L’orage gronde au dehors, le ciel est noir et les nuages déversent toute la pluie qu’ils peuvent. Refermant un ouvrage de runes avancées et le rangeant dans la bibliothèque, Myrthild trouve un papier plié et dépassant de deux tranches en cuir, un rayonnage plus bas. La curiosité la pousse à extirper l’indice de sa cachette, qui pourtant était tout à fait adéquate, mais qui avait dû être mise à mal à le déplacement de certains ouvrages. Le faisant tourner sous toutes les coutures avant de l’ouvrir, elle cherche un indice sur la provenance, et le sceau de l’École de Sorcellerie la plus célèbre de Grande-Bretagne couplé au tampon du Ministry of Magic lui font arquer les sourcils. Mais ce n’est rien sans compter quer le bulletin qui la laisse perplexe lorsqu’elle le consulte. C’est celui d’Imogen, sa cadette, mais un résultat ne correspond pas à celui qui avait été annoncé. Pourtant, au vu du cachet apposé, de la date, du nom, c’est bien les résultats des O.W.L.s de sa fille. Myrthild hésite un instant sur la marche à suivre : elle suppose que le parchemin n’était pas censé être trouvé, s’étonne toutefois du fait qu’il n’ait pas été enseveli dans les papiers administratifs de la petite dernière -peut-être pour se prémunir d’une fouille de ses affaires ? Le repliant avec soin, appuyant quelque peu sur le bord de la pliure avec ses ongles impccables, elle regarde autour d’elle. Quelque chose ne colle pas : Imogen a toujours eu des résultats excellents en Potions, comme sa mère l’a compris rapidement, puisque Horace Slughorn, directeur de Slytherin et de nouveau professeur de Potions à Hogwarts, ne tarit pas d’éloge à son égard lorsqu’ils se croisent lors des réceptions de sang-pur. Alors un Acceptable, dans un examen important ? Pas possible. Illogique. Impensable.

Décidant de tirer l’affaire au clair, voilà la matriarche qui gravit les marches grinçantes jusqu’à l’étage des chambres, pour traverser lentement le couloir qui l’amène jusqu’à la porte entrebâillée de sa fille. « Imogen, sweetie ? », qu’elle s’annonce, en respectant l’intimité de sa fille en ne poussant pas la porte pourtant non scellée, « Can I come in ? » L’autorisation obtenue, Madame Travers pénètre dans l’antre de l’adolescente et referme derrière elle. Quelques pas vers sa progéniture, le parchemin roulé dans la main droite, la main gauche qui caresse avec tendresse les cheveux sombres d’Imogen. « I’ve found something quite surprising, and I’ve thought I’d run it by you, if that’s okay with you. You were not busy, were you ? » Et de s’asseoir sur le lit de la jeune Slytherin, de désigner la place à ses côtés de sa main libre, comme pour l’inviter à la rejoindre, histoire d’être installées de façon plus confortable que si elles restaient debout de façon gauche et maladroite. Un sourire aimant étire les lippes de la mère tandis qu’elle dévoile sa trouvaille et pointe de l’index la ligne qui l’a étonnée : « I thought you got an Oustanding in Potions. Maybe I got mixed up, or wasn’t paying attention enough, but I don’t understand. » Et d’ancrer ses billes vertes comme une prairie au printemps dans les prunelles de son enfant chérie : « What happened, sweetie ? »

Ses doigts balayèrent la reliure ouvragée, meurtrie par le temps et les lectures approfondies. Les pages jaunies avaient conservé cette odeur propre à tout livre demeuré trop longtemps sur les étagères d’une bibliothèque, devant laquelle passent des générations sans parfois s’en soucier, la poussière venant s’infiltrer jusqu’à ce qu’il tombe entre les mains d’un érudit avide de connaissances nouvelles. Celui-ci n’avait probablement pas été touché depuis qu’il avait atterri chez eux, sa propriétaire ensevelie sous terre. Aucune larme n’avait coulé ce jour-là pour cette femme qu’elle n’avait pas vraiment connue, l’enfant encore trop jeune pour saisir qu’une telle cérémonie n’était pas tant pour le défunt que pour les survivants, pour les accompagner dans leur deuil. Des années plus tard, son regard s’était posé sur cet héritage sous-estimé pour s’enquérir de ce qu’il refermait, en raison d’une curiosité justifiée par le choix qu’elle devrait faire à la rentrée concernant ses options de sixième année.

