we're not broken just bent (lee)

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WE'RE NOT BROKEN JUST BENT X

lee & siam

Siam lavait machinalement le sang sur ses mains dans l'évier de la cuisine de la maison où elle vivait désormais à Sweet River. L'eau se teinta en rose avant de redevenir clair, au fur et à mesure que les mains de l'ancienne médicomage se débarrassaient du sang. Elle eu un soupir las et ferma les yeux quelques secondes, appuyée sur le rebord de l'évier. Elle était épuisée. Elle n'avait pas fermé l'oeil depuis vingt-quatre heure. Certains membres de l'Ordre semblaient être tombés dans un piège et s'en était sortis salement amoché. Au moins, ils s'en étaient sortis. Mais elle avait passé la nuit à réparer les os, refermer les plaies et arrêter les hémorragies. Elle aimait ce travail. Cette pression, ce besoin d'aller vite, cette précision. Ça lui rappelait sa vie d'avant, à l'époque où elle était encore médicomage à Sainte Mangouste. Et pas encore condamnée à soigner des soldats qui revenaient de la guerre, à penser les blessures, à compter les morts, parfois. Pendant quelques heures, elle était entièrement concentrée sur sa tâche, toute son attention était dédiée à cette personne entre ses mains. Et rien ne pouvait se mettre entre elle et l'impétueuse nécessité de soigner l'autre. Mais une fois le travail achevé, la réalité la rattrapait comme une lame de fond. Quand elle se retourna, son regard se posa sur Ramsay, appuyé contre le chambranle de la porte. Son regard scruta le visage de sa soeur, plus pâle et creusé que jadis. Siam retint sa respiration. Pitié, pas de nouvelle dispute. Il soupira à son tour et lui tourna le dos, la laissant seule dans la cuisine. Seule avec cette culpabilité grandissante, qui semblait attendre, tapis dans l'ombre, le bon moment pour attaquer.

Les disputes avec Ramsay, auparavant si rare était de plus en plus fréquentes. Il voulait quitter l'Ordre, elle ne pouvait pas l'envisager. Ils avaient besoin d'elle, et elle avait besoin de se battre. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir coupable, parce qu'une fois de plus, elle imposait son choix à son frère. Avait-elle fait une erreur la première fois, en se rendant au Ministère ? Elle ne parvenait pas à le décider. D'une certaine façon, son plan avait marché : Ramsay avait eu le temps de fuir. Mais pour une vie qu'il n'avait pas choisi. Et cette fois ? Et s'il arrivait malheur à son frère parce qu'elle avait voulu rester ? Pourquoi rester d'ailleurs ? Siam n'était pas altruiste, elle n'était pas comme eux. Les autres membres de l'Ordre. Elle les voyait se battre pour un idéal. Pour un monde plus juste. Bien sûr c'était une belle cause, et elle y croyait elle aussi. Mais c'était avant tout un désir de vengeance qui l'animait. Elle voulait leur faire payer chaque cicatrice qui ne s'effacerait jamais. Elle quitta finalement des yeux l'endroit d'où son frère venait de partir et regagna sa chambre. Un terme un peu prétentieux pour une petite pièce avec un lit et quelques bouquins. Mais au moins elle avait un toit au dessus de la tête. Et elle avait connu des piaules bien pire, après tout... Elle chassa le N9 de son esprit. Non. Pas maintenant. Elle le voyait bien assez dans ses cauchemars.

Elle s'allongea sur son lit, sans parvenir à trouver le sommeil. Son regard se posa sur la guitare contre le mur. Un cadeau de son frère. Il lui avait dit l'avoir trouvé, elle ne savait pas où, et elle n'avait pas posé de question. Elle en aurait presque pleuré ce jour là. Et par Merlin il y avait bien longtemps qu'elle ne pleurait plus. Elle la saisit et commença à gratter les cordes sans trop y penser. Une mélodie lui revint. Quelque chose qui surgissait de l'enfance et que son père lui chantait parfois. Elle commença à chanter sans vraiment y penser. "Remember when I met you on a park bench, and you smiled at me and said that we should be friends." (lee dewyze - silver lining) Elle ne chantait plus vraiment aujourd'hui. Sa voix était un signe trop visible de ce qu'elle était. Une hybride. Elle n'en avait pas honte, non, mais elle préférait qu'on lui foute la paix. Mais c'était bon de recommencer. Ça lui avait manqué. Ramsay disait parfois qu'il ne lui manquait que les branchies pour pouvoir vivre dans l'eau. Si seulement. Souvent elle avait rêvé pouvoir s'enfoncer dans les eaux elle aussi, à l'abri de tout ça, et disparaître. Elle n'en voulait pas à sa mère d'être partie. Elle la comprenait. Elle l'enviait. "You looked at me and said that it would be fine. We take our time to find the silver lining. We can make these crying waters into wine. We'll be alright, we'll be alright..." On frappa à la porte. Trois petits coups discrets. Elle s'interrompit aussitôt. Je suis là pour personne. Trancha-t-elle d'une voix froide et tendue. Pitié, qu'on me foute enfin la paix.

Lee s'entend plutôt bien avec les hybrides qui habitent à Sweet River. Déjà, il n'aime pas trop le terme parapluie "hybrides", il trouve ça un peu... catégorisant, comme si les gens avaient besoin de ce genre de boîtes pour se différencier et se haïr mutuellement encore plus. Ils ne sont pas hybrides, ils sont semi-êtres de l'eau, loup-garous, vampires... bon, même Lee peut avouer que ces derniers font vraiment peur. Les autres, il s'entend bien avec, surtout les loup-garous desquels il a tendance à être proche, puisqu'il les accompagne quasiment tous les mois pour leurs sorties lupines mensuelles. Les vampires... ils lui font peur. Les semi-êtres de l'eau, quels qu'ils soient, il les aime bien généralement. Difficile de faire des généralités quand ils sont tous bien différents.
Pourtant même lui doit avouer, alors qu'il est d'un naturel plutôt sympathique, ouvert à la communication et capable de pardonner bien vite, que certains l'agacent réellement. Certains comme Ramsay, qui cherchent la petite bête et parviennent parfaitement à trouver les mots pour lui rentrer sous la peau.

