille comme elle, qui a l’air de savoir tenir une conversation sans bafouiller et ne rencontrer aucune difficulté à se faire des amis, là où il peut compter les siens sur le bout d’un doigt. “Sure yeah, of course.” Qu’il fait en se rasseyant et en posant son livre sur la table.

Il ne sait pas quoi dire ensuite, n’a jamais été le plus doué pour lancer une conversation ; heureusement que cela semble être tout l’inverse pour l’élève assise à ses côtés qui commente son livre avec une excitation qu’il connaît bien pour la ressentir dès qu’on parle littérature."It's quite sad. But it's quite good, too. The ending is..." Ca il comprend, le pouvoir des mots qui noircissent les pages blanches et transportent dans des univers extraordinaire où il peut oublier qu’il est un adolescent mal dans sa peau et peu adapté, où il peut prétendre être un sorcier exceptionnel au charisme ravageur, un aventurier audacieux à la langue bien pendue, ou même un garçon qui n’est juste pas lui et c’est déjà suffisant. “Don’t worry I already read it twice you won’t spoil me the ending, which is terrific yes. I love this book, it’s just so funny and sad and seems so … real I guess.” Peut-être que c’est son propre passage par la case hôpital qui le fait apprécier autant ce roman, comme si l’auteur savait de quoi il parlait et que ce livre résonnait en lui tout particulièrement. Il pourrait parler de livres toute la journée, et toute la nuit aussi, mais trouve rarement des personnes qui sont prêtes à s’adonner à de telles activités. Les adolescents de son âge préfèrent les soirées, les séries, les jeux-vidéo. Numa ce qu’il aime, c’est lire. Et écrire, il tient d’ailleurs un journal, mais ce n’est pas un sujet qu’on aborde de but en blanc avec quelqu’un qui a la gentillesse (ou la pitié qui peut le dire) de lui adresser la parole pour la première fois.

Et le voilà qui se perd à nouveau dans son esprit embrumé, en oublie de rester ancré dans le monde qui l’entoure. Il repense alors à ce que lui a dit son thérapeute quand cette situation lui arrive, que la réalité lui échappe et que l’anxiété voudrait pointer le bout de son  vilain nez, just breathe and concentrate on five things you’re seeing (le grain de beauté sur le cou de la jeune fille, son livre avec sa couverture jaune, le plateau métallique, la pomme à laquelle il n’a pas touché, la main qui vient de se tendre vers lui) "I'm Aoife by the way. A-O-I-F-E. It's Irish." Elle le regarde, il y a des personnes qui semblent capable de contenir une galaxie dans un sourire, elle  en fait partie. Numa attrape cette main tendue, tente un sourire plus discret et répond. “I like your name. It’s uncommon. I’m Numa.” L’inconnue n’en est plus tout à fait une maintenant qu’elle porte un nom, c’est important de pouvoir nommer les choses autant que les personnes, cela lui permet de garder le contrôle sur le chaos de sa vie. “So you like books?” Il tente une approche, ne sait pas bien de quoi on parle avec les gens que l’on vient à peine de rencontrer. “Are you reading something good at the moment?” Peut-être que cela la fera fuir, mais au moins il aura essayé et Numa pourra alors en parler à son psychiatre, voir ce qui aurait été plus adapté ou non. Il espère qu’Aoife restera, même si la solitude est une compagne convenue pour l’adolescent, elle lui pèse parfois.

Le sourire du nouveau est timide mais joli, et Aoife se fait la réflexion que si il n'était pas aussi awkward - il ne semble pas y avoir d'autres mots pour le définir pour l'instant - il ferait des ravages auprès des autres étudiants. Il s'est animé quand ils ont parlé du livre, elle imagine qu'il doit être un grand lecteur - comme elle, qui lit dès qu'elle le peut, le matin avant d'aller manger et le soir avant de se coucher, avec une frénésie qui ne l'a pas quittée depuis l'enfance. C'est bizarre, ça, de se trouver de tels points communs avec des gens qu'on ne connait que trop peu ou pas et qui, au premier abord, sont diamétralement opposés à qui on est.

