Il faut l’occuper, de toute façon. Sinon, il continuera de trop réfléchir, et ça finira mal. Elle le connaît par coeur. Hermione attend qu’il réponde, mordillant la gomme de son crayon à papier. Pendant son discours, il avait l’air de chercher l’approbation de la mère de Malfoy. Elle acquiesce, et ajoute une nouvelle flèche avec cet élément sous les noms des Malfoy. C’est en effet un élément étrange, maintenant que Ron le lui fait remarquer. Pourquoi les yeux d’Harry cherchaient-ils le regard de Narcissa Malfoy, comme si c’était elle qui lui insufflait le courage de parler devant toute cette foule ? Ils ont dû passer du temps ensemble. Se faire confiance. Hermione voit des tas de questions passer dans les yeux de Ron, des questions qui sont jumelles aux siennes. Elle finit par noter également quelques mots du discours qu’il a prononcé, du moins ceux dont elle se souvient. Ron reste silencieux un moment. Il cherche probablement d’autres éléments dans ses souvenirs.
Il nous déteste. dit-il finalement après un moment. Hermione sait que c’est un élément qu’il faudrait qu’elle mette aussi sur sa liste, mais c’est étrange, d’écrire ça. La mine de son crayon reste suspendue au-dessus de la feuille à carreaux. Il sait qu’on aurait pu le chercher et qu’on ne l’a pas assez fait. C’est ce qu’il nous a dit. Hermione soupire et laisse retomber son crayon. On dirait qu’il n’a pas écouté une seconde de ce qu’elle lui a dit juste avant. En fait, non, c’est évident : il n’a rien écouté, parce que son esprit était en réalité ailleurs tout du long.. Il sait qu’on est dehors depuis tout ce temps et il pense qu’on l’a abandonné. Peut-être, oui. Mais à tort. Parce qu’ils ne l’ont pas abandonné. Il faut que Ron l’entende, ça. Excuse-moi, Mione. J’arrive pas à… penser à autre chose. J’aimerai pouvoir remonter le temps pour continuer les recherches et faire en sorte que tout se passe autrement. On n’a pas arrêté les recherches. Jamais. On les a juste mises en parallèle d’un autre projet tout aussi important. dit-elle sans ciller. Ron le sait très bien, mais ce qui vient de se passer remet tout en question dans sa tête, et elle a comme l’impression que répéter tout ça ne changera rien. Ronald est fixé sur une idée, un ressenti, et il ne s’en sortira pas avant un moment. Les prochains jours ne vont pas être simples. Hermione va avoir besoin des autres pour l’aider à entendre raison, et pour qu’il arrête de se flageller alors qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver Harry.
Les autres… Hermione sort son téléphone. Toujours pas de messages.
Elle soupire, et finit par descendre du canapé pour s’asseoir en tailleur à côté de Ron. Ok, on laisse tomber la liste pour l’instant. Elle le fixe, rapproche son visage du sien.. Qu’est-ce que tu veux faire? demande-t-elle, consciente que la réponse de Ron pourrait aller dans n’importe quel sens. Et c’est le but. S’il a envie de parler, ils peuvent parler. S’il veut qu’ils fassent un jeu sorcier ou moldu pour qu’il arrive vraiment à se changer les idées, elle s’y pliera. S’il lui demande de retourner sur les lieux pour mener l’enquête, elle tentera de le convaincre que c’est la plus mauvaise des idées, mais finira bien évidemment par le suivre s’il est impossible de lui faire changer d’avis. Dis-moi.

On n’a pas arrêté les recherches. Jamais. On les a juste mises en parallèle d’un autre projet tout aussi important. Hermione lui répond au tac-au-tac et sans le quitter des yeux. Les lèvres du rouquin se pincent. Il sait que les horcruxes sont importants dans la lutte contre Voldemort. Il sait que sans leur destruction, ce monstre peut vivre encore longtemps et laisser le monde des sorciers en ruines. Mais il pense à Harry, tous les jours, tout le temps. Pendant dix ans, il a noté tout ce qu’ils ont fait dans un carnet dans l’espoir de pouvoir le donner à son meilleur ami un jour. Le vif d’or qu’il s’est fait tatouer vole toujours sur son corps. Harry a toujours été omniprésent dans sa vie et jamais il ne pourra se pardonner de l’avoir abandonné pendant aussi longtemps. Il ne répond rien à ce que vient de dire Hermione. Il n’a pas envie de l’inquiéter encore plus.