Après une énième remarque un peu désobligeante, Lee finit simplement par se détourner et par s'enfuir dans les escaliers de la maison de Sweet River dans laquelle il se trouve. Une autre remarque sur le fait qu'il n'est qu'un chien de l'Ordre, qu'il ne fait qu'obéir aveuglément aux ordres... Il ne peut pas le dire à haute voix — il aurait l'impression de trahir ses supérieurs — mais c'est vrai que Lee a cette impression-là lui aussi. Qu'il ne fait qu'obéir à des ordres sans savoir, sans comprendre... et que personne ne le lui dira jamais comment et pourquoi.
Il monte les marches quatre à quatre, sans savoir où aller, et s'arrête en entendant un son reconnaissable entre tous... la voix de Siam qui chante. Il ne peut pas s'empêcher de sourire en entendant sa voix, si belle et si pure... certainement aidée par sa condition de demi-néréïde, certes. Il se souvient sans mal de ce jour-là, au Ministère, où...

Il se laisse porter par la musique et repousse ces souvenirs confus et violents, de sang et de douleur. Peu importe... Il n'a aucun mal à trouver la chambre de Siam — il y a passé quelques nuits... — et à ne pas hésiter à y frapper trois petits coups. La musique s'arrête, le chant aussi, et surgit la voix de Siam, inflexible et dangereuse: Je suis là pour personne, qui arrache un sourire encore plus grand à Lee. Il pose la main sur la poignée, tentant le diable comme toujours, et ouvre la porte très légèrement pour laisser passer sa tête dans la pièce et lui adresser un regard en biais. “ Même pour moi? ” demande-t-il avec un grand sourire plein de dents. Quand elle ne lui lance pas un objet à la figure, il se permet d'ouvrir un peu plus la battant et de glisser un bras, puis une épaule, puis le reste de son corps à l'intérieur de la pièce. “ Voyons, Siam, ce n'est pas très gentil, ça. ” Il secoue la tête avant de refermer la porte derrière lui et d'y appuyer son dos pour lui faire face, ses deux mains sur la poignée dans son dos. Son sourire rétrécit un peu, mais éclaire toujours son visage. “ Jolie chanson. Pleine d'espoir mais un peu triste. ” Il relâche la poignée et s'approche d'elle à petits pas. “ Tout va bien? ”

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L’intimité dans une maison occupée par l’Ordre était une notion assez relative. Et Siam avait posé très rapidement et très clairement ses limites. Il était primordial que personne n’empiète sur son espace, et elle n’aurait pas toléré la moindre intrusion. Après des années de captivités au Ministère de la Magie, elle n’aurait pas supporté de partager une chambre avec qui que ce soit, et d’une manière générale, elle supportait moins bien qu’avant la présence d’autres personnes. Alors il était plutôt rare qu’on vienne frapper à sa porte. En général, les autres préféraient attendre qu’elle soit plus disponible, conscients que dans sa chambre, elle était dans une sorte de refuge.

Siam regarda la poignée de la porte tourner lentement malgré sa demande plutôt claire, elle fronça les sourcils, se demandant qui faisait preuve d’autant d’audace. La réponse, qui aurait du lui paraître évidente ne tarda pas. Lee Jordan passa la tête dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre, avec un sourire aux lèvres et cet air malicieux qu’elle lui connaissait bien. Même pour moi? Un sourire éclaira subitement le visage de la jeune femme. Il n’attendit pas la réponse -il la connaissait bien de toute façon- et entra complètement dans la chambre, refermant la porte derrière lui. L’atmosphère sembla se réchauffer de la présence familière et rassurante du jeune homme. Voyons, Siam, ce n'est pas très gentil, ça. Elle secoua légèrement la tête de gauche à droite avec un léger sourire. Ça s’applique pas à toi, toi c’est pas pareil. Le rassura-t-elle d’une voix bien plus douce, bien plus chaleureuse. Elle laissa glisser ses doigts sur les cordes, émettant un très léger son et s’appuya un peu plus sur sa guitare. Jolie chanson. Pleine d'espoir mais un peu triste. Elle haussa les épaules d’un air détaché. Et encore, tu devrais m’entendre sur du jazz… Ça ferait pleurer même Tu-Sais-Qui… Elle a un sourire en coin.

Tout va bien ? Nouveau haussement d’épaule. Son regard se posa sur une photo accrochée au mur derrière lui que Ramsay lui avait donné, peu de temps après son évasion du Ministère. Une photo d’eux, adolescents. C’était une des rares choses qu’il avait pris avec lui dans sa fuite, et Siam ne l’en remercierait jamais assez. Il était parti en prenant soin d’emmener avec lui le médaillon, dont il ne s’était jamais séparé, quelques photos, quelques-uns de ses livres. Avait-il pris tout ça comme un souvenir de sa sœur, en se disant qu’il ne lui restait plus que ça ? Ou dans l’espoir de lui donner un jour ? Ils n’en avaient jamais parlé, mais Siam savait que Ramsay l’avait cru morte. Et elle aurait cru la même chose à sa place. Elle posa à nouveau le regard sur son ami, réalisant que toute à ses réflexions, elle ne lui avait pas vraiment répondu, du moins rien de plus qu’un haussement d’épaule qui ne voulait rien dire. Ça va. finit-elle par dire, se voulant rassurante. La nuit a été longue, encore une fois, c’est tout… Son regard croisa celui du Ramsay adolescent de la photo. Tout état plus simple à l’époque. Elle se souvenait du temps où son frère et elle étaient sur la même longueur d’onde. Aujourd’hui, les dissonances étaient plus fortes. Parce que l’époque était plus dangereuse. Les jeux de Poudlard avaient laissé place à une guerre, une vraie. Elle posa la guitare au pied de son lit pour se libérer de son poids et s’installa plus confortablement en tailleur sur sont lit. Et toi, ça va ? C’est ton tour de garde des hybrides ? La question était posée avec un sourire et elle tenta de chasser toute amertume de sa voix sans vraiment y parvenir. Elle regretta immédiatement. Ce n’était pas la faute de Lee, elle le savait. Mais cette situation l’énervait. Quelque part, elle se disait parfois qu’elle avait quitté une prison pour une autre. Une petite voix dans sa tête lui chuchota « ingrate ». Bien sur l’Ordre lui avait sauvé la vie. Non, Lee lui avait sauvé la vie, l’Ordre l’avait protégée. Mais l’organisation n’était pas bonne. Pas saine. Et ça lui pesait.

