4 janvier 2008, Pandora's Circus | Ça fait quelques semaines maintenant que t'as rejoint le cirque. Cet univers tout en couleurs qui jure avec ton humeur naturellement maussade. Pourtant, t'es bien forcée d'admettre que contrairement à toute attente, tu détestes pas l'endroit. Tu te souviens du premier jour où t'as débarqué ici avec tes gros sabots. L'envie de partir en courant dès que tu passes le portail, parce que toutes ces lumières et tous ces bruits t'agressent, te filent le tournis et un sale mal de crâne. T'as tout de suite pensé que tu tiendrais pas deux jours et pourtant te voilà, sept heures du matin et déjà debout (une Greyback??? levée avant 10h ???). Faut dire que les gosses qui gèrent l'endroit sont plutôt attachants et que contrairement aux sous-sols puants des Warlocks, ici ils ont l'air d'être une vraie famille, un truc qui te rappelle la meute sans pourtant rien à voir avec. Mais ouais, c'est une famille et c'est sans doute ça qui te retient ici. L'espoir d'en retrouver une. Une qui se barrera pas cette fois.

Tu te dis que Nadja aurait adoré cet endroit. Bien plus que toi c'est certain. Et même qu'elle aurait sans douté déjà songé à un numéro à proposer aux gamins et que toi tu serais là à la regarder, les bras croisés, l'air de trouver ça ridicule, à peine trahie par le petit rictus qui barrait toujours tes lèvres quand elle était là, parce que y a rien qu'elle puisse faire que t'aurais trouvé ridicule. Mais tu sais qu'elle serait contente pour toi. Qu'elle t'encouragerait à rester. Alors tu restes, parce que comme ça elle découvre cet endroit avec toi.

Le matin, t'as pas grand chose à faire. Tout le monde s'entraîne autour de toi, répète son numéro et comme toi, bah c'est pas vraiment ton fort de jouer les acrobates, tu te contentes de déambuler au milieu de tous ces étranges personnages, un air mi-curieux mi-sceptique face au spectacle qui s'anime autour de toi. Le soir, en revanche, tu joues les bulldogs à l'entrée et t'assures que tout se passe bien pendant la prestation. Et puis, y a certains soirs où tu retournes au Dancing Phoenix, pour pas perdre ton mordant, parce qu'on peut pas dire que tu sois souvent amenée à te battre par ici.

T'arrives au bout d'une rangée de tentes, les deux pattes fourrées dans les poches de ta veste en cuir - t'es le genre de personne qu'a tout le temps chaud, même en hiver - et t'avises bientôt le travail de Yongwang, une sorcière qu'est arrivée à peu près en même temps que toi. Tu la vois gesticuler avec ses mains devant de gigantesques... bulles d'eau ?? Tu sais pas trop. Enfin ça a l'air incroyable et bien hors de protée de tes propres compétences magiques. Tu siffles. “ Impressionnant. ” T'arrives à sa hauteur, les mains toujours dans les poches. Tu fais un geste du menton en direction des bulles. “ C'est pour ton numéro ? ”

Tu connais pas des masses la sorcières, tu sais juste qu'elle est pas loin d'avoir ton âge et forcément, ça te fait du bien de pas être la seule adulte du groupe (oui, ils sont tous adultes, mais ça reste des gamins). Tu sais aussi que tu la vue à Gracefield, ce jour-là, et que c'est pas par hasard si elle est ici. Et c'est pas pour rien non plus que tu réalises, en y voyant de plus près, que les bulles ont pas l'air de tenir autant que tu le croyais. “ Toujours ta magie qui déconne, hein ? ” Foutue île et foutu bordel. Tu t'estimes bien chanceuse de pas avoir vécu là-bas. T'as déjà suffisamment perdu en une nuit.

