Il y a une taupe au sein des partisans du Lord. L’information est tombée il y a quelques jours de ça, impliquant que Felix allait devoir s’en charger mais qu’il n’allait pas être seul. Après tout, il n’est même pas mangemort, pourquoi est-ce-qu’on le laisserait seul dans ce genre de mission qui a quand même une importance capitale ? Non, on lui a donné un binôme, tout du moins, c’est lui qui sera le binôme de quelqu’un, plus précisément d’un mangemort, un de l’élite, un auquel Felix a déjà eu affaire plusieurs fois: Antonin Dolohov. Ce n’est pas sa première mission à ses côtés et, quelque part, le Rowle ne peut s’empêcher d’être impatient, au point d’en arriver en avance sur le lieu du rendez-vous, c’est presque embarrassant si la rigueur n’était pas de mise.
Il a l’impression que ça fait quelques temps maintenant qu’il ne s’est pas retrouvé avec le mangemort sur une mission ou même en sa simple présence - il ne va pas dire que le Dolohov lui manque mais au moins on ne s’ennuie pas avec lui, il est tout ce que Roland Rowle n’est pas, au final.

Attendant patiemment dans la rue, du côté du Londres moldu, Felix observe un peu les alentours. S’ils se doutent qu’une taupe est parmi eux, les informations la concernant sont assez précises et l’heure à laquelle elle devrait retrouver un membre de l’Ordre du Phoenix semble plutôt claire aussi. De quoi réussir la mission, en somme.
Pour la mission, le Rowle ne s’est pas laissé avoir en enfilant quelques habits moldus qu’il garde secrètement dans son appartement, un geste que le Lord en personne n’aurait pas apprécié, et il se retrouve donc vêtu d’un simple costume de chez Madame Guipure. Prendre des risques inutilement ne fait clairement pas partie des habitudes de Felix, non. Il jette un coup d’oeil à sa montre plus pour passer le temps qu’autre chose - loin de lui donner l’heure, la montre en question indique simplement où se trouver sa mère et ses deux cousines, si l’aiguille vrille soudainement sur le danger de mort, Felix disparaît en une seconde. Puisque tout semble aller bien du côté de sa famille, Felix détourne le regard, scrutant la rue pour tenter d'apercevoir la silhouette du Dolohov.

Finalement il apparaît et Felix se redresse un peu pour sourire dans sa direction. C’est plus fort que lui, il ne peut s’en empêcher, sourire de toutes ses dents à un des plus hauts placés des mangemorts, bien évidemment. “M’sieur Dolohov,” glisse-t-il en tendant sa main vers lui pour la serrer, dans les bonnes manières que sa mère lui a appris, évidemment, comme s’ils se retrouvaient pour aller boire un verre. “J’ai surveillé l’endroit, ça m’a l’air plutôt calme.” Le Rowle montre du menton  le pub plus bas dans la rue dans lequel l’informateur devrait se trouver et, mise à part avoir surveiller les alentours, Felix ne s’est pas lancé dans quoi que ce soit. On ne sait jamais.
“J’attendais votre feu vert pour commencer quoi que ce soit, évidemment,” glisse-t-il dans un sourire et un air amusé pour le Dolohov avant de se tourner pour jeter un coup d’oeil vers le pubs, reportant rapidement son attention vers le mangemort dans la foulée. “Vous avez déjà goûté à de l’alcool moldu ?” L’ancien Serpentard finit par rajouter, plus par curiosité qu’autre chose, mais enclenchant aussi une certaine invitation puisque, après tout, ils ont pris de l’avance sur l’heure du rendez-vous donc autant se cacher dans un coin du pub avec quelque chose à boire. C’est plus agréable.

Il y avait quelques années (une bonne trentaine) avoir un crâne vomisseur de serpent tatoué sur le bras était très mal vu — et pas comme une faute de goût qui te ferait perdre tes amis un peu pointilleux, plutôt mal vu du genre, tu vas pourrir en prison si tu ne t’aplatis pas suffisamment devant le gouvernement (il y avait quelques paillassons qui, comme ça, s’en était tiré assez joliment). Maintenant, avoir la Marque, c’était le top. Mais le must du top, la cerise trempée dans le whisky (ou whiskey ?) au-dessus de la crème fouetté du gâteau, c’était d’être dans l’Élite Mangemorte. Et là, on avait même une jolie bague, qui serrait bien le doigt, qu’il était impossible d’enlever, qui laissait des marques sur les joues quand on décochait des gifles et qui permettait de sceller ses lettres — dommage qu’Antonin n’écrive pas tant que ça, sinon ça aurait été vraiment la classe. Quand on était dans l’Élite, on était en règle générale assez tranquille : si certains se tiraient dans les pattes, jamais personne n’essayait de viser les jambes d’Antonin (ils devaient trop savoir que s’il se mettait à ruer, il leur pèterait bien plus que des genoux ou des dents) et surtout, on pouvait se permettre de choisir ses missions.