Lee a eu un petit rire à la remarque de Siam — pour l'avoir entendue chanter de nombreuses fois, il la croit parfaitement qu'elle serait capable de faire pleurer Voldemort. Elle a beaucoup de talent, et il imagine que sa nature de demi-être de l'eau aide. Plus d'une fois, Lee s'est retrouvé fasciné à l'écouter, l'observer pendant qu'elle chantait, comme fasciné... ça lui rappelait aussi les couloirs du Ministère. Les longues nuits où il pouvait l'entendre marmonner, et parfois, ça le berçait jusqu'à ce qu'il dorme... et puis leur dernière nuit. Le sang dans sa bouche, le sang explosant dans ses oreilles. Le cri de Siam, qui leur a sauvé la vie à tous les trois. Il se demande ce qu'est en train de faire Anthony en cet instant précis...
À sa question, Siam hausse les épaules. C'est généralement la réponse commune à tous les membres de l'Ordre quand on lui demande si tout va bien parce que généralement... rien ne va. Il n'y a pas de réelle amélioration à leurs conditions, à leurs vies... après des années, Lee semble enfin se rendre compte de cette stagnation, de cette fatigue qui s'enlace lentement mais sûrement à ses os. Apparemment, beaucoup la ressentent depuis des années. Lui... lui il commence à fatiguer. À douter.

Il suit le regard de Siam par mécanisme, devinant avant même de voir la photo la nostalgie qui l'enveloppe. Il reconnait les yeux et les cheveux fous de Ramsay et ne peut pas s'empêcher d'avoir un roulement d'yeux mental. Autant qu'il aime la soeur, il n'apprécie vraiment pas le jumeau. Il tourna vite le regard vers Siam de nouveau, étudiant son visage et essayant d'y déceler ses émotions, en vain. “ Ça va. ” Pas très convaincant. Le sourire de Lee s'approfondit, devient presque un peu triste. “ La nuit a été longue, encore une fois, c’est tout… ” Il hoche la tête, il en a entendu parler: c'est pour ça qu'il est venu à vrai dire. “ Et toi, ça va ? C’est ton tour de garde des hybrides ? ” L'acidité, Lee y est habitué. Il sait ce que c'est, de qui ça vient, pourquoi. Il y est habitué, parce qu'il faut avoir la tête bien sur la tête et la carapace épaisse pour faire ce qu'il fait, être un membre actif de l'Ordre. Et il n'est pas non plus exempt de défauts, il le sait bien.
Mais ces remarques-là, il les entend de la bouche des autres. De Ramsay. Pas de Siam, jamais de Siam. Et il peut voir qu'elle plaisante, il le voit dans son regard, dans son sourire. Et pourtant, au fond de sa voix... il entend tout de même l'amertume et le reproche.
Pas Siam, jamais Siam. N'ont-ils pas assez vécu ensemble pour se dire la vérité? Pour s'accepter sans jugement? Au Ministère tout d'abord et puis après, quand ils ont essayé de former un couple, qu'ils y sont parvenus... difficilement, maladroitement. Trop passionnément peut-être? En tous cas ça n'a pas marché — et si la situation a été tendue pendant des semaines après ça, Lee aujourd'hui apprécie grandement leur amitié.

Alors pourquoi...?
Un sentiment étrange étreint Lee. Solitude, fatigue, exaspération, tristesse — un mélange de tout ça, qui s'enroule autour de son torse et lui donne l'impression de se casser les côtes, d'en sentir les os s'enfoncer dans ses poumons et son coeur. Il l'aurait volontiers rejointe sur le lit pour prendre ses mains dans les siennes et la rassurer, mais maintenant il ne sait plus si il a envie de s'approcher. À la place, il se laisse aller contre la porte de la chambre dans son dos. “ Ouch, ” commente-t-il toutefois, pour lui faire comprendre que les mots ont trouvé leur cible. “ J'ai entendu parler de l'accident, oui, c'est pour ça que je suis venu et que je voulais te voir. Mais je comprends que ma présence ici n'est pas désirée. ” Il ne lui en veut pas tellement. Il comprend la frustration... en revanche, il est déçu qu'elle la fasse passer sur lui. Il pensait qu'ils étaient au-delà de ça... il avait tort. La prochaine fois qu'ils se verront, il lui aura pardonné. Il doute qu'il oubliera, ceci dit. Ne voulant pas dérange plus que ça, Lee se détache du battant et fait déjà un poignet vers la poignée. “ J'espère que tu sais que je ne suis jamais ton ennemi et que je ne te veux jamais aucun mal, ni à quiconque qui habite ici. Mais je comprends ta frustration... je veux bien être le punching bag de ton frère, mais pas le tien. ” Il secoue la tête. “ Je repars ce soir - on se reverra peut-être d'ici là. ” Et il ouvre la porte avec un léger soupir, pour s'y faufiler et s'enfuir, vexé.

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Siam effleura du bout des doigts la fleur de Lys d'argent autour de son cou. Le dernier -et le seul- souvenir de sa mère. Elle avait peu de souvenirs de sa mère, presque aucun en fait. Elle était partie avant ses trois ans. Elle conservait pourtant en mémoire son image, elle se souvenait de son visage, elle savait qu'elle lui ressemblait beaucoup. Les rares photos avaient dû disparaître quand Ramsay avait pris la fuite, mais elle s’imaginait que Clio n'avait pas beaucoup changé. Elle se demandait parfois où elle était aujourd'hui. Ce qui était advenu d'elle, une fois retournée parmi les siens. Elle avait beaucoup pensé à ses parents pendant sa capture au N9. Sa mère les avait quittés, mais pas par manque d'amour pour eux. Que serait-il advenu d'elle si elle était restée, avec les positions actuelles du Gouvernement ? Sans doute valait-il mieux ne pas trop y penser. Sa famille survivait, finalement. Tant bien que mal, éclopée, écorchée, claudicante, mais même sans son père, ils étaient toujours là. Elle soupira.