La bulle éclate à ses pieds. Comme la précédente, celle d'encore avant et la dizaine d'autres qui les a précédées. Elle contemple un instant le sable de la piste absorber la flaque qui s'est formée avant d'agiter de nouveau les mains. L'air se condense devant elle en une nuée de gouttes d'eau qui finissent par se rassembler pour ne former plus qu'une masse informe. Dan-bi a les bras tendus vers elle, ils tremblent un peu sous l'effort, comme si ils portaient tout le poids de la bulle imparfaite. Ils ne fléchissent pas - Tao compte sur elle, elle lui a vendu un numéro après tout - et les sourcils se froncent de concentration. Bientôt une bulle se détache de la première, puis une deuxième, puis une troisième et elles ressemblent presque à des sphères. Elles s'élèvent peu à peu vers le sommet du chapiteau et leurs ombres dansent sur la piste, donnant au sable des reflets iridescents. C'est joli songe Dan-bi, c'est aussi tout juste la première étape du projet et elle a déjà du mal à s'y tenir. Le découragement vient la prendre à la gorge, la magie flanche, tout s'écroule dans un splash et elle en pleure presque de contrariété.

Mais Dan-bi n'en fait rien, ses yeux sont secs depuis des mois, préfère de nouveau lever les bras pour refaire jaillir la masse d'eau, puis les bulles. L'essentiel est de se concentrer sur leur surface - parfois, elle se dit qu'elle devrait juste se contenter de bulles remplies d'air, ce serait plus léger - et tant pis si ça ne ressemble pas vraiment à une sphère, si les contours sont aussi tremblants que ses bras, tant que ça tient. Un peu à son image en somme, plus ou moins fragile, plus ou moins viable mais vivante. Et toujours incomplète. Sa mer lui manque, ses proches aussi. Elle veut des nouvelles d'Herbert mais n'en reçoit pas. Elle voudrait envoyer des nouvelles à ses proches mais n'y arrive pas. Pour leur raconter quoi d'abord ? Qu'elle est vivante depuis tout ce temps ? Plus les jours passent et plus elle culpabilise de les maintenir dans l'ignorance (et moins elle arrive à s'approcher du moindre bout de parchemin, de toute façon, le courrier est intercepté, hein ?).

"Impressionnant." Toutes les bulles descendent d'un cran - elles ne tombent pas totalement et c'est un quasi-miracle - alors que Dan-bi sursaute. Le regard qu'elle lance à la nouvelle venue tient de la bête traquée. Elle n'aime pas que l'on arrive dans son dos (elle a peur, elle revoit le regard fou de Carrow peser sur sa nuque) et son sourire a du mal à se décrisper. "Impressionnable" corrige-t-elle car ses petits aquariums flottants sont loin de la mer à boire. "C'est pour ton numéro ?" La brune acquiesce, pas comme si c'était secret défense (pas comme si ça marchait). Son cœur a arrêté de battre à la chamade - c'est la gardienne des lieux, pas Carrow - et Dan-bi se relâche, l'enchantement aussi, peu à peu. "Toujours ta magie qui déconne, hein ?" Il suffit de le dire pour que les bulles éclatent presque simultanément, arrosant les deux femmes et le sable d'eau glacée.

Toute penaude, Dan-bi s'empresse de faire évaporer la flotte de leurs cheveux et vêtements (le sort marche, ouf). "Oui, toujours ma magie, - sourire contrit - vraiment désolée pour la douche... Mais la pleine lune est pour bientôt alors j'espère que ça ira mieux" provisoirement (inutile de le préciser à haute-voix). D'un geste machinale, elle gratte le triangle bleu qui lui orne la joue. "J'essaie de me rendre utile mais ce n'est pas gagné" qu'elle explique en riant (en réalité, elle a peur d'être un poids mort, c'est pour ça le numéro, pour ne pas penser à autre chose aussi). "Je vais peut-être finir par monter la garde à tes côtés qui sait. Ce serait encore moins brillant !"  Quoiqu'elle a appris deux-trois choses à Gracefield (quand elle n'est pas figée de terreur) mais Dan-bi n'a aucune envie d'approfondir le sujet.

