tw: violence, meurtre, mort infantile, it's bad, blessures, sang

1980. La Marque du Seigneur danse dans le ciel, émeraude sur fond nuit, les yeux vides du crâne rivés sur le théâtre qu'est devenu la petite maison en bordure de York. Alecto et Amycus procèdent rarement au hasard dans leurs sombres ouvrages: ils choisissent toujours leurs victimes dans leurs vieux cahiers de doléances, ramenant à la surface de leur esprit commun une longue liste d'insultes et d'humiliations qu'on aurait pu proférer à leur égard à Hogwarts. En l'occurence, Ephalba avait été la camarade d'Alecto pendant toute sa scolarité, et avait eu le malheur d'un jour exprimer son dédain pour le sang-pur des Carrows et sa désapprobation devant leur choix de futur auprès de Lui. Son époux Edgar et leurs deux jeunes enfants avaient déménagé à York il y a quelques semaines, quittant une Londres devenue trop peuplée et aux aguets avec le Ministère non loin, et Alecto avait sauté sur l'occasion quand l'opportunité était parvenue à ses oreilles.

Et quelle meilleure manière de célébrer la prise de la Marque du petit Abram qu'avec un bain de sang?

"Was it everything you wished for?" Même si ils sont là pour fêter l'ordination d'Abram, Amycus est bien incapable de résister à l'idée de faire de la petite soirée un honneur pour sa soeur. Il se tourne vers elle, son visage illuminé par son sourire et son regard extatiques, et Alecto se sent sourire en retour. C'est irrépressible, elle s'approche de lui et pose une main sur son bras, le serre légèrement, un remerciement muet. "Yes," dit-elle après un instant de réflexion. Elle baisse les yeux vers le cadavre en trois morceaux d'Ephalba, entouré par celui de ses deux bambins. La violence horrifique et insensée du tableau semble complètement lui échapper. À vingt ans à peine, elle a déjà vu bien pire. "I wish the elves had put up more of a fight. - Shall we check on them?" Ils ont laissé à leur jeune frère la tâche de répartir leurs cadavres sur le chemin menant à la maison, de quoi annoncer la couleur à Edgar, enfoncer dans son coeur un mauvais pressentiment alors qu'il se mettra à courir pour rejoindre la maison au plus vite... à cette idée, Alecto se met à rire en enroulant son bras à celui d'Amycus. "Lead the way."

Ils progressent à travers la maison partiellement massacrée d'un pas lent, profitant de la destruction qu'ils ont laissé derrière eux. Alecto regarde les photos de famille et les preuves de vie d'un oeil distant. Un livre de recettes ouvert sur le plan de travail de la cuisine, une tasse de thé devenue froide près d'un fauteuil, les restes d'un feu dans la cheminée... Quelque chose s'agite au fond d'elle, puis se tait quand elle repense aux petits yeux perfides d'Ephalba et sa moue pleine de jugement quand elles étaient adolescentes.
Les Carrows oublient rarement toute insulte, réelle ou imaginée.

Ils rejoignent Abram dehors, où il se trouve avec les corps des trois elfes possédés par la famille. "If you need more private time with them, we'll let you be, Abram," l'accueille Amycus d'un ton léger, provoquant un autre rire d'Alecto. "We know how much you like them. - Leave him be, Amycus. You know he prefers them warm." Et ils rient de concert, méchamment, accrochés l'un à l'autre là où Abram est seul, tellement aveuglés de pouvoir et de bonheur qu'ils ne voient pas la silhouette d'Edgar apparaître et, effectivement, se mettre à courir en direction de la maison. Baguette au poing.

L'explosion touche Alecto en pleine poitrine. Elle est projetée en arrière avec une force formidable, et perd connaissance quand elle s'écrase contre le mur extérieur de la maison, faisant tomber sur elle quelques tuiles du toit.

Quand elle reprend conscience quelques secondes plus tard, le monde tourne à toute vitesse et sa bouche est remplie de sang. Le premier mot qui s'impose à elle est toujours le même. "Amy-Amycus?" Du sang lui coule sur le menton, le cou, la poitrine, et Alecto appelle à elle ses mains, en vain. Ses sens lui reviennent progressivement, l'odeur métallique du sang et terrifiante du souffre; le poids sur son ventre et l'humidité de sa cape sur sa poitrine; les bruits d'affrontement plus loin et les pas se rapprochant d'elle en courant. "Ams- help--" Elle tend la main à l'aveugle et attrape celle de son frère; s'y accroche avec la force du désespoir, et le soulagement de la familiarité.

Plus tard, elle aura honte du fait que de ce seul contact, elle n'ait pas reconnu qu'elle vient de s'accrocher au mauvais frère.

"Help," hoquète-t-elle en se laissant relever par son frère, en s'accrochant à sa main, son bras, son épaule sous peine de tomber. Sa vision est troublée par le choc est la douleur: pliée en deux, Alecto ne voit que le bout de ses pieds. Elle s'arc-boute pour tousser du sang. "Ams, my rib is bent I think, set it right."

tw: meurtre et mutilation de créature, violence, sang, blessures

Abram s’essuie le front d’une main rouge. Certains de ses épis, d’ores et déjà collés par la sueur, s’imprègnent d’hémoglobine, l’absorbent comme un sol aride. Ses petits camarades Marqués grimaceraient en le voyant faire ; non pas parce qu’il chasse, tue, et démembre des elfes de maison (c’est un classique dans les rangs, et si ça ne l’est pas, eh bien c’est dommage), mais parce qu’il ne prête pas la moindre attention au sang impur qui l’encrasse justement. Ses (trop) longues jambes d’adolescent passent par-dessus son œuvre et, tel un ouvrier consciencieusement affairé à sa tâche, il répète les mêmes gestes sur l’avant dernier cadavre qui clôt sa petite cohorte horrifique.

Et dire qu’à cet instant précis, Amabella souffre probablement l’ennuyeuse compagnie des élèves de Poudlard, le cul vissé sur un bout de banc de la Grande Salle où se rassemblent bouffons et crétins. Un os craque. Aussitôt suivi par le déchirement organique que provoquent là ses (trop) grandes menottes là ses sortilèges de coupe sur le petit corps sans vie. Quelques nouveaux membres sont dispersés sur l’herbe humide, et il jette un coup d’œil à la bicoque dans laquelle Amycus et Alecto s’enjaillent. Une pointe de colère lui traverse la gorge. Il aurait aimé être avec eux et faire ce qu’ils font (et être avec eux) ; une irritation de petit frère que les aînés laissent de côté, en somme. L’absence de sa jumelle n’est que plus vive. A la pointe de colère succède un tremblement dans ses respirations. Il tourne alors son visage (trop) anguleux vers le ciel nocturne, et calme son trop-plein de passion en regardant la Marque du Seigneur voltiger au-dessus de sa tête (de sa tête à lui, et de lui seul, aime-t-il à penser). Abram passe une autre main rouge sur les lignes noires et semblables qui mordent ses chairs, un sourire malade et dévot sur son visage d’ange.