Elle referma l’ouvrage sur l’alchimie – trop avancé pour une néophyte de son genre – pour le déposer sur son bureau alors que la voix de sa mère se fit entendre par-delà la porte qu’elle n’avait pas pris le soin de fermer véritablement, ne souhaitant pas être importunée par les passages éventuels dans le couloir sans pour autant se fermer à la moindre intrusion. « Mum? » répondit-elle en écho, pour lui signifier qu’elle avait réalisé sa présence, dans l’attente de savoir si elle était appelée à sortir ou à l’inviter à rentrer. « Sure, come in. » Elle ne tarda pas à remarquer le parchemin roulé dans la main de sa mère qui prit la peine de refermer la porte derrière elle une fois entrée dans la pièce. Incertaine quant à ce que contenait l’objet, elle suivit du regard la matriarche qui s’approcha de son lit pour s’y asseoir tout en lui dévoilant la raison de sa venue. Si un juron aurait pu être soufflé d’entre ses lèvres, celles-ci demeurèrent closes et le visage de l’adolescente impassible, se contentant de s’approcher de sa mère pour s’asseoir à ses côtés, comme si elle ignorait ce qui allait suivre. « No, go ahead. What did you find? » Une curiosité feinte, devinant maintenant que ses résultats des O.W.L.s étaient serrés dans le poing de sa mère, bien qu’elle ignorait comment elle avait mis la main dessus. Elle les avaient pourtant dissimulés dans un ouvrage intouché par tous, trônant fièrement dans leur bibliothèque sans qu’il ne soit jamais ouvert. Sa supposition fut vite confirmée lorsque le mensonge qu’elle avait jusqu’ici réussi à conserver venait d’être révélé.

Gênée d’avoir échoué de la sorte, hésitante quant à la douce réaction de sa mère dont les doigts réconfortants étaient venus s’entremêler dans sa chevelure dans un geste rassurant, elle n’était pas certaine de la marche à suivre. Il lui faudrait avouer honteusement son échec, cet Acceptable qu’elle n’aurait jamais dû avoir, qu’elle ne méritait pas réellement. Mais elle se doutait que ce n’était pas un aveu qui était attendu de sa part, maintenant que la preuve avait été trouvée, mais bien une explication comme le souligna l’interrogation de sa mère. « Nothing really. I messed up a few things, got distracted. I stirred the potion clockwise six times instead of seven and added too much powdered unicorn horn... » Elle savait pourtant comment le philtre de Paix devait être réalisé tout comme elle savait que ce n’était pas les révisions tardives empêchées de la veille qui avaient causé ces erreurs.  « Dan and I had a fight the day before. » Ce fut presque craché à la hâte, comme pour s’en débarrasser, le prénom prononcé si vite qu’il était à peine perceptible, avant d’enchaîner sans attendre. « And I had a hard time staying focused, that’s it. I would have got an Outstanding otherwise. Slughorn said as much. » Son regard jusqu’alors rivé sur ses mains nouées, déposées sur ses genoux, se leva vers celui de sa mère comme pour la convaincre de ses propos. Ce n’est qu’une infime partie de la vérité qui lui est donnée, parce que les raisons de sa distraction ne veulent pas franchir sa langue. Car elle prétend que cet incident n’est jamais arrivé, car elle s’en estime encore fautive  mais aussi   car elle ne veut pas affliger sa mère de la sorte alors elle se contente d’une explication creuse, probablement insatisfaisante. « He was a bit disappointed actually. » Ses yeux se dérobèrent finalement, toujours faibles face à l’éventualité de croiser un regard réprobateur ou, pire, déçu. « Are you disappointed? » souffla-t-elle, prétendant être concentrée à arracher une peau longeant l’ongle de son pouce, préférant fuir la manifestation éventuelle d’une de ses plus grandes craintes.

