“On peut pas... on peut pas rester là. Va... occupe-toi des gamins.” Il pourrait, oui. Il n’est pas blessé contrairement à Remus, et il pourrait s’éclipser rapidement, laisser le loup-garou occuper suffisamment Dolohov pour lui permettre de filer aider Ron et Hermione, ou même Ginny. Mais ça voudrait dire laisser Remus seul. Remus qui est déjà blessé, Remus qui est un excellent duelliste et en qui Sirius a parfaitement confiance. Mais tout son corps lui crie de ne surtout pas quitter son meilleur ami des yeux. Peu importe que Harry soit juste là, à quelques mètres. Peu importe que les jeunes qu’il a juré de protéger soient en danger. “Don’t be stupid,” dit-il alors, avant de raffermir sa prise sur sa baguette, prêt à leur créer un chemin.
C’est à ce moment là que l’explosion retentit. Ils sont éloignés et pourtant, le souffle les atteint également, les projetant au sol dans un enchevêtrement de membres et de débris. Ses oreilles sifflent et Sirius doit cligner des yeux plusieurs fois pour reprendre ses esprits, regrettant aussitôt à cause de la poussière qui s’infiltre immédiatement partout, le faisant tousser.

Mais ils ne sont pas les seuls à avoir été distraits et Sirius ne tarde pas à repérer l’ouverture créée par le chaos qui règne à présent sur le champ de bataille. Sans plus attendre, il se relève et agrippe Remus qui semble à deux doigts de s’évanouir. “Reste avec moi, Rem,” siffle-t-il entre ses dents serrées. La poussière se disperse petit à petit et en plissant les yeux, il parvient à repérer Hermione. Alors qu’il s’apprête à se diriger vers elle, Sirius la voit qui disparaît sous la cape d’invisibilité et esquisse un mince sourire. Clever girl. Il ne doute pas qu’elle trouvera Ron et-- Il ne voit pas Harry. Bordel, il ne voit pas Harry. Ses yeux le cherchent désespérément parmi les débris, la foule en panique, les gens qui s’enfuient. Il repère Ginny, enfin débarrassée d’Alecto, mais d’autres sont déjà après elle et-- elle disparaît brusquement.
“Je ne vois pas Harry, je ne sais pas où--” commence-t-il, mais il est interrompu par un sortilège qui siffle à ses oreilles et le force à courber l’échine. Merde. Il ne peut pas se battre efficacement en portant Remus à moitié, et déjà, ils sont presque encerclés. Même s’il parvenait à retrouver Harry dans ce chaos, il ne peut pas s’occuper de lui et de Remus.

Il doit faire un choix.

Il doit faire un choix et ça le tue.

Sirius laisse échapper un grondement de rage et raffermit sa prise sur Remus, avant de tendre sa baguette pour lancer des sorts à l’aveugle, jusqu’à leur frayer un chemin à l’écart. Ils ne peuvent pas Transplaner - il le sent, le sort qui les maintient bloqués ici à chaque fois qu’il fait une tentative.

“Fuck this,” qu’il grogne avant de faire exploser un pan de mur pour faire perdre du temps à leurs poursuivants. Alors il lâche Remus une seconde et il se doute que ça ne va pas arranger ses blessures, mais il ne peut pas continuer de le traîner derrière lui comme ça s’ils veulent s’enfuir. D’un mouvement rapide, il hisse le loup-garou sur ses épaules, marmonnant des excuses à son grognement de douleur. Une fois sûr que Remus ne risque pas de lui échapper et ses mouvements plus libres, Sirius se met à courir. De sa baguette, il lance toujours des sorts à l’aveugle pour s’assurer qu’on ne les suive pas et file à travers les ruelles de Diagon Alley.

Son chemin le mène jusqu’à la sortie et Sirius s’empresse d’activer le passage qui mène à la cour du Leaky Cauldron et avant qu’on ne puisse les rattraper, Sirius transplane enfin.

A bout de souffle et tremblant, il prend un moment pour s’assurer qu’ils sont bien seuls dans la vieille planque moldue qu’il a choisie pour transplaner. Certain que personne ne les a suivis, Sirius fait un dernier effort pour mener Remus jusqu’au vieux canapé qui trône au milieu du salon et y dépose Remus le plus délicatement possible. Sa poitrine se soulève toujours trop rapidement lorsqu’il laisse son regard parcourir la silhouette de son meilleur ami, notant les blessures, le sang qui continue toujours de couler. Sa propre robe est imbibée de sang, il l’a senti couler le long de son cou alors qu’il portait Remus et sa gorge se noue. Remus est pâle, bien plus que d’habitude et il peut voir la sueur qui perle à son front.

