L’air hagard, perdu sur l’agitation tout juste dissipée, Chester tentait de se libérer du rôle qu’il venait tout juste de prendre. Un rôle de préfet qui se rapprochait plus de celui d’une marionnette laissée à la libre disposition des dictateurs qui régnaient à la tête du château depuis la rentrée, un rôle qu’il endossait sans pouvoir s’en défaire sans risquer d’entrainer de conséquences sévères qui ne méritaient pas de perdre la position presque privilégiée à laquelle il avait le droit. Poudlard avait changé. L’enseignement dispensé n’était plus le même, l’ambiance autrefois si rassurante restait un vague souvenir d’ores et déjà effacé. Il avait pris un temps pour s’y habitué, pour oublier l’absence définitive de l’ancien directeur et pour trouver un équilibre incertain dans le nouveau schéma qui lui était imposé. Et malgré une attitude plutôt neutre face aux récentes politiques adoptées par le Ministère de la Magie, il ne pouvait s’empêcher de condamner celles des Carrow au sein du château. Il n’y avait plus aucun espace laissé à la liberté, chaque geste venait avec un poids attaché avec qui nécessitait d’être longuement étudié avant. Et en tant que représentant de sa maison, il se devait de diriger les autres sans avoir le droit de fléchir. C’était compliqué, exhaustif, et parfois même contradictoire. Pourtant Chester continuait de naviguer dans les positions à prendre en tentant de satisfaire la masse, en refusant d’abandonner pour mieux rassembler les autres Serdaigle sans pour autant leur imposer de prises de position politiques. Une complexité avec laquelle il devait se débrouiller, un nouveau problème et un débat intérieur qui ne regardait que lui.

L’incident qu’il venait de quitter lui rappelait encore trop bien la situation au goût âcre, amer, qui se présentait à lui quotidiennement. Il ne pouvait pas fermer les yeux, pas à chaque fois et encore moins sous les yeux de témoins bien trop friands des nouvelles règles. La punition avait été immédiate et délivrée avec dépit aux élèves concernés. Des points en moins pour leur maison et une heure de retenue – de torture – auprès des Carrow. Il n’avait pas eu le choix au risque de s’attirer lui-même des problèmes. L’insigne de préfet était lourd sur son uniforme et entrainait désormais des regards de peur et de haine sur son passage. Il ne pouvait pas leur en vouloir, il le savait bien. Des regards qui l’obligeaient à reprendre sa concentration pour se laisser convaincre lui-même des raisons de sa décision alors qu’il reprenait le chemin de l’aile ouest du château. Regagner sa salle commune après la dernière ronde de la soirée, se ressourcer quelques instants en oubliant les responsabilités, respirer de nouveau. Il en avait besoin, Chester, rien qu’une minute, même si l’instant restait éphémère. Un objectif simple pour la fin de la journée qu’il vit pourtant tombé à l’eau au moment où son regard se posa sur la Serpentard plantée devant l’entrée de la salle commune. Hua-Fang, une élève de son année et une amie de Felix. Ce n’était pas la première fois qu’elle traînait dans le coin. « Je ne voudrais pas te déranger dans tes réflexions mais…t’attends quelque chose, quelqu’un peut-être ? » Il posait sa question poliment, avec un léger manque de patience qui se ressentait dans sa voix. Ce n’était pas contre elle pourtant, pas vraiment. « Ce n’est pas la première fois que je te vois dans le coin. Ne me dis pas que c’est pour ta sœur. », reprit-il ensuite plus posément. C’était forcément pour cette exacte raison, la jeune Xue-Yan MacMillan représentait encore la seule explication possible qu’il avait en tête. « Il est tard. », finit-il ensuite par lui dire en la fixant dans les yeux. Une manière de lui faire comprendre avec douceur que sa venue n’était plus très utile.