Il lui serre la main, toujours avec ce petit sourire incertain sur la bouche. “I like your name. It’s uncommon. I’m Numa. - I like your name too! Numa, I like it." Ce n'est pas très commun non plus. Elle sourit en laissant ses doigts retomber - ils se sont bien trouvés, avec leurs prénoms un peu étranges. “So you like books? - I love books." Et elle est contente d'en parler, comme l'indique son grand sourire joyeux et ses yeux qui pétillent. “Are you reading something good at the moment? - Well, actually, I am!" Elle aime les livres, et elle aime aussi en parler - si c'est son cas à lui aussi, alors il a tout réussi. Il n'y a rien de tel pour reconnaître un véritable aficionado, et c'est une marque de bon goût.

"I don't have it with me, it's in my bag over there," dit-elle en pointant du pouce par-dessus son épaule sa table précédente, sans regarder (même is elle devine l'air interloqué de Poppy dans leur direction et Diana en train de se remplir le ventre de son plateau abandonné). "But at the moment, I'm reading, or rather rereading for the nth time, this book called The Perks of Being a Wallflower. It's really good, I read it every year or so... it's really sad too, but I think those are the best books right? Good, but sad, too." Elle observe Numa posément. La vie est un peu comme ça, après tout: good, but sad, too. En y pensant, Aoife a l'impression qu'on l'attrape par le cou et qu'on essaye de lui enfoncer la tête dans l'eau et qu'elle va s'étouffer, se noyer, alors elle fait comme sa mère lui a appris pour ne pas se laisser submerger: elle se concentre sur ce qui est bien, et elle oublie le mal. Sa mère a toujours aimé faire la psychiatrie à la maison. "Do you know it?" enchaîne-t-elle donc, avec un petit sourire. Et quand il secoue la tête, elle se redresse d'un coup d'un air ravi. "Oh. My. Word. You need to read it. I'll give it to you later, and you can tell me what you think. I'm sure you'll love it." Elle en claquerait presque dans ses mains d'un air extatique. "People like books here, too, there's a book club and all, but none of them have good taste. Like yeah, sure, I love Twilight, and I can appreciate Kerouac, but life is about about more than romance or beatnik losers, right?"

Son sourire ne semble jamais s'arrêter et Numa reconnaît tout de suite en elle une grande lectrice. Il est soulagé d'avoir posé la bonne question, de voir qu'elle ne tombe pas à plat mais trouve un echo dans la personnalité d'Aoife. C'est qu'il n'aurait pas su parler de grand chose d'autre, les intérêts du jeune garçon sont très limités ; la lecture, l'écriture et la tendance à tout suranalyser jusqu'à l'anxiété (si on considère ce dernier point comme une activité plutôt qu'un malheureux trait de personnalité). Papoter ne fait pas partie des apprentissages qu'il maîtrise, se faire des amis non plus. Avoir changé de nombreuses fois de ville au cours de sa vie à cause du travail de son père n'a pas aidé, mais Numa toujours eu l'impression qu'il était différent, que des cablages ne s'étaient pas fait dans son cerveau de la même manière que pour les autres enfants de son âge. Son passage par l'hôpital et les conseils de son psychiatre semblent lui donner raison. freaking yay.