Il n’entend pas son frère et sa sœur arriver quelques minutes plus tard. Le bruit de leurs pas couvert par celui des corps sans vie qu’il continue docilement de briser. "If you need more private time with them, we'll let you be, Abram, we know how much you like them." Le cadet, qui a relevé son nez de la composition (fort peu artistique), lève à présent les yeux au ciel. "Leave him be, Amycus. You know he prefers them warm." Des bras en bout de bras, il se redresse complètement et se fend d’un soupir agacé, presque trop plat pour être vrai (il en ajoute parfois une couche, comme s’il savait exactement quoi leur donner en pâture pour les voir s’attarder en sa compagnie) (il n’en ajoute parfois pas du tout, comme si sa patience était à bout et qu’il ne souhaitait que leur mort, de préférence lente et douloureuse). Leurs rires lui sont insupportables (Amabella lui manque comme une moitié de lui réelle et tangible). Mais leurs rires lui sont familiers (Amycus et Alecto sont devenus son quotidien). "Fu--"

L’air crépite soudain de magie et le corps de la sœur est projeté vers la maison des Wolen. Les frères se tournent de concert vers l’origine du sort. C’est Abram qui dégaine le plus vite, coupant l’herbe sous le pied d’Amycus, mais la riposte du cadet n’est pas suffisante pour désarmer Edgar qui s’en remet déjà en commençant à se relever. Une seconde attaque le cloue de suite après au sol et elle ne vient pas de la baguette d’Abram. "I can handle it!!", proteste-t-il, sitôt interrompu par la voix plus mature, plus grave, plus épaisse, plus large et colossale d’Amycus. "You cannot." Son poing tremble d’une excitation antagonique, "he’s mine!", l’amour fraternel plâtreux (couvert de cet orgueil qui le suit comme une seconde cape). Il n’y a toujours eu que très peu de place autour d’Amycus. Abram, évidemment, sait depuis longtemps que la sienne est à l’arrière, dans son ombre, mais il se demande aussi parfois si l’espace qu’il laisse à Alecto est pour elle ou pour lui-même, sorte de pitance dont sa mégalomanie se nourrirait.

Abram jette un œil dans son dos, vers la maison des Wolen.
Ce n’est pas à lui d’y aller.
Il y va pourtant.

"Ams- help--" Le cœur du jeune frère rate un battement. Il a couru et il est essoufflé, mais ce n’est pas ça qui l’a brièvement tétanisé. C’est Alecto, s’agrippant confusément à lui, qui a ouvert les vannes de la répulsion. Même s’il lui prend parfois l’envie de placer sa nuque sous sa paume comme un animal malade cherche le soulagement d’un contact, Abram a développé un rejet physique de sa sœur aînée comme il a développé une dépendance physique de sa sœur jumelle. "Help." Abram sent le filet de sang humidifier le flanc contre lequel s’accroche Alecto. Il continue de la soutenir, sans d’autre difficulté que ce que leur rapprochement réveille de pénible et de décevant. Ses longs bras l’empêchent de basculer. Sa force adolescente de céder à la gravité. "Ams, my rib is bent I think, set it right." Elle continue de le confondre et Abram continue de s’en vexer. De s’en accommoder aussi. Il a l’impression, l’espace de ces quelques minutes, de sortir de l’ombre, d’avoir sa place sous la lumière rouge du prestige. D’avoir sa place à côté d’Alecto.

Mais il ne se fait aucune illusion.

De sa baguette, qu’il a conservée tout le long, il lance un sortilège de soin sur les côtes endolories dont se plaint sa sœur. Il sait que sa voix va le trahir. Garde un moment le silence, l’étire à outrance jusqu’à ce que ça n’ait plus aucun sens d’être aussi silencieux. "Better?" Les billes noires auscultent le point de contact entre la baguette et les frusques. Une lueur méchante, fait du même suc que les rires de ses aînés, passe dans son regard oblique. Il tire un certain plaisir à voir Alecto souffrir. Un plaisir qu’il ne refoule pas, celui-là. La question n’en est pas moins honnête. Son bras tire un peu vers l’arrière pour permettre à sa sœur aînée de retrouver toute sa hauteur.

Un regard pour Amycus, cette fois, qui se bat sans faillir avec Edgar, quoi que ses façons de duelliste laissent à désirer (il rate le plus souvent sa cible, mais ses attaques sont suffisamment explosives et brutales pour faire des dégâts). Abram a un rictus. Il aurait fait un bien meilleur boulot. On le laisse encore une fois de côté. "Can you walk?", glisse-t-il sans chaleur à Alecto, l’accent venimeux.

tw: violence, misogynie

La douleur de ses côtes disparaît progressivement au rythme de la baguette de son frère qui en suit la courbure et le corps d'Alecto se détend inclinaison par inclinaison. Sa vision est toujours brouillée et ses pensées confuses, elle s'accroche à l'épaule à côté d'elle avec besoin et vulnérabilité - rien qui ne soit étranger aux jumeaux, au contraire. L'une des mains d'Alecto s'est lovée sous son sternum, contre son flanc endolori, et elle sent ses os se tordre et se remettre en place progressivement, arrêter leur pression douloureuse sur ses organes. Plus de peur que de mal. Elle va le faire payer à Edgar.

Elle commence à se redresser quand son monde s'écroule. "Better?" La nuque d'Alecto craque alors qu'elle se tourne, furibonde, vers Abram; elle n'est pas assez rapide pour chasser la surprise, la confusion et la mortification qui se succèdent à toute vitesse dans ses yeux. La lueur cruelle et pernicieuse dans le regard de son frère lui enfonce un poignard dans le coeur. Il l'aide à se redresser, elle enfonce ses ongles dans son épaule, puis se détache, comme si elle avait soudainement été brûlée.

Ils jettent en même temps un regard vers Amycus - l'un curieux, l'autre inquiète - et c'est voir son frère se battre sans un regard en retour pour elle qui liquéfie les entrailles d'Alecto dans de la lave. Colère, injustice et douleur font mauvais mélange. Elle reporte ses yeux sur Abram, et ils brillent de haine. Amycus aurait pu envoyer un elfe s'enquérir de son état que ça aurait été la même chose. "Can you walk? - Don't talk to me like that." C'est toujours Amycus qui s'énerve en premier - fort. Personne ne peut passer à côté d'Amycus qui s'énerve. Il est toujours rejoint par Alecto avec un temps de retard parce que si son frère est explosif, elle-même est faite d'un bois plus froid, qui met plus de temps à s'échauffer.
Mais il brûle tout de même.

