BIENVENUE SUR SMOKE & MIRRORS. Un forum Harry Potter alternatif qui diverge du canon à partir du tome 5 où Harry est capturé par les Death Eaters lors de la bataille du Département des Mystères. L'action se situe 12 ans après, en 2008, dans un Royaume-Uni gouverné par Lord Voldemort.

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MessageSujet: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptyLun 29 Juil - 16:18
Maison Rosier — Juillet 2006
Out beyond ideas of wrongdoing and rightdoing there is a field. I'll meet you there.
Les pas d'Eun-Ji se feutrent, alors qu'elle s'approche de la porte coulissante. Son souffle semble faire un vacarme infernal qui doit s'entendre jusqu'au dernier étage de la maison familiale, porté contre le plafond par le silence presque total qui règne, ce soir ; il a dû l'entendre arriver, en dépit de ses précautions, depuis l'escalier menant aux chambres. Eun-Ji soupçonne sa mère d'avoir voulu rendre hommage aux désirs de grandeur d'Aloysius en lui offrant cette débauche de marches. Une maison de plain-pied, avec une succession de portes coulissantes et de dépendances, reliées entre elles comme chez les Hwang, aurait été d'une sobriété nettement plus appropriée. Serrant les dents sur cette faute de goût paternelle, comme pour contrebalancer la nervosité insupportable, Eun-Ji fait coulisser la porte, et relève les yeux sur son père, seul à la table familiale.

Ils n'ont pas eu l'occasion de parler, récemment. Depuis la mort de Ha-Yun -depuis que le lien s'est rompu, entre sa mère et lui, tirant immanquablement sur le leur. Comme toujours, Eun-Ji s'est tenue du côté maternel, interdite de soutenir l'équipe devenue adverse. En se retrouvant seule avec lui, de façon presque volontaire, elle a l'impression de commettre un acte de trahison impardonnable. « Bonsoir Papa. » Il a à peine touché à son bol. Eun-Ji est sortie de sa chambre sitôt qu'elle a entendu la porte de la cuisine se refermer sur lui, se faufilant comme un diable sage hors de ses pénates, pour profiter de l'aubaine. Elle s'avance, et s'assoit à son tour, lui jetant un coup d'oeil discret. Bibimbap -le plat du cœur.

Eun-Ji baisse les paupières sur son plateau en bois, où trônent une soupe simple, un bol de riz blanc, un peu de poisson, plusieurs accompagnements aux airs d'amuse-bouche colorés. « Tu ne devais pas être ailleurs, ce soir ? » Comme tous les autres soirs, souligne-t-elle intérieurement. En posant sa serviette sur ses genoux, elle se saisit de sa cuillère en bronze, et regarde cette fois un peu plus franchement, la tête droite sur sa nuque raide, posture exemplaire, le profil fatigué d'Aloysius Rosier.

Son coeur semble prendre plaisir à lui jouer des tours, à se serrer lorsqu'elle considère, dans le silence, le visage aimé de ses parents. Elle voudrait souvent être d'une neutralité parfaite, et jauger son père avec un oeil impartial, détaché de cet affect qui lui pèse sur la poitrine en cet instant.
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MessageSujet: Re: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptyMar 6 Aoû - 11:48
Maison Rosier — Juillet 2006
Out beyond ideas of wrongdoing and rightdoing there is a field. I'll meet you there.
Il ne saurait plus dire quand exactement il a commencé à éviter la maison. Quelques mois après les funérailles de Ha-Yun. Peut-être en avait-il eu tout simplement assez de cette maison après avoir passé des heures à veiller le corps de sa fille, avant les obsèques. La maison restait remplie de son image, et ce qui avait été un temps apaisant (de retrouver les endroits où il avait vu sa fille grandir) devinrent vite un objet de souffrance bien trop difficile à surmonter. La chambre de l’étage était intouchée ; à la manière d’une plaie qu’on touchait constamment malgré la douleur, Aloysius s’y rendait parfois, ouvrait la porte, fermait les yeux et inspirait. C’est ce genre de choses qui finirent par l’écoeurer de la demeure familiale.
Puis avec ça vint la distance avec Jae-Hwa.
Puis avec ça vinrent les disputes, ou plutôt la dispute.
Et les stratégies d’évitement se transformèrent en véritable tactiques militaires. Avec sa femme il ne se croisaient pour ainsi dire presque plus. Quand il ne dormait pas au bureau, c’était dans une pièce de la maison qu’il s’était aménagé. Et ça c’était quand la maison voulait bien le laisser dormir. La baraque était à la botte de sa femme et semblait vouloir lui faire payer son infidélité en faisant craquer des poutres imaginaires dans sa pièce en plein milieu de la nuit, l’empêchant de dormir.
C’était les employés qui prenaient le lendemain.