C'est encore une fois la douce et mélodieuse voix d'Aoife qui le ramène au moment présent. Il l'écoute avec attention, secoue la tête quand elle lui parle de ce livre. Il le connaît de nom, n'a jamais eu le courage de le lire sans bien pouvoir expliquer pourquoi, une intuition peut-être. Mais elle lui propose de lui passer plus tard et son visage se fige. Cela signifie qu'elle compte lui reparler. Later. cinq lettres inoffensives qui associées ensemble dans cet ordre précis prennent une dimension toute particulière dans son torse, à peu près au niveau de son coeur. Il en resterait bouche-bée, mais Numa sait qu'il doit répondre à ce flot de paroles, que c'est ce qu'on attend d'une conversation. Ce n'est jamais unilatéral, l'un dit quelque chose, l'autre répond et on tisse ainsi un lien. C'est aussi simple que cela en théorie, mais la pratique lui est bien plus ardue que pour les autres. "I'd like that, thanks. I didn't know about the book club but I'm not sure I'd like to join it anyway." Il passe une main sur son crâne, sur ses cheveux coupés très courts "I don't like Kerouac and all. Have your read John Green's books? They're good and sad too. I could give you one, Turtle all the way down or The Fault in our Stars. Il sourit doucement, discrètement, mais son regard s'illumine en abordant ces livres qui le touchent et l'entraînent toujours dans des aventures dont il ne ressort jamais indemne. Alors, il se fait un peu plus bavard, parce qu'il avance en terrain connu et que c'est rare de trouver quelqu'un qui partage son intérêt et qui est prêt à l'écouter. "There's also this book, no one read it, maybe you have. It's Neverwhere, from Neil Gaiman."

A ce moment, la sonnerie retentit, interrompant la conversation des deux étudiants. Numa récupère son plateau, il a littérature avancée en première heure, c'est une matière qu'il apprécie particulièrement et le professeur paraît maîtriser son sujet, il est passioné et de fait passionant. l'adolescent se lève mais avant de partir, il ose ajouter. "So, I'll see you later?" Les mots ne sortent pas aisément de ses lèvres, il a presque l'impression de devoir les arracher de sa gorge. Peut-être qu'Aoife considère avoir fait sa bonne action de la journée, elle a sans doute des choses autrement plus intéressantes à faire que discuter avec lui. Mais elle a un regard qui l'emporte, et une voix douce, et un sourire délicat qui l'apaise et le pousse à poser cette simple question. Tant pis si elle dit non, si elle invente une excuse ou si elle ne lui reparle plus jamais. Numa aura été content d'avoir pu partager ces quelques minutes avec la blonde. C'est un progrès, lui dirait son psychiatre, tu peux être fier, affirmerait sa mère. Il l'est, un peu.

tw: explicit mention

"I'd like that, thanks." Aoife sourit à cette idée, et à la manière de s'exprimer de Numa. Il n'a pas l'air très à l'aise, mais pas non plus sur le point de faire une syncope comme il y a deux minutes, c'est déjà ça. "I didn't know about the book club but I'm not sure I'd like to join it anyway. I don't like Kerouac and all." Il a bon goût et, approuvant ses paroles, Aoife hoche la tête. Elle-même ne va au book club que pour profiter du repas de Noël et des livres parfois gratuits ou à prix réduit qui y traînent... "Have your read John Green's books? - I heard of him but no! - They're good and sad too. I could give you one, Turtle all the way down or The Fault in our Stars." Elle aime beaucoup cette idée d'échange, surtout en voyant le visage et le regard de Numa s'illuminer en parlant de quelque chose qu'il aime manifestement. "I've seen the movie!" se souvient-elle, un peu surprise. Il ne lui avait pas laissé une très bonne impression, mais c'est sans doute l'une de ces oeuvres qui est mieux à l'écrit qu'à l'écran.

"There's also this book, no one read it, maybe you have. It's Neverwhere, from Neil Gaiman. - Oh, I..." Mais elle est interrompue par la sonnerie, et adresse au coin de la pièce où elle se trouve un regard ennuyé. Ils se lèvent en même temps, et Aoife découvre qu'elle est véritablement déçue de ne pas avoir eu plus de temps avec Numa. "So, I'll see you later? - Yes!" L'hésitation timide et palpable chez lui encourage Aoife à lui offrir un grand sourire. "What are you doing after school? I have to wait for my little sister's soccer practice to be over so that I can drive her home, I generally just read on the bleachers waiting for her... feel free to join if you want!" propose-t-elle d'un ton léger avant de lui adresser un signe de main et de s'éloigner rejoindre ses amies qui la regardent toujours d'un air étrange. "What? - He's hot," dit Diana d'un air irrévocable. "He's nice," la corrige Aoife, jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule dans la vague direction de Numa, qu'elle ne peut plus voir dans la foule. "But yeah, he's cute."