“Remus?” murmure-t-il d’une voix rauque avant de s’agenouiller à côté de lui, une main tremblante et tachée de sang approchant son visage pour aller écarter quelques mèches brunes de son front. “Reste avec moi, okay?” Sa voix tremble, elle aussi, mais déjà, Sirius soulève le haut de Remus pour exposer son flanc et c’est à son tour de pâlir.

La blessure est enflée et a pris une couleur rouge, presque violacée autour, comme si elle était déjà infectée. Sirius a déjà vu ce genre de blessures sur d’autres loups-garous qui ont eu la malchance de croiser le chemin des brigadiers de la VB et il ne tarde pas à comprendre. On a attaqué Remus avec une lame en argent et ça veut dire que même en utilisant la magie, Sirius ne pourra pas soigner ses plaies ni efficacement arrêter le saignement. Son corps réagit violemment au contact avec le métal et la magie ne peut rien y faire.

“Non,” souffle-t-il, la gorge nouée.

Ils ont déjà réussi à sauver certains loups-garou en utilisant des méthodes moldues pour empêcher l’hémorragie de tuer le blessé et en l’assistant dans le combat de son corps contre la morsure de l’argent. C’est déjà arrivé, oui, mais pour combien de morts, trop faibles pour lutter suffisamment longtemps pour que la cicatrisation s’opère enfin ?

Sirius se lève d’un bond et se dirige vers les placards qui, il le sait, contiennent un stock de potions mais également de médicaments et de matériel médical moldus. Il s’empresse d’attraper tout ce qui lui sera utile et retourne auprès de Remus. Ses mains tremblent alors qu’il débarrasse Remus de sa robe et de son haut, avant d’attraper le désinfectant moldu pour nettoyer la plaie au niveau de son flanc. L’essence de dictame ne parviendra pas à refermer la blessure, mais Sirius en applique tout de même, pour accélérer le processus, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Puis il s’empare des compresses et des bandages, s’empresse de bander la plaie pour tenter d’arrêter le saignement.
Le plus délicatement possible, il tourne Remus sur le côté et se dépêche de traiter la blessure sur son omoplate. Déjà, le loup-garou est brûlant de fièvre et Sirius serre les dents pour lutter contre les larmes qui menacent de lui échapper. Une fois la blessure couverte, il aide Remus à s’allonger de nouveau confortablement, puis reste planté là, ses mains couvertes de sang alors qu’il le regarde avec de grands yeux terrifiés. “Tu vas te battre,” dit-il alors d’une voix rauque. “Tu m’entends, Lupin ? Tu vas te battre, c’est un ordre.” Il refuse de le perdre. Pas lui, pas comme ça.

La suite des événements est un peu confuse pour Remus. Il se sait dans les bras de Sirius, mais il n’a pas conscience de ce qui l’entoure. La seule chose qui occupe ses pensées c’est la douleur intense qu’il ressent. Ce n’est pas normal que ça fasse autant mal. Il lâche un gémissement de douleur lorsque Sirius le hisse sur ses épaules. Il ouvre la bouche pour protester et lui dire de le laisser là, mais c’est un grognement qui remplace ses mots. Il essaie de presser la plaie tant bien que mal avant de sentir que Sirius transplane.
L’instant d’après, Remus est déposé sur un canapé. “Remus?” Il tourne péniblement sa tête vers Sirius. Il essaie de fixer son regard sur lui, mais c’est difficile. Le monde autour de lui lui apparaît flou. “Reste avec moi, okay?” Il se tend lorsqu’il sent les doigts de Sirius soulever son haut. Le tissu s’est un peu accroché à la plaie et ça fait mal. “Non,” Il entend la note de désespoir dans la voix de Sirius et il tente de baisser la tête pour voir ce qui a provoqué cette réaction chez son meilleur ami. Peine perdue, plus Remus essaie de bouger et plus il a l’impression que son corps lui fait mal. Il laisse retomber sa tête en arrière et presse ses paupières pour essayer de retrouver un semblant de contenance. Il y a quelque chose qui n’est pas normal. Sirius finit par se redresser et laisser Remus seul un instant. Alors Remus se penche pour étudier la blessure. Il remarque son état et il comprend pourquoi la douleur persiste autant et pourquoi il a l’impression que son corps prend feu. L’argent. “Shit.” Jure-t-il entre ses dents. C’est plus qu’évident que chez les mangemorts ils avaient armé leurs hommes de lames en argent contre les loup-garous de l’Ordre. Ou contre les loup-garous tout court.