Quand elle cracha son venin sur Lee, elle le regretta immédiatement. Ouch. Elle se mordit les lèvres, se tordant les doigts, une sale habitude quand elle était nerveuse ou stressée. Un voile était tombé dans les yeux de Lee. Quelque chose qui ressemblait à du découragement. Et c'était plus effrayant que tout le reste. Lee était son roc, son pilier. Elle avait besoin qu'il soit fort, et égoïstement, elle avait besoin de pouvoir s'appuyer sur lui. Elle se dit que lui aussi, parfois, devait avoir besoin de se reposer sur une épaule solide. Elle devrait remplir ce rôle, mais dans la réalité, n'était-elle pas elle-même trop fragile ? J'ai entendu parler de l'accident, oui, c'est pour ça que je suis venu et que je voulais te voir. Mais je comprends que ma présence ici n'est pas désirée. Pourquoi, par Merlin, n'était-elle pas capable de se taire et de laisser sa rancœur dans un coin de sa tête ? S’en prendre à Lee ne servait à rien. Ça ne l'aidait pas elle, et ça le blessait lui. C'était injuste. Mais c'était ce qu'elle avait toujours fait. Trouver des exutoires. C'était déjà sa solution à Poudlard. Pour éviter de devenir folle, il fallait qu'elle trouve des échappatoires, pour éviter que la frustration ne lui fasse l'effet d'une colère passée dans une turbine. Mais elle ne pouvait pas faire ainsi. Du moins, elle ne pouvait plus. Elle avait grandi. Elle regarda Lee mettre une main sur la poignée de la porte et son cœur se serra. J'espère que tu sais que je ne suis jamais ton ennemi et que je ne te veux jamais aucun mal, ni à quiconque qui habite ici. Mais je comprends ta frustration... je veux bien être le punching bag de ton frère, mais pas le tien. Je repars ce soir - on se reverra peut-être d'ici là. En le voyant ouvrir la porte, Siam se leva d'un bon, réalisant qu'elle n'avait aucune envie qu'il parte. Lee, attends ! Elle avança vers lui et le rattrapa, saisissant la main de son ami dans la sienne, glacée et un peu tremblante. La fatigue, la peur, pour ce qu'elle en savait. Excuse-moi, c'était nul de te sauter à la gorge comme ça. T'y es pour rien, je le sais bien. Elle baissa les yeux, à la fois honteuse et triste. Elle ne lâchait pas sa main. Il y a longtemps qu’elle n’avait plus tenu la main de quelqu’un. Il était d’ailleurs sûrement le dernier. Le contact de la peau de Lee la brûlait presque.

C’est juste que… Elle hésita avant de lâcher J’ai peur. Elle n’était pas coutumière de ce genre de confession. D’aveux de faiblesse. La nuit dernière, ils ont eu de la chance. Ils auraient pu tous y passer. Les résistants qui avaient été envoyés en mission étaient revenus en pleine nuit dans les différentes cachettes, salement amochés. Ça avait été l’alerte générale pour tout le monde. Les membres de l’Ordre avaient tendance à tomber comme des mouches aux yeux de Siam, et ça la terrifiait. Ramsay parle de plus en plus de partir. Et on n’y arrivera pas. On se fera prendre. Elle ne parvenait plus à cacher la terreur qui se lisait dans ses yeux. Qu’est-ce qui se passera quand le Ministère mettra la main sur deux hybrides à ton avis ? Des jumeaux en plus… Je les vois d’ici. Sa voix avait pris un accent paniqué, presque hystérique. Je retournerai pas là-bas. Jamais. Non, elle n’y retournerait pas. Plutôt mourir. Deux ans au N9. Je supporterai pas, je pourrai pas… Elle en avait le souffle court et ses phrases étaient hachées. Jamais…

Lee est rassuré quand Siam réagit aussitôt et le rejoint en quelques grandes enjambées à la porte. “ Lee, attends ! ” Elle attrape sa main et Lee tourne la tête vers elle avec un temps de retard, son expression trahissant sa vexation et son heurt. Siam fait partie de ces gens, aux yeux de Lee, qui sont importants et sur lesquels il peut compter en toutes circonstances. Ils ont une longue histoire, tous les deux, de coopération, d'amitié... d'un peu d'amour, mais surtout de soutien. Lee voulait bien être le roc de tout le monde, aider les autres. Mais parfois lui aussi a besoin de se reposer sur quelqu'un. Sur Siam. Il pensait qu'il pouvait.
Il s'est trompé. “ Excuse-moi, c'était nul de te sauter à la gorge comme ça. T'y es pour rien, je le sais bien. ” Il pince des lèvres, n'étant pas du genre à enfoncer le clou, mais il est bien d'accord qu'il n'y est pour rien. Il baisse les yeux avec elle, sur leurs mains liées. La main de Siam est froide, la sienne est chaude, comme d'habitude. Il serre très légèrement les doigts de Siam dans les siens, une manière de la réconforter silencieusement et légèrement. Il est vexé, mais il ne lui en veut pas. Il ne peut qu'imaginer sa frustration à l'idée de rester enfermée entre quatre murs, catégorisée hybrides avec le reste des habitants de Sweet River.

