Quatorze Février, le jour des amoureux. Tradition futile, que la romantique que tu dissimule apprécies particulièrement. Et par les temps qui courent, tu te réjouissais de passer un peu de temps avec Arthur. Loin de la Fawkes et de tes obligations de directrice. Loin de la guerre. Juste tous les deux, quelques heures. Arthur est comme toi, épuisé, brisé. Affaibli. Et vous avez besoin de ces instants hors du temps. De respirer. Puis finalement, la tête de Bill apparaissant dans ta cheminée vint bouleverser tes plans. De la plus belle des façons. « Maman il faut que tu viennes ... elle ... elle est là ! » Des mots qui changent une vie. Qui agissent comme une bouchée d'oxygène, comme une lumière au milieu de l'obscurité. Cette sensation est semblable à la première respiration après une longue noyade. Tu tousses, tu craches, mais tu es en vie. Et le soulagement qui s'empare de chaque cellule de ton corps vient un instant gommer toute la souffrance qui l'a précédée. Cela ne dure qu'un instant, le temps d'une inspiration. Une seconde de répit. Si précieuse. Avant les tourments. Enivrée, tu agrippes Arthur par le bras, puis vous disparaissez dans la cheminée.

Saint James, tu es sur un petit nuage. Même la perspective de croiser Kingsley ne peut pas t'atteindre. Car aujourd’hui, rien ne compte plus que ta famille. Qui s'agrandit. Ton aîné, Bill est papa à son tour. Et à mesure que vos pas se rapprochent de la chambre où Fleur et Bill vous attendent, tes souvenirs te sautent à la gorge. Tu revis cet instant où tu as donné la vie. Où ta vie a pris un sens nouveau. Où tu es devenue mère. Impossible d’oublier la sensation qui a envahi ton corps à cet instant, quand ton regard a croisé celui du nouveau né. Cet instant où tu as compris que ton rôle serait de le protéger, de le guider, de l’éduquer. De déployer ses ailes et d’un jour le regarder s’envoler. Et c’est ce que tu allais découvrir en poussant cette porte. Ton fils, ton aîné qui avait pris son envol, choisissant de partager sa vie avec la Delacour. Et qui à son tour vous présentait son enfant. Le cycle de la vie. La vie qui trouve son chemin dans le chaos. Et le bonheur, pure et simple de celle qui voit sa famille s’agrandir. C’est viscéral, puissant, enivrant. L’amour le plus pur qui soit.

Tu pousses la porte de la chambre. Certains sont déjà là, d’autres ne vont tarder à arriver. Et au milieu de ces têtes rousse, il y a Bill. Une lueur nouvelle dans le regard, que tu ne lui connais pas. Mais que tu connais par coeur. Tu l’as vu plusieurs fois dans les yeux d’Arthur. Puis il y a Fleur. Épuisée, mais rayonnante. Et dans ses bras, une poupée, une merveille. Flamme au milieu de la nuit. Espoir en pleine guerre. La vie qui combat la mort. La vie tout simplement. Émue, tremblante, tu t’approche. Tu pose tout d’abord une main sur la joue de Bill, que tu regarde longuement. Vos yeux brillent alors qu’ils se caressent. Une émotion nouvelle vous lie, à jamais. Puis tu te tournes vers Fleur. « Félicitations ma chérie. Je ...  » Les mots te manquent tant l’émotion te noue la gorge. De voir ce bébé si pur, si parfait. De voir les tiens réunis. D'être là, vivante. Tes pensées volent vers Fred, dont le manque se fait cruellement ressentir. «  Elle est parfaite.  »

Aujourd'hui est un jour particulier, pour sur. Un jour dont tu rappelleras toute ta vie. Tu es épuisée. Littéralement. Tu le sens dans la moindre fibre de ton corps, une fatigue comme jamais tu n'as connu. Il y a quelques heures, à peine. Tu as donné la vie. Tu t'es battue, pendant presque toute la nuit pour expulser ton bébé. Il y a eu des instants de doutes, des larmes, des cris, des angoisses, des questions. Des heures qui t'ont semblé des jours, tant la douleur et la peur étaient là. Mais plus que la douleur, il y avait la peur. Une peur idiote, viscérale. Et si je n'y arrivais pas ? Et si j'en étais incapable ? Cela est si dur, cela fait si mal. Des angoisses futiles qui t'ont traversé l'esprit alors que tu te battais contre toi même. Jusqu'à cet instant. Un instant bref. À peine une poignée de secondes. Ce cri, qui a résonné dans toute la pièce, mais surtout dans ton coeur. Ce cri, et un sentiment de soulagement qui t'a apaisé presque automatiquement.