Là, il savait que Jae-Hwa n’était pas présente, il espérait bien qu’elle ne rentre pas avant un bon bout de temps. Il n’avait pas cependant assez de colère pour lui souhaiter de plus que ça : simplement trop de travail pour qu’elle ne puisse rentrer. Il avait bien conscience qu’il y avait une large partie des torts qui étaient de son fait.
Il s’était préparé son plat tranquillement, dans le silence, avant d’aller s’installer à la table, seul.
Une photographie prise à cet instant : lui à présider une longue table vidée, aurait été particulièrement accrocheuse question symbolisme. Mais Aloysius n’en était pas à là de la réflexion. Il y avait du silence. Il profitait.
Il ne mangeait pas.
La maison le crispait.

Puis la porte coulisse. Il déteste ses portes, parce qu’il imagine, à chaque fois, que derrière il y aura…
Eun-Ji. Il s’était tendu, mais en voyant sa fille, son autre fille, entrer ses épaules ne se relâchèrent pas. Au contraire, c’était comme si une barre passait entre ses omoplates pour le redresser un peu plus. « Bonsoir Eun-Ji. » Ses filles avaient eu le droit à des petits noms, entre les ma biche, ma puce ou même des ma licorne qui les embarrassaient souvent beaucoup, elles avaient eu le droit à tout. Jeong-Hui pouvait encore avoir ça, mais pas Eun-Ji. Avec elle, ça avait toujours été compliqué.
Elle avait toujours été team maman. Depuis toujours. Même quand tout allait très bien, Eun-Ji était celle qui lui lançait des regards réprobateurs quand il s’amusait à dire des bêtises à table. Parler avec elle avait toujours été compliqué, elle faisait tout pour ressembler à Jae-Hwa et si la communication avait été difficile quand son rapport avec sa femme était au beau fixe, alors maintenant qu’ils s’étaient presque hurlé le mot divorce à la figure…
Pas de ma puce pour sa fille aînée. Ce n’était pas juste. Mais c’était ainsi.

Il la regarde s’installer, alors que la question vient. Et dans sa bouche elle sonnerait presque accusatrice. Il attend cependant qu’elle vienne le regarder dans les yeux avant d’étirer légèrement les lèvres, dans une moue ennuyée : « Je me suis libéré tôt aujourd’hui. Je ne suis peut-être pas la compagnie que tu espérais. » C’était lui, en réalité, qui était accusateur.
Eun-Ji n’était ni Jae-Hwa, ni Alecto. Pourtant il était sur la défensive, comme s’il savait que si elle le pouvait, sa fille prendrait le partie des deux femmes contre lui. Il pince les lèvres, à présent, comme s’il regrettait sa brusque acidité : « Cela fait longtemps que nous n’avons pas été que nous deux. » C’était terriblement vrai. Il aurait été incapable de se souvenir de quand datait la dernière fois. Il ne se souvenait même pas d’avoir eu un temps avec elle, juste avec elle, à la mort de Ha-Yun. Juste un temps pour la serrer dans ses bras. Un temps rien que pour eux. Et depuis, tout était fermé.
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MessageSujet: Re: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptySam 10 Aoû - 16:34
Maison Rosier — Juillet 2006
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Le son de leur voix résonne dans la salle à manger. C’est trop grand pour deux -ce serait à vrai dire trop grand pour douze, grâce aux aménagements faits par sa mère, généreuse à l’extrême lorsqu’il s’agit des siens. Comme pour accuser ce vide qui n’a pas lieu d’être, Eun-Ji a l’impression que l’écho se répercute et rebondit de manière exagérée contre les murs de la pièce ; la maison, et par elle sa mère, pousse un soupir, désespérée sûrement par la solitude triste qui imprègne la demeure Rosier-Hwang jusqu’à la dernière tuile.