La main d'Alecto s'abat sur la poitrine d'Abram, attrapant une poignée de ses vêtements dans une torsion cruellement proche de son cou, et son autre main lève sa baguette qui a l'air de sortir de nulle part. Elle le tient littéralement à bout de bras - littéralement, après l'avoir fait figurativement pendant des années, le traitant comme un étranger ou un imposteur, toujours en lisière de son monde et de celui des Carrow. Il y a trop d'elle en Abram tout comme il n'y a pas assez d'elle en Amabella - et si il lui est facile de provoquer sa soeur et de lui chercher des Noises (et sa compagnie, et son attention, et son affection), faire le moindre mouvement envers son petit frère lui a toujours été presque douloureux. Le souvenir de l'empreinte de son esprit (et de celui du Lord) sur le sien, est si vivace qu'il pourrait dater de la veille...

"Don't look at me like that, you little freak," siffle-t-elle, les yeux plissés. Le coeur d'Alecto bat à tout rompre dans sa poitrine, à l'idée de s'être accrochée à lui, qu'il l'ait aidée, soignée, touchée. Elle enfonce le bout de sa baguette dans sa gorge, près de sa pomme d'Adam. He's almost an adult now, se dit-elle en voyant le duvet de poils bruns sur la peau blafarde. When did he get so big? "Who do you think you are? I'll make you pay for this. You're a disgusting, stupid, little rat and I'll make you pay for this, do you hear me?" continue-t-elle, sans souffle, incapable de s'arrêter. Le bois chauffe, puis le bois brûle. "I should lash your back where you stand."

La main charnue d'Alecto se détend et s'étale en étoile sur la poitrine d'Abram, pour mieux le repousser sèchement en arrière. Sa baguette se baisse. Elle le regarde.
Amabella l'énerve. Elle est incapable de lui parler sans être mesquine ou chercher à se chamailler; elle l'énerve parce qu'elle est trop jolie, trop intelligente, trop talentueuse, trop parfaite.
Amycus la soulage. Sa simple existence est un soulagement ambiant, parce qu'il est la promesse qu'elle ne sera jamais seule, et qu'il fera toujours de la place à ses côtés pour elle. Elle l'aime, et il l'aime, et rien ne pourra jamais changer ça.
Abram l'enrage. Elle le voit encore petit et elle aimerait le prendre dans ses bras; elle le voit déjà grand et elle aimerait qu'il ne suive pas dans ses pas. Amabella et Amycus prennent trop de place tous les deux; et en contrepartie il n'y a pas assez de place dans l'ombre pour eux deux.

"Go on, then." Les yeux noirs d'Alecto sont impénétrables, mais sa main se met à trembler autour de sa baguette qu'elle tient le long de son corps. De son côté, Amycus continue de se battre avec Edgar, sans égard pour eux. Cela ne fait qu'attiser la flamme jalouse de la colère qui a envahi les entrailles d'Alecto. "You want to act grown? Fine. Be a man and take off your shirt, then turn around. I'll call it at fifteen." Alecto sait qu'Abram ne le fera pas. C'est une provocation facile et stupide, et ce qui en résultera ne sera que plus destructeur que tout ce qu'ils ont fait souffrir aux Wolen ce soir-là.
Mais les Carrow sont incapables d'oublier une insulte réelle ou imaginée - et Alecto vit depuis des années avec la honte de sa faiblesse pour Abram, et elle compte bien s'en débarrasser ce soir.

tw: maltraitance infantile (mention), violence

"Don't talk to me like that." Abram a un geste de recul en voyant qu’Alecto se redresse et l’empoigne. Une grimace, écœurée d’abord, intolérante après, déforme son visage adolescent. Il ne réalise que trop tard s’être saisi du poignet agressif de sa sœur, et plutôt que de dégager sa main il renforce la pression de ses doigts sur la chair honnie. Cette même chair qui l’a un jour recueilli pour lui faire découvrir la chaleur d’une étreinte. Il aurait pu l’adorer pour ça ; même si ce soir là, en compagnie du Seigneur, leur sort a été incertain, le sentiment d’affection dont le petit Abram s’est ensuite senti hériter à l’endroit de son aînée aurait pu le conduire à l’adoration. Mais Alecto l’a rejeté, elle l’a refoulé au pied de la désertion sentimentale où tous les Carrow commencent leur vie, et pour affronter la peine de ce mouvement Abram a préféré la détester, mépriser l’idée même de vouloir la frôler. Alecto lui a rendu la tâche facile. Alecto, pense Abram, ne l’aime pas. Ne l’a jamais aimé et ne l’aimera jamais. Il s’est habitué à ce constat, comme un deuil lourd et terrible finit par passer. La chaleur, il est allée le trouver chez Amabella. D’une manière maladive et désemparée.

"Don't look at me like that, you little freak. - What did you just s--?!" La voix qui n’a pas encore totalement muée se rompt sous la contrainte. La magie d’Alecto crépite contre sa gorge, aggravant la grimace d’Abram. Tous ses traits faciaux se tordent. Ses cervicales sont douloureuses à force de rester dans cette position, si bien qu’il commence à redresser sa tête, enfonçant davantage le bois de la baguette dans sa trachée. Une lueur de défi dans le regard. "Who do you think you are? I'll make you pay for this. You're a disgusting, stupid, little rat and I'll make you pay for this, do you hear me?" Il ne dit rien. Il serre son bras et se tait. Abram sait déglutir l’humiliation. Son père et son frère la lui donnent constamment en becquée, par petites doses ou grosses portions. Celle de sa sœur n’a rien d’inouï, rien d’étonnant non plus. Il s’en nourrit, là encore d’une manière maladive et désemparée, il s’en nourrit parce que c’est tout ce qu’ils lui donnent et c’est tout ce qu’il aura (et il est resté ce chien errant qui boufferait n’importe quoi, n’importe comment). Il sent le point de contact brûler sa peau. Ne réagit guère plus. Il a développé une bonne résistance à ça et à bien d’autres sévices. "I should lash your back where you stand."

La main d’Alecto le relâche et il est obligé de la relâcher aussi.
C’est un regret qu’il se refuse et oublie aussitôt.

Abram a la gueule d’un fou-furieux, maintenant. Ses mèches raides en vrac couronnent son regard noir qui observe par en-dessous. Il la déteste et elle le déteste et sa paume a mal de l’avoir tenue, plus mal encore que sa gorge où traîne encore la marque du tison de sa baguette. "Go on, then. - Shut up." Le trémolo de sa voix qui n’a pas encore totalement muée donne l’impression qu’un sanglot l’étrangle. Alecto n’est pas leur père, elle n’en a ni l’envergure ni la masse d’horreurs, mais Alecto l’imite bien, si bien qu’Abram la hait doublement. "You want to act grown? Fine. Be a man and take off your shirt, then turn around. I'll call it at fifteen. - SHUT UP!!" Abram a tendu sa baguette en même temps qu’il a eu l’air de gerber ses tripes. Des postillons ont couvert l’herbe humide sur laquelle ils se tiennent et sa magie a claqué comme un fouet sans atteindre Alecto. Le mur derrière elle perd quelques écailles de pierre qui tombent par blocs tout autour de sa sœur. Il ne l’a pas évitée. Il l'a ratée. Il est furieux et hors de lui et son dos lui démange comme au lendemain d’une punition. Alecto a ce pouvoir sur lui, inhérent aux choses qui vous ont blessées à vie, de raviver en lui tout ce qu’il a de cicatrices (mêmes effacées).

