Brighton. Cho se souvient de quand ses parents les y amenaient, ses soeurs et elle, pour célébrer un évènement ou un autre, à marcher le long de la promenade ou de la plage en mangeant de la glace et en grognant à chaque fois que le sable leur collait un peu trop aux pieds. Ces moments-là, si simples et presque pittoresques, étaient rares. Quand les yeux de Cho caressent distraitement les alentours, ils ne brillent ni de nostalgie, ni de mélancolie. Juste d'inquiétude.

Flanquée par Dae-won, elle avance silencieusement le long de la promenade, au-dessus du sable. Des lampes magiques flottent paresseusement à intervalles réguliers, l'éclairent de temps à autre tandis qu'elle se fond dans les ombres. Le couvre-feu ne va pas tarder à sonner, et les rues sont désertes sauf pour quelques retardataires qui se hâtent de rentrer chez eux. Cho, elle, continue d'avancer d'un pas tranquille.
Ils ont été dispatchés pour surveiller les protections de la ville, en particulier près du littoral est. Depuis tout à l'heure, Cho compte les intervalles des lampes, ainsi que le nombre de Brigadier.ères - de la police et de la VB - qu'elle voit faire leurs rondes. Certain.es s'arrêtent pour lui demander ses papiers, identifiant sa fausse carte d'identité avec les traits ténus qu'elle a emprunté grâce au Polynectar. D'autres s'arrêtent pour gratouiller Dae-won sous le cou, ce que Cho regarde toujours faire d'un air interdit et légèrement mortifié. "Sorry, he's not really well-behaved," s'explique-t-elle avec un sourire à chaque fois, quand il se met à grogner. "He's a bit of a dunce."

Dae-won est bien loin d'être un idiot, Cho le sait. Elle le sait beaucoup trop, et voilà pourquoi elle s'applique à se mordiller l'ongle alors qu'ils arrivent vers la fin de leurs parcours, vers la Brighton Marina, après avoir laissé la ville derrière eux. La route principale est déserte. Elle s'arrête dans un vieil arrêt de bus abandonné qui n'a pas encore été détruit par les archimages urbains. "I think it's safe," murmure-t-elle à Dae-won en sortant de son petit sac son carnet et son crayon, et en se mettent à écrire furieusement toutes les notes mentales qu'elle a prises depuis quelques heures. Du coin de l'oeil, elle voit Dae-won se retransformer. Son coeur bat la chamade. Elle lui passe le carnet et le crayon, et consulte sa montre. Ils sont en avance - leur portoloin ne s'activera pas d'ici quelques minutes. Pour être sûre, elle sort toutefois sa baguette, et commence à lancer quelques sorts de détection pour s'assurer de leur sécurité, et du degré de protection des alentours.

"Anything interesting? I think I saw some runes over at the marina, did you get a good look at them?" Depuis leur dernière mission ensemble, Cho ne croise plus le regard de Dae-won. Elle n'y arrive pas.
Elle aurait dû le tuer. Elle sait qu'elle aurait dû le tuer - mais elle ne l'a pas fait, et maintenant elle n'arrive plus à croiser son regard. Cho veut bien être une mère indigne pour Charles, une femme injuste pour Rain, une copine médiocre pour Michael. Mais elle ne veut pas être une meurtrière.
À la place de ses yeux, Cho garde les yeux sur l'épaule de Dae-won, sa lèvre inférieure mordue entre ses dents blanches. "This place makes me nervous," se sent-elle obligée de dire, plus pour expliquer son évident malaise qu'autre chose. Elle aurait dû le tuer. Pourquoi est-elle contente de ne pas l'avoir fait?