Antonin, c’était un peu un accroc. Dans sa jeunesse, il avait vécu agrippé à l’adrénaline qui lui procurait ses sorties nocturnes avec Evan. Il se souvenait de la fois où un moldu lui avait tiré dessus avec une carabine et qu’il s’était retrouvé avec une balle dans le bras. Ça faisait un mal de chien, mais on moins, on ne s’ennuyait pas. Maintenant que la malédiction continuait de faire son effet, quoique ralentie par Ruth, il avait l’impression que les brèves décharges d’adrénaline qu’il parvenait encore à ressentir le maintenait en vie, comme ces machines que les moldus avaient dans les hôpitaux, près des comateux. Alors, des excuses pour sortir, dès qu’il en trouvait une, il sautait dessus. Il fonçait hors de son bureau sur sa chaise roulante, traversait le couloir, fonçait dans l’ascenseur (toujours sur sa chaise) et roulait dans tout le niveau deux pour se porter volontaire. Il n’y avait pas grand monde pour l’arrêter. De toute manière ceux qui se mettaient en travers de son chemin finissaient par se faire rouler dessus impitoyablement.
Et parfois, c’était le Lord lui-même qui le mettait sur des bons coups.

On le briefait, il acquiesçait, il se préparait et il était tout bon, tout chaud, tout près. Là, c’était suffisamment simple pour qu’il ait pu se permettre de n’écouter que d’une oreille. Y a un type qui balance des infos aux bouffons d’en face. Il doit retrouver son référent à telle heure, tel endroit. On y va, on chope les deux, on les dépose en paquet cadeau au Ministère. « Vivant, Dolohov, » qu’on lui répéta plusieurs fois, alors qu’il hochait la tête : « Oui, oui bien sûr olala, ce n’est pas parce que c’est arrivé une fois que tout de suite… » Il fit claquer sa langue d’un air mécontent, pour retrouver son sourire quand on lui refila le petit Rowle. « Celui avec les cheveux ? Top ! » Il avait fait roulé sa chaise jusqu’à son bureau, au niveau sept, avant de se préparer pour se rendre sur place.
Comme les résistants n’étaient pas non plus des cons finis, ils ne faisaient pas ça chez les sorciers. Dans le grenier, il retrouva des vieilles fringues qu’il avait quand il était dans sa vingtaine. Un jean, et sa vieille chemise à ananas. Allez, zou. Pas comme s’il avait besoin de faire croire à ces crétins qu’il sortait de la fashion-week. Ce qui était triste c’est qu’après plusieurs années au grenier, la chemise avait perdu des couleurs. Bon, au moins il n’était pas flashy. À la réflexion, c’était sans doute mieux.

Il finit par arriver, sans avoir la moindre idée de l’heure, comme à son habitude, sachant juste qu’il était avant le rendez-vous parce qu’il n’était pas suffisamment idiot pour faire capoter une mission. Il trouva assez rapidement le petit Rowle, qui avait toujours ses cheveux : « Ahoy camarade ! » salua-t-il en lui prenant la main tendue pour la serrer dans sa sienne avant de sourire tandis qu’il laissait échapper, comme une litanie qui ne le quittait jamais : « Je t’en prie, appelle-moi Antonin. » Avant de l’écouter faire son petit rapport, comme un brave petit soldat. « Efficace le p’tit Felix ! » Il lui donna une petite tape dans le dos avec enthousiasme. Alors qu’on lui avait simplement dit que tout avait l’air calme, mais on mange de peu, comme on dit. « Tu fais bien d’attendre va. De toute manière si quelque chose se passe mal je t’en tiendrais comme responsable. » C’était dit avec le sourire. Antonin avait à peine conscience qu’il menaçait les gens, parfois. Puis il eut un nouveau rire à la question : « Ah en voilà un qui perd pas le nord. Tu n’es pas au courant que c’est interdit maintenant ? » Puis, avant de s’avancer vers le café en l’entraînant avec lui : « Mais je peux te dire que quand j’étais jeune… olala, ça y allait. Sorcier ou moldu, de toute manière ça se finit toujours avec une pépette dans le lit alors… » Il fait un clin d’œil. Pas le genre de clin d’œil rassurant cependant. « Mais maintenant, l’alcool c’est fini. Mauvais pour les mœurs qu’il a dit, le patron. » De toute manière ça faisait depuis sa sortie de taule qu’Antonin ne pouvait plus rien boire de trop fort. Le café avait une tendance assez terrifiante à l’amener près de sa tombe. Puis, en entrant dans le café, il baisse un peu d’un ton, passe devant le bar pour lâcher un : « Un jus de pomme pour le petit, un thé pour moi. » Et d’aller s’installer dans le fond de la salle : « Pose ton petit cul là Rowle. Ah… alors dis-moi, tu nous a monté une stratégie champion ? »