La moue ennuyée sur les traits de son père l’agace un peu -ou plutôt agacerait Jae-Hwa, et tout ce qui agace Jae-Hwa agace également immanquablement sa première fille. Pourquoi prend-il toujours les choses de cette façon, lorsqu’elles viennent d’elle ? Est-ce qu’elle n’a pas le droit de dîner avec son père, tout simplement ? Elle qui était contente de le trouver… Son « Eun-Ji » détaché a planté la graine ; elle soutient son regard sombre, chassant la peine nerveuse qu’elle sent lui étreindre la poitrine, en se calant sur un ton neutre, et cordial. Celui qui ne laisse de place ni à la défensive, ni aux sentiments. Elle est grande désormais : s’épancher auprès d’Aloysius est hors de question -la simple perspective raidit ses nerfs, sèche ses émotions. « Je n’espérais personne, à vrai dire. J’ai été surprise de t’entendre. »

Un sourire qu’elle veut poli étire ses lèvres. « Oui. » Le coin de ses lèvres flagelle légèrement, et elle baisse la tête en glissant sa cuillère plate dans sa soupe. Elle se souvient bien, elle, de leur dernière entrevue -si c’en est réellement une, quand Eun-Ji l’a trouvé endormi près du corps de sa petite sœur. La vision d’Aloysius sommairement installé sur la méridienne reste, aussi vive que s’il s’était agi de la veille.

Un léger silence s’installe. Ni l’un ni l’autre ne semble enclin à entamer son repas. Eun-Ji fait lentement remonter la pâte de soja fermentée à la surface de sa soupe ; comment lui dire ? Le sujet, délicat, lui tient à cœur -la tiendrait même aux tripes, si elle s’abaissait à reprendre des termes triviaux. De par leurs expériences passées, de par l’accablement qui leur pèse sur les épaules depuis la disparition de Ha-Yun, Eun-Ji entrevoit la conclusion finale de cette discussion avant même qu’elle ne s’ouvre.

Tant pis. C’est pour leur bien à tous.

« Est-ce que vous avez parlé, avec Maman ? » Eun-Ji le regarde à nouveau. Ils savent tous les deux qu’elle sait très bien que « parler » n’est pas le terme approprié, au vu des disputes mémorables dont les enfants Rosier ont pu avoir un aperçu, lorsque s’ouvrait à la volée la porte insonorisée de leurs parents. Ils savent également tous les deux qu’il sait que sa mère lui a raconté ; en omettant les faits qui la dérangeaient, comme toujours. Papa est le coupable, après tout. « Qu’est-ce qui se passe, exactement ? » Garder la tête droite est une habitude bien huilée depuis l’enfance, tout comme garder sa contenance, alors qu’elle met, tranquillement, son père au pied du mur ; elle repose sa cuillère sans avoir touché à sa soupe, et dans un tintement discret, prend ses baguettes en métal. Et la tête droite et la contenance lui demandent le double des efforts ordinaires ; elle craint cette réponse plus qu’elle ne le voudrait, sur l’instant.
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MessageSujet: Re: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptySam 10 Aoû - 21:08
Maison Rosier — Juillet 2006
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Eun-Ji, malgré sa manie à être à tel point la fille à sa maman qu’elle s’en séparait de son père, restait la fille d’Aloysius. Presque d’avantage, sur certains points, que la fille de Jae-Hwa. Eun-Ji ne perdait pas sa contenance, Eun-Ji ne criait pas, Eun-Ji restait droite et là, face à face, on aurait presque dit qu’il y avait le jury du concours ton-corps-doit-faire-un-angle-droit-quand-tu-t’assois qui les observaient et qu’on était au moment de la finale. Elle ne touche pas à son plat, alors que lui-même commence, finalement, à s’activer, lentement ; le regard tantôt vers elle, tantôt vers son bol.
Elle ne parle pas beaucoup Eun-Ji. Ce qui était étrange, c’est qu’elle était comme ça depuis toujours — en tout cas avec lui. Aloysius était impossible à faire taire enfant : il avait appris à se la fermer en grandissant. C’était comme si sa fille était née avec une sorte de sagesse qu’il avait mis des années à apprendre. Mais trop jeune, et cela avait toujours un peu juré, cette sévérité sur son visage d’enfant.
Elle avait grandi.
Il baisse les yeux, continue de manger en silence.

