DANIMUS #1 - everything's fine

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isn't it?
Ça fait combien de temps que Remus a cette petite routine, déjà ? Trois mois ? Quatre mois ? Quel jour on est déjà ? Ah oui, nouvelle année. Janvier. Il tourne sa tête vers le calendrier accroché sur le mur le plus proche de son lit. Ses pensées ont toujours du mal à se recentrer quand il se réveille. Il baille, s’étire avant de rejeter sa couverture et sortir du lit. Comme à son habitude, il masse sa nuque puis passe sa main dans ses cheveux. Par moment, il a encore la sensation dérangeante qu’il a du sang juste là, pile à cet endroit. Empreinte faite dans sa mémoire et qui est l’élément qui ressort beaucoup ces derniers temps. Souvenir brumeux du temps où il était prisonnier des Greyback.

Remus jette un œil sur le calendrier qu’il a fait à la main. Sur la case du jour, il a écrit don’t forget Dani, SR. Ça ne lui vient pas tout de suite ce que veut dire SR, mais il pense hybride, il pense loup-garou et ça lui revient. Il est à ça d’annuler, c’est toujours un peu éprouvant pour lui parce qu’il doit remuer des choses qu’il aimerait garder endormies. On lui a dit que c’était pour le bien de la guérison. Au fond de lui, il sait, mais il rechigne. Mais pourtant, il doit entraîner sa mémoire. C'est terrible d'oublier certaines choses et il a compris ça le jour où il s’est réveillé en se demandant qui était le gamin qui était venu le réveiller. Il a un fils. Teddy. Comment peut-il oublier quelque chose d’aussi essentiel ? Il a mal vécu ce moment. Surtout en se souvenant de la tête de Teddy quand il lui a demandé qui il était. Il n’a jamais voulu blesser son fils. Il l’aime beaucoup trop pour ça. Mais voilà, en voyant les cheveux du gamin devenir noir, il a compris. Teddy l’évite un peu. Et Remus aimerait avoir Sirius avec qui parler de tout ça. Sauf que voilà, Sirius n’est pas là. Il a disparu lui a-t-on dit. Disparu parce qu’il est parti à sa recherche tout seul (idiot).

Son cœur se serre en pensant à son meilleur ami probablement aux mains de l’ennemi. Est-il seulement encore en vie depuis le temps ? Il prend une profonde inspiration et ferme les yeux. Il ne faut pas qu’il y pense. Ça ne va pas le ramener. Ils n’ont aucun indice, aucune information. Juste Remus qui se torture continuellement, mène son enquête de son côté sans apercevoir une seule lumière au bout du tunnel. Il serre ses poings jusqu’à sentir le calme l’envahir. Il est réveillé depuis… quoi ? Vingt minutes ? Dix ? Et il est déjà en train de se morfondre, de trop réfléchir - comme d’habitude. Il fait travailler sa mémoire comme on lui a dit, mais c’est peut-être un peu trop, non ? Take it easy, man lui dirait Sirius. Yep, une étape à la fois.

D’abord une douche.
Puis un petit-déjeuner.
Récupérer du café pour Dani.
Et quand il est prêt : direction chez Dani.

Emmitouflé dans sa veste et sa grosse écharpe, il frappe à la porte du loup-garou et chasse la neige de ses chaussures avant que son ami ne lui ouvre. Remus lui sourit. “Salut Dani ! Il est tôt, je ne suis pas trop à l’avance j’espère ?” A vrai dire, il a oublié l’heure du rendez-vous, il s’est dit que s’il y allait le plus tôt possible, c’était le mieux, non ? Mais là, c’est peut-être un peu trop tôt. Il a du mal à déchiffrer l’expression sur le visage de Dani. “J’ai ramené du café.” Ajoute-t-il en montrant le thermos de café qu’il avait sous le bras. Il n’est plus si sûr que son ami en boit. Dans le pire des cas, ça en fera toujours une nouvelle tasse pour lui.

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L’hiver n’est pas tendre avec sa jambe boiteuse et l’humidité le fait grimacer abondamment, aujourd’hui, alors que l’ancienne fracture semble pulser de douleur. Douleur idiote, bénigne, qui ne l’empêche de rien faire, mais qui travaille son humeur calme d’entre les deux lunes. Heureusement, le travail le garde occupé. Quand ce n’est pas celui à l’Airlock, c’est celui auquel il s’est engagé auprès de quelques résistants, pour les talents développés avec les années. Aider à consolider les esprits, à en faire des armes affûtées ou des boucliers solides, ou tout simplement à calmer ce qui blesse. Apaiser le mal, les souvenirs nocifs, chercher ce qui est enfoui.

Dani doit dire qu’il aime bien cette partie de son travail.
Il y a quelque chose de doux dans le fait d’user de ses dons pour réparer, au lieu de détruire. Quelque chose de plus en phase avec l’homme qu’il est devenu, un contrepied de la bête, peut-être, un lien de plus avec son fils et sa propre oreille ouverte aux soucis des résistants.