Le tonnerre racle les cieux, le vent fait ployer les arbres du jardin, et dans l’esprit de Myrthild, c’est la tempête. Pas contre Imogen, loin de là même : elle ne pourrait en vouloir à sa fille, mais elle sent, sans doute l’instinct maternel qui lui hurle qu’il y a bien plus que ce que sa cadette veut bien lui raconter. Les explications qui sont débitées par la brune demoiselle sonnent incomplètes pour la mère, qui continue tout de même de caresser le cuir chevelu sombre de sa progéniture. Myrthlid ne dit rien néanmoins, l’air inquiet qui ne quitte pas ses traits pour autant. Elle ne comprend pas pourquoi, comment sa fille, brillante élément des cours de Potions, aurait pu échouer à un examen pareil. Et puis un élément est lancé dans les airs, vivement écarté par la mention du directeur des Slytherin. Les doigts maternels se sont arrêtés un instant dans leur réconfort physique, geste tendre et affectueux, mais reprennent l’instant de surprise passé.« Are you disappointed? » demande bientôt l’enfant, qui attaque la peau d’un de ses pouces. La main qui flattait les cheveux d’Imogen glisse et vient se poser sur la main meurtrie pour l’écarter de la bouche de sa fille, avant de l’amener, doucement, d’une légère pression de la dextre, à lui faire face, tandis que l’autre bras enserre les épaules filiales. « No, sweetie. You could never disappoint me, trust me on that. » Sourire réconfortant, voix douce et pleine d’amour. Un instant, elle l’observe, retrouve dans les traits d’Imogen des renvois à Bertram, et à Adèle Travers aussi, sa propre mère. Elle dépose un baiser sur le front d’Imogen et tout en lui caressant la joue et en la serrant contre elle, Myrthild se répète, radote mais c’est pour la bonne cause : « You’ve never disappointed me, and you never will. How could you, when you’re a wonderful young woman, smart and beautiful, just like I was ? »

Mais une ombre au tableau persiste : la figure tutélaire de Horace Slughorn. « Professeur Slughorn has always had high expectations for his top students, but it doesn’t matter what he feels about you, ok ? Heck, even I disappointed him when I decided not to keep Potions for the N.E.W.Ts. » Elle hausse les épaules, écarte une mèche du champ de vision de sa fille, avant de revenir sur un point qui l’a fait tiquer : « You were saying something about Dan and a fight. What was that about, and why am I hearing of it just now ? » Sourire complice, la mère se fait confidente, elle qui est un rien peinée de n’en avoir jamais rien su, consciente qu’Imogen est à cet âge où les informations sont moins nombreuses à être divulguées aux parents, mais qui n’en laisse rien paraître toutefois. Elle n’est pas déçue, non, elle ne se fera simplement jamais à ce moment où les enfants prennent progressivement leur envol personnel. Alors elle attend, mais ajoute néanmoins avant qu’Imogen ne reprenne la parole : « I’m kidding, you know. You can keep things from me, of course. But if you want to talk about it, I’ll always be right here, for you, ok ? », affirme-t-elle, loin d'imaginer ce qu'a pu faire ce connard de Dan.

La conversation lui était désagréable, semblable à un aveu de faiblesse forcé maintenant que les preuves de son mensonge lui avaient été avancées. L’enfant était honteuse d’avoir été pris la main dans le sac par la matriarche, presque gênée de sa douceur malgré tout. Confuse d’avoir échoué de la sorte, tant à ses examens que dans la cachette de ses résultats, trouvée si facilement malgré le soin qu’elle avait pris pour les dissimuler de ses parents. Alors son regard est fuyant, préférant se concentrer sur ce bout de peau qu’elle tentait d’arracher proprement, sans aggraver son épiderme, comme si s’occuper de ses cuticules lui permettrait de mieux vivre la réponse que sa mère pourrait donner à sa question. Une interrogation perpétuelle mais qu’elle n’osait que trop peu formuler, de peur qu’on vienne confirmer ses peurs d’être l’enfant qui n’est jamais à la hauteur mais qu’on aime néanmoins, par bonté de cœur mais non par fierté. Mais son attention fut détournée, la main de sa mère l’empêchant de se dérober plus longtemps, ses yeux sombres s’élevant vers les siens. Ce n’est qu’une fois sa crainte écartée que ses muscles vinrent à se détendre, ses épaules se relâchant contre le bras de la matriarche l’enlaçant. Elle n’avait jamais eu aucune raison de lui mentir ni de redouter ses réactions, elle qui lui avait toujours fait preuve d’un amour maternel que tous les enfants de leur cercle n’avaient pas toujours la chance de connaître, les nourrices faisant office de pâle copie d’une figure parentale désintéressée. Pourtant, elle cherchait toujours à se justifier, à mériter un amour qui lui serait donné malgré tout. Ses paupières se fermèrent instinctivement lorsqu’un baiser fut déposé sur son front avant que son regard ne revienne croiser celui de sa mère, sa lippe émue s’étirant en un sourire discret, ne pouvant qu’espérer être à la hauteur de la femme qu’était sa mère qu’elle avait toujours admirée silencieusement pour s’en inspirer. « Thanks, Mum. And I’m sorry I lied about it. I should have told you… And it won’t happen again, I swear. The lies and the Acceptable. » Elle aurait dû oui mais elle n’est pas certaine qu’elle lui dirait la vérité dès le départ si c’était à refaire car cela aurait signifié avouer qu’elle avait raté son examen – un Acceptable étant l’équivalent d’un échec à ses yeux – mais également ce qui l’avait conduit à ce résultat. Et peut-être était-ce là la principale raison pour laquelle ses résultats s’était glissés dans un vieil ouvrage poussiéreux et non la peur de décevoir ses parents.

