Oz n'avait pas mis les pieds au manoir depuis longtemps. Il avait l'estomac contracté par le voyage – transplaner n'était pas son fort – et appréhendait de se retrouver entouré de sorciers. Lors de son arrivée dans l'Ordre du Phénix, il s'était heurté à des esprits étroits. Avec un nom comme Greyback, ça ne devrait plus l'étonner, mais huit ans loin du monde magique et dix ans avec son grand frère sous le bras, ça vous fait oublier ce que le patronyme familial inspire à la majorité des gens : la peur, la haine, le doute.

Tu crois qu'on peut lui faire confiance ?
Mais c'est un clébard comme l'autre là, le psychopathe
Il a l'air sauvage il a sûrement la rage, regarde-moi cette barbe!!

Oz s'était installé à Sweet River avec sa meute et l'autre planque résistante, celle des humains... il l'avait évitée autant que possible. Puis le temps a passé. Il a fait ses preuves, il s'est lié avec d'autres hybrides, d'autres sorciers aussi qui ont fait l'effort de dépasser leurs préjugés. Il est retourné à St James, plusieurs fois. Il n'a jamais aimé la bâtisse, trop grande et trop bondée à son goût ; ni les jardins trop petits, entretenus à la truelle selon lui.

Pourtant le voilà qui arpente le chemin de terre menant à l'entrée, la mine basse. En levant les yeux, il aperçoit la façade du manoir, aussi délabrée qu'une maison hantée, preuve que le sortilège de la résistance pour dissimuler la planque fonctionne toujours aussi bien. Une fois le voile passé, il peut entendre l'agitation qui résonne entre les murs. Il lève malgré lui les yeux au ciel, bien conscient que sa visite aujourd'hui ne sera pas une partie de plaisir. Ça l'est rarement, lorsqu'il est convié pour une réunion avec Hayter. Il a rarement vu nom plus approprié : l'ancien auror a pris Osborn en grippe depuis le premier jour. Pourtant il a été appelé aujourd'hui, ce qui le laisse circonspect. Il n'a pas participé aux missions de la résistance depuis un mois : trop occupé avec le combat pour les loups, contre les cons, il a délaissé sa meute sans s'en rendre compte, ou a commencé à payer moins attention à ce qu'ils faisaient, il n'est pas sûr... Quoiqu'il en soit, il a failli à son rôle d'alpha lorsque Sawyer a mordu Willy, lorsqu'elle en a fait un halfer. Il ne peut pas laisser quelque chose de la sorte se reproduire, alors il a mis le reste en pause. Une petite voix lui suggère que cette réunion, c'est peut-être pour discuter de ça : de Willy, de la morsure ? De son retrait des missions de terrain ? Il a le palpitant qui tape dur.

Il n'est pas encore arrivé au perron que la porte principale s'ouvre, laissant passer Hayter qui se faufile à l'extérieur. Lorsqu'il aperçoit Oz, il se fige un instant avant de se diriger vers lui. Diable comme Osborn aimerait retourner à Sweet River. À la place, il avance à son tour. “Looking for me?” demande-t-il en forçant un peu la voix, pour combler la distance qui les sépare encore. L'absence de réponse de Hayter est typique : pas de banalités, pas de small talk, on va droit au but. Sinon, quel intérêt de s'adresser la parole ? Oz grogne face au stoïcisme de son vis-à-vis et marmonne dans sa barbe une insulte qu'il ne dira pas à voix haute sous peine d'ajouter de l'huile sur le feu. “I'm here, dit-il une fois face-à-face avec Nathan. What's it about?”

“We need to talk but...” Nathan s'interrompt, porte une cigarette à ses lèvres et en allume l'extrémité. L'odeur agresse instantanément les sens d'Osborn, qui fronce les sourcils et plisse le nez. “You don't mind if we take a walk?” Sans attendre de réponse, le sorcier commence à marcher. Oz lui emboîte le pas, veillant à se placer dans le sens contraire au vent pour éviter les petits nuages de fumée que Hayter laisse échapper.
“If I summoned you here... Il commence déjà-- Oz lève les yeux au ciel mais ne relève pas. It's because Black wants you to join our next mission.” Sirius ? L'alpha ne dissimule pas sa surprise. Après la débâcle avec Sawyer et Willy, il pensait que Sirius le tiendrait à l'écart. Il s'était lui-même imposé une certaine distance avec les affaires de la résistance, concentrant son attention sur sa meute et, plus généralement sur les habitants de Sweet River. L'idée de retourner sur le terrain excite le loup autant qu'elle stresse Oz. “And I'm supposed to brief you. Because, yes, he wants us to be teammates.” L'exaspération de Hayter est palpable. Osborn n'est pas ravi non plus-- le sorcier ne peut pas le piffrer. Penser une seule seconde qu'il puisse assurer ses arrières convenablement c'est se voiler la face.