A peine tu prononces tes foutus mots que les bulles éclatent et vous aspergent en s'écrasant à vos pieds. Tu rechignes pas en sentant l'eau s'infiltrer dans tes vêtements, pas plus que tu ne te sens coupable d'avoir provoqué l'échec. Après tout, c'est pas ton problème si sa magie déconne. “ Oui, toujours ma magie, dit-elle en se séchant avec un air contrit. ” Tu hoches la tête en sortant ta baguette, histoire de te débarrasser de l'eau, toi aussi. “ Vraiment désolée pour la douche... Mais la pleine lune est pour bientôt alors j'espère que ça ira mieux. ” Tu grognes, parce que tu la sens toi aussi, la pleine lune qui approche. Sauf que pour toi, elle arrive avec son lot de mauvaises nouvelles : sens décuplés, impulsivité accrue, et bien sûr une transformation que tu maîtriseras pas parce que t'as plus accès au tue-loup depuis bien longtemps. Tu souffles, laissant tes yeux accrocher le triangle bleu calqué sur la joue de Yongwang. Tu sais pas trop à quoi ça correspond, cette couleur, mais tu parierais sur un truc lié à l'eau, parce que t'es pas encore assez bête pour ne pas faire le lien entre le bleu et sa passion ostensibles pour le milieu aquatique. T'as juste pas rencontré beaucoup d'hybrides, en dehors de ceux de la VB et des quelques péquenauds qui traînent comme toi au Dancing Phoenix. Et vu ton assiduité en cours, ça t'étonnerait pas que t'aies manqué le cours sur les sirènes ou tu ne sais trop ce qu'elle pourrait être d'ailleurs. “ J'essaie de me rendre utile mais ce n'est pas gagné. ” Tu laisses échapper un rictus. “ J'suis pas sûre que noyer l'assemblée soit très utile en effet. ” Tu dis ça avec un sourire narquois, mais pas méchant. Vous êtes tous dans le même bain après tout. Paumés. Sans savoir sur quel pied danser ni comment vous trouver une place. Ça a ça de réconfortant, vous êtes pas tout seuls à être tout seuls. “ Je vais peut-être finir par monter la garde à tes côtés qui sait. Ce serait encore moins brillant ! ” Ton regard glisse sur ses bras. Clairement pas taillés pour la bataille. Alors avec une magie qui déconne... “ T'façon on va pas dire qu'y est beaucoup d'action par ici. ” On pourrait presque déceler une pointe de regret dans ta voix, mais ce serait mentir que de dire que tu n'apprécies pas un peu de calme, après les récents événements. “ Suffit d'froncer un peu les sourcils pour montrer qu't'es pas là pour enfiler des perles et puis t'attends. ” Et le temps se fait souvent long, surtout pour toi qui as pris l'habitude de courir pour survivre, de te battre pour gagner ton steak et de grimper sur ta moto pour souffler un coup. Attendre les bras croisés c'est pas trop ton truc. Mais en même temps, c'est quoi ton truc aujourd'hui ? “ Ça manque d'une bonne bière j'préfère prévenir. ” Tu souris à nouveau, de ce demi-sourire qui atteint jamais tes yeux. Puis tu fais un coup du menton en direction de là où se tenaient les bulles. “ C'est quoi l'concept ? P't-être que j'peux t'aider qui sait ? ” Non pas que tu sois douée pour ce genre de choses. Non pas que t'aies la moindre fibre artistique ou la prétention d'être capable de former des bulles qui volent mais t'es seule, et elle est seule, et peut-être que ça te fait du bien de parler à quelqu'un qui a connu Gracefield, et sans doute pire que toi.