Il était prêt à laisser ce silence continuer.
Continuer.
Continuer.
Il s’appliquait à ne faire aucun bruit, quand la question traversa la table, vient l’attraper au moment où il repose ses baguettes. Il ne va pas les reprendre de sitôt. Il a l’impression que sa gorge se serre un peu trop, plus par agacement qu’autre chose. Il se souvenait de Celyn qui était venu le voir pour lui dire qu’il devait revenir à la maison, au moins pour maman. Il avait fini par céder à son aîné, pour s’engager dans un conflit qui n’avait rien à envier à la guerre froide.
Non, il n’avait pas parlé à maman. Il n’y avait aucun moyen de parler à maman, et Eun-Ji le savait très bien. Ce n’était pas parce qu’elle avait le privilège de pouvoir communiquer avec Jae-Hwa que son pauvre père le partageait encore.
Maintenant, il était dans une situation presque pire que Jeong-Hui.
« Je n’en ai pas eu l’occasion récemment. Tu sais comment elle est. » Il n’allait pas avoir cette attitude mesquine qui le pousserait à jeter son épouse sur le Magicobus ? Mais dans un sens il était persuadé que Jae-Hwa ne se gênait pas de son côté pour raconter des histoire (elle avait, dans un sens, des choses à dire elle). On aurait pu croire qu’Eun-Ji n’insisterait pas, mais que nenni mon petit. Au contraire, elle avait cette position de combattante qui disait bien qu’elle ne reculerait pas, ne bougerait pas d’un pouce. Aloysius soupira, baissa un instant les yeux, se servit de l’eau avant de faire glisser jusqu’à lui le verre de sa fille pour la servir également. « Nous nous sommes disputés. Cela ne doit pas vous inquiéter, c’est une affaire de parents. Pas d’enfants. » Il oubliait, parfois, qu’ils étaient grands maintenant. Il avait l’impression que tout était bloqué à quatorze ans. Qu’ils étaient tous encore à Poudlard. Avant de les voir, adultes, et de savoir que le moment où ils allaient les quitter s’approchaient.
Dans un désir d’auto-sabotage, il désirait précipiter les mariages. Alors même qu’il sentait Jae-Hwa freiner. Ils ne faisait plus rien pareil. N’avaient plus rien envie de faire pareil. Cela n’avait plus de sens. « Tu sais bien que c’est difficile pour ta mère depuis le décès de ta sœur. » C’était sorti d’une traite. Comme si c’était quelque chose qu’il disait tous les jours. Comme si les mots n’avaient pas d’importance, de sens. Comme s’il parlait d’une sœur d’Eun-Ji, qui viendrait de nulle part et non pas de sa fille. Comme si ça n’avait pas été dur pour tous ses enfants. Et pour lui.
Non, les émotions devaient appartenir à Jae-Hwa, et elle devait décider de ce qu’on ressentirait.
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MessageSujet: Re: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptyDim 18 Aoû - 16:24
Maison Rosier — Juillet 2006
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Le cœur d’Eun-Ji bat la chamade, lorsque lui répond son père d’un ton égal, tranquille -maintenant la politesse cordiale qui définit leurs rapports depuis déjà trop longtemps. Il y avait pourtant un temps où son père se laissait aller à la faire rire, à la prendre dans ses bras pour embrasser ses cheveux. Eun-Ji n’est pas certaine de savoir si c’est d’abord lui qui, freiné par les mimiques de sa mère sur son visage à elle, a arrêté le premier, ou si c’est elle qui a d’abord repoussé les embrassades invasives de son père à l’adolescence -c’était gênant, elle était presque adulte, et puis elle avait parfois l’impression que son père se forçait, devant le regard envieux qu’elle adressait à Ha-Yun. « Je n’en ai pas eu l’occasion récemment. Tu sais comment elle est. » Un sourire indulgent flotte légèrement sur ses lèvres, avant qu’elle ne le brise ; prendre le parti de son père serait un crime impardonnable, ne serait-ce qu’à travers un sourire. Délicatement, Eun-Ji dépose un peu de kimchi sur son riz piqueté de noir.