Puis la médicomage l'a posée sur toi, et enfin tu l'as rencontrée. Tu as senti sa peau contre la tienne, ses doigts entre les tiens. Et ses yeux qui te buvaient littéralement du regard. Et là, tu as tout oublié. Les douleurs se sont évaporées, comme si elles elles n'avaient jamais existé. Il n'existait rien d'autre. Juste toi, Bill et elle. Et une sensation de bonheur, si forte. Un bonheur qui te prends aux tripes, au coeur. Plus fort que les peurs. Plus fort que la douleur. Plus fort que tout le reste. Pendant un temps, tu as oublié tout. La guerre. L'ordre. Tes peurs. Tout ça, ça ne compte pas. Il n'y avait rien, à pour vous trois dans cette petite bulle d'amour. Ni plus, ni moins. Juste votre famille. Celle que vous veniez de construire. Ensemble.

Cela faisait plusieurs heures maintenant, et tu avais pu te reposer. Maintenant, il est temps de présenter ta petite Hope au reste de la famille Weasley. Tu te tiens là, dans le lit. Et dans tes bras, elle sommeille. Hope. Ta fille. Ta merveille. Elle si belle, avec ses yeux bleus et ses petites mains. Son visage angélique. Et ce regard, si tendre. Un regard à la pureté et à la douceur de ceux qui n'ont encore vu que l'amour. Tu ne saurais dire depuis combien de temps vous êtes là, tous les deux. Béats d'admiration devant la petite. Tellement que tu sursautes en entendant la porte s'ouvrir sur les Weasley. Tu souris en les voyant. Molly s'approche la première. « Félicitations ma chérie. Je ...  » Un léger sourire se dessine sur tes lèvres. Ça n'a pas toujours été facile, avec Molly. Il y en a eu, des tensions. Vous êtes si différentes. Elle, la mère courage. Efficace, simple. Et toi, la petite bourgeoise Française, venue là avec ses grands airs et ses tenues de créateur. Vous avez mis du temps, à vous apprivoiser. Et même aujourd'hui, tu l'a vois souvent lever les yeux aux ciel devant ton air toujours apprêté. Et pourtant. Elle est là, les larmes perlant au coin des yeux et l'émotion palpable. Et cela te réchauffe le coeur.  «  Elle est parfaite.  » «  Merci, Molly.  » Tu souris. Un sourire sincère, comme il n'y a pas eu depuis bien longtemps sur ton visage. «  Laissez moi vous présenter Hope Ginevra Weasley. Hope, je te présente ta famille. »

C’est Ginny qui est venue le chercher. Il ne sait pas s’il s’attendait à un message de Bill mais ça a tout de même laissé un goût amer dans sa bouche. Est-ce que c’est son aîné qui a demandé à leur cadette de le prévenir ou est-ce qu’elle a elle-même pris l’initiative ? Est-ce que son frère ne savait tellement pas comment aborder la nouvelle avec tact qu’il avait prévu d’attendre pour lui dire ? Les questionnements ont tournoyé dans sa tête, fiel qui l’empoisonne dans un moment heureux, alors que ça ne devrait pas avoir d’importance ça en a. Pourtant il n’a pas hésité une minute avant de suivre sa sœur, il a tout laissé en plan et ils ont transplané jusqu’à la plage où le vent marin glacé leur a fouetté le visage. La météo n’a pas pris note qu’aujourd’hui est un jour de réjouissance mais on ne peut guère exiger de la côte anglaise qu’elle fasse preuve de clémence en plein mois de février. Percy n’aurait même pas remarqué que c’était la saint-valentin si on ne lui en avait pas fait remarquer, et c’est vrai que ce n’est pas une mauvaise date de naissance. Il n’a pas hésité une minute avant de foncer ici mais maintenant, sur le pas de la porte de la chambre il ne sait plus s’il arrivera à y rentrer. Il entend sa mère s’extasier sur la nouvelle venue et il laisse chacun rentrer avant lui. Finalement, solution du lâche qui lui demande tout son courage, il reste dans l’embrasure de la porte, s’appuyant contre son cadre pour observer la scène. A la fois dedans et dehors.