Sirius finit par revenir auprès de lui. Remus le laisse le déshabiller sans rien dire. Normalement, il aurait protesté, mais il n’est pas en état de le faire. La fièvre est montée encore plus. Ses propres mouvements sont beaucoup trop lents alors il ne résiste pas lorsque Sirius désinfecte la plaie. Il gémit sous cette nouvelle douleur et se laisse basculer sur le côté pour que son meilleur ami s’occupe de sa blessure à l’épaule. “Tu vas te battre. Tu m’entends, Lupin ? Tu vas te battre, c’est un ordre.” Remus essaie de se raccrocher à sa voix le plus possible. Il essaie de penser à Teddy aussi. Il s’était toujours dit qu’il ne ferait pas de lui un orphelin de père. Sirius a raison, il doit se battre. Pour l’Ordre. Pour Teddy. Pour les loups qui comptent sur lui. Et puis pour Sirius aussi.

Il finit par s’endormir ou s’évanouir. La fièvre l’épuise. Remus s’agite pendant ce laps de temps où il laisse Sirius seul.

Il se réveille plusieurs fois avant de sombrer de nouveau. La fièvre le fait délirer. Il voit des choses dans le salon que Sirius ne voit pas et ses paroles sont incohérentes. Il y a des moments où il arrive à être lucide et d’autres où il confond les époques. “Où sont James et Lily ?” Demande-t-il à un moment avant de repartir dans l’inconscience. Son organisme lutte comme il peut. L’argent qui l’a touché continue d’agir comme un poison.

A un moment, il se réveille en pleurant comme un gamin. “Laisse-moi mourir.” Ordonne-t-il à Sirius en lui saisissant les mains et en le regardant dans les yeux avec un air confus sur le visage. Pourquoi il ne le laisse pas mourir ? Il sait que ça l’arrangerait dans le fond. Il pourrait faire ce qu’il veut. Il pourrait récupérer Harry sans avoir Remus pour lui dire que c’est une terrible idée et qu’ils ne peuvent pas y aller sans un plan. Il serait libéré de sa culpabilité d’avoir tué Severus. Tout serait plus facile pour Sirius si Remus n’était plus là.

Remus finit par se calmer au bout de plusieurs heures. Sa poitrine se soulève moins rapidement et la fièvre semble avoir baissé. Ses mains sont toujours crispées sur le canapé à cause des vagues de douleurs qu’il a parfois, mais il est mieux qu’à son arrivée. Il ouvre les yeux pour tomber sur le regard inquiet de son meilleur ami. Il ne sait pas quelle heure il est ni depuis combien de temps ils sont ici. “Sirius…” Sa voix est rauque et il a mal à la gorge à force d’avoir grogné. Il tousse un peu avant de reprendre. “Où sommes-nous ? Depuis combien de temps on est là ?” Il a du mal à se rappeler de tout ce qu’il s’est passé. Tout est beaucoup trop confus dans sa tête.

“Où sont James et Lily ?” La question lui coupe le souffle et lui broie le cœur, mais Sirius ne répond pas. Les dents serrées, il se contente de faire venir à lui une bassine et une serviette d’un coup de baguette magique. Un autre sort remplit la bassine d’eau fraîche et Sirius y dépose le linge pour l’humidifier avant de le tordre pour retirer l’excédent d’eau et le déposer sur le front de Remus. Il ne peut rien faire d’autre, sinon attendre que le corps du loup-garou combatte les effets de l’argent et Sirius s’agrippe désespérément au peu de raison qui lui reste encore. Il n’en peut plus d’être impuissant, de devoir attendre, de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit pour aider ses proches. Les quelques victoires du Sixième Cercle ne suffisent pas à compenser son impression d’être inutile, simple spectateur du désastre qui se déroule autour de lui depuis plus de vingt ans.
Il n’a pas su empêcher Regulus de rejoindre les Death Eaters, il n’a pas pu empêcher James et Lily de mourir, il n’a même pas été capable de les venger, ni même de tenir sa promesse de veiller sur Harry. Harry qu’il n’a pas su protéger, toutes ces morts qu’il a été incapable d’éviter, Harry qu’il a encore été incapable de sauver aujourd’hui.