"YOU DON’T TALK TO ME LIKE THAT." Il s’époumone et devient rouge, rouge comme quand Amycus et Alecto s’amusaient à l’énerver quand ils étaient petits, des jeux d’enfants tout au plus pernicieux, qu’on neutralisait à renfort de semonces et de quelques autres corrections. Mais ils ne sont plus petits (quand bien même ses aînés le prennent encore pour un gamin), et on a donné au petit colérique de la famille une baguette dont il sait faire bon usage (quand bien même ses aînés l’oublient régulièrement). Le premier et vrai sort d’attaque est envoyé sans attendre sur Alecto. L’exécution manque de pratique et de maîtrise de soi mais il n’en reste pas moins nocif.

Il l’a appris d’elle.
A force de la voir s’entraîner avec leurs précepteurs et maîtres duellistes.
Il l’a appris d’elle et il ne le lui a jamais dit.

tw: mention de meurtre, violence, mention de maltraitance infantile

"SHUT UP!! " La baguette d'Abram fend l'air comme un fouet et Alecto lève aussitôt la sienne en poussant un grognement de rage. Le sort, non, l'impulsion magique pure, est déviée instinctivement, ou alors elle n'était pas sensée la toucher tout à fait - Alecto ne sait pas laquelle de ces deux perspectives est la plus enrageante. Pense-t-il qu'elle a besoin de sa pitié, ou même qu'elle en ait envie? "Pathetic, " siffle-t-elle, sa bouche étirée dans une expression cruelle et moqueuse qui n'est pas sans rappeler l'expression naturelle sur le visage de leur mère. "Is that all that you're cap-- YOU DON’T TALK TO ME LIKE THAT. - DON'T YOU DARE RAISE YOUR VOICE AT ME! " Alecto monte au créneau elle aussi, devenant blême face à la rougeur qui envahit les joues d'Abram, sa baguette tremblante de rage entre ses doigts. Il est plus rapide et l'attaque; elle est trop lente et se prend le sort dans un cri, mi-souffrant mi-estomaqué.

Amycus et elle ont reçu une éducation magique intéressante, au-delà des murs d'Hogwarts, depuis très jeunes: baignant dans les ouvrages maudits de leur mère, suivant comme leurs ombres leur père et ses ami.es, témoignant de choses ignobles et horribles qu'aucun enfant ne mériterait de voir. Ils ont tous les deux développé un certain goût pour les sorts offensifs, mais surtout pour les sorts qui font mal sans pour autant tuer. Il y a quelque chose de délectable à faire souffrir, et à attendre, et à avoir une impression de pouvoir pour une fois.

(Et puis, quand ils étaient plus jeunes, ils étaient réticents à tuer. Armand l'a très vite compris, à les voir jouer avec leurs victimes, et a fini par éliminer leurs hésitations et a-prioris. Ses menaces résonnent encore aux oreilles d'Alecto et se sont teintées d'angoisse, monologue constant du fond de son crâne: It's them or you. Everyone who isn't us is an enemy. Everyone who isn't like us is an enemy. Would you prefer I lash Amycus?)

Ce sort-là, c'est Lestrange Sr qui le leur a appris: un piège à ours spectral dont les mâchoires se referment autour d'un membre ou du torse de la cible, avant de l'attirer inéluctablement vers la baguette dont il est originaire. Alecto hurle quand le sortilège se referme sur son bras et qu'elle voit apparaître du sang frais sur ses vêtements, avant d'être sèchement attirée en direction de son frère. "You-- " Elle essaye de planter ses talons dans l'herbe. "Absolute-- " Alecto pousse un hurlement de rage en agitant sa baguette aveuglément dans la direction d'Abram, essayant de rompre le lien magique les unissant. "CUNT! "

Depuis qu'elle s'est fait gifler à cinq reprises par sa mère, lorsqu'elle avait huit ans, pour avoir osé marmonner le mot "shit" sotto voce à table (Amycus, lui, n'avait jamais été rabroué; ni avant, ni après), Alecto avait complètement éradiqué la moindre insulte ou mot grossier de son vocabulaire. Là, en hurler l'un d'eux, est revigorant; et à la fois terrifiant. Elle a l'impression de sentir sa joue commencer à la brûler, et la voix de sa mère se mettre à gronder: what was that...

Après un énième sortilège, Alecto sent les crocs du sort se défaire de son bras et elle tourne aussitôt sa baguette vers Abram, avec lequel elle est désormais nez-à-nez.
Au final, elle est tellement honteuse de s'être faite avoir, et tellement désireuse d'oublier tout ce qui les a un jour unis un jour, qu'elle lève sa main pour mieux simplement abattre un poing fermé dans la mâchoire de son frère. La violence physique - et non magique - est un choc pour eux deux, et Alecto profite de leur surprise commune pour se jeter sur lui de toutes ses forces et de tout son poids, les faisant tomber dans un désordre de membres et de bouches écumantes l'un sur l'autre, à même le sol, dans la boue.

"I'm going to kill you! " s'enrage-t-elle en se débattant, essayant de prendre le dessus passé le moment de la surprise. "I'm going to- cut you to- STOP THAT- I'm going to cut you to pieces- and feed them to- STOP THAT, ABRAM! " Alecto a construit des rituels intriqués pour ne jamais avoir à toucher Abram, ou à se rappeler de son existence; désormais confronté à sa chaleur, son poids, ses muscles, ses os, sa force, elle ne sait pas quoi faire, couine et grogne et lui envoie des coups, cherchant à l'aveugle un moyen de la séparer d'elle pour toujours. "YOU FUCKING WORM! I-- FUCKING-- HATE-- YOU! "

tw: blessures, sang, violence, mutilation de cadavre

Aussi fort que résistent les talons d’Alecto sur l’herbe humide aussi fort insiste-t-il pour garder le bras levé et la main armée ; cela malgré les taillades précises que les mouvements pourtant désordonnés de la baguette d’Alecto lui adressent, cela malgré l’énergie que lui coûte un sortilège de cet acabit qu’il n’a ni bien appris ni bien travaillé.