Elle fut presque reconnaissante lorsque sa mère mentionna Slughorn à nouveau, un reniflement amusé lui échappant à l’idée du visage déconfit du professeur face à la décision de sa mère de ne plus étudier sa matière. Son répit fut toutefois de courte durée lorsque le sujet fâcheux fut relevé alors que la jeune fille pensait être parvenue à le contourner, naïvement. Son regard se déroba à nouveau, si vite qu’elle aperçut à peine le sourire complice de la matriarche, se reposant sur ses cuticules la narguant presque. Peut-être sa mère avait-elle senti sa gêne, suffisamment pour qu’elle sente obligée de lui offrir une échappatoire. « No, it’s alright. » Elle se résigna finalement, plantant son regard dans le sien, avant d’annoncer froidement, d’une voix plate et factuelle, assortie d’un bref haussement d’épaules : « It wasn’t important enough to mention. We just broke up. He wanted to be intimate with me ; I didn’t and he tried to force himself on me. I got rid of him, and that’s it. ». Sur la fin, son regard avait balayé la pièce avec une certaine indifférence, celle-là même avec laquelle elle repensait aux événements, bien que consciente que ce n’était pas le genre de choses qu’un parent souhaitait entendre, pour diverses raisons. Ses lèvres se pressèrent subtilement alors qu’elle refit face à sa mère, pour rajouter en pressant la main de la matriarche dans la sienne, plus pour la rassurer qu’autre chose : « But I’m fine, Mum. »  

Myrthild ne sait pas si elle peut vraiment se fier complètement à la promesse d’Imogen mais elle veut pouvoir y croire. Après tout, il n’y a pas de raison pour que sa fille lui mente de nouveau, maintenant qu’elle lui a dit qu’elle ne serait jamais déçue, n’est-ce pas ? Oh bien sûr, elle se doute bien que sa cadette ne lui dira pas tout ce qui lui arrive, ni même tout ce qu’elle pense. Mais la sorcière sait qu’elle devra toujours garder la main tendue et l’oreille ouverte pour recueillir les confidences de sa descendance. Un clin d’œil simple aux promesses de sa fille, avant de continuer de parler avec elle.

Au départ, elle croit que ce que va lui raconter Imogen va très bien se passer. Qu’il ne s’agit que d’une broutille entre adolescents, rien de bien méchant, comme ce qui avait pu l’amener à rompre avec Kingsley lorsqu’ils étaient encore à Poudlard, ou les chamailleries qui ont pu ponctuer certaines histoires d’amour qu’elle croisait dans les ouvrages de fiction qu’elle avait pu lire. Son visage tendre tourné vers la jeune fille perd soudainement toute couleur lorsqu’Imogen dépeint l’une des pires craintes de sa mère. Ses traits figés reprennent brutalement une sorte d’élasticité lorsque la frimousse adolescente revient vers elle après avoir scruté l’ensemble de sa chambre. Imogen a-t-elle senti le trouble de sa mère ? Peut-être bien, puisqu’elle lui serre la main doucement en lui promettant qu’elle va bien.

Imogen va bien.
Tout va bien.
Elle n’a rien.