Nathan s'arrête, Oz l'imite. “At first I didn't want you to be a part of this mission. Cause I don't trust you.” Osborn ne prend même pas la peine de feindre la surprise ou la colère. Il sait déjà tout ça. Hayter n'est pas du genre à garder ses opinions pour lui. “But I realised that... we need you. We need your... skills. And you're the only wolf available.” Il porta la main à son cœur. “So I'm not special?” s'exclame-t-il, un tremblement moqueur dans la voix.Nathan l'ignore, s'éloigne de quelques mètres et pose son cul sur un banc. Oz lève les yeux au ciel (encore).

“We'll be escorting five foreigners. They're here to help us and they know how to fight.” poursuit-il. Tant mieux. L'alpha est un peu rouillé. Il n'a jamais été le sorcier le plus mesuré, ni le stratège le plus finaud. C'est plus une force brute qu'autre chose-- rien que concevoir un plan de fuite peut lui poser problème, alors jouer le rôle de baby-sitter pour cinq civils aurait été un calvaire. Mais cinq combattants, il peut s'en occuper. Et puis Hayter fera partie de l'équipe : il a beau ne pas porter le sorcier dans son cœur, c'est un bon leader. “So we won't have to be on their back all the time.” Oz acquiesce. Toujours debout, à côté du banc où Nathan s'est assis, il porte une main à sa barbe et se frotte le menton, pensif. Il ne pourra pas amener sa meute avec lui-- pas tous, en tout cas. Willy est trop jeune, trop inexpérimenté ; Sawyer n'est pas en état. Simon voudra en être, Alma devra sûrement rester à Sweet River, surveiller le reste de la meute. Si jamais la mission tourne au vinaigre... oui, Alma sera plus en sécurité au village. “Before I continue.” Le regard inquisiteur de Nathan se pose sur lui. “I need to know if we can count on you. And if you're ready to work as a team. Cause I won't take any risk. If you think it won't do it, you're out.”

Oz ne peut retenir un grognement mécontent. Pour qui le prenait-il ? Le chiot du coin, effrayé à l'idée de deux-trois mangemorts, qui allait détaler la queue entre les jambes face au danger ? Il était probablement plus convaincu qu'Oz changerait de camp et de casquette si la résistance rencontrait Fenrir. C'était l'un des reproches qu'il avait le plus entendu : son alliance avec Fen. C'était son frère ! Qu'était-il censé faire d'autre ? “Oh you can count on me. I'm disciplined. I'm loyal.” Il ne lâche pas Nathan du regard. “Can I count on you? You don't trust me-- after six years of nothing but dedication you don't trust me. Who's to say you're not going to throw me under the bus when you get the chance?” Son visage, sérieux, se détend et ses lèvres dessinent un léger rictus. “You keep doubting me. I'm ready to work as a team but maybe you want to talk about that first. We should clear the air. Start afresh.” Il lâche un petit soupir, s'assied sur le banc à côté de Nathan. “I don't hate you-- a part of me admires you, even. But you hate me, don't you? My name, my brother... my past. Let's talk about it. If we want to work as a team, we need trust.” Il insiste sur ce dernier mot.

Osborn a le regard perché vers l'horizon, le dos droit et il peut sentir son cœur accélérer la cadence. Hayter a toujours été direct. Oz aussi. Il n'hésite jamais à crever l'abcès, d'autant plus que Nathan n'est pas le premier, ne sera pas le dernier à douter de ses choix, de ses motivations. Il y a des années de ça, il aurait répondu avec violence, avec ses poings. Il l'avait déjà fait par le passé-- il n'était pas fier de son passé. Pourtant ça l'avait mené ici aujourd'hui ; dans le camp des soldats pour la liberté, dans la peau d'un loup-garou en accord avec sa nature. Il ne regrettait rien. À part, peut-être, ce qui habite ses cauchemars. C'est une autre histoire.