"J'suis pas sûre que noyer l'assemblée soit très utile en effet." Un rire un rien rouillé s'échappe des lèvres de Dan-bi. Elle s'imagine la foule de spectateurs dégoulinants sur le sable de la piste et si la scène est drôle, cela reste un très mauvais numéro de cirque (mais peut-être qu'elle n'est pas capable de mieux). A y réfléchir, elle n'a jamais rien eu d'une artiste : elle chante faux, dessine mal et qu'on ne lui mette surtout pas un instrument de musique entre les mains ; vigile lui correspondrait peut-être mieux. "T'façon on va pas dire qu'y est beaucoup d'action par ici. - Et c'est pas pour me déplaire" qu'elle souffle. De l'action, elle en a eu plus que pour une vie ou deux (et pas de l'action particulièrement stimulante, plus de l'action qui donne envie d'en finir définitivement avec les courses-poursuites et autre prouesse athlétique) alors garder un endroit jamais attaqué, ça ne lui semble pas si mal. "Suffit d'froncer un peu les sourcils pour montrer qu't'es pas là pour enfiler des perles et puis t'attends." Dan-bi s'exécute, fronce les sourcils une poignée de seconde en prenant l'air menaçant (ou du moins tente) avant de rire de nouveau. Elle n'a aucune illusion : elle sait qu'elle n'est pas impressionnante, encore moins qu'avant même, avec ses kilos en moins et son air toujours plus mélancolique. A la limite, si on vient vider un bidon d'essence dans une rivière juste sous son nez, elle s'énervera et fera un petit peu peur. Sinon... "On pourrait la faire good cop, bad cop." Et ne compter que sur le bad cop pour la sécurité, cela va s'en dire (ou peut-être pas uniquement, elle sait se défendre, elle ne serait pas là sinon mais elle n'est pas toujours certaine d'en avoir envie). "Ça manque d'une bonne bière j'préfère prévenir." Ramener des bières de sa prochaine expédition à la supérette moldue, noté (elle se sent un peu comme une nouvelle élève ramenant des bonbons pour se faire des amis mais - surtout - elle aime l'impression d'abondance de nourritures et autre qu'elle a quand elle entre dans le magasin).

"C'est quoi l'concept ? P't-être que j'peux t'aider qui sait ?" Ah oui, le numéro. Dan-bi sourit et, un instant, ses yeux reflètent autre chose qu'une pointe de tristesse. Elle fait des grands gestes en expliquant son plan, seule chose de laquelle elle ne doute pas (elle doute juste de ses capacités à l'exécuter et d'elle en général). "Alors tu voix, j'veux faire léviter de grandes bulles d'eau puis plonger de l'une à l'autre un coup sous forme humaine et un coup sous forme de..." - elle cherche le mot anglais quelques instants - "... dauphin ! Puis faudrait que les bulles montent et descendent dans une sorte de spirale mais je suis pas encore certaine du mouvement... en spirale peut-être ?" Elle trace un hypothétique parcours dans le sable mouillé avec la pointe de son pied. "Avec la bonne musique et le bon éclairage, ça pourrait être bien." Du moins, Tao le lui a dit, mieux qu'un dauphin qui fait du trapèze ou autre proposition beaucoup trop acrobatique pour les facultés de Dan-bi. "Mais faut que je trouve la musique, l'éclairage et que je m'en sorte avec ses foutues bulles !" Et avec sa magie en général. Dan-bi soupire, efface le dessin au sol avant de dévisager son interlocutrice quelques instants. Son regard lui rappelle un peu le sien quand on enlève le côté un rien menaçant et elle se demande ce que Cerberus a fui en rejoignant le cirque (ils fuient tous quelque chose non ?). Elle ne pose pas la question - trop personnel et potentiellement douloureux - et préfère repenser à ses bulles. Elle tourne ses mains vers le sommet du chapiteau et doucement, du sable humide sortent des gouttes d'eau. "T'as des idées de numéro toi ?"