Après quelques heures agonisantes de biologie et de mathématiques, les deux matières que Aoife déteste le plus, elle envoie un message à Alice qui lui confirme qu'elle a effectivement son entraînement ce soir. Aoife a l'habitude, et il ne fait pas trop froid encore alors ce n'est pas complètement désagréable de s'asseoir près du terrain avec son livre sur les genoux et un thermos de thé qu'elle a rempli à la cafétéria en adressant un sourire radieux à la femme qui y travaille. Elle repense à Numa, et à ses livres, et pianote sur son téléphone en cherchant les résumés de ceux qu'il a mentionnés (ignorant en passant les messages de Diana et Poppy lui demandant si il est là, si il est venu, si il est sympa, si elle compte le sucer en passant (merci Diana)). Elle est tant focalisée sur sa recherche sur Goodreads qu'elle ne voit pas Numa s'approcher et sursaute en voyant que quelqu'un s'est planté à côté d'elle.

"Oh, Numa, here you are!" Immédiatement, un sourire vient effleurer ses lèvres et elle débarasse son sac d'à côté d'elle pour tapoter le banc afin qu'il s'y asseye à ses côtés, avant de reporter son regard sur l'écran de son téléphone, rapidement. "I was just checking Goodreads for the books that you've mentionned. The Fault in our Stars sounds way more interesting than the movie was to be honest..." Même si elle a trouvé le lead, dont elle a oublié le nom, absolument dreamy. Elle détache son regard de l'écran pour se tourner vers lui, sourire aux lèvres. "I'm glad that you came. How was your day? I had the worst time in Maths - Mr Shacklebolt is the worst. What do I care about equations?" Elle lève les yeux au ciel, s'étonnant de son propre naturel en parlant avec Numa.

Le reste de la journée se déroule lentement, un peu trop même, si Numa apprécie les cours de littérature avancée avec Matthew Bullstrong, son esprit est sans cesse transporté vers d'autres réflexions. Il repense à sa conversation avec Aoife, en déplaçant et replaçant sa règle trois fois sur la petite table. Ses parents seraient contents d'apprendre qu'il a parlé avec quelqu'un, c'est qu'il n'a jamais eu beaucoup d'amis. En fait, il n'en a qu'un, et ce n'est pas comme s'ils pouvaient encore se parler. Numa sait que son père s'en veut de toujours devoir déménager à cause de l'armée, il sait que sa mère est persuadée que c'est de sa faute s'il est ainsi fait, timide, anxieux, déprimé. Pour ne pas utiliser les termes employés par son psychiatre.

Mais c'est lui le problème. C'est dans sa tête que les rouages ne tournent pas comme les autres, pas en sens horaire mais plutôt à l'envers.
Combien de temps avant que Aoife réalise que le nouveau n'est pas normal ?
Il sort ses stylos et les remet dans la trousse. une fois.
Combien de temps avant qu'elle ne se détourne de lui comme tous les autres.
Il sort ses stylos et les remet dans la trousse. Deux fois.
Peut-être qu'il devrait s'épargner la déception.
Il sort ses stylos et les remet dans la trousse. Trois fois.

La sonnerie retentit, Numa prend ses affaires, et lentement ses pas le mènent vers le terrain bien malgré lui. Il ne sait pas encore se protéger des déceptions. Et c'est si rare de trouver quelqu'un qui partage son goût de la lecture, et il ne peut pas rentrer chez lui et expliquer à ses parents qu'il aurait pu faire connaissance avec quelqu'un mais qu'il a préféré s'enfermer dans sa chambre. Act normal so they think you are. Il ne veut pas retourner là-bas.