La vue de la petite lui coupe le souffle. Elle est si minuscule. Elle est magnifique, bien sûr, de cette façon que seuls des parents peuvent apprécier. Et quoi qu’on en dise, au fond, Percy a été un père. Il le sera toujours même s’il ne le sera jamais à nouveau – comme il se le dit toujours. En cet instant il s’en veut de son égoïsme. De tous les actes de la famille, s’il y en a bien un dont il peut être certain qu’il n’avait pas pour but de l’ostraciser c’est celui-ci, la naissance de ce nouvel enfant. Mais il n’y peut rien. Ses plaies sont trop fraîches et son deuil mal fait. Face à la petite Hope il ne peut s’empêcher de penser que tous la considéreront comme la première petite-fille des Weasley, que chacun oubliera qu’elle a été précédée par un autre petit-enfant qu’on n’a simplement pas eu l’honneur de rencontrer. Parce qu’Hope sera la première que la famille tiendra dans ses bras, la première qu’ils gâteront et regarderont grandir, elle deviendra la première purement et simplement. Ehsan, effacé. Il s’en veut, il s’en veut de voir cette scène de bonheur et de n’arriver à rien penser d’autre que ‘ça aurait dû être moi’. Même pour lui c’est exécrable. Il n’y a rien à faire. Chacun y va de sa félicitation, un petit silence flotte et il voit bien que c’est à lui. « Elle est superbe Fleur. Félicitations. Et à toi aussi Bill. » Cela fait deux ans que Percival n’a pas réellement souri. Aujourd’hui ne changera pas la donne. Bien sûr le sourire qu’il offre au couple est sincère, il est simplement empreint de trop de douleur pour compter comme un réel moment de joie. C’est tout ce qu’il peut donner, et c’est bien plus qu’il a donné depuis si longtemps. Oui, elle est magnifique cette petite bouille, un rayon de soleil dans cette guerre atroce, il ne manquerait pas les présentations. Mais il préfère en détourner les yeux plutôt que de sentir la douleur de l’aveuglement.

Ron est capable d’endurer beaucoup de choses. Des combats qui n’en finissent plus. Des plans qui arrivent à les mettre en danger. Des blessures. La perte des proches. Il a commencé à bien s’endurcir. Alors pourquoi il a les jambes qui tremblent quand il reçoit le message de la part de son frère sur la naissance de la fille de Fleur et Bill ? Il se tourne vers Hermione et lui explique la situation d’une voix tremblante. Il ne comprend pas sa réaction. Peut-être est-ce la lumière qu’il attendait parmi toutes les horreurs de la guerre ? “Faut que j’y aille. Faut que j’aille les voir.” Il essaie de calmer tout ce qui le traverse parce que s’il n'est pas suffisamment focalisé sur ce qu’il se passe et qu’il transplane, il a des chances pour finir désartibulé. Pour une jour de célébration pareil, autant qu’il évite de ruiner l’instant. Il prend une veste qu’il enfile et sa baguette et essaie de mettre un peu d’ordre dans ses cheveux avant de se planter devant Hermione. “Tu veux pas m’accompagner ? Tu fais… tu fais partie de la famille.” Il ne peut pas s’empêcher de sentir ses oreilles chauffer en disant ça. En dehors du fait que toute la famille a très souvent vu la jeune femme, Ron n’a jamais écarté l’idée de vouloir plus qu’une simple amitié avec elle. Mais envisageable qu’à partir du moment où ils comprendront pourquoi ils ne peuvent pas se toucher et surtout une fois que la guerre ne sera plus une menace permanente.

Une fois prêts, Ron tend le bras à Hermione qui s’y accroche. Il ferme les yeux et visualise la maison où Fleur et Bill sont avant de transplaner. Le bruit des vagues le fait sourire. Il aime bien cet endroit. Il est apaisant. Il comprend pourquoi son frère a isolé sa famille ici. Il a l’impression qu’ils peuvent oublier que les sorciers se déchirent. Avec Hermione, ils se dirigent vers la maison et entrent. Une grande partie de sa fratrie est présente. Il serre son père dans ses bras puis sa mère et sourit à Percy. Un sourire un peu triste. Il compatit. Il sait qu’il aurait dû être papa aussi. Ses dents se serrent un peu puis il détourne la tête lorsque Bill s’approche de lui. Il tend sa main pour lui serrer, mais Bill n’en a rien à faire et le prend dans ses bras. Ron étouffe une exclamation, mais il le laisse faire pour une fois. Il accepte le câlin. “Félicitations !” Bill est ému. Ron se détache de lui et tend le cou pour essayer d’apercevoir le bébé. Sa mère est déjà près de Fleur. « Elle est parfaite. » « Merci, Molly. Laissez moi vous présenter Hope Ginevra Weasley. Hope, je te présente ta famille. » Fleur montre à tout le monde le petit être qu’elle tient dans ses bras. Quelque chose d’étrange remue en Ron. Le bébé a l’air si fragile et si minuscule contre sa mère. Hope. C’est joli. C’est le prénom parfait. Il reste près d’Hermione, incapable de s’avancer plus par peur de mal faire, mais il sent qu’elle le pousse en avant. Il regarde ses parents étreints par l’émotion, il fait un nouveau sourire à sa mère et se tourne finalement vers Fleur. Elle l’a toujours impressionné. Il se souvient lui avoir hurlé dessus pour l’inviter au bal en quatrième année. Ce souvenir lui fait monter le rouge aux joues. Il passe une main maladroite dans sa nuque avant d’ouvrir la bouche pour dire quelque chose. Félicitations Fleur ! Félicitations à vous ! Elle est--” Il se penche un peu plus pour regarder Hope. “Elle est vraiment jolie et euh… ouais félicitations.” Il fait quelques pas en arrière. Il peut affronter tout, Ron, mais s’exprimer correctement face à sa belle-sœur, ça c’est toujours compliqué.