“ C’est juste que… ” Elle hésite, il la regarde sans rien dire, lui laissant le temps de formuler sa pensée: “ J’ai peur. ” Les lèvres de Lee se pincent et puis se détendent, alors que remonte à la surface de son visage une certaine détente, une compréhension intrinsèque. Elle a peur. Il a peur, tout le monde a peur: seuls les fous n'auraient pas peur, dans ces circonstances-là. Il s'adoucit un peu en l'écoutant. “ La nuit dernière, ils ont eu de la chance. Ils auraient pu tous y passer. ” Lee hoche la tête lentement. Malheureusement, c'est leur pain de tous les jours. Ils peuvent mourir à tout moment, personne sait si ils vont revenir de toutes leurs missions... Ils se battent pour quelque chose qui est bien plus important que les vies individuelles.
Lee voit bien combien c'est injuste, usant, vexant. Il ressent tout ça lui aussi. “ Ramsay parle de plus en plus de partir. Et on n’y arrivera pas. On se fera prendre. ” Il fronce les sourcils. Songe-t-elle sérieusement à le suivre? Lee n'aime pas beaucoup Ramsay, et le sentiment est réciproque. Il ne peut pas imaginer Ramsay lui voler Siam. Bon, bien entendu, c'est plus compliqué que ça. Ils sont jumeaux, donc Lee peut parfaitement imaginer que leur lien est plus fort que celui qui l'unit à Siam. Mais ce serait du suicide... il ne laissera pas Ramsay tuer sa soeur comme ça. “ Qu’est-ce qui se passera quand le Ministère mettra la main sur deux hybrides à ton avis ? Des jumeaux en plus… Je les vois d’ici. ” Lee se sent blêmir légèrement, alors que les souvenirs encore frais — et qu'il a tendance à éviter — de leurs emprisonnements mutuels au Ministère remontent à la surface de ses pensées. “ Je retournerai pas là-bas. Jamais. — Siam... ” commence-t-il à mi-voix mais elle ne l'entend pas, enchaînant: “ Deux ans au N9. Je supporterai pas, je pourrai pas… ” Elle semble en train de paniquer et la main de Lee, douce et forte autour de la sienne, finit par se raffermir, serrant celle de Siam comme si il était prêt à la briser. Ses muscles se tendent, un sursaut d'effroi se réveille dans son estomac. Ils savent tous les deux les horreurs dont le Ministère est capable.

“ Jamais… ” Aussitôt, l'autre main de Lee se lève et le bout de ses doigts vient lentement effleurer la joue de Siam; il laisse complètement aller la poignée de la porte, dont le battant se referme dans un bruit sec dans son encadrement. Sa paume finit par s'inviter sur sa joue et il la fait le regarder. “ Je ne les laisserai jamais te prendre, Siam, ” dit-il d'une voix ferme. “ Jamais, ” insiste-t-il. Sa main glisse un peu sur sa joue, finit par trouver sa nuque, ses doigts ses cheveux, et il l'attire à lui jusqu'à ce qu'elle pose sa tête contre son cou.

L'étreinte est rapide, mais quand il se détache, Lee a l'impression qu'un poids s'est levé de ses épaules. “ Si Ramsay ne peut pas être convaincu que c'est une mauvaise idée... Siam, par pitié, ne le suis pas. ” Il la regarde avec de grands yeux, anxieux à cette idée. “ Moi aussi j'ai peur, ” dit-il, alors q'il ne devrait pas, il n'a pas le droit d'avoir peur, il est Lee Jordan, nombreux résistants le regardent avec admiration et le considèrent comme un modèle. Il n'a pas le droit d'avoir peur mais face à Siam... il ne peut pas le cacher. “ J'ai tellement peur qu'il y a des nuits où je suis paralysé, je n'arrive pas à dormir. J'ai peur de mourir, j'ai peur de tuer, j'ai peur d'un jour venir ici et que tout soit détruit... j'ai peur, Siam, tous les jours, toutes les nuits. Mais je te promets que tout ce qui peut nous arriver ici n'est rien en comparaison à ce qui nous arriverait si on était entre leurs griffes. ” Il ne lui fait pas l'insulte de lui demander de se souvenir du traitement qui leur était réservé quand ils étaient enfermés. Il sait qu'ils s'en souviennent tous les deux que trop bien... “ J'aimerais tellement avoir une réponse et savoir quoi te dire, ou quoi lui dire, pour vous rassurer mais... la vérité, c'est que moi aussi j'ai peur. Moi aussi je doute. Moi aussi je ne sais pas... je ne sais pas. ” Il ne sait pas, ne sait plus si ce pour quoi ils se battent est véritablement la réponse à tous leurs maux. Mais ces mots-là ont du mal à sortir. Il soupire lourdement et offre à Siam un petit sourire hésitant. “ Mais quoiqu'il arrive, Siam, je te promets que je les laisserai jamais te faire du mal. Si ça veut dire me battre avec ton frère... je le ferai. ” Il fait la moue malgré lui. “ Désolé. ”

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La fragilité de ce qu’ils étaient apparue d’un coup aux yeux de Siam, et elle lui sembla insurmontable. Leur vie à tous ne tenait qu’à un fil, et à tout moment, ils pouvaient basculer de l’autre côté du voile. Ramsay, Lee, Fleur, elle, personne n’était à l’abri. Elle se sentit soudain très fatiguée, presque abattue, découragée. Elle s’efforça à penser que de l’autre côté non plus, personne n’était à l’abri, mais en regardant les faits, elle avait bien l’impression que les mangemorts leur tombaient dessus, à un contre dix, et que les membres de l’Ordre tombaient comme des mouches.

Les mots s’échappèrent de ses lèvres sans qu’elle ne puisse les retenir, elle n’essaya même pas. Peut-être qu’après tout, elle avait simplement besoin de parler, de dire ce qu’elle avait sur le cœur. Elle n’entendait même plus les accents hystériques de sa voix tandis que les images du N9 défilaient à nouveau devant ses yeux, elle n’entendait plus la voix de Lee qui l’appelait, comme cela avait été si souvent le cas, depuis la cellule à côté de la sienne. Ce fut le contact de la main du jeune homme sur sa peau pâle qui parvint finalement à faire taire le flot des paroles et à calmer sa respiration haletante. Il posa une main sur sa joue, la forçant à le regarder, et elle planta son regard dans le sien, si noir, rempli de douceur. Je ne les laisserai jamais te prendre, Siam, jamais. Ca sonnait comme une promesse. Il l’attira contre lui et elle se laissa aller à cette étreinte, posant sa tête dans le creux de son cou, fermant les yeux. Elle sentit l’étau qui enserrait sa poitrine se desserrer un peu. Quand il la relâcha, sa respiration s’était calmée, et les images du N9 ne tournaient plus devant ses yeux. Si Ramsay ne peut pas être convaincu que c'est une mauvaise idée... Siam, par pitié, ne le suis pas. Siam ne répondit rien. Elle ne pouvait pas apaiser la peur grandissante qu’elle voyait dans les yeux de Lee. Bien sûr qu’elle ne voulait pas partir. Mais elle ne pouvait pas non plus laisser Ramsay. Elle comptait plutôt sur le fait de le ramener à la raison. Moi aussi j'ai peur. Cet aveu, qui aurait pu terrifier Siam, ne fit que la conforter dans l’admiration et la tendresse qu’elle avait pour lui. Il ne trichait pas. Et s’il n’avait pas eu peur, elle l’aurait pris pour un fou. Elle sentit la main de Lee se resserrer autour de la sienne et serra à son tour ses doigts. Comme une façon silencieuse de dire qu’ils étaient ensemble, une façon de lui dire je suis avec toi.