La jeune femme glisse une main dans poche pour récupérer son téléphone. Il la voit froncer les sourcils un instant avant de le ranger. Ils ne doivent pas avoir de nouvelles encore. Hermione finit par le rejoindre au sol. Ok, on laisse tomber la liste pour l’instant. Et elle se rapproche de lui et ses idées s’envolent. Il a toujours aimé le regard chocolat d’Hermione. Il a presque envie de… Qu’est-ce que tu veux faire? Dis-moi. Il a un demi sourire sur les lèvres avant de secouer la tête. Ce qu’il veut vraiment faire n’est pas possible pour eux. Un simple effleurement leur fait mal alors un baiser… On a aucune nouvelle des autres ? Il devine à sa mine que c’est non. J’espère que Gin’ va bien. Et que les autres ont réussi à s’en sortir. Ronald se recule un peu parce qu’Hermione est trop proche et qu’il sent son parfum arriver jusqu’à lui et ce n’est pas bien. Son coeur s’emballe et ça n’est pas le moment. Il doit garder la tête froide. Tu crois qu’on doit rester coincés combien de temps encore ? Il tourne la tête en direction de l’horloge sur le mur. Quand est-ce qu’ils vont pouvoir entrer en contact avec les autres sans que ça les mette en danger ?

Il reporte son attention sur la jeune femme. Il l’observe un instant et fronce les sourcils. Il réalise qu’il ne lui a pas demandé comment elle va et comment elle prend le fait que leur meilleur ami a essayé de la tuer. “Mione ? Comment-- comment tu te sens ?” Ose-t-il enfin demander. “Vraiment ?” Parce que quelque part, il se doute que ça a dû l’ébranler, mais qu’elle n’en parlera pas. Sauf qu’il faut que ça sorte. Si elle l’oblige à décortiquer tout ce qu’il s’est passé avec un self control extraordinaire, lui s’accorde le droit de lui parler de ses sentiments et ce qu’elle a pu et peut ressentir. C’est important qu’ils inversent les rôles parfois. Ils sont là l’un pour l’autre depuis si longtemps maintenant qu’ils arrivent à comprendre le fonctionnement et le raisonnement de l’autre sans aucun problème. Il se sent juste un peu nul de ne pas y avoir pensé plus tôt trop emporté par la multitude d’émotions qui l’a traversé.

Elle attend, la tête légèrement en arrière, les sourcils un peu haussés, et ses yeux toujours fixés sur les siens. Ron esquisse un petit sourire - il disparaît rapidement, mais Hermione l’a vu. Ça suffit à lui rosir les joues. Les choses seraient tellement plus simples si… Bref. Elle pince les lèvres. On a aucune nouvelle des autres ? demande Ron et Hermione reprend le téléphone qu’elle vient de poser dans ses mains. Elle ouvre le clapet, toujours rien. Elle fait non de la tête. J’espère que Gin’ va bien. Et que les autres ont réussi à s’en sortir. Moi aussi. Elle aimerait lui assurer qu’ils s’en sont bien sortis, mais tant qu’elle n’a pas de certitudes, elle préfère ne rien dire. Ronald recule un peu. Peut-être qu’elle n’aurait pas dû autant se rapprocher. Ça l’a mis mal à l’aise ? Tu crois qu’on doit rester coincés combien de temps encore ? Tu en as déjà marre d’être en tête-à-tête avec moi, Ronald Weasley ? dit-elle avec à son tour, un petit sourire. Elle l’embête, mais seulement dans l’espoir de détendre un peu l’atmosphère. Encore une fois, elle sait que ça ne va pas changer grand-chose à la frustration de Ron, mais elle essaie.