Il la voit de loin, assise sur un banc, et hésite encore une dernière fois avant de la rejoindre et rester debout comme un idiot à ne pas savoir comment engager la conversation. So much for acting normal. Elle sursaute. "Ehm sorry." Heureusement, si lui ne sait pas du tout ce qu'il fait, l'adolescente elle maitrise le sujet et lui indique de s'asseoir à ses côtés, ce qu'il fait. En laissant une certaine distance entre leurs deux corps. Il se tient un peu trop droit, ses mains posées sur la bandoulière de son sac en cuir. "I was just checking Goodreads for the books that you've mentionned. The Fault in our Stars sounds way more interesting than the movie was to be honest..." "Yeah, the movie was bad. Really bad. Shitty bad" Aoife enchaine. "I'm glad that you came. How was your day? I had the worst time in Maths - Mr Shacklebolt is the worst. What do I care about equations?" Et c'est presque comme s'ils se connaissaient depuis plusieurs mois, et c'est un sentiment nouveau pour le garçon. Ce n'est pas entièrement désagréable, il n'est pas habitué au fait de ressentir autre chose qu'un grand vide à l'intérieur de son torse ou une pression contre son ventre, ou encore une boule dans sa gorge. Là c'est différent.

Numa compte jusqu'à trois avant de répondre. La spirale de son esprit se déroule.

"My day was good. I have Mr Bullstrong, he told us about science-fiction in the XIXth century, he's cool. Teachers don't usually talk about other books than classic books and it becomes dull after a time. Even To kill a mockingbird or the Scarlet Letter lose its touch after a while, you know?" Elle a cette façon de s'exprimer, de le regarder comme si elle était vraiment intéressée (crazy right) qui permet à Numa de parler à son tour. Et s'il pèse ses mots, et si son langage n'est pas très fluide au moins les phrases sortent au lieu de se coincer dans sa gorge. il en vient même à poser des questions à son tour. "Yeah Mr shacklebolt is not my kind of teacher. You don't like Maths?" Il regarde en direction du terrain les filles qui s'entraînent. "you said you had a sister, which one is she?" Numa ne réalise même pas que les questions s'enchaînent sans lui laisser le temps de répondre. C'est toujours ainsi qu'il fonctionne, pas du tout ou trop à la fois.

Combien de temps avant qu'elle parte ?
il n'y a pas de trousse à ouvrir et fermer, cette fois.

tw: mention of death, grief, suicide, ableism

Aoife ressent une aisance et une familiarité avec Numa qu'elle ne ressent pas habituellement avec les gens. Ce n'est pas vraiment qu'elle est particulièrement introvertie ou awkward: après avoir été l'amie de Diana pendant des années, Aoife a bien vite été confrontée aux limites et recoins de sa comfort zone tant appréciée, et a rapidement appris à les dépasser. Mais pour autant, elle n'a jamais été de celles trouvant immédiatement un terrain d'entente et quelque chose à dire à ses pairs - et pour être honnête, encore moins avec les garçons. Une grande histoire, Aoife et les garçons, parsemée d'embûches, de retournements de situation et de quiproquos bien trop alambiqués pour être tous listés et expliqués ici. Elle en a connu des dizaines, chiants, envahissants, imbus d'eux-mêmes, condescendants, stupides, inutiles, collants, timides, renfermés, violents et autre - mais elle ne croit pas avoir déjà rencontré quelqu'un comme Numa, même si elle ne le connait pas encore très bien.

Un silence accueille sa question, mais le sourire d'Aoife ne faillit par sur ses lèvres, s'agrandit même. Quelqu'un aurait pu se moquer, se détourner, s'inquiéter, lui demander si il l'a entendue - elle se contente de le regarder, curieuse et intéressée, amusée quand les mots sortent enfin d'entre ses lèvres. "My day was good. I have Mr Bullstrong, he told us about science-fiction in the XIXth century, he's cool. Teachers don't usually talk about other books than classic books and it becomes dull after a time. Even To kill a mockingbird or the Scarlet Letter lose its touch after a while, you know?" Aoife hoche la tête d'un air incroyablement intéressé et positif. Elle est véritablement extatique de trouver quelqu'un qui partage son amour de la lecture et qui n'a pas des opinions aussi trashs que le gang de petites meufs qui ont investi les rangs du book club du lycée... Et peu de gens savent apprécier le cursus proposé par Mr Bullstrong. "Exactly! Ugh, the curriculum here can be so trash but Mr Bullstrong's the best at making it somewhat interesting. I had him last year, he was great."