J'ai tellement peur qu'il y a des nuits où je suis paralysé, je n'arrive pas à dormir. J'ai peur de mourir, j'ai peur de tuer, j'ai peur d'un jour venir ici et que tout soit détruit... j'ai peur, Siam, tous les jours, toutes les nuits. Mais je te promets que tout ce qui peut nous arriver ici n'est rien en comparaison à ce qui nous arriverait si on était entre leurs griffes. Elle frissonna. Chacun des mots de Lee raisonnait en elle, faisant ressortir une peur, un doute, qu’elle tentait d’enfouir au plus profond de ses pensées. Mais quelque part, de savoir qu’il partageait ses craintes, lui rendait un peu de force, un peu d’espoir aussi. J'aimerais tellement avoir une réponse et savoir quoi te dire, ou quoi lui dire, pour vous rassurer mais... la vérité, c'est que moi aussi j'ai peur. Moi aussi je doute. Moi aussi je ne sais pas... je ne sais pas. Et les doutes. Toujours les doutes. Cette impression lancinante que quelque chose n’est pas bon, n’est pas bien. Siam la connaît aussi. Elle aussi, elle aimerait pouvoir rassurer Lee, mais elle ne peut pas. Mais quoiqu'il arrive, Siam, je te promets que je les laisserai jamais te faire du mal. Si ça veut dire me battre avec ton frère... je le ferai. Elle eut un rire un peu fêlé. Désolé. La relation entre Lee et son frère était ce qu’elle était, ils étaient adultes, et elle ne s’en mêlait pas. Elle aurait préférée qu’ils s’entendent, ce n’était pas le cas, tant pis. Tout sauf ça, je ne veux pas avoir un duel sur les bras ! Elle sourit à Lee, mais la perspective ne l’enchantait pas. Et Ramsay était un peu… borderline, ces derniers temps. Il est plus têtu qu’un Scroutt à Pétard… Mais il n’est pas stupide, il finira par entendre raison… Elle l’espérait, en tout cas. Si son projet se concrétisait… Elle ne savait pas comment elle réagirait. Peut-être bien qu’elle devrait l’assommer et l’enfermer quelque part. Ce n’était pas totalement exclu. Tu m’a sortie de l’enfer, il ne prendrait pas le risque de nous y envoyer tous les deux. Elle voulait le croire, de toute ses forces, mais elle craignait que la peur n’entraîne chez son frère des réactions irrationnelles. Ce besoin d’être en sécurité pouvait le pousser à prendre des risques inconsidérés. Elle tentait cependant de rassurer Lee. Elle n’irait nul part sans son frère, et elle espérait que Ramsay n’irait nul part sans elle. Donc si elle restait, il resterait aussi. D’ailleurs, je t’en ai jamais vraiment remercié… Le jour de leur évasion, elle se souvenait qu’elle était trop faible pour marcher. Puis elle était restée inconsciente longtemps. Quand elle avait revu Lee, les mots étaient restés étranglés dans sa gorge. La réalité des choses l’avait frappée de plein fouet. Alors… Merci. ajouta-t-elle à mi-voix.

Elle hésita quelques instants, se mordit la lèvre, un peu nerveuse. Parler des craintes de Ramsay avait fait céder quelque chose chez Siam, et fait remonter à la surface ses propres doutes et ses propres craintes. Lee… Qu’est-ce qui se dit, en ‘’haut lieu’’ ? Lee en savait bien plus qu’elle sur ce qu’il se passait dans l’Ordre. Elle était tenue à l’écart. En tant qu’hybride, et à cause des trois cercles sur son poignet. Elle n’aimait pas ça. Le doute augmentait la crainte. Elle savait qu’il ne pouvait pas lui en parler. Mais elle avait besoin d’être franche avec lui. On est au courant de rien ici alors… Est-ce qu’on sait au moins ce qu’on fait ? Par la barbe de Merlin, elle l’espérait bien. Est-ce qu’on est sur la bonne voie ? Peu importe quelle voie, pourvu que ce soit la bonne. T’as vraiment confiance en eux ? En tous ? Elle n’osa pas aller si loin, mais la question était si présente dans son esprit qu’elle avait l’impression de l’avoir hurlé. Je sais bien que mon frère est un peu parano, mais on peut pas vraiment lui donner tort sur tout. Cette façon de compartimenter, c'est... Louche. Elle garda le mot pour elle. Bizarre... Oui, elle détestait ça. Cette façon de tout compartimenter, de traiter les hybrides différemment, ces genres de rang, qu’ils avaient, avec leurs cercles sur leur poignet… Elle n’aimait pas ça. Ca me rend dingue d'être tenue à l'écart comme ça, et d'être traitée comme... comme une hybride. Il n'y avait plus la moindre trace d'accusation dans la voix de Siam. Juste l'expression des craintes qui la rongeaient. Et qu'elle voulait partager avec Lee. Elle effleura du bout des doigts l’intérieur du poignet gauche de Lee, là où se trouvaient les cinq cercles, invisibles pour cet instant. D’être ramenée à la condition que sa naissance lui avait donnée, c’était humiliant, et ça la renvoyait trop à ce que faisait le Ministère pour supporter cette situation.