Le fond de la toile au-dessus de la cheminée demeurait désespérément vide. Sans doute son sujet divaguait de tableau en tableau au St James Manor. Seule une grotte grossièrement peinte s’offrait à la vue des spectateurs. La sonnerie d’une horloge rudimentaire sortit Charlie Weasley de la somnolence. Le dragonologiste essayait de ne pas s’endormir après avoir occupé son temps à couper quelques buches dans le sous-bois nordique. Les braises ronflaient désormais dans la cheminée de briques du dispensaire, perçant de leur éclat la pénombre du nord du Royaume-Uni. Merlin que le ciel était sombre en ce mois de février. Charlie soupçonnait quelques Dementors de trainer dans le coin, attirer bien malgré eux par les pensées fugitives des hybrides, par leur désarroi et leur désespoir de se trouver enfermer, ensemble, dans un des camps de l’Ordre. La vie à Sweet River n’était jamais de tout repos. A chaque jour suffisait sa peine : les disputes, les bagarres, les dépressions… Plus le conflit s’enlisait entre la résistance et les forces du mal, plus Sweet River s’enfonçait dans une mélancolie maussade. Aussi, une bonne nouvelle ne ferait pas de mal au cœur vaillant de Charlie Weasley, lui qui donnait tant, sans jamais se plaindre, écrasé sous un chaud sourire par ses responsabilités de guérisseur. Quand Diable retrouverait-il ses dragons ?

Alors qu’un brin de soleil faiblard semblait percer la lourde brume, et que le coude de Charlie glissa une énième fois en le sortant du sommeil, son regard se porta sur le tableau de la grotte. Une sorcière, ressemblant à une parodie grossière du Robin Hood moldu, examinait dans ses mains un immense orteil, appartenant de façon manifeste à un troll des montagnes adulte. « Réveillé ? » lança-t-elle sans même porter son regard de peinture à Charlie. « Euh… Oui. » hésita un instant le sorcier, songeant tout d’abord à cette situation comme un très mauvais scénario de rêve, même pour lui. « Elle a mis bas » grogna Gondoline Oliphant avant de disparaître au fond de son tableau. Pendant quelques secondes, Charlie semblait perdu dans ses pensées. Était-il vraiment réveillé ? Puis tout s’enchaina dans son esprit. Il se redressa, ignorant le froid maudit qui lui parcourait l’échine lorsqu’il posait le pied à terre. Grognant et grommelant avec un plaisir non dissimulé, ses mains abimées et calleuses fouillèrent frénétiquement quelques tiroirs. Bientôt le sol fut recouvert de parchemins, d’instruments de dressage de dragon et de vieilles cartes de sorciers célèbres. Il trouva enfin ce qu’il cherchait, tapis au fond du meuble, et le fourra rapidement dans sa poche.

Les flammes vertes de la cheminée l’emmenèrent directement au St James Manor. Dans sa hâte, Charlie ne s’était pas changé. Il portait son ensemble réglementaire de la Réserve de Roumanie,  uniforme réservé aujourd’hui à ses activités extérieures, rehaussé d’un tablier poussiéreux en cuir de dragon portant nombre de traces de griffes (les loups garous avaient remplacé les Magyar dans cette œuvre). D’un coup d’épaule dans la porte, Charlie fit irruption dans la chambre de Fleur, sa crinière de lion voletant jusqu’à Bill, qu’il étreignit avec force. Le sorcier était plus trapu que ses frères, moins longilignes et assez brut de décoffrage. Son rire tonitruant mais rassurant résonna dans la pièce sans faire peur au bébé. Se détachant de son ainé, qui était aussi son meilleur ami, il se retourna et remarqua la silhouette de Percy. Il fut un temps ou Percy était son unique petit frère, et Charlie ne pouvait s’empêcher de s’en sentir responsable. Il lui adressa un sourire inquiet, avant de porter son attention à Ron. Il lui offrit en guise de bonjour un coup de poing fraternel sur l’épaule. Il lança un clin d'oeil à Molly (s’approcher de sa mère demeurait un risque pour sa longue chevelure de feu) et il s’agenouilla à côté du lit auprès de Fleur, plongeant sa main dans la poche de son tablier. « Il ne fait plus de feu, et il devient trop vieux pour mordre, mais c’est plus drôle qu’un ours en peluche ou qu’un stupide chat » s’amusa-t-il en dépliant son poing, dévoilant une version miniature du Vert Gallois que Fleur avait affronté bien des années plus tôt.