Aloysius l’écarte des considérations d’adultes comme si elle avait encore dix ans -et encore, à dix ans déjà Eun-Ji rassurait sa mère, caressant ses mains et se serrant contre son corps. A dix ans, Eun-Ji était déjà inextricablement mêlée aux affaires parentales -du côté de maman, bien souvent, à recueillir ses confidences, et connaître sûrement plus de choses qu’il ne l’aurait fallu sur leurs rapports, engloutissant sans filtre les sous-entendus soufflés dans les mots de Jae-Hwa. Celyn lui avait, pleinement, laissé la place d’aînée, avec un lot de responsabilités qu’elle s’était empressée de charger sur ses épaules.

Son père lui sert un peu d’eau. Eun-Ji intègre progressivement ses réponses, ses gestes élégants ; elle a un simple « merci » en reprenant son verre, qu’elle porte à ses lèvres en gardant ses baguettes en main. Elle n’a toujours pas touché à son repas, et la dernière phrase de son père achève de nouer sa gorge. Elle boit, en silence, repose son verre. La composition est une qualité essentielle à son sang ; il ne ferait pas bonne figure de crier ses émotions au premier coup d’estoc, quand bien même touche-t-il profondément le cœur de la runiste, à la mention de sa sœur.

Comme si la mort de Ha-Yun n’avait touché que sa mère -parangon des émotions et de la douleur, semblerait-il, condamnée à porter la douleur de tous les Rosier réunis. Sous un pareil fardeau, il n’était pas étonnant qu’elle s’enfonce dans un trou sans fond -sans même son mari, ni ses enfants pour la retenir. « Papa, je n’ai plus cinq ans, et je m’inquiète. » Ses oreilles chauffent légèrement ; le décès de la benjamine lui bourdonne aux oreilles, et tout se mélange. « Ce n’est pas une simple dispute, pas comme celles d'avant. » Chez eux, il y a deux périodes bien distinctes : l’avant et l’après Ha-Yun. Eun-Ji relève les yeux vers lui. « Vous vous disputez tout le temps, maintenant. Tu n’es jamais là, et Maman s’arrange pour t’éviter elle aussi. Quand elle te voit, elle ne va pas bien. Quand elle ne te voit pas, elle s’imagine des… Imbécilités, des choses stupides. » Qu’Eun-Ji espère ne pas être vraies -l’idée que son père soit adultère la chagrine atrocement. « Vous n’êtes plus comme avant, tous les deux, tout le monde le sent… Tout le monde s’éloigne. » Les dégâts étaient visibles, si l’on prenait le temps de les remarquer : Celyn et Jeong-Hui se prostraient, dans leurs obligations pour l’un, dans sa chambre pour l’autre, Basil et Caesar commençaient à ne plus se comprendre. Quant à elle… De nouveau, elle baissa les yeux sur son plateau, et alla prendre une lamelle de racine de lotus, pour la placer également sur son riz.

