Après le cataclysme des Battues, la poussière est retombée sur le Fawkes Learning Centre comme une première neige, enveloppant toute l'école d'un épais manteau de silence désespéré. Obelia se souvient très vaguement des fantômes qui hantaient les couloirs d'Hogwarts - c'était il y a très longtemps, et elle n'y est pas restée assez longtemps pour s'y faire des souvenirs impérissables - et elle a souvent regretté que la Fawkes n'ait pas un équivalent.
Elle regrette cette pensée maintenant: après Gracefield, beaucoup des résistants qui hantent encore l'école sont un peu comme des fantômes.

Les cours ont repris, progressivement. Ils semblent presque futiles à Obelia, désormais. Maintenant qu'elle a vu de près ce que pouvait faire la magie, et ce dont elle-même était capable, il lui est bien difficile de rester assise dans une salle de cours à écouter un professeur ou un autre déblatérer la théorie derrière tel sortilège ou l'histoire derrière tel évènement. Elle aimerait rejoindre le troisième cercle de l'Ordre et devenir une vraie sorcière. Ça fait quatre ans qu'elle a sa majorité sorcière. Elle a survécu jusque là. Elle en est capable, elle sait qu'elle peut être utile - comme tous les gamins, où les adultes de son âge qui n'ont jamais eu droit à leur enfance, Obelia se sent invincible.

Ou alors très petite. Comme en cet instant précis, après avoir sautillé à travers la Fawkes jusqu'à la chambre de Sweeney, quand elle ouvre la porte et le découvre en train de fourrer ses affaires pêle-mêle dans son sac.

Obelia reste un moment interdite alors qu'il se retourne, et elle sent son coeur faire une envolée désagréable dans sa poitrine. "Who's that?" Obelia lâche la poignée de la porte pour s'avancer timidement, ramenant contre sa poitrine le livre de magie qu'elle tenait jusque là. Elle se sent soudainement timide et mal à sa place, comme si elle venait d'interrompre une scène qu'elle n'était pas sensée voir. "Is it only ye, wee yin? - Just me, yeah. I have this Transfiguration homework and I thought maybe you could help..." Elle fait un autre pas dans sa directement avant de s'arrêter, réprimant l'envie de se mettre sur la pointe des pieds pour regarder ce qu'il fait par-dessus son épaule - mais l'état de la pièce lui indique pour elle ce qu'elle vient de surprendre.

Il y a quelque chose comme de l'embarras qui s'infiltre dans ses veines, et qui explose dans sa poitrine sous la forme d'une colère titanesque et ravageuse. Obelia se sent rougir et se force à inspirer profondément, si bien qu'elle est à bout de souffle quand elle parvient à trouver ses mots: "Are you leaving?"

Elle n'a pas besoin de confirmation pour savoir que c'est la vérité. Obelia savait que ça finirait ainsi - la loyauté de Sweeney ne va pas à l'Ordre, apparemment, et certainement pas à elle. Le fait qu'il soit en train de partir en catimini lui rappelle Cat, qui s'est cassé du jour au lendemain il y a quelques semaines, et le coeur d'Obelia se brise une nouvelle fois dans sa poitrine en repensant au profond sentiment de vide qu'elle ressent depuis. What does it matter to care about people if they're always leaving? "You... errr... need some help packing?" demande-t-elle sans enthousiasme, en essayant de taire la petite voix misérable qui ne demande qu'à se jeter à ses pieds pour le supplier de rester.

"No need to." Obelia sent son coeur plonger dans sa poitrine à une vitesse affolante qui lui coupe la respiration. "I huvnae got much. - Right." Obelia comprend le refus de son aide comme ce qu'il est de la part de Sweeney: une mise à distance directe et catégorique, parce qu'il s'en va et qu'ils ne vont jamais se revoir et qu'il n'aurait même pas eu la décence de lui dire au revoir si elle ne l'avait pas trouvé par hasard. Embarassée et confuse, elle baisse les yeux et les garde rivés sur le sol, en se demandant quand est-ce que les dalles en pierre sous ses pieds vont avoir la décence de l'avaler toute entière et la faire disparaître de la surface de la Terre.

Un silence s'installe, puis s'étire. Obelia essaye de rassembler la force de s'exprimer sans que sa voix ne la trahisse mais elle sent déjà des larmes embarrassantes lui monter aux yeux, alors elle se tait et demeure immobile.
Peut-être qu'une part d'elle aimerait qu'il dise quelque chose. Qu'il lui dise qu'il va l'aider pour son devoir, et qu'il va rester, et qu'il était en train de faire une erreur. Noah l'a trop habituée à une loyauté sans faille et inconsidérée; c'est de sa faute stupide si elle l'attend de la part de tout le monde.

"'am not in a rush. I can still help ye with it .. if ye want me to." Obelia pince des lèvres, relevant les yeux non pas vers les siens, mais vers son menton. Il y a quelque chose de rassurant au menton ridé et abîmé de Sweeney, qui ne porte pas la dose d'affection qui la ferait s'écrouler en cet instant précis. Obelia se rend compte qu'elle n'en a rien à foutre de son devoir de Métamorphoses. Ce n'est pas exactement ce qu'elle cherchait au contact de l'irlandais. "Or ye can say whit ye want to tell me." Cette fois son regard grimpe jusqu'au sien. "Are ye mad? - No." Évidemment que si. La vérité, c'est qu'Obelia n'a pas envie de s'énerver. "I mean, yeah. I mean, you know. I mean. Uh." Elle rougit en détournant le regard, recalant une mèche de cheveux blonds décolorés derrière son oreille.

Elle est énervée mais, surtout, elle se sent stupide, ridicule et naïve. "I just, I mean, you... you..." Elle renifle en sentant quelque chose de salé et de piquant lui remonter dans le nez, et se loger derrière ses sinus et le bord soudainement brûlant de ses yeux. "D-do you really have to go?" Sa voix se brise et Obelia sent des larmes amères lui couler le long des joues, mais elle ne bouge pas d'un millimètre, tout son corps crispé pour ignorer la soudaine décharge émotionnelle physique. "Can you- can you take us with you?"