Rien qu’un souvenir négatif dans son esprit, un traumatisme que sa mère aurait tout fait pour lui épargner. Si son visage est calme, Myrthild est de nouveau en proie à une tempête sous le crâne, furieuse contre elle-même de n’avoir pas eu l’information plus tôt, et surtout folle de rage à l’idée qu’on ait pu vouloir forcer sa fille dans un acte sexuel non-souhaité. L’une de ses mains -celle qui n’est pas tenue par Imogen- caresse doucement la joue de sa fille, et penchant la tête sur le côté, c’est au tour de Myrthild de faire une promesse qui, jusque là, n’avait pas eu besoin d’être exprimée verbalement : « I will kill anyone who tries to harm you, you know that, right? I’d do anything if it meant to keep you safe. » Dans ses yeux, une lueur assassine couve, flammes colériques qui augurent d’une véritable dévotion lorsque ses enfants sont concernés. Un baiser doux qu’elle dépose sur le front d’Imogen, et la brune dévisage encore son enfant, sa chair, son sang : « Your father too: were he to know about this little cockroach and his actions, the boy would be gutted in the minute. » Là-dessus, Bertram et elle sont d’accord : quiconque s’en prend à leur progéniture, s’en prend à eux indirectement, et cela ne peut rester impuni. « Do you want me to keep this between ourselves? Do you want me to teach that foolish boy a lesson, as well? Or have you already taught him that? »

Elle resta ainsi un instant, son regard brun cherchant à apaiser le tumulte des embruns irisés lui faisant face,  alors que son pouce caressait précautionneusement le dos de la main de la procréatrice. Elle s’était tue pour ne pas avoir à lui souffler ces mots qu’un parent ne voulait pas entendre de la bouche d’un enfant. Au-delà de la honte de l’échec, il lui avait fallu mentir sur ses notes pour ne pas avoir à les justifier et pour ne pas la plonger dans un embarras plus grand encore que celui de l’élève prodige qui chute ; l’humiliation de s’être retrouvée en pareille position, la gêne lancinante de s’en croire encore responsable et l’opprobre usuellement jeté sur la forcée et non sur le forceur. Parce qu’ils sont jeunes, parce que c’est ce que les jeunes qui prétendent être amoureux font, même s’ils ignorent encore tout de ce sentiment. Parce qu’il était gentil, elle aurait dû le laisser faire. Parce qu’autrement, elle écope des quolibets de prude, de frigide, de salope. Une appellation railleuse dont l’ironie est d’être balancée à la figure de celles qui couchent trop comme celles qui ne couchent point. Le désir féminin se devant d’être feint ou restreint mais jamais sincère.

La paume rassurante de sa mère vint se poser sur sa joue et dans un geste inconscient, l’enfant se pressa contre cette main pour en chercher le réconfort. Ses paupières n’eurent le temps de se fermer qu’un bref moment avant que la matriarche ne prenne la parole, ses mots incisifs répondant à la rage embrasant ses yeux, si forts qu’Imogen n’eut aucun mal à imaginer sa mère mettre en action ses paroles. « I know, Mum. But I’m safe, you don’t have to worry about that. Nothing happened. » Il ne l’avait pas touché, du moins pas comme il l’aurait souhaité. Quant aux bleus qu’il lui avait octroyés en ne lâchant pas sa prise, ils s’étaient effacés depuis longtemps. Elle ne parvint pas à maintenir sa poigne sur la main de sa mère bien longtemps, tout comme son regard qui céda du même coup, l’envie irrépressible de s’attaquer de nouveau à cette cuticule rebelle s’emparant d’elle.  L’illusion que si elle venait à l’arracher, sa peau serait lisse et non pourvue d’une plaie de laquelle une perle de sang viendrait à germer. I’m fine. avait-elle dit. Mais si cela était vrai, elle n’aurait pas eu envie de se laisser aller à pleurer alors que sa mère déposait un doux baiser sur son front. Elle se retint cependant, chassant l’humidité de ses yeux de quelques clignements de cils, furtifs, avant que ne soit mentionné son père. « Please don’t tell him. » lui échappa des lèvres aussitôt. Elle ne doutait pas de ce qu’avançait Myrthild mais, plus encore que les regards emplis de fausse pitié – masquant les doutes à son encontre qu’une telle histoire pourrait soulever si elle venait à se savoir -  qui lui seraient adressés, elle souhaitait éviter toute esclandre, de fait public lorsque les personnes concernées côtoient les mêmes rangs. Sa parole serait contestée et leur famille probablement humiliée par les ragots qui en découleraient.  