Il est à peine réveillé qu’on frappe à la porte, un peu plus tôt que prévu. Ça ne le dérange pas outre mesure. « Si tu as du café, tu es tout excusé », déclare-t-il avec un sourire qui ne perd pas de son mystère. Il fait volontiers entrer Remus dans la maison de Sweet River qu’il partage avec son compagnon, son fils lorsqu’il passe dans la planque dédiée aux hybrides de l’Ordre et deux autres membres de la meute. Une colocation qui se passe sans trop d’accrocs, à peine ceux habituels entre lycanthropes, même ceux liés par le même alpha. À côté de ce qu’ils ont vécu à Gracefield, c’est un luxe, pratiquement des vacances. Tout le monde est ailleurs, ce matin, afin de laisser suffisamment d’intimité aux deux lycanthropes. Une denrée parfois rare, qu’importe la planque de l’Ordre, alors il vaut mieux en profiter.
Lorsqu’il fera beau, Dani espère pouvoir rencontrer Remus dans la nature, là où ils auront tout l’espace, tout le calme nécessaire.

Des armoires de la cuisine, deux tasses sont tirées des armoires et jugées rapidement du regard. Une araignée est chassée d’une pichenette du fond d’une des tasses, puis celle-ci est rincée afin de vérifier qu’aucune toile ne persiste dans le récipient. Il tend la main vers Remus afin qu’il lui passe le thermos, prêt à s’occuper du service. « Comment vas-tu ce matin, Remus ?, demande l’Auror, occupé à dévisser le thermos pour qu’aussitôt une délicieuse odeur s’en échappe. Un bonheur récupéré depuis la sortie de Gracefield et qu’il ne prend jamais pour acquis. As-tu rêvé, cette nuit ? » Bref regard bleu sur l’homme, avant qu’il leur verse à chacun une tasse.

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Remus sourit en retour, non sans ressentir un certain soulagement, lorsque son ami lui dit qu’avec le café tout est excusé. En entrant dans la maison de Dani, il ne peut s’empêcher de laisser son regard vagabonder sur l’intérieur de la maison comme à chaque fois, puis se laisse entraîner jusqu’à la cuisine. L’autre loup-garou s’y affaire, récupère des tasses, le thermos de Remus et tout en faisant le service lui demande comment il va. Une moue se dessine sur son visage, il hausse les épaules. “Je n’arrivais plus à dormir.” Qu’il tente pour expliquer son arrivée si matinale devant la porte de Dani. “Mais ça va.” Finit-il par répondre, son but étant d’être le plus honnête possible. “Et toi ?” Une nouvelle fois, sa main se porte à l’arrière de sa tête. Une nouvelle fois, la sensation du sang poisseux dans ses cheveux est là, mais il n’y a rien. Il est en sécurité. Il est avec Dani. Nous sommes toujours en janvier, Remus, tout va bien.

Dani verse le café dans les deux tasses et c’est ce bruit qui ramène le loup-garou à la réalité. Il esquisse un nouveau sourire lorsque son ami lui demande s’il a rêvé cette nuit. Ce n’est pas un sourire qui signifie je vais bien ou encore j’ai fait le meilleur rêve possible hier soir. C’est plutôt le sourire propre à Remus, celui qu’il a pris l’habitude de faire pour plaire aux autres, pour montrer qu’il est un homme (enfin homme…) docile, calme et mesuré et qu’il n’a pas des centaines de pensées à la seconde qui traversent son esprit (est-ce que je fais ça bien ? Est-ce qu’iels vont voir que je suis un loup-garou ? Est-ce que je suis un bon professeur ? Où suis-je ? Ah oui, Dani, le rendez-vous…) “Rêvé ? Oui… je crois.” Non, c’est sûr. C’est juste que son esprit s’embrouille et l’embrouille. Différencier le rêve du cauchemar et de la réalité, c’est toujours un exercice compliqué pour lui. Même s’il se doute bien que voir James ou Sirius ~~(ou Peter)~~ lui apporter des pancakes en tablier de cuisine fait plus partie du rêve que d’un souvenir lointain. Cette pensée l’amuse, il sourit un temps avant que ça ne se fane et qu’il reprenne son sérieux. “J’ai rêvé de la cage, encore. J’ai rêvé de la torture infligée par celle qu’ils appellent Fish, c’est comme les autres fois où je rêve de ça : ça fait mal et dès que mes doigts essayent d’effleurer les barres de la cage en argent, ça fait encore plus mal.” Il marque un temps d’arrêt et fixe sa tasse d’où une volute de fumée s’en échappe. Il fait une grimace se souvenant d’un détail désagréable. “Cette fois, ils m’ont fait boire de l’argent… et je me suis réveillé à ce moment-là. Je n’ai pas vu Sirius.” Sirius est toujours un sujet récurrent, il en parle beaucoup (par besoin plus que par envie). Remus a appris que ça ne servait à rien de garder les choses pour lui, si ce n’est qu’à alimenter ses songes.