Il n’avait pas su empêcher le soupir de fatigue qui s’était échappé de ses lèvres en voyant la Serpentard ; un soupir bruyant, agacé, et qui soulignait un manque de patience évident qu’il n’avait même pas cherché à cacher devant elle. Et ce n’était même pas la présence de Hua-Fang devant la salle commune des Serdaigle qui était au cœur de cette réaction soudaine, non, sa présence en soi était loin d’intéresser Chester bien que son rôle de préfet – et l’insigne qui était fièrement épinglé sur sa robe de sorcier – aurait peut-être dû montrer le contraire. Son problème, c’étaient les responsabilités qui s’accumulaient au fil de l’année scolaire depuis l’arrivée des Carrow ; c’était la fatigue qui ne le quittait plus mais aussi l’absence véritable de solutions pour trouver le temps de se reposer sans ressentir la culpabilité intérieurement le ronger pour avoir encore puni les élèves qui osaient se rebeller devant les règles ridiculement mises en place pour privilégier uniquement ceux aux sang-pur. Et le Serdaigle avait bien tenté de mettre de côté sa charge de responsabilités de côté dès l’instant où il avait mis un terme à la dernière altercation de la journée. En vain visiblement. Se retrouver devant une élève qui n’aurait certainement pas dû se trouver là où elle se tenait devenait simplement l’accumulation de trop.

Il aurait pu ignorer sa présence pour aller se coucher, il aurait pu aussi éviter toute discussion et la punir directement en l’envoyant dans la salle commune des vert et argent. Toutefois, à la place, il s’était contenté de faire abstraction du regard de défi qu’elle lui avait lancé pour simplement lui demander les raisons de sa présence avant de souligner l’heure avancée de la journée. Une première approche polie donc, à laquelle il vit pourtant Hua-Fang déglutir difficilement pour s’empêcher de l’envoyer paître.  « Je sais. », que lui répondit-elle à la limite du dédain avant de fixer son regard sur le heurtoir en forme d’aigle. « Je veux juste être sûre que Xue-Yan soit bien à l’intérieur. », qu’elle vint ensuite rajouter sur prendre la peine de le regarder. Xue-Yan MacMillan. Une première année de sa maison, une élève prometteuse et qui n’avait pas grand-chose à craindre au vu de sa pureté du sang. Chester aurait bien roulé des yeux si le contexte ambiant n’était pas aussi angoissant pour quiconque, même pour une élève telle que la MacMillan. Et peut-être bien qu’il comprenait même l’attitude de Hua-Fang, surtout avec sa propre petite-sœur qui se montrait beaucoup plus téméraire qu’elle le devrait. « Ta sœur va bien. », qu’il lui répondit alors d’un ton neutre, qui se trouvait être beaucoup plus contrôlé que le soupir qu’il avait échappé un peu plus tôt. Il se montrait plus gentil et patient qu’il se croyait capable de l’être. Peut-être parce qu’il connaissait un peu la Serpentard et qu’il savait que ce n’était pas quelqu’un de mauvais, ou alors peut-être parce qu’elle était une amie de Felix aussi.
Pourtant, elle haussa les sourcils à son affirmation, comme pour lui en demander plus. « Tu peux me le confirmer ? Ou il faut encore que j’attende un courageux pour lui tirer les vers du nez ? » Ouais, penser qu’elle s’arrêterait simplement à ça alors qu’elle venait de montrer qu’elle était capable de camper toute la nuit devant l’entrée de la salle commune des Serdaigle était un petit peu naïf de sa part. « Elle fait partie des rares personnes qui ont encore suffisamment de jugeote pour rester à l’écart des problèmes. » La fatigue l’empêchait de tourner autour de la question trop longtemps et rajouter de l’angoisse inutile à quelqu’un était bien la dernière chose qu’il souhaitait faire pour clore la journée. « C’est ce que tout le monde devrait faire, toi y compris. Ça devient compliqué de leur échapper à chaque règle déviée maintenant, tu sais. » qu’il finit par rajouter en la fixant dans les yeux. Une mention indirecte aux nouveaux tortionnaires du château, un conseil gratuit qu’il savait aussi inutile qu’indélicat au vu de sa propre position de préfet. C’était lui qui devait montrer l’exemple, qui devait faire respecter les règles. Faire le contraire, en l’instant, montrait peut-être bien qui lui restait encore suffisamment d’humanité et de compassion. « Je pourrais toujours garder un œil sur elle si tu veux. » Il ne savait même pas pourquoi il lui proposait, ce n’était pas à lui de le faire et il se doutait bien que ce n’était pas ce qui allait rassurer la MacMillan. Un mélange de culpabilité et de gentillesse sans doute.