L’enfant hocha doucement la tête à la première question de sa mère qui suivit avant de laisser un échapper un bref soupir lorsque le sort du garçon fut soulevé. Elle cessa de triturer son pouce, se mordant l’intérieur de la joue en cherchant la meilleure façon d’annoncer à sa mère dans quelles conditions Dan et elle avaient séparé leurs chemins. Se résignant, elle replongea ses yeux – tout de même quelque peu fuyants – dans ceux de Myrthild. « Well… I did set his knob on fire. He had to see Madam Pomfrey, I guess she managed to fix it. Though, I wish she hadn’t. He deserved burned bollocks. » Elle sourit discrètement à cette mention, amusée d’user d’une telle familiarité avec sa mère et appréciant pour la première fois réellement la correction qu’elle avait octroyée à Dan. Elle reprit finalement la main de sa mère dans la sienne avant de continuer, sur un ton plus solennel. « I’m sorry I didn’t tell you. I didn’t want to alarm you and I was too embarassed to talk about it. Please, don’t tell Dad, he’ll go crazy. And Bart heard rumors but I haven’t told him what really went on. » répéta-t-elle, soulignant le secret de cet aveu qu’elle ne souhaitait pas voir quitter cette pièce. Son regard s’attarda sur la main de sa mère dans la sienne, qu’elle caressa doucement. « We were dating for a few months so maybe I should have… I don’t know. But it’s sorted now. He won’t be messing with me anymore. » dit-elle en adressant un pâle sourire, peu convaincant, à Myrthild en tentant d’étouffer les pensées qu’elle avait commencé à suggérer.  

Myrthild aurait été prête à tout mettre sans dessus dessous s’il avait fallu venger sa progéniture. L’impudent n’aurait pas eu de repos tant qu’elle aurait cherché à le lui faire payer et elle aurait mis toutes ses ressources dans la bataille. Elle tient toujours la main de sa fille tandis que la jeune fille se raidit et implore sa mère de ne rien dire, réflexe soudain. Et la Travers sait, à cet instant, que sa fille est consciente que la parole d’une femme, soit-elle de sang pur, sera toujours remise en question face à des accusations pareilles. Le Seigneur des Ténèbres est déjà au pouvoir, mais ce pouvoir est essentiellement dans les mains d’hommes marqués, la parole des femmes restant toujours inférieure à celle d’un mâle. Myrthild aurait voulu pouvoir garantir à Imogen que ça ne serait jamais évident et certain, mais elle ne le peut. Alors elle l’interroge, pour savoir s’il faut tout de même qu’elle intervienne, puisqu’elle est l’adulte responsable dans cette situation, celle qui est censée avoir une réaction moins viscérale que celle qu’elle couve en son sein.

La réponse qu’Imogen lui soumet fait s’étirer les lèvres de la mère dans un coin, et la fierté se lit dans les yeux verts de la génitrice. Un rire même s’échappe d’entre ses lèvres, fin et quelque peu incrédule. Elle embrasse de nouveau le front de son enfant chérie, rassurée de la savoir capable de se défendre elle-même, mais quelque peu coupable de la voir forcée d’agir ainsi alors qu’elle est encore si jeune. « I guess he’s learnt the lesson. » Mais sa mine redevient sérieuse en miroir avec celle de la dernière des Prewett-Travers, et elle enregistre avec sérieux les informations transmises par sa fille, hochant la tête sans mot dire, promettant ainsi de garder cette sordide affaire entre elles -de toute façon, ce ne sera pas la première chose qu’elle ne dira pas à Bertram.
Mais lorsqu’Imogen commence à supposer qu’elle aurait dû… sans préciser quoi, Myrthild fait en sorte de bien ancrer ses prunelles dans celles de sa fille : « Honey, no. I know what you were thinking but you do not have to do something that you don’t feel like doing, just to please some guy. If he’s worth it, he’ll wait when you’re decided, alright ? And besides, you’re so young… You… You really shouldn’t rush anything. » De son pouce, elle caresse le dos de la main d’Imogen, elle lui sourit doucement et tente de bien faire entrer ce qu’elle veut lui inculquer et lui ouvrir comme portes : « I understand why you wouldn’t tell me about it, but I need you to promise not to let fear or shame stop you from telling me anything. » Ça lui va bien de dire ça, elle qui cultive son propre jardin secret dans l’ombre et l’ignorance des siens. Mais c’est la mère, et Imogen est la fille dans cette organisation familiale. Si Myrthild veut pouvoir protéger efficacement sa famille, il faut qu’elle sache ce qu’il se passe quand elle n’est pas là. « You can have your secrets, of course. But if something bad happens, I want you to know that it’s okay to tell me, or your dad. » Répéter ne fait jamais de mal, surtout quand on essaie d’entériner des règles auprès d’une adolescente. Un instant, Mrs Travers se demande comment sa fille a pu grandir aussi vite sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte. Poudlard n’est pas encore achevé qu’Imogen a déjà eu à vivre une horreur pareille, et Myrthild doit lutter contre son imagination pour éviter de penser à ce qu’il aurait pu se passer si cet espèce de fumier avait réussi à forcer Imogen… Elle inspire longuement, revient à sa fille à ses côtés : « Is there anything else I should know, from your year at Hogwarts ? »