Il relève enfin la tête pour croiser le regard bleu de son ami. Puis, comme à son habitude, il hausse les épaules. Il minimise toujours ce qu’il vit par ce simple geste qu’on peut aisément traduire par un boah t’inquiète, ça va aller. “Est-ce que ce genre de rêve finit par passer ?” s’entend-il demander alors qu’il connaît parfaitement la réponse. Il a déjà pensé à demander des potions de sommeil sans rêve, mais l’addiction qui pourrait en découler le fait freiner systématiquement.
Finalement, il porte sa tasse à ses lèvres pour boire une gorgée de café encore bien chaud. Il la sent passer dans son corps et frissonne un peu en sentant que ça le réchauffe. Enfin. “Et toi ? Tu rêves ?” Doit-il être le seul à se prêter à l’exercice ? Dani doit aussi avoir ses propres démons qui se rappellent à lui une fois la nuit tombée.

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Il a l’oeil pour les détails. Le regard rodé par les interrogatoires, les criminels, les innocents. Le métier a la vie dure et l’ancien Auror sera toujours policier. Il remarque la posture, le geste répété vers le crâne, les épaules qui se haussent, la moue qui ne dit rien de plus que le “ça va” évasif offert par Remus. La Legilimancie a cela de particulier que c’est un don chatouilleux, aisément provoqué ― à pouvoir plonger dans l’esprit des sorciers, on veut toujours le faire, creuser la moindre pensée, le plus petit sentiment, explorer ce qui échappe et tout connaître, tout savoir, débusquer les secrets. Don d’autant plus tenu en laisse, plus que ne le sera jamais sa lycanthropie.
Remus dit qu’il va, alors il va.
« Outre l’humidité, ça va. »
Dani tape légèrement sa jambe boiteuse.
Lui aussi, il va.

Le sourire du lycanthrope devant lui est sage et vide de tout sentiment. Aucune ride ne se dessine aux coins des yeux de Remus. Le Mirabal est content que l’homme lui raconte son rêve, qui tombe dans la catégorie de ceux récurrents, trop réels. La cage d’argent, Fish, la douleur, la mort. L’absence, aussi, d’une figure qui souvent revient dans les songes. Le haussement des épaules se répète ― le Lupin tourne et retourne dans ses manières évasives. « Est-ce que ce genre de rêve finit par passer ? La réponse est désagréable, mais honnête : Oui et non. Ils sont moins fréquents et cela prend du temps. » Il pourrait être encore plus direct et dire qu’ils ne sont même pas proche de le libérer de ces cauchemars, mais Dani préfère être positif.

« Et toi ? Tu rêves ? Un sourire léger, qui lui non plus n’atteint pas ses yeux. Moins qu’à Gracefield, mais j’accuse le couchage de ne pas avoir été optimal, là-bas. » Comme souvent, le lycanthrope renvoie les questions ailleurs, y répond sans trop y répondre. Le sorcier de l’esprit a perdu l’habitude de la sincérité. Comment peut-il exiger cela de Remus et lui-même s’enfuir à l’ombre d’une question personnelle, d’un soupçon de nécessaire vulnérabilité ? Le lycanthrope n’est pas qu’un… patient, pour le dire un peu crûment : c’est un ami. Il est supposé être ouvert, avec ses amis. Il soupire pour lui-même et reprend sa réponse, cette fois-ci avec plus de sérieux : « Je rêve de Gracefield. Il s’humecte les lèvres et fixe sa tasse de café. Les chasses, mais surtout le… le reste. La vie de tous les jours. Le froid, la faim, les assemblées. La pleine lune. »

Dani fait un signe vers le salon, afin qu’ils soient un peu plus confortables. Au moins lui, avec cette affaire de jambe, comme on a précédemment dit. La cheminée craque d’un feu éternel qui baigne la pièce à vivre d’une chaleur tranquille, bienvenue. Il s’installe dans son fauteuil préféré avec un soupir de bien-être et étend devant lui la jambe jadis blessée, afin d’en dénouer les articulations. Le café est délicieux. « Plusieurs savants moldus se sont intéressés au rêve. Des psychanalystes. Ils ont cherché ce que pouvaient signifier les rêves, pour leurs patients, s’ils révélaient quelque chose de caché, ou d’involontairement dissimulé. Il y a beaucoup à dire sur le père de la psychanalyse et la mémoire de ses enseignements autant que de ses méthodes, mais il est impossible de nier les grandes percées menées par l’Autrichien à l’héritage controversé. Ce serait un amalgame de vécu, de désirs, de peurs, de fantasmes. De passé, de présent et de futur. Ce qu’on en attend comme ce qu’on en craint, et tout ce qu’il y a entre les deux. » Ou, pour les véritables voyant·e·s de leur monde, parfois même d’un réel futur qu’il reste ensuite à interpréter.

Quelques secondes passent avant qu’il parle à nouveau : « Je rêve que Chris, mon ex, me chasse à Gracefield. Il a la même tête que lorsqu’on s’est rencontré en ‘79, avec toutes ses… magnifiques boucles. Le sourire est tendre, au souvenir des gamins qu’ils étaient. Lorsqu’il m’attrape, il m’annonce que tout est fini entre nous. La moue s’est lentement fanée et l’expression se fait plus mélancolique. Il ne me tue jamais. » Il meurt tout de même chaque fois. Une autre gorgée de café. « Aurais-tu voulu voir Sirius, dans ton rêve ? »

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