Abram utilise sa rage seule comme palliatif à son inexpérience, ce feu incoercible qui le ronge depuis ses tous premiers cris. Il la sent qui gonfle ses veines et pétrifie ses muscles, il la sent qui déborde, et puisqu’elle n’a jamais pu sortir de lui autrement que par la violence du verbe, du geste, et de la magie, il la dégueule en beuglant derrière ses dents serrées, le poing contracturé à l’extrême autour de sa baguette qui crépite presque trop salement pour le bois noble et ouvragé dont elle est faite. Abram, dans ces moments-là, voit rouge. Littéralement, maintenant que les coupures infligées par les sortilèges défensifs de sa sœur font couler des larmes rubicondes sur son visage grimaçant et ses yeux écarquillés. Il ne les sent pas. Comme il ne sent pas non plus la douleur auxiliaire. C’est à peine s’il se sent respirer, vivre ; il ne voit qu’Alecto, le corps tordu et tiré vers lui, il ne voit qu’Alecto et l’espace d’un battement de cœur il a envie que le piège refermé sur son bras le lui arrache décisivement. Et l’autre aussi. Et ses yeux aussi ; ses yeux si méchants qui ne l’ont jamais regardé qu’avec mépris. Et sa bouche aussi ; sa bouche si pleine de verre pilé qui ne lui a jamais adressé que des mots coupants. Abram ne s’en est jamais vraiment rendu compte, mais ce n’est pas son père qui l’a le plus blessé, ni même son frère.

C’est Alecto.
Qu’y a-t-il après tout de pire que l’indifférence ?
Que de voir son existence être reniée ?

Le bras termine son geste avec ampleur au moment où le phénomène d’aimantation n’a plus lieu d’être. Essoufflé tant par l’effort que la colère, le cadet marque un temps en oscillant sur place. Il ne voit pas la droite d’Alecto arriver et quand elle arrive son corps se plie sous l’impulsion donnée et recule d’un pas. Abram est bouchée bée. L’impact a laissé sur sa mâchoire anguleuse une chaleur douloureuse et des débris de frissons. Il n’a pas le temps de comprendre davantage ce qui se passe que sa sœur se jette sur lui, trouvant les bras agressifs du frère qui pourtant s’ouvrent sous sa chute.

"I'm going to kill you! - Shut--!!" L’amalgame de membres et de fureurs qu’ils deviennent perd en gravité. Sous couvert d’insultes qu’ils feulent à tour de rôle et même par-dessus celles de l’autre, "I'm going to- cut you to- STOP THAT- SHUT UP! - I'm going to cut you to pieces- - I’m going to rip your- and feed them to- tongue out and- - STOP THAT, ABRAM!", les adelphes s’entortillent, ils se battent et se débattent, et ça n’arrête plus ; Abram, la gueule maintenant abîmée d’un œil au beurre noir, grogne à l’oreille de sa sœur tandis qu’il entortille ses longs bras et ses longues jambes autour d’elle comme le piège à ours s’est refermé sur elle un peu plus tôt. "YOU FUCKING WORM! - SHUT YOUR FUCKING MOUTH - I-- FUCKING-- HATE-- YOU! - I-- HATE YOU!"

"Hey! look what I--" A plusieurs mètres de là, Amycus a tourné les épaules en direction de ses frangins, la tête d’Edgar, arrachée de son corps, pendouillant en bout de bras. Il la rabaisse mollement, réalisant et la dispute dans laquelle Alecto et Abram se sont lancés, et l’imbroglio que c’est devenu. "The hell…" Amycus roule des yeux, froissé qu’aucun regard n’ait témoigné de son carnage, pas même celui de sa jumelle (de qui il espérait deux grandes billes admiratives et un sourire adoratif). Il abandonne son trophée sur l’herbe humide et avance vers eux, tiraillé entre l’amusement mesquin de les voir se battre comme des porcs dans leur crasse, et l’énervement sourd d’échapper à l’attention d’Alecto (de toute évidence accaparée par Abram). Ses godasses pleines de boue et de sang s’arrêtent à moins d’un mètre d’eux et Amycus lève sa baguette pour tenter de viser Abram, qui ne cesse de passer sous et sur Alecto dans des mouvements si saccadés qu’ils réduisent la fenêtre de tir à une lucarne étroite qu’il met du temps à trouver. "Ugh, by the Lord, stop it! Both of you!!"

Couvert de bleus, Abram s’impose malgré tout.
Il serre tellement Alecto contre lui qu’il l’en étouffe.
Le petit frère a fait sa mue ; en quelque chose de froid et de solide, qui prend et ne donne rien. Ou presque rien… ses ecchymoses ouvertes abreuvent la chair opaline de sa sœur d’un sang quasi sacrificiel, d’un sang qui reconnaît son autre, courant dans les veines bleues et visibles sur les bras d’Alecto. Elle pourra le renier autant qu’elle le voudra, l’ignorer, l’isoler, l’oublier, ils sont faits du même suc, et plus Abram la serre contre lui, l’étouffe contre lui, plus il comprend combien ils se ressemblent. Son nez collé à la tempe d’Alecto renifle son parfum et pendant un instant infinitésimal Abram est un petit garçon de sept ans qui reconnaît l’odeur de sa grande sœur.  

"Let go of her, you freak." Le sortilège d’Amycus le frappe de plein fouet, presque sans toucher Alecto. Abram se retrouve propulsé à plusieurs mètres de là, le dos râpant la terre et l’herbe humide comme si une force brutale (jalouse) l’avait traîné en arrière par le col de sa tunique. Amycus aide leur sœur à se relever avec une pointe de mépris dans le geste et une possessivité massive dans les étaux de sa main et bras. Abram se redresse avec difficulté sur ses coudes. Il serre les dents en sentant la douleur revenir sur son râble où les épaisseurs de ses vêtements se sont déchirées. Quand il rouvre les yeux sa colère est revenue. Il tâte autour de lui l’herbe humide à la recherche de sa baguette, prêt à fondre sur son grand frère comme une furie (comme un imbécile)--

Cinq craquements sonores retentissent soudain, précédant l’apparition de trois Aurors devant lui et deux autres un peu plus loin, de chaque côté de la propriété des Wolen. Abram s’est immobilisé dans son geste, la rage figée sur le visage. "DON’T MOVE, CARROWS!" Les trois Aurors sont interrompus dans leur progression et ébauche de sortilèges par une attaque venant de derrière. Abram s’est levé, haletant, les bras tremblants d’adrénaline, de peur, et de colère (différente, réorientée par un sentiment cette fois clanique). Il profite de la surprise générée par son premier sortilège pour en lancer un second. Des jets de lumière aveuglants et puissants se mettent à éclater dans tous les sens dans une cacophonie infernale.

tw: sang, violence, blessures, meurtre

Leur sang si pur se mélange à la boue alors que les arêtes de nez se cassent, les coudes s'éraflent, les bras se tordent et les poings s'envolent. Cette violence inimaginable pour Alecto est salvatrice quelque part, comme un feu brûlant qu'on lui a toujours interdit. Les crises des filles Carrow se sont toujours passées en silence, ont été cachées par leur mère des yeux de leur père; elles ont toujours été soumises à la discrétion que leur imposait leur rang. Enfin pouvoir exploser, se débattre contre ça, contre Abram, est libérateur.
Mais ça lui fait peur, aussi. Ce n'est pas qu'elle soit en train de se battre avec Abram qui lui fasse peur. C'est qu'elle ne sait pas si elle a envie d'arrêter, ou si elle en est seulement capable.