Son sourire ne veut plus la quitter, maintenant. Est-ce possible de tomber en amitié avec quelqu'un, comme on tombe amoureux? "Yeah Mr shacklebolt is not my kind of teacher. You don't like Maths?" Elle grimace, mais n'a pas le temps de répondre que Numa reprend, comme si il était incapable de s'arrêter maintenant qu'il avait commencé: "you said you had a sister, which one is she?" Elle tourne avec lui la tête vers le terrain. "Hmm..." Elle plisse des yeux pour essayer d'attraper la silhouette d'Alice. "Here!" Elle tend brusquement le bras pour pointer sa soeur du doigt. "That's my sister Alice right there. See, with the ponytail, making a beeline for the ball? Yeah, that's her." Aoife regarde avec un sourire fier sa petite soeur essayer de tacler sa voisine et soupire. "She really got into soccer after my dad passed away. She was really good before but afterwards, it became an obsession." Elle pose, pondère la chose. "He used to come to all of her games."

Avec les années, c'est de plus en plus facile d'en parler, de moins en moins douloureux d'évoquer ces souvenirs amers et tristes qui s'accrocheront à elle, Alice et Siobhan jusqu'à la fin de leurs vies. Certains jours, comme aujourd'hui, les mots et les souvenirs sortent sans qu'elle puisse les retenir et ça l'aide, quelque part. A faire la paix avec le fait que son père soit parti, et à faire la paix avec elle-même au final. Ce n'est pas simple ou facile ou léger, ça ne le sera probablement jamais, mais ça s'améliore. C'est ce qu'on dit, en tous cas, c'est ce qu'ils disent tous. Au début, Aoife n'y croyait pas et ne voulait pas y croire; maintenant, elle n'a pas d'autre choix que de se rendre à l'évidence qu'ils avaient raison.

"Sorry that was a bit heavy." Elle s'esclaffe un peu en se tournant vers Numa, et change habilement de sujet. Il est nouveau, il n'a pas entendu parler de la tragédie qui a agité leur petite communauté sereine il y a quatre ans et qui a changé la vie des O'Malley pour toujours. Aoife n'a pas envie qu'il ait pitié d'ellec ou pire, pense qu'elle soit aussi folle que son père. "Not a big fan of maths, no. I prefer chemistry. It makes more sense to me, you know? Things have properties and applications and they add up. Maths... maths is not real! There's this stuff called irrational numbers. Irrational numbers! Now that's just ridiculous." Elle secoue la tête. Aoife a beaucoup d'opinions très tranchées sur beaucoup de choses, et les mathématiques en font partie. "Mr Shacklebolt will have you believe these things make sense. But his opinions don't matter, since I'm pretty sure he's a fascist." Elle hoche la tête d'un air sérieux. C'est Diana qui dit ça, et Diana doit avoir raison. (Elle a aussi des opinions très tranchées sur Mr Shacklebolt). Elle a l'impression de s'être emportée et de prendre trop de place, et offre à Numa un sourire d'excuse. "Sorry for the rant, but irrational numbers really piss me off. Do you have those too? You know, things you're quite unable to shut up about?"

C'est assez plaisant d'être ainsi installé sur un banc à discuter de tout et de rien avec quelqu'un. Numa n'est pas habitué à ce genre d'interactions, mais il trouve qu'il se débrouille plutôt bien. Il aura quelque chose à raconter au dîner de ce soir. Tout se passe bien oui, jusqu'à ce qu'Aoife tende le bras en direction de sa soeur "That's my sister Alice right there. See, with the ponytail, making a beeline for the ball? Yeah, that's her." et qu'elle enchaîne ensuite sur une révélation qui lui fait l'effet d'un cataclysme. Ca peut paraître exagéré, mais pas quand on connaît son passé. Et son présent aussi quelque part.

