octobre 2006 | Gracefield

C'est le froid qui l'a réveillée. Le froid et l'odeur de la pluie. Dan-bi se redresse en grimaçant, les membres engourdis. Son lit lui manque un peu, il est littéralement à l'autre bout de la Terre et ce n'est même pas le cadet de ses soucis. Elle glisse ses pieds nus dans une paire de chaussures trouées et pleine de boue avant de se diriger silencieusement vers la sortie. Les autres occupants de l'abri semblent endormis, il y en a même un qui ronfle - bruit devenu familier - et ça la rassure un peu (si ils peuvent dormir, c'est qu'ils sont sûrs d'eux). Elle, elle n'a quasiment pas fermé l'œil de la nuit et les cernes finissent de lui creuser son visage amaigri (le régime de Gracefield encore plus efficace que le crétois). Dehors, ses yeux se lèvent instinctivement vers le ciel pour tenter d'y apercevoir l'ersatz de lune qui finit de se coucher. Elle ne voit qu'une chappe de nuages d'un gris foncé (il a plu dans la nuit, il repleuvra bientôt). Dan-bi est faible, presque nauséeuse et l'étendue d'eau qui entoure l'île lui hurle de s'y plonger avant de se laisser dériver (honnêtement, elle n'arriverait même pas à se transformer en dauphin).

Elle traîne des pieds sur le sentier qui mène au rivage, grignotant un biscuit tout mou d'humidité (elle en a d'autres dans sa poche, pour après). La couverture qu'elle a gardé sur ses épaules ne la réchauffe pas tout à fait et elle envie très sérieusement les otaries et leur réserve de graisse leur permettant d'éviter l'hypothermie. Dan-bi a juste la peau et les os (trop efficace le régime de Gracefield), même pas le moral (peut-être qu'elle n'a pas vu la lune parce qu'il y en a pas). Les pierres sont glissantes sous ses pieds et elle loupe de peu la cheville foulée. Floppée de jurons en Jeju, un oiseau s'envole sous ses yeux en piaillant, mécontent d'avoir été dérangé. Aegiya lui manque (sa fille aussi, toujours).

L'odeur de la mer lui prend les narines avant même que la selkie ne l'aperçoive. Son pas se fait plus rapide à mesure qu'elle s'en approche pour finir en course quasi-désespérée. La couverture tombe en chemin, tout comme la brune délaisse ses chaussures et le reste de ses vêtements avant de plonger dans l'eau avec toute la grâce qu'il lui reste. Le froid lui coupe le souffle mais pourtant, pour la première fois de la journée, Dan-bi est bien. Elle prend une longue inspiration avant de s'immerger entièrement, descendant jusqu'à frôler le sable puis direction le large. On ne voit rien à cause des vagues qui soulèvent le fond et elle ne peut que deviner les algues qu'elle frôle et les poissons qui l'évitent. Le manque d'oxygène achève de brouiller sa vision alors elle remonte à la surface avant de reprendre son souffle et replonger.

Quand elle ressort enfin, elle ne peut que constater qu'elle n'est plus seule sur la plage. Elle grelotte jusqu'à sa couverture dans laquelle elle s'enroule avant de se diriger vers l'autre, sourire aux lèvres. "Ca fait longtemps que tu es là ?" Peut-être que oui, peut-être qu'Irene est là depuis avant même Dan-bi, qu'elle ne l'a juste pas remarquée, trop pressée de rejoindre l'eau salée. La brune s'assoit à côté de la vampire, resserrant la couverture autour d'elle (pourvu qu'elle sèche dans la journée, elle en a marre de dormir sous une couverture humide (mais elle ne croit plus aux miracles)). Du ciel gris qui devient plus menaçant, son regard passe au bleu-vert d'Irene (couleur lac, on pourrait y plonger). "Tu ne devrais pas être trop embêtée par le soleil aujourd'hui." Dix points pour Dan-bi qui, elle, est embêtée : synthétiser un peu de vitamine D ne lui aurait pas fait de mal. Elle soupire, yeux se perdant dans les vagues, hésite à poser sa tête sur l'épaule de la vampire, comme si clore les paupières quelques instants lui permettrait de rattraper ses heures de sommeil manquantes.