Et maintenant, Remus.

Remus qu’il a trahi plus d’une fois, trop de fois.

Sirius est fatigué. Il est épuisé et même si c’est la fièvre qui parle plus qu’autre chose, le “Laisse-moi mourir” de Remus lui tire un sanglot.

Tout son corps se crispe lorsqu’il prend conscience du son qu’il vient d’émettre et Sirius serre les dents, essaye de ravaler la fatigue, la frustration, la colère, l’angoisse, la peur, la tristesse, la rage. Mais il n’y arrive plus, il est à bout et toutes les émotions qu’il lutte pour maîtriser depuis trop longtemps se déversent brusquement. La main qui pressait le linge humide contre le front de Remus se plaque contre sa bouche, dans l’espoir vain de faire taire les sanglots qui secouent son corps. Incapable de faire face au loup-garou qui s’est à nouveau effondré sur le canapé, à demi-conscient, Sirius se retourne, le dos appuyé contre le canapé alors qu’il se laisse glisser sur le sol.

Et là, Sirius pleure.

Il pleure parce que pour la première fois en dix ans, il a pu poser ses yeux sur son filleul. Mais il n’est pas vraiment son filleul, non, il est ce que Voldemort a fait de lui, une preuve supplémentaire que Sirius a échoué. Qu’il continue de faire des promesses qu’il s’avère incapable de tenir. Il pleure parce qu’il pourrait encore perdre une personne qu’il aime aujourd’hui et Sirius n’en peut plus d’être celui qui reste alors que les autres s’éteignent.

Il pleure parce que le monde va mal et il ne sait plus quoi faire pour essayer de le réparer.

Les sanglots finissent par se taire, les larmes par se tarir, le laissant avec un mal de crâne explosif et une colère sourde, une honte terrible d’avoir ainsi craqué. Ses yeux brûlent alors qu’il tente de les essuyer d’un revers de manche et c’est tremblant, visiblement épuisé, qu’il se retourne pour faire face à Remus. Remus qui est pâle et qui malgré tout, continue de se battre alors que Sirius s’apitoie sur son sort. Black sert les dents et s’empresse de récupérer le linge qu’il a laissé tomber, pour l’humidifier à nouveau et le poser sur le front du loup-garou.

“Sorry about that,” qu’il croasse d’une voix rauque qui le fait grimacer.

Au moins, Remus n’a pas assisté à cela. “Ça va aller,” murmure-t-il, encourageant. “Tu as beau penser le contraire, tu es fort, Lupin.” Son autre main s’égare sur son front, repousse quelques mèches châtain clairsemées de gris. Ses doigts s’attardent dans la tignasse humide de sueur froide de Remus dans une caresse tendre. La pièce est silencieuse, à l’exception de la respiration laborieuse du loup-garou et c’est insupportable, ça rappelle trop de mauvais souvenirs à Sirius qui ne peut s’empêcher de combler le vide en parlant. Il murmure des encouragements, les entrecoupe de récits sans queue ni tête, peu importe, tant que le son de sa propre voix masque le silence.
Il finit par sombrer à son tour, le menton appuyé sur le bord du canapé, une main toujours glissée dans les cheveux de Remus qui a complètement cessé de s’agiter. Sirius a le sommeil particulièrement léger depuis Azkaban, alors il se réveille en sursaut à l’instant où Remus recommence à bouger. Son coeur manque un battement lorsqu’il croise le regard presque alerte du loup-garou et il sent qu’il pourrait presque fondre à nouveau en larmes s’il n’avait pas déjà épuisé toutes celles qu’il gardait pour lui depuis trop longtemps.

“Sirius… Où sommes-nous ? Depuis combien de temps on est là ?” Il réalise que sa main est toujours glissée dans les cheveux de Remus et il la retire, s’empresse de s’occuper en plongeant la petite serviette dans la bassine d’eau avant de la poser délicatement sur le front de Remus. “Une planque de Londres, en sécurité. Et j’en sais rien, quelques heures,” admet-il, peu concerné par le temps qu’ils ont passé ici, à cet instant. “C’est pas important.” Tout ce qui compte, c’est que son meilleur ami soit réveillé et que sa fièvre semble avoir baissé, ce qui est plutôt bon signe.