"She really got into soccer after my dad passed away. She was really good before but afterwards, it became an obsession." "I'm sorry about your dad." C'est ce qu'on dit non dans ce genre de situations ? La formule de politesse que tout un chacun se doit de prononcer en pareille situation. Encore faut-il être socialement adapté. Mais, Numa n'a rien dit, trop estomaqué et bien incapable de réagir adéquatement lorsque l'on aborde de tels sujets. Shit, et puis maintenant c'est trop tard pour se rattraper. Ca fait trop longtemps, ça tomberait à plat comme un soufflé. ce serait plus awkward qu'autre chose. ou peut-être que pas vraiment. Mais, elle "He used to come to all of her games." Elle a déjà continué. Et lui se sermonne, non, ce n'est pas le moment. il doit l'écouter elle et pas les spirales de son esprit qui tournent et tournent de plus en plus profondément. Il faut pas qu'il se perde dedans. Three things you see, their color, their shape, ... right, good. Breathe in , breathe out. And listen. "Sorry that was a bit heavy." Est-ce qu'elle dit ça parce qu'il est resté silencieux trop longtemps ? Si seulement Aoife savait à quel point c'est heavy dans sa tête aussi. Cette fois pourtant, l'adolescent de force à extirper des mots de sa gorge sèche. "Ehm no it's okay. So-sorry for your dad." Voilà beau rattrapage. Non. Pas terrible. C'est mieux que rien.

Heureusement pour lui et ce début d'amitié qui se crée, la blonde revient à un sujet moins délicat. Il continue de se concentrer sur sa respiration - sans en avoir l'air - et sur le visage de l'élève, sur chaque petits détails que les autres n'aperçoivent même pas ; elle a de très longs cils clairs, on dirait que y'a le soleil qui s'y reflète. Ca l'aide à rester dans l'instant présent. A cataloguer le trop plein d'informations qu'il reçoit et qu'il ne sait pas toujours comment gérer. Surtout quand il y a du monde. "Not a big fan of maths, no. I prefer chemistry. It makes more sense to me, you know? Things have properties and applications and they add up. Maths... maths is not real! There's this stuff called irrational numbers. Irrational numbers! Now that's just ridiculous." Il en vient même à rire, un peu. Numa la trouve jolie quand elle s'emporte sur des nombres ; il se reconnaît même un peu dans sa façon de penser. Ce n'est pas désagréable bien au contraire. Il se détend, un peu. "Mr Shacklebolt will have you believe these things make sense. But his opinions don't matter, since I'm pretty sure he's a fascist." Cette fois, il pouffe. Awkward. "Sorry for the rant, but irrational numbers really piss me off. Do you have those too? You know, things you're quite unable to shut up about?" "All the time." Les mots sortent avant qu'il ne puisse les retenir. Pourtant, il n'est pas bavard. Mais quand il est seul, Numa peut bien vite s'emporter ainsi, dans un monologue infini qui le laisse bien souvent au bord de l'attaque de panique. Et même lorsqu'il se tait, ses pensées intrusives ne le font que rarement elles. "Actually, My ehm, my, well someone il ne peut pas dire son psychiatre, ça se dit pas ce genre de choses si ? told me that when I'm feeling this way there's something that helps. you'll go somewhere when no one can hear you, or disturb you and you take a deeeep breathe and you just .... shout. It helps me when I'm upset. For example, you could go somewhere and shout 'Fuck Mr Shacklebolt". Il lui envoie un sourire presque confiant et satisfait. tout est dans le presque. "But yeah I do have those. Mostly about books and bullshit people, you know." Il donne un peu de lui, mais ne se livre pas complètement. Par exemple, Numa ne dit pas que ses pensées s'entortillent autour de lui comme des liannes, qu'il déteste les élèves qui en harcèlent d'autres parce qu'il a perdu son meilleur (et seul) ami à cause de ça. Que la plupart du temps, les autres de son âge ne lui parlent pas justement parce qu'il peut rester silencieux pendant trop longtemps et soudainement se lancer dans une diatribe sans queue ni tête. Et tout un tas d'autres choses aussi qu'on ne lui a pas appris à aborder. Mais là, il parle à quelqu'un et c'est déjà une petite victoire en soi non ?