Quand Yongwang se met à serrer les poings et froncer les sourcils, t'as plus l'impression de faire face à un caniche constipé qu'à un dogue affamé. Tu ricanes, c'est cute, et puis elle a pas l'air de se faire d'illusion (en même temps...). “ On pourrait la faire good cop, bad cop. ” T'acquiesces avec un rictus. C'est sans doute mieux comme ça en effet. “ J'cracherais pas sur un peu d'compagnie, ça c'est sûr. ” Enfin, surtout si la compagnie n'est pas du genre à bavasser pendant des lustres. Le silence, ça te va bien aussi. Ça te manque juste de pouvoir commenter les tenues absurdes qui te passent parfois sous le nez, ou d'avoir quelqu'un avec qui trinquer ta bière. Tu penses un instant à Fish et à ce qu'elle dirait devant tout ce cirque - littéralement. T'entends parfois sa voix traînante ricaner devant les justaucorps et les paillettes, et se foutre ouvertement de ce que t'es devenue - un chien de garde pour pseudo-artistes. Ça te fait du bien de l'imaginer à tes côtés quand la nuit se fait trop longue et que t'as plus que la lune à regarder, une boule au ventre à chaque fois qu'elle se rapproche d'un cercle parfait. T'imagines Balls aussi, tu l'imagines assis à côté de toi, à l'entrée du cirque, un bière à 50 cents à la patte, de l'essence au creux des griffes. Ça te fait te sentir moins seule un instant, moins en décalage avec tout le reste.

Ton regard se pose à nouveau sur la sorcière (celle qui est vraiment là avec toi, pas les fantômes d'une autre vie regrettée). Elle a une lueur dans les pupilles quand elle t'explique avec de grands gestes les beaux projets qu'elle a pour son numéro. Les bras croisés, tes sourcils se lèvent un peu plus au fur et à mesure qu'elle parle. “ Alors tu vois, j'veux faire léviter de grandes bulles d'eau puis plonger de l'une à l'autre un coup sous forme humaine et un coup sous forme de... dauphin ! Puis faudrait que les bulles montent et descendent dans une sorte de spirale mais je suis pas encore certaine du mouvement... en spirale peut-être ? ” Wow. Okay. Sure Jan. T'as des yeux ronds comme des os à moelle alors qu'elle te trace ladite forme du bout du pied. “ Avec la bonne musique et le bon éclairage, ça pourrait être bien. ” Ta tête part en arrière, comme si t'encaissais un coup. “ Ça... s'rait carrément impressionnant même. ” Et clairement à mille lieu de ce que t'as pu observer en arrivant, mais tu vas t'abstenir d'un commentaire. “ Mais faut que je trouve la musique, l'éclairage et que je m'en sorte avec ses foutues bulles ! ” Tu hoches la tête. Y a pas grand chose que tu puisses faire pour l'aider malheureusement, tu doutes que tes goûts musicaux tirés de la playlist du PMU de Ploucville-les-Bourbiers en Picardie soient le genre de la maison, ou que tu sois suffisamment éclairée toi-même pour proposer des jeux de lumière. Quoi qu'il en soit, tu te fends d'un petit encouragement, parce que c'est pas toi qui irait pondre un truc pareil. “ Hâte de voir le résultat... J'ai clairement pas l'cerveau pour arriver avec une idée pareille. ” Rictus. “ J'suis sûre que ce s'ra super. ” Non pas que tu sois la mieux placée pour avoir un avis sur le sujet. “ En dauphin en plus ? T'es genre un... animalus, c'est ça ? C'est pour ça qu'on... ” Tu finis pas ta phrase mais désignes d'un geste le triangle sur ta propre joue. Tu savais pas que les animalus étaient aussi pistés par le Ministère. En même temps, est-ce que ça t'étonne ?