“ Tout sauf ça, je ne veux pas avoir un duel sur les bras ! ” Siam sourit et Lee se sent faire de même, quoique très légèrement et en roulant des yeux. Siam a toujours accepté que la relation entre Lee et Ramsay ne soit pas au beau fixe (c'était même pire quand ils étaient ensemble) et Lee l'a toujours admirée pour ça. Il ne lui ferait jamais l'affront d'avoir à choisir mais... il semble qu'elle ait peut-être à le faire un jour. Ramsay est une bombe à retardement... “ Il est plus têtu qu’un Scroutt à Pétard… Mais il n’est pas stupide, il finira par entendre raison… ” Lee se retient de justesse de faire la moue en entendant Siam dire que Ramsay n'est pas stupide. Pour être tout à fait juste, il ne l'est pas... entièrement. Mais même Lee sait être injuste quand il n'apprécie pas quelqu'un. “ Tu m’a sortie de l’enfer, il ne prendrait pas le risque de nous y envoyer tous les deux. ” Là encore, Lee retient de justesse la petite moue sur sa bouche. Effectivement, ils sortent tous les deux de l'enfer et Siam en souffre encore aujourd'hui — lui aussi, mais bien moins qu'elle. Elle a passé des années au trou et lui, seulement quelques mois. Ramsay, bien entendu, ne pourra jamais comprendre. Si il est tant convaincu qu'ils parviendraient à survivre tous les deux en quittant l'Ordre, Ramsay ne doit pas se rendre compte à quel point les dangers guettent tout le monde au-dehors. Lee, même si il n'approuve pas toutes les décisions de l'Ordre, préfère mille fois les conflits internes à la vie de chiens que mènent les civils pendant ce conflit.

“ D’ailleurs, je t’en ai jamais vraiment remercié… ” Mouvement de sourcils de la part du sorcier, alors qu'il ne comprend pas trop de quoi elle parle. Son visage s'ouvre quand il comprend ce qu'elle veut dire: elle veut le remercier de l'avoir sauvée. “ Alors… Merci. ” Lee branle du chef immédiatement, refusant nettement le remerciement. “ T'as pas besoin de me remercier, Siam, ” murmure-t-il. Déjà parce qu'il était lui-même un prisonnier. Ensuite parce qu'elle lui avait sauvé la vie. Elle lui avait sauvé la vie en lui parlant, en chantant, à étant là. Sans elle, il serait devenu fou. Ils se sont sauvés mutuellement.

Il voit des doutes se dessiner sur le joli visage de Siam et il attend patiemment qu'elle parle, fronçant les sourcils mais lui offrant un léger sourire comme pour l'encourager. “ Lee… Qu’est-ce qui se dit, en ‘’haut lieu’’ ? ” Lee serre les dents malgré lui. Sur son bras se trouvent cinq cercles. Lee est le bras-droit d'Alhambra et il peut nommer la quasi-totalité des membres de l'Ordre par leur prénom. Il a fait partie de l'Armée de Dumbledore et il a été de toutes les missions possibles, de tous les plans.
Et pourtant, deux cercles entiers le séparent du Conseil. Il ne sait pas ce qui se dit au Conseil — personne ne le sait — mais il ne sait pas non plus pourquoi il existe un sixième cercle auquel personne ne peut accéder. Ils sont privilégiés — est-ce que c'est parce qu'ils sont des proches du Conseil? Non, Lee croit qu'ils sont investis d'une mission secrète. Mais il ne sait pas quoi... alors il ne peut pas répondre à la question de Siam.
Et ça lui fait mal. Mal de dédier sa vie à un mouvement, une cause, une révolution. Mal de s'y donner corps et âme... et qu'on ne lui fasse pas confiance.

Tout ça, bien entendu, il ne peut pas le dire à Siam. Il peut lui dire qu'il doute, qu'il a peur... mais lui révéler qu'il est désabusé? à ce point? Il ne pourrait pas. Lee se doit d'être un bon soldat.
Rien n'empêche un pli de contrariété de fendre son visage, cependant, de forcer le trait sur la moue de sa bouche. “ On est au courant de rien ici alors… Est-ce qu’on sait au moins ce qu’on fait ? ” Il aimerait pouvoir lui mentir aussi aisément qu'aux autres; mais c'est Siam... il ne ferait jamais ça à Siam. “ Est-ce qu’on est sur la bonne voie ? ” Il hoche lentement la tête, même si ses doutes et son manque d'assurent doivent se lire partout sur ses traits. “ Je sais bien que mon frère est un peu parano, mais on peut pas vraiment lui donner tort sur tout. Cette façon de compartimenter, c'est... ” Lee déglutit. Hoche la tête, pour montrer qu'il comprend avant même qu'elle ait fini sa phrase: “ Bizarre... ” Oui, au moins ça... Bizarre, étrange, douteux, suspicieux.

“ Ca me rend dingue d'être tenue à l'écart comme ça, et d'être traitée comme... comme une hybride. ” Lee baisse les yeux en même temps qu'elle quand elle effleure la peau fine de son poignet, caresse la marque invisible qui les distingue si précisément. “ Tu es bien plus que ça, ” murmure-t-l avec une certaine tendresse. “ Tu es une battante, et une chanteuse, et une sorcière talentueuse, et honnêtement? quelqu'un qui embrasse super bien. ” Il espère la faire sourire très légèrement, l'encourageant de sa propre risette. “ Tu es tellement plus que ça, mais les gens sont cons. Les gens sont cons partout, malheureusement, même... même en 'haut-lieu'. ” Pas besoin d'être un génie ou de le connaître intimement pour connaître la position de Kingsley Shacklebolt par rapport aux hybrides. Il les considère trop dangereux et malgré leur ouverture d'esprit et leur gentillesse, il pense savoir que c'est aussi le cas de Molly et Sofia. “ Je ne sais pas quoi te dire, Siam, ” finit-il par admettre difficilement. “ C'est... c'est compliqué. Mais je crois sincèrement que nous sommes sur la bonne voie. Que c'est la seule voie qui existe... ” Il secoue la tête et baisse de nouveau les yeux vers les doigts de Siam qui sont toujours posés avec légèreté sur la peau de l'intérieur de son poignet. “ Si on s'arrête pour trop douter... si on regarde en arrière... on va jamais y arriver, Siam. Alors je peux simplement te dire qu'on est sur la bonne voie. Et qu'on y restera. ” Il relève les yeux vers elle d'un air convaincu. “ Je te le promets. ” Il fera tout, absolument tout, pour que l'Ordre ne perde pas sa voie. “ Et si un jour... ” Quelque chose arrive. Il ne sait pas quoi. “ Alors on partira. Et on continuera de se battre, ailleurs, pour un monde meilleur. ”