“Comment tu te sens ?” demande-t-il, les sourcils froncés. “Je vais défaire ton bandage pour regarder la plaie, d’accord ?” Et il s’exécute, le plus délicatement possible pour ne pas causer plus de mal à Remus qui souffre toujours. Il défait le bandage, suffisamment pour pouvoir observer la plaie qui ne s’est toujours pas refermée, mais qui a au moins cessé de saigner grâce à l’essence de dictame. Elle a toujours une vilaine teinte rouge, mais la fièvre s’étant calmée, Sirius a bon espoir que Remus parvienne à guérir complètement.

Un souffle tremblant lui échappe alors qu’il recouvre la plaie, assure que le bandage soit bien fixé, et relève les yeux vers le visage de Remus. Il est toujours trop pâle et il peut voir la douleur dans son regard, mais il va s’en sortir. “Rem,” murmure-t-il d’une voix rauque alors qu’une main tremblante approche son visage et va épouser le contour de sa mâchoire. “Me refais plus jamais ça, okay ? Me demande plus jamais de te laisser derrière,” son ton se fait suppliant. “Je peux pas faire ça, j’pourrai jamais faire ça, tu comprends ?” Sirius ne pourrait pas choisir, il est incapable de prendre une décision qui le forcerait à abandonner Remus. If you die, I die.

Le linge frais que dépose Sirius sur son front le fait frémir, mais c’est plus agréable que ce qu’il a pu ressentir jusqu’à présent. “Une planque de Londres, en sécurité. Et j’en sais rien, quelques heures. C’est pas important.” Le loup essaie de bouger, mais il grimace à la place et décide de ne plus rien faire. Il aurait bien voulu se redresser, mais ça n’a pas l’air d’être la meilleure idée qui soit. “Comment tu te sens ?” Il voudrait dire qu’il va bien. “Comme si un troupeau d’hippogriffes avait décidé de me piétiner.” Son corps lui fait mal et il a comme un goût pâteux dans la bouche. C’est extrêmement désagréable. “Je vais défaire ton bandage pour regarder la plaie, d’accord ?” Remus hoche la tête et le laisse amener ses doigts jusqu’au bandage. Il observe Sirius faire et remarque sa mâchoire crispée et ses yeux rougis et gonflés. Il fronce les sourcils en se demandant ce qui a bien pu se passer pendant les dernières heures pour que son meilleur ami soit dans cet état. Il a envie de lui demander si ça va pour lui et il sait qu’il le doit, mais il referme la bouche en l’entendant soupirer. Bien vite ses yeux se posent sur lui. “Rem,” Le loup lui lance un regard interrogatif. Il ne le quitte pas des yeux et sent une douce chaleur l’envahir lorsque Sirius pose sa main sur sa joue. Son coeur s’emballe. C’est probablement à cause de la blessure qu’il réagit comme ça, non ? Oui. On va dire ça. “Me refais plus jamais ça, okay ? Me demande plus jamais de te laisser derrière. Je peux pas faire ça, j’pourrai jamais faire ça, tu comprends ?” Les lèvres de Remus se pincent. Il sent les larmes monter à ses yeux. Il ne sait plus ce qu’il a pu dire sous le feu de l’action et la douleur. Est-ce qu’il l’a blessé ? Ça a l’air d’être le cas vu l’expression sur son visage et ce qu’il peut lire dans son regard. Ses gestes sont encore un peu laborieux et il sent qu’il a mal à l’épaule, mais il trouve la force nécessaire pour venir poser sa main sur celle de Sirius.

Remus plonge alors son regard dans le sien. “Je ne sais plus… vraiment ce que j’ai dit, Sirius.” Il se doute qu’il a encore dit quelque chose qu’il n’aurait jamais dit en temps normal. Il essaye de faire des efforts avec son meilleur ami, mais il a l’impression de reculer de deux pas à chaque fois. “Je--” Ses lèvre se pincent. Si. Peut-être que pendant la bataille il a demandé à Sirius de le laisser. Remus baisse la tête et ses doigts se resserrent autour de la main de son meilleur ami. Pour lui, à ce moment-là, il était fichu. Pourquoi Sirius aurait bataillé à ramener un cadavre à l’Ordre alors qu’il y avait tant de jeunes à sauver ? “Je comprends.” Parce qu’il n’aurait pas pu le laisser en arrière non plus. Ils ont déjà abandonné Harry, comment est-ce qu’il a pu envisager que Sirius fasse la même chose avec lui ? Remus s’avance, non sans grimacer de douleur, et vient poser son front contre le sien. Il ferme les yeux un instant et sa main libre accroche l’épaule du sorcier.