Le reste est coincé dans sa gorge. La mort de Ha-Yun, Eun-Ji préfère elle aussi la vivre au travers de la douleur de sa mère et des autres ; se confronter à la sienne serait une épreuve, qu’elle n’est pas sûre de pouvoir affronter seule.
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MessageSujet: Re: rightdoing (aloji)   rightdoing (aloji) EmptySam 12 Oct - 15:58
Maison Rosier — Juillet 2006
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Et malheureusement ses paroles choisies et calibrées pour une femme comme Eun-Ji n’eurent pas l’effet escompté. Sa fille, dressée par Jae-Hwa, aurait dû être bien plus docile face aux paroles parentales, mais elle n’avait apparemment qu’appris à écouter sa mère et non pas son père. Une mère qui lui avait appris à se mêler, apparemment, des affaires des adultes. Maintenant qu’elle n’avait plus cinq ans, apparemment, comme elle le disait elle-même. Ah oui, elle n’avait plus cinq ans, les choses étaient plus simples à cette époque où la petite n’avait pas encore choisi le camp de la mère et pouvait accepter les étreintes du père sans avoir l’impression de trahir Jae-Hwa.
Impossible de savoir lequel des deux s’étaient éloignés le premier : tout ce qu’ils savaient c’était qu’aucun d’entre eux n’était prêt à faire le premier pas vers l’autre. Ce n’était pas seulement une table qui les séparait, mais une fosse, creusées à six mains.
Aloysius leva sa main vers son visage, passa son index et son majeur sur un trait de son front, appuyant assez fort, comme pour se soulager d’un mal de tête à venir. Un geste courant au travail, courant face à sa femme, courant face à ses enfants — à croire que la vie agaçait Aloysius et, maintenant, plutôt que de faire un caprice, se préparait à subir les lèvres pincées et en silence les céphalées qui accompagnaient chaque désagrément.

« Ce n’est pas une simple dispute, pas comme celles d’avant. » Encore heureux qu’on disait d’elle que c’était la plus intelligente des enfants Rosier ; mieux valait entendre ça que d’être sourd et la remarque acerbe d’Aloysius resta coincée dans sa gorge, ne pouvant évidemment pas parler à son enfant comme il parlait avec ses secrétaires. Ne pouvant pas simplement congédier sa fille comme on met un employé énervant à la porte. Il s’était totalement interrompu dans son repas maintenant, et les épaules carrées, le dos droit, il l’écoutait dérouler la description de ce qu’elle ressentait apparemment de la discorde parentale. Sur sa mère, évidemment. Toujours Jae-Hwa. Aloysius ne devait, de fait, pas exister dans l’esprit de sa fille aînée sans être accolé à son épouse.
« Quand elle te voit, elle ne va pas bien. Quand elle ne te voit pas, elle s’imagine des… imbécilités, des choses stupides. » Il porta sa main à son verre pour en boire une gorgée. « Des imbécilités, c’est bien tout ce que c’est. » Les cris de Jae-Hwa qui l’accusait d’adultère résonnaient encore dans ses oreilles.
Et s’il avait tort, et s’il le savait, le talent d’Aloysius pour s’auto-saboter était bien trop fort pour qu’il renonce. Pas assez pour qu’il n’aille admettre sa faute devant sa fille toutefois. Il était, de toute évidence, persuadé qu’Eun-Ji devait croire tout ce que Jae-Hwa pouvait bien dire sur lui. Et les craintes de son enfant, qui remplissaient la pièce : des craintes bien plus lourdes à balayer que celles d’avant. Des craintes trop réelles. Aloysius, même avec tout l’aplomb du monde ne pouvait nier ce qui se passait au sein de la famille Rosier.
« Comme tu le dis, vous êtes adultes maintenant. L’harmonie de cette famille ne peut plus uniquement reposer sur ta mère et moi. » Il relevait les yeux pour la regarder. Ses sourcils n’étaient pas sévères comme lorsqu’il regardait ses subalternes, plus neutre. Toujours neutre. Comme s’il pensait qu’Eun-Ji jugeait à chaque instant la moindre de ses émotions. Aloysius ne s’autorisait plus que la colère, le mépris et l’agacement, en sus de la neutralité froide. La satisfaction. L’enjouement, l’enthousiasme, c’était avant. Avant Ha-Yun. Il avait, en outre, l’idée qu’Eun-Ji l’appréciait davantage lorsqu’il n’en faisait pas trop. « Mes enfants doivent prendre leurs propres responsabilités. » Puis, avec un nouveau mouvement de doigt sur son front : « J’ai beaucoup porté, pour cette famille. Mais j’ai besoin de place, ma fille. Et Jae-Hwa en prend trop. Cette maison m’a assez signifié qu’elle était la sienne et non pas la nôtre. » Puis, presque sourd d’en avoir trop dit : « Tout le monde souffrirait davantage si je m’entêtais à faire comme si de rien n’était. » Ce qui n’était, certainement, pas faux.
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