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Quand Lee refusa les remerciements de Siam, celle-ci se retrouva à nouveau, l'espace d'une seconde, dans les sous-sols du Ministère. Dans l'obscurité, il n'y avait eu que la voix de Lee pour la raccrocher à la vie. La première fois qu'elle l'avait entendu, ça avait été un bout de sa vie d'avant qui lui revenait en mémoire. Il était la preuve qu'il y avait eu une autre vie, une autre réalité qui avait existé, avant tout ça. Il était arrivé au bon moment. Quand elle avait voulu baisser les bras, quand elle était épuisée et qu'elle ne voulait plus lutter. Son corps et son esprit tout entier n'était plus que douleur, et elle ne voulait plus souffrir. Et puis la voix de Lee  avait réveillée une petite flamme en elle. Alors si, elle avait le sentiment de lui être redevable. C'était lui qui l'avait sortir de là, qu'il l'avait littéralement portée, et amener vers l'Ordre. Et c'était une dette que Ramsay sentait aussi peser sur ses épaules, elle le savait. Il n'aimait pas Lee, mais il avait sauvé la vie de sa soeur. Quand Siam lui demande s'ils sont sur la bonne voie et qu'il hoche la tête, elle sent une pointe de douleur et de d'appréhension se ficher en elle. Tout, dans son attitude et la raideur de ses traits, indique qu'il n'y croit pas lui-même. Et si même Lee n'y croit pas... Elle s'abstint cependant de toute remarque supplémentaire. Leurs deux regards se posent sur l'intérieur du poignet de Lee, là où se cachent les cercles. Siam se demanda ce qui se passait au dehors, à cet instant même. Que faisait Voldemort ? Y avait-il, non loin des barrières magiques, des mangemorts qui tentait de trouver Sweet River ou de pénétrer ses protections magiques ? Tout ça était si fragile, c'était un miracle qu'ils ne soient pas encore tous morts. Elle pensa aussi à Potter, brièvement. À ce revirement de situation que personne n'aurait pu prévoir. Bien trop fragile.

Siam gomma toute trace d'amertume dans sa voix en se plaignant à Lee de sa condition, ici, à Sweet River. Les choses ne se passaient pas vraiment bien. La façon dont les hybrides étaient traités, mis à l'écart, mal considérés, elle n'aimait pas ça, c'était malsain, et c'était injuste. Elle n'était pas moins digne de confiance qu'un autre simplement à cause de sa naissance. Cette façon de penser n'était finalement pas très éloignée de l'idéologie des mangemorts. Mais l'idée que les hybrides étaient des monstres, des sorciers de seconde zone était bien ancrée dans les mentalités, et ces conflits et dissensions s'étaient encore accentués avec la guerre et la propagande du gouvernement. Ce fut finalement la voix douce et chaleureuse de Lee qui parvint à dissiper ses idées noires. Tu es bien plus que ça, tu es une battante, et une chanteuse, et une sorcière talentueuse, et honnêtement? quelqu'un qui embrasse super bien. Elle eut un léger rire, un peu fêlé. Elle se souvenait de ces quelques semaines avec Lee où ils avaient essayé d'être ensemble. Ils avaient eu des bons moments, Lee était un homme incroyable pour qui elle éprouvait une profonde tendresse, mais peut-être qu'ils étaient juste tous les deux trop abîmés l'un pour l'autre. Tu es tellement plus que ça, mais les gens sont cons. Les gens sont cons partout, malheureusement, même... même en 'haut-lieu'. Elle pinça les lèvres, avec une moue un peu résignée et finit par hocher doucement la tête. C'était comme ça, et pas autrement. On ne pouvait pas forcer les gens à changer, elle en était intimement convaincue. Elle aurait juste aimé que plus de gens, dans l'Ordre comme ailleurs, puisse voir le monde à travers les yeux de Lee. Et c'était inquiétant que même les dirigeants de l'Ordre partagent cette méfiance des hybrides.

Je ne sais pas quoi te dire, Siam, c'est... c'est compliqué. Mais je crois sincèrement que nous sommes sur la bonne voie. Que c'est la seule voie qui existe...  C'était dur à entendre, c'était même terrifiant. Lee ne devait pas douter. Il était la raison de sa présence ici, c'était lui qui l'avait amené dans l'Ordre, il lui avait raconté, l'Armée de Dumbledore, les séances d'entraînements, et la Renaissance de l'Ordre après le retour de Voldemort. Mais finalement, leurs doutes étaient les même. Si on s'arrête pour trop douter... si on regarde en arrière... on va jamais y arriver, Siam. Alors je peux simplement te dire qu'on est sur la bonne voie. Et qu'on y restera. Je te le promets.  Quand leurs regards se croisèrent, Siam hocha la tête.

Et si un jour... Il laissa sa phrase en suspend, mais Siam avait compris. Si un jour l'Ordre choisissait la mauvaise voie, si un jour leurs intérêts divergeait trop, si un jour ni Lee ni elle ne se retrouvait plus dans ce combat... Alors on partira. Et on continuera de se battre, ailleurs, pour un monde meilleur.  C'était en lui qu'elle voulait croire. Siam n'a pas vraiment confiance en l'Ordre. Elle ne connaissait pas les dirigeants, elle était -comme beaucoup d'autres- écartée de la prise de décision, écartée des secrets, écartée de tout. Mais peut être qu'elle n'avait pas besoin d'avoir confiance en l'Ordre. Elle avait confiance en Lee. Et plus Lee parlait, plus cette évidence lui apparue. Ce n'était ni Royal, ni Alhambra, ni Merlin seul sait qui encore qui avait sa loyauté. Tous ces gens qu'elle n'avait jamais vu et qui n'avaient jamais entendu parler d'elle, qui était bien éloignés de leur réalité et de leur quotidien, elle s'en moquait. Ce qui comptait, c'était Lee. Elle suivrait Lee. Elle hocha la tête et serra les doigts du jeune homme entre les siens. D'accord, on continuera. Elle lui sourit. Ensemble. L'espoir n'était pas mort, après tout. Je suis peut-être pas Royal ou Alhambra, mais je serais toujours là. Elle déposa un baiser sur sa joue. Merci. Merci pour tout.

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