C'est une sensation effrayante et délicieuse, celle de ton coeur qui explose, surchargé d'amour. Si tu devais décéder ce jour, tu aimerais que ce soit de ce trop plein d'amour qui te submerge. Ils sont là, presque tous. Ils sont là et tu les aime plus que tout. Ils sont là, malgré les dangers, malgré leurs missions respectives. Ils sont là, pour la famille, pour accueillir la petite Hope. L'espoir d'un nouveau monde, un renouveau pour cette famille ébranlée. Et bien que non surprise, tu es touchée de voir tout le monde réuni autour de Fleur et Bill. Cela te rassure sur le fait que la famille passe avant tout le reste, pour eux également. C'est surement ton côté maman gaga, mais tu es presque aussi heureuse de voir tes enfants réunis ici que d'accueillir la petite Hope. C'est bien trop rare. Comme d'habitude, tu laisses la nostalgie t'envahir et peine à profiter de ce moment, songeant à sa rareté plutôt que de t'en nourrir et de le vivre pleinement. Est-ce donc cela la guerre ? Avoir si peu de bons moments qu'on ne sait même plus les vivre comme il se doit ? «  C'est si bon de vous revoir tous.  »

Tous.
Non pas tous, ce ne sera plus jamais le cas.

Cette pensée t'obsède, te hante. Le pire, c'est de voir George tout seul. Tu as tellement eu l'habitude de les voir ensemble que le voir seul ne te semble pas naturel. Sans Fred, il a l'air gauche, comme un blessé marchant sans béquilles. Tu secoues la tête, concentre toi sur ceux qui vivent plutôt que ceux qui ne sont plus, t'as-t-on dit un jour. Tu as du mal à le faire. Te secoues la tête pour essayer de te sortir ces pensées sombre de la tête. C'est un bon moment après-tout. Ou en tout cas, ça doit l'être. « C'est trop rare de nous voir ... tous réunis. Pitié, n'attendons pas une prochaine naissance, vous connaissant ce ne sera pas pour tout de suite ! » Tu aimerais voir tous tes enfants casés et être entourée de petits enfants. Mais outre la période qui ne s'y prête guère, tes enfants ne semble pas pressés procréer. Ce qui te désole un peu, tu dois bien l'avouer. « Un espoir né le jour de l'amour, j'espère y voir là un signe.  »

Aucun jour ne se ressemble, à l’Ordre du Phénix, et pourtant, ils se confondent tous dans un énorme bordel - Hermione a souvent du mal à dire quel jour on est, quel jour tel événement a eu lieu. Tout se mélange un peu, même les jours importants, même ceux qui ont été emplis de grand chagrin, de grandes découvertes ou de combats marquants.
Mais aujourd’hui, Hermione est à peu près sûre qu’elle s’en souviendra. Quand Ron s’est tourné vers elle, son coeur a manqué un battement. L’expression du Weasley a tant changé d’une seconde à l’autre qu’elle a eu peur, pendant quelques secondes. Elle s’est même demandée s’il allait tomber dans les pommes, tant il avait l’air confus et complètement perdu, tout à coup. Quand il lui a annoncé la nouvelle qu’il venait de recevoir, Hermione a souri. Elle ne l’avait pas vu comme ça depuis longtemps. Tout à coup il semblait si… vulnérable. Il lui a fait penser de nouveau au Ron de l’époque, celui contre qui elle s’énervait dans les couloirs de Poudlard, celui qui n’avait pas la maturité qu’il a aujourd’hui. Ça l’a tant attendrie et rendue heureuse qu’elle lui aurait sauté dans les bras, si elle avait pu. “Faut que j’y aille. Faut que j’aille les voir.” Elle a acquiescé, avec un énorme sourire. La grossesse de Fleur, elle l’a suivie, bien entendu - un peu de loin, mais elle l’a suivie. Hermione aimerait dire qu’elles sont proches, mais la réalité, c’est qu’elles ont passé beaucoup de leur temps dans des planques différentes, sur des missions différentes, et que même après toutes ces années, l’ancienne Gryffondor n’a pas vraiment l’impression de connaître la française autant qu’elle le devrait. L’Hermione de quatorze ans serait probablement choquée de l’entendre, mais elle aimerait vraiment que ça évolue, avec le temps. Fleur est une fille brillante, et Hermione l’a toujours admirée, même si c’était pour des raisons différentes tout au cours de sa vie. Alors oui, même si elles ne sont pas si proches, Hermione a ressenti une immense joie quand elle a appris qu’enfin, elle avait donné naissance à son enfant. Parfois, la Granger a encore du mal à croire qu’ils en sont arrivés là. Quand elle repense à leur quatrième année… Elle revoit Fleur à cette époque et… Le hasard pour qu’elle devienne la femme de Bill ? C’est vraiment incroyable. “Tu veux pas m’accompagner ? Tu fais… tu fais partie de la famille.” Hermione perd son sourire une demi-seconde sous le choc. Tu fais partie de la famille. Elle sent son coeur qui s’emballe dans sa poitrine. Elle le regarde, debout, avec sa veste déjà sur les épaules, et il lui faut quelques secondes pour réagir. Hum… Oui? Si tu veux que je t’accompagne, je peux. Mais tu es sûr que-- Ron est déjà sur le départ, alors elle se lève et enfile aussi une veste et pose la main sur sa manche pour qu’ils transplanent ensemble.