Finalement, il reprend la parole. “Mione ? Comment-- comment tu te sens ?” Hermione fronce les sourcils. Elle regarde précipitamment ses bras, ses mains comme si elle cherchait quelque chose qui aurait poussé Ron à poser cette question. “Vraiment ?” Elle relève les yeux. Oh, c’est donc ça qu’il veut dire. Comment elle se sent… par rapport à la situation. Hermione balance sa tête en arrière, les yeux rivés sur le plafond. Je ne sais pas, Ron. dit-elle en haussant les épaules. Elle sait qu’elle devrait ressentir, autant que lui, de la colère, du chagrin, l’envie de sortir d’ici et de tout casser… Mais Hermione est plus perdue qu’autre chose. J’ai l’impression que ça n’est pas vraiment arrivé. Qu’on a rêvé tout ça. admet-elle. J’ai les images dans la tête mais elles me semblent si irréelles que je n’arrive pas à les assimiler. Et ce n’est pas son genre, de ne pas assimiler une situation à la vitesse de la lumière. Hermione est plutôt vive d’esprit, elle a l’habitude d’agir rapidement, de manière raisonnée. C’est ce qu’elle a pensé faire en aidant Ron à redescendre. Mais maintenant qu’il la force à se pencher sur ses propres sentiments, elle se rend compte qu’elle est bouleversée et ça la fait un peu flipper. Elle redresse la tête et hausse de nouveau les épaules. Je ne sais pas. Malgré elle, elle sent des larmes monter et commencer à lui piquer les yeux. On est vivants, c’est le plus important pour l’instant. dit-elle pour se rassurer. Elle met des faits à plat pour reprendre le contrôle mais les larmes sont là et elle ne comprend même pas pourquoi elles sont là. Elle détourne le regard et grimace pour les retenir.
Ils viennent de voir Harry, qu’ils cherchent depuis 10 ans, prononcer un discours qui détruit tout ce qu’ils ont construit. Ils viennent de se battre contre lui, et il lui a lancé un sortilège mortel, sans la moindre hésitation. Le même visage - bien que plus âgé - les même yeux verts. Des flashs de leurs années à l’école lui passent dans la tête et elle les chasse en secouant la tête. Elle n’est pas prête à accepter ce qu’elle vient de voir, elle n’est pas prête à réfléchir à tout ça, quand bien même elle s’en est persuadée et a commencé à essayer d’analyser les choses quand ils sont arrivés ici. Hermione est fatiguée. Elle veut juste plonger dans les bras de Ron et oublier ce qui vient de se passer. Elle a honte, mais pour une fois, elle ne se sent vraiment, vraiment pas assez forte.

Ron observe sa réaction. Elle renverse sa tête en arrière et pose son regard sur le plafond l’empêchant de déchiffrer les émotions qui passent dans ses yeux. Je ne sais pas, Ron. J’ai l’impression que ça n’est pas vraiment arrivé. Qu’on a rêvé tout ça. J’ai les images dans la tête mais elles me semblent si irréelles que je n’arrive pas à les assimiler. C’est étrange pour Ron de l’entendre dire ça. Elle arrive toujours à le surprendre. Son esprit est brillant et pragmatique en tout temps alors savoir que pour une fois, elle n’arrive pas à analyser suffisamment bien la situation lui fait dire qu’ils ont vécu quelque chose de vraiment inattendu. Après tout, le retour inespéré de leur meilleur ami disparu depuis dix ans, ce n’est pas rien. Je ne sais pas. On est vivants, c’est le plus important pour l’instant. Ron tourne sa tête vers elle et remarque les larmes qui remplissent ses yeux. Il sait qu’elle ne va pas vouloir les faire couler alors que ça pourrait lui faire du bien. Comme il s’y attendait, Hermione se détourne de lui et il tend la main pour la poser sur son épaule avant de se raviser. Il voudrait pouvoir la prendre dans ses bras et glisser ses doigts dans ses cheveux pour la rassurer, mais il se retient parce qu’il sait automatiquement que ça va la blesser. Il crispe ses doigts sur ses bras et la regarde d’un air inquiet.

Son regard va jusqu’au canapé et il récupère la couverture qui y est déposée. Il s’assure de la tenir bien tendue et qui recouvre sa peau nue avant de s’approcher d’Hermione et de la prendre dans ses bras. Il tient son visage à bonne distance d’elle et doit se faire violence pour ne pas déposer un baiser sur sa tête. On est vivants. Il l’est aussi. Ça aussi c’est important. Harry est en vie. Cassé, mais en vie. Et ils sont là tous les deux. Ils sont là et ils vont le réparer quand ils l’auront récupéré. Harry va aller mieux. Ils vont tous aller mieux. Je suis là, Hermione. Il se répète encore. Et pour une fois, elle peut se permettre de craquer. Ils sont entre eux, juste eux. Elle n’a pas à montrer à qui que ce soit qu’elle peut tout porter sur ses épaules. On peut réfléchir à tout ce qu’il s’est passé plus tard si tu veux. Il fixe le carnet sur la table. Ils sont encore sous l’adrénaline du combat, peut-être qu’ils en oublient des détails importants ? Des choses qui reviendront après avoir digéré ce qu’il s’est passé. Il maintient toujours Hermione contre lui et mécaniquement ses doigts se mettent à caresser ses bras à travers la couverture. Et on peut rentrer plus tard chez nous aussi si tu… enfin j’aimerai qu’on rentre plus tard, le temps qu’on se remette de nos émotions. Connaissant la jeune femme, il sait très bien qu’elle mettrait ses sentiments de côté pour dire à Ron qu’ils doivent rentrer pour assister aux innombrables réunions avec les membres du cercle sept sur ce qui vient de se passer. Alors que si c’est lui qui propose de rester encore un peu en arrière, Hermione peut faire des concessions. Après dix ans, il la connaît par cœur et il sait quelle ruse utiliser pour la faire plier dans son sens.