Le rire s’échappant de la gorge de sa mère réchauffa la pièce, les lèvres de la jeune fille s’étirant encore davantage en un sourire plus assumé, mi-narquois, mi-amusé alors qu’elle repensait à Dan, courant en direction du château en gémissant de douleur alors qu’il tentait désespérément de chasser les flammes de son entrejambe. Soulagée par la réaction de la matriarche, elle ferma les yeux quand celle-ci vint déposer un baiser sur son front avant d’insister sur le fait qu’elle soit la seule à connaître la vérité, sans pour autant mentionner la version courant dans les couloirs, plus amusante d’une certaine façon. Finalement, l’enfant redressa sa tête mais ses paupières restèrent presque closes, ses prunelles fixées sur cette main ferme, rassurante, caressant la sienne. Se sentant ainsi en confiance, Imogen souleva l’impensable et mentionna tout haut ce qu’elle avait pensé tout bas depuis des semaines ; une plaie purulente de son esprit qui n’avait cessé de la démanger tout ce temps, l’idée selon laquelle le comportement de son ancien petit-ami avait été plus justifié que le sien. Le coin de ses lèvres faiblement tendu, elle s’attarda de nouveau sur cette cuticule dissidente sur laquelle elle déversait sa gêne et sa honte mais elle n’eut guère le temps de l’arracher davantage, le regard de sa mère venant s’ancrer dans le sien.

Elle ne sut pourquoi ses mots la touchèrent tant mais l’enfant émue se contentant d’abord de hocher la tête, ravalant les larmes qu’elle s’était efforcée de contenir depuis juin. Une goutte perla au coin de son œil mais elle eut à peine le temps de couler le long de ses cils qu’Imogen la fit disparaître d’un geste vif. « Yeah… You’re right. » Mais l’était-elle vraiment ? Leurs camarades de classe auraient-ils pensé la même chose ou auraient-il pensé qu’il ne faisait que réclamer son dû. Rien dans son esprit ne pouvait chasser le fait qu’elle aurait dû vouloir et que sa culpabilité était justifiée. Elle avait entendu assez de récits racontés entre deux rires sots dans son dortoir pour savoir que cela était de son âge. Elle faillit céder alors que sa mère continua, ciblant précisément le cœur du problème sans imaginer à quel point elle sonnait juste. Elle failli céder alors, lui raconter tout ce qu’elle avait toujours cru qu’une fille partageait à sa mère, ces premiers émois racontés avec légèreté, excepté chez les gens de leur catégorie sociale où la pudeur était de mise. Cependant, la honte et la peur furent plus fortes, suffisamment pour la faire taire. Elle se contenta de hocher de nouveau sa tête avant de glisser un « Sure, Mum. » sans réelle conviction tandis qu’elle posa doucement sa tête sur l’épaule de la matriarche pour chercher un réconfort qu’elle ne pourrait pas obtenir autrement. Elle la laissa poursuivre, silencieusement, en pensant à ces mauvaises choses qui pourraient arriver, ce qui l’encouragea davantage à se taire. Une nouvelle larme coula mais l’enfant n’eut pas le temps de la chasser avant qu’elle ne tombe sur l’épaule de sa mère. Elle savait que ses attirances étaient néfastes, mal vues de la part des sang-purs mais dorénavant aussi par les plus viciés, leurs romances se faisant plus discrètes. Quelque chose de nauséabond flottait dans l’air, un tue-l’amour d’un autre genre, étouffant les liaisons non naturelles. Is there anything else I should know, from your year at Hogwarts ? « No. » s’empressa-t-elle de répondre, chassant le visage de l’étudiante de Serdaigle de son esprit. « I failed potions and Dan may never be able to have children. Besides that, nothing much happened. I still aced my other courses, so there’s that. » continua-t-elle en laissant échapper un rire. Plus détendue, tâtonnant dans une situation inhabituelle propice aux confessions, elle poursuivi dans sa lancée, un plus sérieuse cette fois sans pour autant relever sa tête de l’épaule chaude sur laquelle elle s’était réfugiée, lui inspirant une proximité qu’elle ignorait avoir manquée jusqu’ici. « You know, the worst part is that I thought I could love him. Maybe I thought I did. I guess I was only infatuated with him. » Aurait-elle dû l’aimer ? Peut-être mais elle n’aura jamais la réponse à sa question. Au lieu de cela, elle prit la main de sa mère dans la sienne, poussant les confessions plus loin, sans doute trop loin pour deux femmes si réservées.   « How did you know that you loved Dad? Did you fall in love with him quickly or did it happen over the years? » Les mariages arrangés étaient monnaie courante dans leur cercle et elle n’avait guère envie de prétendre l’ignorer ce soir. Elle aurait probablement pu être promise à Dan si leur relation avait continué plus longtemps, peu importe si elle l’aimait ou non. Do you even love him? resta toutefois en suspens car il était préférable de ne pas poser une question dont on ne veut pas savoir la réponse.   