Là-bas, ils retrouvent toute la famille Weasley. C’est étrange et émouvant de les voir tous là réunis. Hermione ne se souvient pas les avoir vus tous ensemble depuis longtemps. Elle ne sait pas trop si elle est légitime à être ici, alors elle reste un peu en retrait tandis que les autres se saluent… mais elle est surprise de voir l’accueil presque naturel qui lui est réservé. Le fait qu’elle soit là, ça a soudain quelque chose de très officielle pour elle et Ron alors ses joues sont probablement un peu rouges pendant qu’elle observe toute la fratrie se rapprocher de Fleur et la féliciter. À son tour, après que Ron ait offert des félicitations un peu gênées, Hermione s’approche et sourit à Bill et Fleur. Je suis vraiment heureuse pour vous. On l’a tellement attendue... Ce sont des yeux émus qui rencontrent ceux de la jeune maman, et Hermione se sent bien, au milieu de tous les Weasley. Elle est enfin là! Félicitations. Elle recule un peu pour laisser place à la fratrie - mais reste un peu derrière Ron, sa main accrochée à sa veste, comme pour lui montrer qu’elle est bien là. Elle sourit en entendant Molly se réjouir du fait qu’ils soient tous réunis. C’est une belle journée. Hermione les observe tous, essaie de graver les images dans son esprit pour chérir ce moment quand les jours seront plus sombres. Elle a une pensée pour Fred, qui n’est pas là, mais qui est là tout de même.
Elle espère qu’un jour, elle se souviendra de ce jour comme la première fois où la famille était vraiment réunie.

L’Amour inconditionnel. On a beau se préparer, personne ne peut s’attendre à ça. La gorge serrée, le coeur explosant de bonheur, Bill a l’impression d’être un homme totalement nouveau. De fait, il ne sera assurément plus jamais le même. Cet être humain, pourtant si petit dans ses bras, a totalement chamboulé son univers. C’est comme si maintenant, le monde entier tourne autour d’elle. Fleur et lui sont tout simplement émerveillés à l’extrême, détachant difficilement les yeux de leur petite merveille. Elle est tellement mignonne. Bill sait que les parents sont difficilement objectifs, mais il le pense sincèrement, elle est la perfection incarnée. Il pense qu’elle va ressembler à sa maman, même si personne ne peut vraiment le dire pour l’instant. En tout cas, lui, il manque de mots. Il est tout retourné, son coeur s’éveille, il comprend soudain beaucoup de choses. Il sait qu’il n’y a pas d’amour plus pur qui existe en ce bas monde. Et il sait que Fleur est tout à fait d’accord avec lui. De temps à autre, ils échangent un regard complice, tous les deux. Ils sont amoureux depuis douze ans et mariés depuis dix ans, très heureux de l’être malgré les difficultés inhérentes à la vie de couple. Mais désormais, c’est un tout autre lien qui les unit, incassable, et qui les lie à un objectif aussi noble que terrifiant : prendre soin de ce bout de chou, leur plus beau cadeau, leur petite merveille.