Son frère a grandi trop vite: Alecto a l'impression d'avoir cligné des yeux et le voilà homme désormais. Abram a grandi trop vite, et trop trop; en moins de temps qu'elle estimerait correct, il s'est enroulé autour d'elle comme un serpent, pressant la peau fine du creux de son coude autour du cou de sa soeur. Elle enfonce ses coudes dans ses côtes, en vain; elle griffe le dos de sa main de ses ongles, en vain; elle cherche son nez de l'arrière de son crâne, en vain. Elle étouffe et ses yeux se révulsent, quand bien même le reste de son corps continue à se battre, motivé par le puissant sentiment d'impuissance qu'elle ressent alors. Elle sent la respiration d'Abram contre sa tempe et sa joue, et sa poitrine se soulever dans sa poitrine dans son dos. Il y a quelque chose de presque rassurant à ça. Si elle doit mourir, autant que ce soit de sa main.

Parce qu'il ne fait aucun doute que si ils doivent se battre, ils seront incapables de ne pas s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard; fort heureusement, Amycus intervient avant ça.

Elle ne l'a même pas entendu s'approcher ou parler. Alecto a honte en retombant à quatre pattes sur le sol, à tousser et cracher du sang, tremblante alors que son frère l'aide à se relever. Elle a honte, et elle est en colère, et elle tremble en se laissant rapidement ausculter par Amycus qui esquive son regard et ne dit pas un mot.
Alecto a du mal à reprendre sa respiration. Son corps tout entier lui fait mal, et elle ignore où se trouve sa baguette. Elle jette un regard par-dessus son épaule à Abram, et le monde devient rouge; c'est seulement la main d'Amycus sur son épaule qui l'empêche de se jeter sur leur jeune frère.

"Good?" Alecto s'arrache à la contemplation d'Abram pour regarder Amycus, qui cette fois plante son regard dans le sien. "Good." Il lui offre un sourire qui n'atteint pas ses yeux (le coeur d'Alecto se brise) et effleure son menton légèrement pour lui faire relever le menton. La peau d'Alecto frémit là où il l'a effleurée. "I'm--" Amycus est interrompu par cinq crépitements sonores et reconnaissables entre tous.

"DON’T MOVE, CARROWS!" Bien plus rapide que ses deux adelphes, Amycus se tourne aussitôt vers eux dans un mouvement de cape en jurant, levant sa baguette et tendant un bras derrière lui pour protéger Alecto. Mais il n'est pas assez rapide; c'est le feu d'artifices brûlant invoqué par Abram qui donne à Alecto le temps de se jeter sur sa baguette abandonnée sur le sol.

Ils ne pensaient pas qu'ils allaient se faire surprendre; autrement, ils auraient mis leurs masques. Elle le leur rappellera plus tard.
C'est ce genre de pensées intrusives qui s'imposent à Alecto alors qu'elle se bat aux côtés d'Amycus. Il ne fait aucun doute pour elle qui s'en sortiront. En attendant, il faut qu'ils s'enfuient avant que les Aurors n'appellent des renforts; déjà, les deux autres qui ont transplanés près de la maison sont en train de se rapprocher en réalisant qu'il n'y a pas de survivant. Alecto a mal partout et elle voit flou. Ses sorts manquent de précision et de puissance, et elle sent l'inconscience la menacer à chaque fois qu'elle fait un geste trop brusque. "ALLY - GO!" lui ordonne Amycus à plusieurs reprises, et elle ne répond pas, trop concentrée sur le duel, jusqu'à ce qu'il se mette à lui hurler dessus. "NO, I'M NOT LEAVING YOU!" Both of you - Abram est tout seul derrière le rempart des trois Aurors, et va bientôt être pris en tenaille par les deux autres qui se rapprochent.

"Distract them - LEVIOSA!" Alecto envoie voler la tête d'Edgar Wolen en direction des Aurors qui crient de surprise et d'effroi en la voyant de près, pris au dépourvu; Amycus comprend immédiatement ce qu'elle veut dire: "REDUCTO!" et le crâne explose dans un nuage noir qui se teinte du sang, de la cervelle et des os de Wolen. Les cris de surprise deviennent cris d'effroi deviennent gargouillements humides: profitant de leur choc, les jumeaux se lancent en avant et achèvent deux des Aurors, alors qu'Abram se charge du dernier.
"Ams - cover me." Alecto ne finit pas sa charge. "The church!" Elle continue de courir dans la direction d'Abram en dépassant les cadavres des autres mages, les bras tendus vers son petit frère. Elle aimerait se jeter pour continuer de là où ils en étaient, mais elle ne pense qu'aux deux autres Aurors qui commencent à lancer des sortilèges, et à la sensation du bras de son frère enroulé autour de sa gorge. Quand elle lui rentre dedans, ses bras sont ouverts comme dans une étreinte maladroite, et elle transplane une fois qu'ils sont l'un contre l'autre en refermant ses bras autour de lui.

Ils finissent là encore au sol, pêle-mêle, sur un lit d'aiguilles de pin. Cette fois, Alecto se détache d'Abram presqu'aussitôt, et roule sur le côté en grognant de douleur: ils sont dans les boyaux d'une église moldue abandonnée en pleine forêt, non loin de Carrow Manor. Son corps la brûle de partout, surtout au niveau de sa poitrine où elle a percuté Abram de plein fouet. Alecto regarde le ciel; il est sans étoiles.
Quelques instants plus tard, Amycus apparaît dans un crépitement et se laisse tomber contre l'un des restes d'un mur en pierre. Alecto se redresse lentement en grimaçant, ses côtes douloureuses et le reste de son corps protestant faiblement contre ce mouvement. Elle ignore sciemment Abram et sent sa poitrine être envahie d'un feu brûlant quand elle attrape le sourire sur le visage d'Amycus. "Did you see his face?" Alecto se sent sourire aussi. "You mean Wolen?" Quand Amycus hoche la tête, elle aussi. "Yes." Un silence. "He seemed... surprised." Amycus rit, et elle rit, et elle a mal, et Alecto se laisse retomber sur le sol en gémissant, les yeux fermés.