“ T'as des idées de numéro toi ? ” Tu ricanes un peu trop fort - Tic et Tac (tu sais que tu devrais pas les appeler comme ça mais ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau et sautent partout) se retournent d'un mouvement pour te jeter un regard curieux. “ Désolée mais... J'pense pas avoir la fibre pour tout ça. ” Tu jettes un regard autour de vous, aux nombreux acrobates et jongleurs et chanteurs et dresseurs d'abraxans. “ Moi tout c'que j'sais faire c'est filer des coups et prendre soin d'ma bécane. ” Et courser les autres hybrides, mais ça t'as pris ta retraite. “ J'suis pas sûre que les combats d'hybride, c'soit l'genre d'la maison. ”

cw. dépression (mention)

Les lèvres de Dan-bi s'étirent jusqu'à esquisser son habituel sourire un peu lointain, sincèrement contente que l'idée plaise. Plus qu'à réussir à la mettre en place, détail non négligeable. Mais la femme a dit impressionnant et super alors les joues de l'hybride rougissent de contentement et elle se garde bien de préciser qu'il ne vaut mieux pas avoir son cerveau. Elle ne souhaite les journées clouée au lit - les yeux fixés au plafond et l'impression que rien que de lever le petit doigt réclame un effort surhumain - à personne (elle a oublié qu'avant les Battues, cela allait bien).

"En dauphin en plus ? T'es genre un... animalus, c'est ça ? C'est pour ça qu'on..." Froncement de sourcils. Animalus ? Elle y aurait plutôt mis un "G" mais c'est elle l'allophone alors c'est elle qui doit se tromper. "Oui oui, animalus marsouin aptère - à deux doigts de balancer le nom scientifique - et non, ce n'est pas pour ça - elle désigne le triangle bleu sur sa joue, elle a presque les yeux qui rigolent - enfin je crois pas. Il leur faudrait beaucoup de couleurs pour tous les animaux si ils marquaient aussi les animalus !" Parce que mettre la même couleur à un animagus girafe et à un animagus crapaud, ce serait une offense. "Ma mère était selkie" explique-t-elle d'un ton rêveur, revoyant cette dernière faire la planche dans les rouleaux de l'océan (une des dernières images que Dan-bi a d'elle). D'où le bleu du triangle sur son visage, choix de couleur presque trop évident (par contre, pourquoi le marron pour les loups-garous ?).

L'eau que Dan-bi a extrait du sable d'un mouvement de poignet reste sagement à léviter. Cela fait comme de la pluie en suspension et la brune se concentre pour ne pas que tout s'écrase, sans pour autant assembler les gouttes en bulle. Comme ça, ça l'entraine tout en la laissant continuer sa conversation. "Désolée mais... J'pense pas avoir la fibre pour tout ça." Hochement de tête, elle non plus ne le croyait pas au départ mais Tao avait fini par la convaincre. Puis un peu envieuse des autres artistes, un peu à la recherche de sa place, elle a décidé de s'y mettre (elle aussi veut un costume à paillettes). "Moi tout c'que j'sais faire c'est filer des coups et prendre soin d'ma bécane. J'suis pas sûre que les combats d'hybride, c'soit l'genre d'la maison." Grimace. "Oh, ils font ça aussi." Il y a tout le dégoût du monde dans sa voix alors que ça ne devrait même pas l'étonner : ils ont inventer tout un système pour tirer les prisonniers comme des lapins alors bien sûr qu'ils font des arènes avec des hybrides.

"T'as quoi comme moto ?" préfère demander Dan-bi, pour éloigner le sujet des combats d'hybrides. Elle n'y connait pas grand chose. Sa seule expérience sont les balades à l'arrière d'un scooter pour aller à la plage, bras passés autour du torse du conducteur (le père d'Iseul), cheveux au vent et tongs aux pieds. Elle sait juste que les gens aiment bien parler de leurs passions et qu'elle aime bien les entendre (pas pour rien qu'elle est restée écouter Lottie lui parler de ses lance-pierres pendant beaucoup trop longtemps), que c'est un des trucs qui lui a fait tenir le coup à Gracefield (que presque personne ne la lance sur les océans parce que personne ne veut un monologue de trois heures sur les salauds d'humains qui polluent la mer rien qu'en existant).