Évidemment, même s’il s’épanouit actuellement dans son cocon doré, le couple n’est pas le seul à attendre avec impatience l’une des plus nouvelles qui soient. Quelques heures après la naissance de Hope, Bill a prévenu toute la famille. Et ils arrivent, par groupes, se précipitant dans la chambre pour s’extasier devant cette nouvelle vie qui revêt une signification si symbolique. Aujourd’hui, les différends et autres problèmes familiaux sont mis de côté, comme momentanément envolés par un sortilège d’Amnésie. C’est un jour de réunion et de célébration, d’amour et d’espoir. L’émotion submerge Bill tandis qu’il les accueille tour à tour. Son regard croise celui de sa mère, qui a une main sur sa joue. Il pose à son tour une main sur la sienne, serrant ses doigts dans les siens comme pour partager la plus belle des étreintes. Il a les yeux qui brillent et tout ce qu’il ressent se reflète aussi dans les yeux de celle qui l’a mis au monde et choyé depuis le tout début. Puis il se tourne vers son père, qu’il prend dans ses bras pendant un bon moment, sans rien dire. Pourtant, il a tellement de questions à lui poser, à lui qui à ses yeux est le meilleur papa du monde. Mais ce n’est pas le moment, pas encore, ils veulent tout naturellement s’approcher de leur première petite-fille. Pendant ce temps, il étreint tour à tour ses frères et sa sœur, Charlie dont la joie est visible à des kilomètres, Ron qui est tellement ému qu’il ne sait pas quoi dire, Percy qui est plus silencieux que d’habitude, George à qui il manque la moitié mais qui est émerveillé d’accueillir une nouvelle Weasley, Ginny dont le prénom a été donné à la petite... Et Hermione, qui est la seule dans cette pièce à ne pas porter le même nom qu’eux, mais qui fait partie de la famille depuis tellement d’années qu’on ne les compte plus. Il les remercie un par un et reçoit leurs félicitations avec une fierté non dissimulée. Ils sont tous là et c’est la seule chose qui compte au monde. Bill les observe tous, l’émotion mutuelle se reflétant dans les yeux des uns et des autres. Et la matriarche qui s’exprime, avec un petit discours qui prend Bill aux tripes. « Un espoir né le jour de l’amour. C’est tellement bien dit, maman. » Bien sûr, ils pensent à Fred, comme toujours. Ils pensent aussi au bébé que Percy aurait dû avoir, le cousin ou la cousine que Hope ne connaîtra jamais. Le moment aurait pu être encore plus heureux, mais il l’est déjà autant que c’est possible en des temps si troublés, comme si la dernière recrue des Weasley émanait autour d’elle un halo protecteur d’amour, d’espoir et de joie. « Je suis tellement content que vous soyez tous là, avec nous, autour d’elle... Merci, merci à tous. Les temps sont difficiles, mais je voudrais vraiment que chacun d’entre vous tienne une place de choix dans la vie de notre petite fille. Je suis déjà certain qu’elle est absolument merveilleuse et elle… Et elle a la chance d’être née au sein d’une famille extraordinaire et de pouvoir compter sur vous tous. »

Y avait-il plus grand honneur ? Ginny aurait-elle pu être plus touchée par celle, tout un temps durant, qu’elle avait détestée ? Désormais, la rousse se flagellait de son comportement immature d’avant guerre, et de ses gémissements incessants sans jamais comprendre ce qui liait son frère et sa belle soeur. Pourtant, quand elle a découvert ce qui grandissait au coeur du ventre de la demi-vélane, elle s’est émerveillée. Si elle était souvent terrifiée à l’idée qu’un être si pur arrive sur une terre déchirée, il fallait reconnaître que c’était le plus beau symbole d’espoir qu’elle pouvait offrir à cette famille. Hope. Un nom si tendre, empli de magie que personne ne pouvait leur voler. Une raison supplémentaire pour ne pas tout claquer, pour rester, bien ancré ici, avec eux, ne pas disparaître. Pour elle. Ginerva. Fleur et Bill avaient choisi de nommer leur première fille, leur enfant, le fruit de leur amour, après elle. Pas après Gabrielle, pas après Molly, mais après elle. Si dans un premier instant, elle s’est dit que c’était une bien grande punition pour ce bébé, elle fut tout de suite envahie par une vague d'émotions. C’était elle qu’ils avaient choisi, comme modèle. Elle.

Elle n’avait pas pu se retenir, Ginny. C’est des perles d’emotions qui coulaient le long de ses joues. Et ça faisait bien des années qu’elle n’avait pas pleuré de joie. De tendresse. Elle avait laissé tant de larmes sur le côté parce que la vie l’avait poignardé, par devant ou dans le dos, mais là, c’était bien ce qui était arrivé de plus beau depuis des années. Autour de sa famille, elle ne cherchait même pas à les chasser, parce qu’elle n’avait pas envie de cacher ce qu’elle ressentait à Hope, ni à Fleur, ni à Bill. Lorsqu’elle vit le visage ensommeillé et le corps si minuscule de la poupée pour qui elle débordait déjà d’amour, ses larmes s’intensifièrent. “Merci Fleur.” Que dire d’autre, à celle qui a porté la vie, envers et contre tout, pour agrandir leur famille d’un membre essentiel, donnant à sa mère un nouveau titre, celui de de grand-mère.

Ses yeux n’arrivaient pas à quitter la peau de porcelaine, parfaitement lisse de ce bébé, à côté de sa mère la vélane, elle semblait mille fois plus hypnotisante. Chaque trait lui rappelait l’un de ses parents, et ses petites mains la faisaient mourir d’attendrissement. “Est ce que… Je peux la prendre dans mes bras ?” Comme si elle avait besoin de sentir Hope se mouvoir entre ses bras, de voir qu’elle était chaude, que le sang circulait dans tout son corps et que son petit coeur battait au même rythme qu’au sien : à la chamade. Parce qu’elle semblait presque irréelle, rien d’aussi parfait n’existait jusqu’ici dans son monde.

