GaBi - The new normal

The New Normal

Gabriel et Dan-Bi

FLASHBACK NOVEMBRE 2006

Il court, s’enfarge, se coupe, tombe, s’érafle, se cogne, mais chaque fois, il se relève et continue son chemin sans hésitation. Gabriel ne prend même pas la peine de regarder par-dessus son épaule pour vérifier si le mangemort qui l’a pris en grippe ce jour-là, le poursuit encore. De son regard un peu flou, le prisonnier cherche une cachette pour se donner la chance de reprendre son souffle. Elle se matérialise en un bosquet plutôt fournit en feuilles et de plus ou moins de bonne grandeur. Pas la meilleure, mais ça lui permet de s’arrêter un peu et de cracher ses poumons. Il ne sait pas combien de temps il a couru, mais plusieurs minutes sans avoir le courage de s’arrêter. Il s’est tordu une cheville, son genou n’a toujours pas guéri de la dernière chasse. Son épaule le démange et pour couronner le tout, son chasseur s’est trouvé un fouet et a réussi à l’atteindre de nombreuses fois. Gabriel ne peut que constater les dégâts lorsqu’il soulève sa chemise. Sa peau se défait en lambeau et le sang coule à flot. Il perd légèrement l’équilibre et tombe à genoux. Il ferme les yeux, fait taire sa douleur, ravale sa souffrance. Lorsqu’il entend le sol crisser sous des bottes près de lui de son oreille encore valide. Fini la pause. Terminer l’accalmie. Il ne sait pas s’il a encore la force de continuer ou s’il va juste s’étendre au sol et attendre la fin. Sa fin et celles des Battues. Habituellement, il trouve le courage de continuer, mais là, il lui semble que la fatigue a envie de prendre le dessus sous tout le reste. Et ça ne fait que quelques mois qu’il est là. Il n’imagine pas ceux qui sont sur l’île depuis des années. "Tiens, tiens te v’là. Tu vas même pas m’offrir un peu de résistance. J’suis presque déçu." Le coup fend l’air et atteint l’arrière de sa cuisse. Gabriel n’a même pas réagit. C’est à peine s’il a ouvert les yeux à l’approche de son assaillant. Il expire fort et tourne la tête vers l’autre. "Tu pourras dire aux autres que je t’ai combattu si tu veux. " Il crache au sol et le mangemort lui assène un coup de coude sur la tempe. Au même moment, la sirène qui annonce la fin de la traque du mois résonne sur tout le parcours. "On s’revoit le mois prochain, vermine. " "J’ai déjà hâte." qu’il répond du tac au tac. L’autre laisser son regard tarder sur le corps meurtri de sa victime et tourne les talons.

Gabriel reste étendu au sol plusieurs minutes. Sa tête bourdonne et il a l’impression d’avoir un millier de fourmis qui lui dévorent le corps. La terre sous lui s’est imbibée de son sang et il manque de force pour se relever. Il le faut pourtant, il a besoin de bandages et des soins rudimentaires. Dans un grognement, il réussi à se relever et à se trainer au campement. Malgré son état, la première chose qu’il fait, comme à chaque fois, c’est de chercher Herbert. Il le trouve rapidement avec les autres, il n’a pas l’air trop amoché. Il ne va pas vers lui, il ne veut pas l’inquiété. Il n’a pas besoin de ses lamentations dramatiques. Il s’engouffre dans une tente, un peu au hasard. Il s’assoit sur un lit, qui est en fait une vieille table instable avec un pseudo-matelas pourri posé dessus et enlève son gilet. Il s’empare des lanières qu’il doute être stériles et nettoies ses plaies. Ouais, on l’a pas raté cette fois-ci.

smoke and mirrors

Ses vêtements sont trempés (elle aussi). Ils dégoulinent en flaques dans la tente où elle s'est réfugiée (elle en a les pieds dans l'eau et grelotte). Il faut qu'elle se change mais elle en a pas la force, son corps tout entier est occupé à trembler pour se réchauffer (mais les spasmes de froid qui l'agitent commencent à lui faire plus mal qu'autre chose. Même si ils ne sont pas censés les tuer, à chaque fois Dan-bi pense que c'est la fin. Qui l'en blâmerait ? Elle a la peau, les os, les vêtements en lambeau et l'envie de vivre au négatif (mais il y a sa famille qui l'attend). A chaque fois Dan-bi s'étonne d'avoir réussi à survivre, d'avoir couru aussi vite, d'avoir su échapper à Carrow et ses maléfices (elle hante ses rêves en plus de ces jours de chasse), de retrouver son chemin jusqu'au campement plutôt que de filer jusqu'à la mer pour y plonger définitivement. Elle a essayé une fois, des gardiens sont venus la repêcher et lui faire passer l'envie de recommencer. Les baignades près de la côte passe (et encore, pas pendant les Battues), mais les trois cents mètres délimités par des bouées invisibles sont la limite à ne pas franchir.

Elle a les poumons en feu d'avoir trop couru, d'avoir trop retenu son souffle aussi. Sur l'île, il y a un lac. Enfin, un petit lac, plus une mare même mais l'eau y est étonnement profonde. Alors Dan-bi, la mort aux trousses, s'y est terrée, tout au fond, accrochée à un rocher à compter les secondes. Elle a béni son ascendance selkie et son passé d'haenyeo, sans ça elle serait remontée à la surface comme un bouchon. Mais l'eau est froide à cette époque, surtout quand elle est douce (Dan-bi préfère le salé de l'océan) et l'hybride a bien cru finir par crever de froid. Elle en sort au son de la sirène et croise le regard furieux d'un chasseur embusqué. Ca lui crache à la gueule, l'insulte de tous les noms mais Dan-bi n'entend que le son de ses dents qui claquent et se traine jusqu'au campement (on peut presque la suivre à la trace avec ses chaussures imbibées d'eau et de vase).

Elle reste un moment à fixer la toile de la tente, elle s'efforce de respirer calmement et d'arrêter de trembler. Dans un effort qui lui semble surhumain, elle quitte ses vêtements trempés et l'air froid sur sa peau achève de la glacer. Dan-bi attrape une couverture. Elle est humide (tout est humide) mais déjà moins que les frusques au sol alors la sorcière s'y enroule. C'est là qu'elle remarque le sang. Engourdie par le froid, elle n'a rien senti et pourtant une longue balafre serpente sur son bras. Grimace, juron rageur et la voilà dehors de nouveau. Elle a fière allure avec sa couverture en guise de tenue et ses pieds nus mais les gens qui l'entourent sont au même niveau ou presque. On lui fait des signes de la main, elle sourit en grand à la petite Lottie qu'elle voit non loin, file dans une autre tente où elle sait qu'il y a des bandages. L'eau de mer désinfectera la plaie mais encore faut-il en arrêter le saignement. "Oh" fait-elle en entrant, pensant qu'elle serait seule (mais on est jamais très seule quand on est parquée dans un campement. Elle sourit à Gabriel. Elle le connaît, ils sont arrivés sur l'île en même temps alors elle ne se gêne pas trop pour zieuter sa blessure et ses lèvres grimacent. "Tu as besoin d'aide ?" Dan-bi est docteur, pas médecin, mais elle sait bien qu'il est difficile de s'occuper de sa propre blessure quand elle est aussi impressionnante. Avec ses tremblements et sa coupure au bras, elle ne s'en est pas si mal sortie finalement.