Alecto finit par tourner la tête vers son jeune frère. Il a le visage couvert de boue et de sang. Elle aimerait avoir la force de lever la main, de repousser la mèche de cheveux bruns épineux qui repose sur son front, mais elle ne l'a pas, et ne le fait pas. Elle garde, comme toujours, une distance calculée et froide.
Amycus, même si il désire ausculter de nouveau sa soeur, garde ses distances, et les laisse décider de la suite. "Abram - I really - really - hate - you," ahanne-t-elle à travers la douleur. "If you touch me like that again, I'll kill you." Les yeux d'Alecto ont une allure de défi quand elle s'adresse à lui, alors même qu'ils sont allumés de haine et de respect. Son corps est entièrement tendu en s'attendant à ce que son petit frère se jette sur elle. Elle ne lui en voudrait pas si c'était le cas, au contraire. "Impressive trapping spell however. Needs some practice." Alecto grogne en sentant du sang se rassembler dans sa bouche et se redresse pour le cracher sur le sol entre eux deux. Elle garde toujours cette ligne entre eux, infranchissable à mesure que les années s'accumulent. "Fucking cunt."

tw: violence, mutilation de cadavre, mort

Abram est saisi d’une terreur indicible qui l’abreuve de spasmes, ici et là couverts de frissons pleins d’adrénaline. C’est la première fois qu’il se bat en mêlée, la première fois aussi qu’il affronte des Aurors, et derrière chacun de ses mouvements et moulinets de baguette se cache son visage atterré, qui grimace parce qu’il est fébrile, qui sourit parce qu’il est excité. Ses mèches folles baignées de sang tombent comme un lourd rideau devant son regard. Il se concentre instinctivement sur un seul assaillant, comme son maître de duel le lui a si bien appris et comme leur mère le lui a si souvent bourdonné dans la tête, et si ça n’avait pas été pour les attaques que ses adelphes se mettent à lancer de leur côté sûrement que les deux autres Aurors en auraient profité pour harceler ses flancs (Amabella, si elle avait été là, l’aurait mis en garde bien avant de le voir faire, comme préméditant sa tactique avant même qu’il ne l’exécute).

Il sent la fatigue se tasser dans son poignet. Le sortilège lancé plus tôt sur Alecto a drainé une bonne partie de son énergie et son adversaire est un sorcier on ne peut plus rodé à l’exercice. Passé l’avantage de la surprise l’équilibre des forces se renverse en faveur de l’Auror et l’adolescent encaisse bientôt plus d’attaques qu’il n’en inflige. Son œil noir et gonflé réduit ses capacités visuelles. Il voit mal, et trouble, et quand une pluie de cervelle agrémentée de tissus organiques sanguinolents et autres ossements se met à pleuvoir il a l’impression que sa vision se réduit encore plus. Au moins, le leurre lui permet de souffler. Son adversaire, comme ses collègues, n’ont plus d’yeux que pour l’horreur du geste (Abram a un sourire mauvais, presque fier). Le jeune Mangemort, courbé et époumoné, se redresse cependant en entendant ses aînés précipiter le dénouement du combat. La crainte de faillir alors qu’eux-mêmes réussissent à achever leurs adversaires le pousse à se surpasser. Abram met tout ce qui lui reste d’énergie magique et mentale pour exécuter ses derniers sortilèges offensifs, et lorsqu’enfin celui Impardonnable et fatal franchit ses lèvres, puis sa baguette, l’Auror s’écroule sur l’herbe humide de la propriété des Wolen. Abram reste deux secondes hébété, tant par l’épuisement que par la magie noire qu’il sent pulser dans ses tempes ; à la troisième seconde, une force inattendue manque le renverser.

Mais l’accable plutôt.
D’une étreinte qui manque faire flancher ses genoux.

Et ils se dérobent bien sous lui en fin de transplanage, quand sa sœur le relâche et qu’ils tombent à la renverse par terre. Abram rouvre les yeux après les avoir serrés très fort (après avoir pensé très fort au lieu d’atterrissage, révélé par Alecto à l’intention d’Amycus), et le voilà qui se tâte les bras avec une certaine gaucherie trahissant l’inexpérience des transplanages d’urgence (et accompagnés). Sentant qu’il n’a pas été désartibulé, Abram souffle et, ce faisant, se met à sentir toutes les autres blessures internes et externes dont son corps est perclus. Il s’empêche de geindre uniquement parce qu’Alecto est là aussi, allongée à côté. Il s’empêche aussi de la regarder, par orgueil encore, se persuade-t-il, quand un chagrin bizarrement apaisant roule également dans ses yeux et cela sans faire de vagues. Le calme et le silence soudains plongent Abram dans une conscience extrême du lieu et du moment et pendant un court battement de cœur il a l’impression de voir la nuit sans étoiles à travers les yeux de sa sœur.

Ils ne disent pas un mot.
Ce qui n’est que plus reposant encore.

L’arrivée d’Amycus rompt le calme et l’inertie des adelphes. Abram se redresse et se traîne en position assise jusqu’à la prolongation du mur en ruine contre lequel son grand frère prend appui. Il y repose son dos et, couvrant certains points de douleur des mains, il approche sa baguette tombée sur le sol à l’aide de sa botte. Le bois râcle et roule avant d’arriver à lui (Abram a un rapport étrange avec elle, il ne s’en sépare pas et n’aime pas qu’on la tienne loin de lui mais il la maltraite et l’abîme, croit-on par négligence, en vérité par perversion, parce qu’elle est trop belle et trop noble pour lui). "Did you see his face? - You mean Wolen? - Yes. - He seemed... surprised." Ses aînés rient. Abram se tait. Amabella lui manque. Il s’occupe comme s’il n’était pas là, habitué à être ignoré ; il s’est saisi de sa baguette et tente de se soigner en utilisant le seul sortilège de soin qu’il connaît, celui-là même qu’Amycus lui a appris quand il était enfant. Ce moment, d’ailleurs (eux, le calme après la tempête, leurs corps bousillés et l’armistice tacite de leurs guéguerres intestines) lui rappelle le Noël de 76. Amabella lui manque.

"Abram - I really - really - hate - you." Il baisse le nez, interrompant sa tentative de soin sur son œil au beurre noir. Son visage couvert de sang est redevenu flegmatique et il n’exprime pas la moindre surprise à l’entente de ces mots. Sauf peut-être un relief d’étonnement, tout simplement parce qu’il ne s’attendait pas à ce qu’Alecto s’adresse à lui (il y a aussi l’étonnement de l’après, Abram a souvent cette tête après avoir éclaté de colère, comme s’il se réveillait à la suite d’une violente poussée de fièvre). "If you touch me like that again, I'll kill you." Toujours aucune surprise. Mais dans la nuit sans étoiles les yeux d’Abram fixent longuement ceux d’Alecto. Sa colère envers elle est restée sous forme de résidus qu’il sent bouger sous sa peau, autour de ses plaies, quoi qu’elle se soit vidée de son feu et de ses intentions destructrices. Il accueille la haine et le respect sous-jacent de sa sœur d’un air hautain, exténué. Ça ne lui fait ni chaud ni froid. Abram reprend là où elle l’a interrompu en renâclant. Il peut encore sentir le parfum d’Alecto cloquer les parois de ses narines. Abram sent des larmes monter, enfin. Il les retient en fronçant les sourcils et serrant la mâchoire.