Elle n’avait pas réussi à dire grand chose jusqu’ici, parce que l’émotion l’avait rendu silencieuse. Mais le désir de voir sa nièce - sa nièce ! - plus proche la forçait à sortir quelques trémolos agités de ses lippes. Ses cheveux en bataille et ses yeux rougis par les larmes, elle faisait un bien piètre tableau à observer : mais c’est là la vérité vraie, qui fallait lui montrer, même si elle ne s’en souviendrait pas. Les faux semblants sont inutiles dans la famille, seule persiste la vérité, parce que même autour des désaccords qui bouleversent leurs vies, ils restent alors unis. Unis contre l’adversité, qui paraît chaque jour de plus en plus trouble. “C’est le miracle dont on avait besoin.”

Les années passaient et pourtant les drames n’avaient de cesse de se succéder. Cela avait d’abord été les frères de Molly, puis Fred, puis l’enfant à naître de Percy. Tu te demandais encore quand tout cela finirait-il. Tu étais las de ces réunions de famille où l’on ne se retrouvait plus que pour pleurer ses morts. Tu n’avais jamais remis en question ton appartenance à l’Ordre, le doute quant à ton allégeance n’avait absolument pas lieu d’être. Mais tu devais bien avouer que tu avais fini par baisser les bras, pas perdre l’espoir de voir un jour cette guère s’achever. D’un côté comme de l’autre, d’ailleurs. En ce jour si particulier pour Molly et toi, le seul que vous vous permettiez encore de réserver à votre couple tout aussi soudé qu’éreinté, tu n’aspirais à rien d’autre qu’à quelques heures de liberté en compagnie de ton épouse. Loin de l’école, de l’Ordre et de vos responsabilités respectives. Seuls dans un espace-temps qui n’appartenait qu’à vous, pour un court instant. Et pourtant, lorsque Bill surgit sans prévenir dans l’âtre de votre cheminée, tu ne saurais lui en tenir rigueur. Alors que ses paroles sont entrecoupées d’une excitation plus que perceptible, tu te lèves brusquement du fauteuil dans lequel tu avais pris place et tu laisses Molly t’emporter dans son sillage sans plus attendre. Ces quelques mots prononcés par ton aîné semblent alors raviver une étincelle dans ton cœur qui avait disparu depuis si longtemps. Depuis près de neuf longues années, pour être exact.

L’instant d’après vous vous retrouvez à Saint-James et tu réalises peu à peu ce que votre présence au manoir signifie. Tu n’avais pas remis les pieds ici depuis le jour où tu avais plié tes bagages et déménagé à la Fawkes. Mais en ce jour si précieux pour votre famille meurtrie, le lieu de vos retrouvailles n’avait absolument aucune importance. A votre arrivée dans la chambre occupée par Bill et Fleur, ton regard se pose immédiatement sur ce cadeau que la vie avait finalement consenti à vous faire. Hope Ginevra Weasley. On n’aurait pu rêver mieux comme patronyme pour ce petit miracle. L’émotion te prend subitement aux tripes, te frappant par surprise. Tes yeux deviennent humides, à mesure que tu acceptes à bras ouverts les sentiments qui t’envahissent. « Molly, je suis grand-père. » Tes premiers mots trahissent cette incrédulité qui t’accompagne alors que tu avais cessé d’aspirer à une existence comblée de bonheur. Tu te rapproches finalement vers le centre de la pièce pour mieux entrevoir les traits de ta petite-fille. Posant une main compatissante sur l’épaule de Ronald, qui semblait avoir bien du mal à trouver les mots, tu adressas ensuite un sourire chaleureux à Hermione, qui se trouvait non loin de lui. Ce n’était plus un secret pour personne que l’un de tes souhaits les plus chers soit de les voir eux aussi à la même place que Fleur et Bill d’ici quelques années. Après avoir couvé Hope d’un regard protecteur et empli d’amour, tu reportas ton attention sur le reste de l’assemblée, que tu étais ravi de retrouver. Les mots de Molly étaient si justes, comme toujours. Voir la famille réunie de la sorte te mettait naturellement du baume au cœur. Bien que l’absence de Fred en un tel moment se fasse plus cruelle encore. « Félicitations, Fleur, elle est magnifique. Et je suis certain qu’elle vous comblera de bonheur. » Ta voix tremble encore sous l’émotion, mais tu ne pouvais te résoudre à rester muet devant la joie que te conférait la naissance de Hope. Finalement, tu te diriges vers Bill et viens le serrer dans tes bras. « Félicitations à toi aussi, mon fils. Tu feras un père digne de ce nom, je n’en doute pas une seule seconde. » Plus que jamais tu étais fier de ta tribu, fier de la famille Weasley, dont Fleur et Hermione faisaient indubitablement partie. Comme Harry, avant elles.