Hermione fixe toujours le plafond, et elle compte bien le faire jusqu’à ce que la vague de vulnérabilité passe. Ce n’est pas le moment de se laisser aller (ce n’est jamais le moment de se laisser aller), surtout devant Ron qui est tout aussi bouleversé qu’elle. Elle aura tout le temps de laisser ses pensées et émotions l’assaillir quand ils rentreront et qu’il ne sera pas là pour la voir craquer. Elle fait défiler des cercles d’alchimie dans sa tête, pour se fixer sur quelque chose de concret, qui ne rappelle pas trop d’images ou d’émotions, quand Ron lui s’approche d’elle avec une couverture. D’abord, elle a un petit mouvement de recul, un peu confuse face à ce qu’il est en train de faire. Elle n’a pas froid… Est-ce qu’il essaie de la réconforter ? Oh. Il n’a pas seulement approché une couverture. Il s’est approché lui. C’est une étreinte. Hermione se raidit. Ça fait bien longtemps qu’ils n’ont pas vraiment tenté un rapprochement physique. Ils sont habitués à ne plus essayer, et peut-être que c’est aussi pour se protéger, qu’ils n’essaient plus. C’est plus facile de garder la distance quand on sait qu’on ne peut pas vivre ce qu’on a envie de vivre. Quand on sait que ça ne peut pas fonctionner.

Hermione devait peut-être lui dire qu’il n’est pas obligé de faire ça, mais les mots restent coincés dans sa gorge, d’abord parce qu’elle est surprise, mais surtout parce qu’au fond, elle a envie de profiter de ce moment où Ron s’autorise à lui montrer de l’affection. C’est compliqué, cette situation avec lui. Ils ont des moments où la situation devient si insupportable qu’ils ne sont pas tendres l’un avec l’autre. Hermione ne compte plus les disputes inutiles déclenchées par la frustration, la jalousie. Et puis, souvent, ils ont ces moments hors du temps. Ces moments où ils n’ont pas besoin de dire les choses à haute voix, mais où ils savent.

Je suis là, Hermione. Elle ferme les yeux et se laisse aller à l’étreinte, malgré la couverture qui sépare leurs peaux. On peut réfléchir à tout ce qu’il s’est passé plus tard si tu veux. Ok. cède-t-elle. C’est peut-être ce qu’il y a de mieux à faire. Maintenant que le choc a laissé place aux émotions elle a besoin de respirer, de souffler un peu. Elle a besoin d’assimiler ce qu’il vient de se passer. L’ancienne Hermione aurait fait fumer son esprit à la recherche de solutions et d’explications jusqu’à l’épuisement. Elle a grandi, depuis. Elle a grandi et elle a appris que parfois, il valait mieux ne pas chercher à noyer les émotions au risque d’exploser. Ronald est toujours là pour le lui rappeler, de manière claire ou non. Aujourd’hui, il le fait de nouveau. Et on peut rentrer plus tard chez nous aussi si tu… enfin j’aimerais qu’on rentre plus tard, le temps qu’on se remette de nos émotions. Are you sure? Il acquiesce contre son épaule, alors elle accepte. Ok. Let’s do that.

Elle reste là, presque collée contre lui. Ils veillent à ne pas laisser leurs visages s’approcher - la brûlure les ramènerait un peu trop à la réalité. Elle pose ses mains sur ses genoux, à travers la couverture et leurs vêtements. Thank you. dit-elle au bout d’un moment. Il y a d’autres mots qu’elle aimerait prononcer - ils sont tacites. Alors elle répète juste  Thank you. Et elle profite de ce moment avant la prochaine crise qu’ils vont subir à Saint James, et avant la prochaine crise - inévitable - qui aura lieu entre eux.