“ Oui oui, animalus marsouin aptère. ” C'est un dauphin ça ? Pour pas avoir l'air trop bête, tu hoches la tête d'un air convaincu, comme si t'avais déjà entendu ce nom quelque part, bien que ton regard perplexe ne trompe personne. “ Et non, ce n'est pas pour ça, enfin je crois pas. Il leur faudrait beaucoup de couleurs pour tous les animaux si ils marquaient aussi les animalus ! ” T'as un court rictus. Certes. T'avais pas pensé à ça. Puis ça aurait aucun sens de mettre du bleu pour un animalus fourmi. “ Ma mère était selkie. ” C'est donc pour ça. T'as déjà entendu parler des êtres de l'eau, t'en as déjà rencontré quelques uns sans jamais avoir une discussion complète avec eux. T'as donc pas une idée très précise de ce en quoi ça consiste. Juste une image un peu floue de sorciers·ères à queue de poisson et au langage étrange. T'aimerais bien poser quelques questions d'ailleurs mais tu t'as peur de mettre les pieds dans le plat comme ceux qui te demandent si tes enfants seront aussi des loups. Alors comme souvent, tu préfères le silence.

“ Oh, ils font ça aussi. ” Le dégoût dans sa voix t'arrache un sourire railleur. Ouais, ils font ça, comme ils font une île où les prisonniers sont pris en chasse tous les mois, comme ils font des expérimentations douteuses sur les hybrides, comme ils parquent les nés-moldus dans une école où on leur apprend à être des moins que rien. “ Faut pas croire, c'est un bon moyen de s'faire des gallions faciles. ” Tu hausses les épaules. “ C'est p't'être pas l'idéal, et ils s'font du pognon sur not' dos, mais y a une bonne ambiance. Et puis ça défoule. ” Ton regard se voile quelques instants, ta tête embuée de souvenirs divers de Garfield et de Tali et des autres. “ Mais ouais... Ils font ça aussi. ” Tu repenses à Nadja. Tu sais pas pourquoi, peut-être parce qu'elle est morte à cause d'eux aussi, et que t'as jamais eu ta vengeance. Peut-être parce que si t'as fini sur ce ring, c'est parce que tu l'as perdue.

“ T'as quoi comme moto ? ” Heureusement, Yongwang te tire de tes pensées et bientôt le regard de Nadja s'efface pour laisser place à celui de ton interlocutrice. “ Tu t'y connais en moto, tu demandes, surprise mais pas déçue. Une Softail Standard, j'sais pas si tu vois ? Un cruiser classique de 1982 d'chez Harley. Un beau bijou. ” Puis, emportée par l'enthousiasme de parler de ton bébé (certains ont des chats, toi tu as une moto), tu proposes comme si ça l'intéressait vraiment : “ J'pourrais t'la montrer si tu veux. ” Et elle aura intérêt à te dire que c'est le plus bel engin du monde. Ça fait tellement longtemps qu'on t'a pas parlé moto. Depuis Balls, t'as pas trouvé qui que ce soit pour partager ta passion, encore moins des femmes.

Ton regard se perd au loin quelques instants. Il fait grisâtre, comme souvent en Grande Bretagne, mais ces derniers temps, il te semble ne plus avoir vu le soleil depuis des lustres. Distraitement, tu demandes : “ On dirait pas que ce nuage se rapproche ? ” Les sourcils un peu froncés, t'observes l'épais nuage gris planer dans votre direction. Tu jurerait qu'il n'a rien de naturel. Néanmoins, comme tu n'as rien d'une experte météo, tu finis par reposer tes yeux sur la sorcière. Après quelques secondes d'hésitation, tu demandes : “ Comment ça s'passe... depuis ton retour? ” Tu sais que c'est pas forcément un sujet qu'elle a envie d'aborder et t'espères qu'elle se forcera pas. T'as juste le sentiment que tous ceux qui reviennent de Gracefield sont suivis par une aura de solitude et de détresse. Toi t'as plutôt l'habitude de fonctionner en meute, alors t'es pas du genre à laisser quelqu'un sur le carreau.