Loin d’imaginer que les émois de sa fille étaient de ceux inavouables dans le monde que Voldemort avait érigé, Myrthild s’attend à d’autres histoires presque anodines après ce qu’Imogen a fini par lui avouer. Sa fille se rapproche, pose sa tête sur son épaule et Myrthild passe naturellement un bras dans le dos de sa progéniture, caressant doucement l’échine filiale d’une main. La réponse presque éructée par Imogen la fait sourire doucement et d’une pression sur son épaule, elle lui signale qu’elle comprend le résumé. « I guess I was only infatuated with him. - It’s plausible, indeed. », acquiesce-t-elle sans vraiment chercher à creuser davantage dans cette direction, considérant que ce petit punk est désormais persona non grata chez eux. Heureusement, cette affaire est terminée.

Lorsqu’Imogen prend sa main, Myrthild sourit tendrement et pose sa tête par dessus celle de la jeune fille. Rares sont les moments de proximité semblable, depuis qu’Imogen est devenue une adolescente. Comme si en grandissant, il y avait l’envie de sortir des bras de sa mère pour s’élancer dans le monde, ce monde terrible que déjà Myrthild voudrait voir se transformer dans une direction qui sera bénéfique pour son enfant. Elle est brutalement ramenée sur la terre ferme, loin de ses rêveries d’un régime différent, lorsque la jeune Serpentard continue sur la lancée des histoires d’amour. « How did you know that you loved Dad? Did you fall in love with him quickly or did it happen over the years? » Ah. On l’interroge quant à Bertram, et voilà une posture étrange. Parler de son couple avec les jeunes Prewett-Travers est loin d’être quelque chose qu’elle ferait de bon cœur, mais il faut bien parfois répondre à certaines questions. Fort heureusement, même si l’homme qu’elle a épousé a bien différé de celui qui est maintenant, elle aime toujours Bertram. Elle n’a pas besoin de mentir là-dessus, ou de se forcer. « Well, we knew each other before, at Hogwarts, though we weren’t close at that time. » Elle se remémore les regards échangés, le passé commun, puis logiquement c’est leur mariage qui lui revient en mémoire. « It was weird, being engaged so young. There was a war at that time, a bit like now, and purebloods wanted to stick together, I guess. I have to say, I wasn’t exactly happy about the wedding. I felt trapped. » Un soupir léger, un sourire gêné et un petit ricanement plus tard, elle poursuit : « We liked each other, so living together wasn’t that hard. I think I fell in love with your father a couple of months after the wedding. It was a rainy day, ghastly, and he brought me a present from Flourish & Blotts, a manuscript on Runes that I had dreamed about… That’s when I knew -I think- that I loved him, and that he loved me back… » Elle sort lentement de la rêverie, émue plus qu’elle ne pourrait le croire quant à ce souvenir. Elle se reprend, s’éclaircit la voix pour conclure : « That being said, one can find love in odd places sometimes… You may not have the same love story than your father and I, you know. Have you already felt something special about anyone ? » Revenir sur Imogen, pour éviter de trop tremper dans le marais qu’est la vie de couple des Prewett-Travers. Il est des choses qui se passent bien tant qu’on ne se pose pas trop de questions là-dessus…