"Impressive trapping spell however. Needs some practice." Elle crache. "Fucking cunt." Il continue de tenir son visage de ses doigts osseux, les autres enroulés autour de la baguette qui lance des crépitements magiques et ironiquement inefficaces. Abram sent le regard d’Amycus sur lui. "Great. Thanks I guess. Also fuck you, bitch." Abram sent la tension revenir. Il ne sait pas quoi foutre des compliments de sa sœur et son incapacité à produire le simple sortilège de soin que lui a appris son frère le ronge encore plus de honte après les mots d’Alecto. "Lift up your arm, nitwit." Abram grogne. Ses joues lui brûlent. Il préfère finalement quand Amycus et Alecto l’ignorent. Il lève son bras et le sortilège est un peu mieux lancé. Le gonflement disparaît. "He needs practice for everything, obviously," se moque Amycus, tandis qu’il entreprend de soigner ses propres blessures. Une longue œillade adressée à Alecto s’enquiert en silence de savoir si elle a besoin de son aide (il ne le formulera pas à voix haute, pas alors qu’il vient ouvertement de se foutre de la gueule de leur petit frère). "Shut up. You wouldn't be able to cast such powerful Reductos if it wasn't for me." Abram se recule un peu plus contre le mur, assis en tailleur. Il pose ses avant-bras en appui sur ses cuisses, la tête baissée, reprenant quelques forces. Amycus renifle, à moitié agacé, à moitié amusé.

"Will they come for us?" Abram est inquiet. Il regarde les aiguilles de pin entre ses jambes d’un air absent. "Maybe they heard our name… or saw our faces… - Gotta say, I didn't think they'd show up so soon. - Yeah well I guess that's what happens when you shoot a huge Dark Mark into the sky: one can see it for miles away." Amycus tourne lentement la tête vers Abram en arrêtant de se soigner, comme s’il allait se jeter à sa gorge. Abram se renfrogne et retourne regarder les aiguilles de pin. "Yes. Maybe they heard our name. Or saw our faces. So what? There are only two of them left. Don’t you worry baby brother, we'll take care of the matter since you're such a scaredy-cat." Amycus couve Abram d’un regard goguenard, le sourire lourd et caustique. Un sourire qui change quand il l’adresse ensuite à Alecto, survolté à l’idée de remettre ça avec elle, et elle seule. Abram pousse un soupir. Il tait la possibilité que les deux survivants soient allés chercher des renforts au Ministère. Amycus est un abruti. Et Abram n’a pas plus d’espoirs concernant Alecto. Il écrase sa main libre contre sa nuque et pétrit la tension contracturant ses muscles. L’autre fait rouler sa baguette dans sa paume de main. Amabella lui manque.

Alecto voit une humidité honnie dans les yeux d'Abram, une humidité qui lui rappelle Corban et sa faiblesse; si un pic de déception lui traverse le coeur, rien ne sort de sa bouche, pressée en une fine ligne pincée et austère. "Great. Thanks I guess. Also fuck you, bitch." La gêne d'Abram est infectueuse; rendue timide, sa grande soeur détourne les yeux en se redressant, fait mine de s'affairer ailleurs pour ne pas le regarder, s'assied dans la boue. "Fuck you too," marmonne-t-elle les joues rouges. Elle se relève, aidée par Amycus, laissant ce dernier le soin de s'occuper de leur jeune frère alors qu'elle s'ausculte rapidement elle-même, repassant magiquement les plis de son pantalon avec une attention peu caractéristique. "He needs practice for everything, obviously." Alecto ricane, jette à Amycus un regard par-dessus son épaule, "he's still so young," comme si Abram était absent. Elle ne peut pas s'empêcher d'éprouver un recoin de tendresse à cette déclaration; il est encore tellement jeune, et elle se souvient de l'impression étrange qui l'a prise quand elle l'a senti contre lui, grandi et osseux et âgé. Un vrai sorcier; son frère. Elle répond au regard d'Abram d'un froissement de nez: il s'approche silencieusement pour l'aider à guérir. "Shut up. You wouldn't be able to cast such powerful Reductos if it wasn't for me." Amycus et Alecto reniflent de concert; mais ne répliquent pas, parce qu'Abram a raison.

Ils reviennent l'un vers l'autre naturellement quand Abram est jugé en assez bon état, s'observent en chiens de faïence. Alecto retire une brindille des cheveux d'Amycus; il essuie un peu de sang le long de sa mâchoire. Tous les prétextes sont bons pour se toucher de mains moites et tremblantes, le rappel quasi-douloureux qu'ils sont en vie. Ils échangent un sourire secret.

"Will they come for us?" Les jumeaux se tournent de concert vers lui, en rabattant les pans de leurs capes autour d'eux: deux oiseaux de nuit qui finissent de récurer et arranger leurs plumages avant de retourner en chasse. "Maybe they heard our name… or saw our faces… - Gotta say, I didn't think they'd show up so soon. - Yeah well I guess that's what happens when you shoot a huge Dark Mark into the sky: one can see it for miles away." Les gestes d'Amycus se suspendent; Alecto enroule ses doigts autour de son poignet pour qu'il finisse son sortilège de récupération sanguine. Sa baguette passe au-dessus de ses côtes, qu'elle répare tout en soulageant ses nerfs, et Alecto soupire de soulagement. Elle fustige Amycus du regard quand la baguette effleure son sein; il sourit d'un air stupide, et elle ne peut pas s'empêcher de sourire légèrement en retour, satisfaite de le voir heureux  "It's a huge honour to fight underneath His mark," dit Alecto à l'adresse d'Abram, en se souvenant de sa présence. "Yes. Maybe they heard our name. Or saw our faces. So what? There are only two of them left. Don’t you worry baby brother, we'll take care of the matter since you're such a scaredy-cat. - Someone is so scawed of the bad guys, aww." Le sourire d'Alecto est plus franc quand le regard d'Abram revient sur elle. "Maybe this time we'll wear a mask." Cette idée la déçoit - elle aime tant voir l'euphorie contagieuse d'Amycus quand il se bat -, mais peut-être que c'est plus sûr. De toutes façons, les Aurors sont intervenus en hurlant leur nom...

Amycus finit rapidement de remettre sa soeur en forme, puis elle se charge de l'ausculter rapidement lui-même. Ils s'affairent, tournent en rond, finissent par s'avouer satisfait; Alecto se tourne vers Abram. "I trust you will find your way home and tell Mother we will be back for supper," fait-elle laconiquement. Amycus tire sur sa manche: il a envie d'y aller, mais pas au moins de l'interrompre. Alecto attrape une dernière vision d'Abram assis, défait, sans Amabella, si petit, si grand, si seul, si puissant. Elle ressent une haine si profonde à son égard, un mépris dévorant, jaloux. Et pourtant, elle se bat avec elle-même pour ne pas laisser avec lui un morceau de lumière magique, histoire que la nuit qui tombe ne lui fasse pas peur, et qu'il retrouve son chemin jusqu'à Carrow Manor sans encombres. "You did well today, Abram," dit simplement Alecto en se tournant vers Amycus, qui est déjà en train de transplaner. "The Lord will be proud." Mais jamais elle, promis, jamais elle.