“Je comprends, Sirius.” Murmure-t-il. Il a besoin de son contact et de le sentir près de lui. La fatigue le gagne de plus en plus et son corps est encore parcouru par des spasmes. Il sait que c’est une réaction normale, mais il n’aime pas être si faible. Et il n’aime pas savoir que ça inquiète Sirius. “Excuse-moi.” Finit-il par dire. La main posée sur l’épaule du brun se glisse dans ses cheveux et ses doigts caressent doucement ses mèches. Il a senti la détresse de Sirius et souhaite le rassurer plus que tout. Il veut simplement que son ami s’apaise pour pouvoir s’apaiser à son tour.

“Je ne sais plus… vraiment ce que j’ai dit, Sirius.” Il serre les dents pour ne pas laisser échapper une remarque acerbe parce que c’est facile de dire des choses qui lui brisent le coeur et de ne pas s’en souvenir après. Mais Sirius suppose qu’en vouloir à Remus pour cela serait hypocrite de sa part. Après tout, ça lui est arrivé plus d’une fois de dire des choses horribles et de ne pas s’en souvenir le lendemain parce qu’il était trop soûl pour se rappeler de quoi que ce soit. “Je-- Je comprends.” Do you? veut-il lui demander, parce qu’il lui arrive parfois de se dire qu’en effet, Remus sait. Après toutes ces années, comment pourrait-il encore l’ignorer ? Il se dit qu’il est impossible qu’il ignore ce qu’il signifie pour lui. Et puis il y a des jours comme aujourd’hui, où Remus lui demande de l’abandonner comme si Sirius était capable de faire une chose pareille.
Mais il ne pose pas la question. Il reste silencieux, la boule au ventre alors que Remus s’avance pour poser son front contre le sien et c’est de la torture, mais Sirius endure, comme à chaque fois. “Je comprends, Sirius.” Il ferme les yeux, parce qu’il est incapable de croiser le regard du loup-garou alors qu’il est à deux doigts de fondre en larmes une nouvelle fois. Alors que Remus est si proche et pourtant toujours parfaitement inaccessible.

“Excuse-moi.” Always. La main de Remus quitte son épaule pour aller se glisser dans ses cheveux à l’arrière de son crâne et le frisson qui lui parcourt l’échine est suffisamment violent pour le faire trembler.

Il se voit dans le parc d’Hogwarts, allongé dans l’herbe avec la tête appuyée contre la cuisse de Remus. Il peut presque entendre le bruit des pages que le loup-garou tourne au fil de sa lecture alors qu’il plonge ses doigts dans la tignasse trop longue de Sirius sans même s’en rendre compte. Le souvenir disparaît aussi vite qu’il est survenu et le laisse avec un goût amer dans la bouche. Ca fait des années que Remus ne l’a pas touché ainsi et savoir qu’il le fait parce qu’il se sent coupable lui noue les entrailles.

Alors Sirius détache son front de celui du loup-garou et s’écarte. Il attrape le poignet de Remus, l’éloigne et sans même croiser son regard, murmure : “Tu devrais te rallonger.”

Il a l’impression de sentir encore les doigts de Remus à l’arrière de sa nuque et il sait qu’il n’arrivera pas à se débarrasser de la sensation avant un moment. “Tu as encore un peu de fièvre et t’es loin d’être en état. On va rester ici pour l’instant.” Il repousse gentiment Remus pour le forcer à s’allonger, puis remonte la couverture pour le border dans des gestes mal assurés.

“Je m’occupe de monter la garde.” Et avant même que Remus puisse répliquer quoi que ce soit, Sirius laisse place au grand chien noir qui tourne le dos au loup-garou et s’allonge sur le parquet, la tête posée sur ses pattes avant, les yeux braqués sur la porte.

Ça a toujours été son tour préféré, pour signifier que la discussion était terminée.